[SF] Les Seigneurs de l'Instrumentalité, de Cordwainer Smith

Un peu de repos dans ce monde à 200 km/h. Y a-t-il plus grand plaisir que de lire et relire son livre de chevet ? Parle-nous donc ici de tes coups de coeur littéraires, ainsi que de tes BD & Comics favoris.

Modérateur : Ero-modos

pyjama
Jounin
Messages : 1543
Inscription : mar. 02 août 2005, 18:37

[SF] Les Seigneurs de l'Instrumentalité, de Cordwainer Smith

Message par pyjama »

Les seigneurs de l'Instrumentalité, de Cordwainer Smith


Couvertures :

Image Image Image Image


Résumé :

A travers 27 nouvelles et un roman, Cordwainer Smith balaye ici plus de 15 000 ans du Futur. Mais il ne le traite pas de manière linéaire, ceci n'est pas l'Histoire du Futur, il choisit plutôt de nous en raconter les légendes, les anecdotes qui nous donne un aperçu depuis une époque encore plus lointaine.

La première nouvelle se déroule pendant la guerre froide, dans le camp des Russes. Rogov est un éminent savant soviétique qui travaille sur la mise au point d'une arme à telepathie. Mais en testant celle ci, il a capté des images du festival de Danse Inter-Monde de l'an 13582 et la beauté de ce spectacle lui a fait perdre l'esprit.
Cependant, le mythe du Futur a commencé plus tôt. Lorsque vers la fin de la Seconde Guerre Mondiale, de jeunes allemandes, les soeurs vom Acht, ont été lancées dans l'espace, en hibernation dans des fusées, afin de leur sauver la vie. Elles ont retrouvé la Terre quelques milliers d'années plus tard. Celle ci a évidemment beaucoup changé, et la seule nation qui existe encore est la Chine dont les chefs, les Jwindz, gouvernent l'ensemble de l'humanité à coup de tranquilisant. L'arrivée des soeurs vom Acht va permettre la création d'un mouvement contestataire et l'exil des Jwindz.
Et c'est alors que fut créée l'Instrumentalité du Genre Humain : elle n'a plus pour but de servir les hommes, mais l'Humanité.

A partir de là, l'homme s'est tourné vers les étoiles, et c'est le vrai début de la conquête spatiale. Les premiers à parcourir l'univers ont été les Sondeurs. Les Sondeurs qui doivent mourir en tant qu'hommes puis renaître machines pour supporter la Grande Douleur de l'Espace et qui dès lors souffrent de la nostalgie de la mort.
Ont ensuite été mis au point les voiliers de l'espace, aux immenses voiles photoniques. Mais si les passagers hibernent tout le long du voyage, les marins de l'espace passent 40 ans de leur vie à atteindre Nouvelle Terre.

Mais la véritable conquête de la galaxie n'a été rendue possible que grâce à la découverte de l'Espace², et à la création des vaisseaux planoformes. Et cela, toujours sous le contrôle de l'Instrumentalité qui veille à ce que l'humanité demeure humaine.

Une autre grande découverte a été celle du stroon, une drogue qui rallonge l'esperance de vie jusqu'à 400 ans. Les travaux déplaisants sont alors assurés par les robots et les sous êtres, des animaux génétiquement modifiés avant leur naissance pour être se rapprocher de l'homme en terme d'intelligence et de morphologie.

Mais vivotant ainsi, sans contraintes et sans danger, l'homme s'ennuie et l'Instrumentalité a du instaurer la Redécouverte de l'homme. C'est le retour des noms à la place des numéros, le retour de la maladie et des accidents...

Un autre mouvement qui a fortement marqué ce millénaire, et sur lequel Cordwainer Smith s'est relativement étendu, c'est la révolte pacifique des sous-êtres, à travers des figures comme D'jeanne, la fille-chien martyre, ou C'mell, la femme-chat... Jusqu'à ce que les sous êtres aient eux aussi des noms et des droits.


Mon avis :

Cordwainer Smith est le pseudonyme de Paul Myron Anthony LINEBARGER, espion américain en Chine, spécialiste en géopolitique, théoricien de la guerre psychologique... A voir son CV, on ne pouvait pas imaginer qu'un tel homme écrirait un des cycles les plus humains et lyriques de ce qui m'a été donné de lire en SF.

Et pourtant ce qu'on retient le plus de ce futur, c'est la beauté. Bien que toutes les nouvelles ne soient pas aussi réussies, l'ensemble donne une impression à la fois de grandeur et de poésie. Tout en restant simple.
Un exemple? Dans la nouvelle La Dame aux Etoiles, Hélène d'Amérique, candidate au poste de marin des étoiles, demande à Monsieur Plugris, marin de retour de Nouvelle Terre, à quoi ressemble sa planète et il lui réponds que "là bas, tu ne me croiras pas, mais parfois l'océan est trop froid pour que l'on puisse y nager"

Cordwainer Smith ne se soucie pas du tout d'une quelconque rigueur scientifique ou d'une évolution politico-sociale crédible, il veut surtout transmettre des scènes chocs, frappantes. C'est en cela que ce cycle se rapproche le plus de légendes, car contrairement à ma tentative de résumé, les nouvelles ne suivent pas à un déroulement linéaire, mais vont s'attacher à des personnages clés, à des épisodes marquants. Cela donne un effet décousu, un ensemble de touche de couleur qui donnera ensemble un apercu de l'immense tableau de ce futur.
Celui ci n'aura certainement jamais lieu, mais ça n'a aucune importance. L'auteur l'a rêvé, il ne tient qu'à nous de le partager. Je sais que je en suis pas prête d'oublier des personnages comme les Seigneur Jestocot, C'mell, T'ruth, Mercer, Casher, les chattons de la mère Hitton, la descendance Vomact, Rod, D'jeanne, Helene d'Amérique; E'teleki...

Bref, pas d'une lecture toujours facile, mais bien sûr, je vous le conseille, ça vaut le voyage!


Extraits :

Dans le roman Nostralie, un adolescent, Rod, n'a d'autre choix que d'acheter la Terre afin de se protéger :
– J'ai eu quatre enfances et si j'étais resté en dessous des standards, on m'aurait envoyé à la Chambre Hilarante. Mais le tribunal m'a condamné à vivre. Je suis adulte, héritier de la Station de la Fin du Monde et citoyen de la Norstralie. Que peut faire l'Onseck ?
– Attendre que vos papiers soient en règle. Ensuite, vous faire arrêter comme propriétaire dangereux.
– Peux-tu arrêter l'Onseck, cher ordinateur ?
– Pas sans arrêter tout le monde avec lui.
– Et comment faire pour arrêter tout le monde ?
– Mettre la Norstralie en faillite, acheter la Vieille Terre elle-même, puis négocier à vos conditions.
– Alors, achetons la Terre.
– Répétez après moi : Je soussigné Rod McBan hypothèque le mouton Sweet William pour la somme de cinq cent mille crédits...


Dans la nouvelle La planete Shayol, cette planète sert de pénitencier. Une maladie locale leur fait pousser des membres en excès qui sont ensuite récupérés par leur geolier :
Le désert était vide, autour de lui. Il ne pouvait tourner la tête pour regarder la cabane. Est-ce cela ? pensa-t-il. Une éternité de douleur est-elle le châtiment de Shayol ?
Il perçut des voix à proximité.
Deux visages d'un rosé grotesque se penchèrent sur lui. Ils pou­vaient avoir été humains. L'homme semblait assez normal, à part deux nez côte à côte. La femme était une invraisemblable carica­ture. Un sein lui était poussé sur chaque joue et un essaim de doigts nains pendait à son front.
« C'est une beauté, dit-elle. Un nouveau.
— Venez », dit l'homme.


Dans Les sondeurs vivent en vain, le code des sondeurs :
... Et quand les premiers hommes à aller dans le Grand Extérieur arrivèrent sur la Lune, que trouvèrent-ils ?
— Rien ! répondit le chœur silencieux des lèvres.
— Aussi allèrent-ils plus loin, jusqu'à Mars et Vénus. Si les vais­seaux partaient tous les ans, jamais, jusqu'à l'An Premier de l'Espace, ils ne revinrent. Alors, un vaisseau revint avec le Premier Effet. Sondeurs, je vous le demande, qu'est-ce que le Premier Effet ?
— Personne ne le sait. Personne ne le sait.
— Personne ne le saura jamais. Trop nombreuses sont les variables. Comment connaissons-nous le Premier Effet ?
— Par la Grande Douleur de l'Espace, dit le chœur.
— Et par quel autre signe ?
— Par la nostalgie, ô la nostalgie de la mort !
Arakasi
Gennin
Messages : 462
Inscription : dim. 11 sept. 2005, 09:57

Message par Arakasi »

Excellents bouquins en effet!

Je les avais lu dans une vieille édition qui trainait sur une étagére de mon oncle, mais je me rappelle y avoir pris énormément de plaisir.^ ^

Les nouvelles sont trés diversifiées et passent par tous les ton: comique, absurde, tragique, euh... trés dérangeant. Ta présentation était trés compléte (ce qui est assez difficile difficile pour un livre mosaique comme "les seigneurs de l'instrumentalité") et je ne vois pas trop qu'ajouter...

Cela va faire un bout de temps que j'ai lu ce livre, mais je me rappelle que j'avais beaucoup aimé l'épisode La planéte Shayol et tous ceux en rapport avec la révolte des sous-humains (avec un faible pour l'histoire d'amour jamais réellement commencé entre le seigneur Jestocot et la femme-chat C'mell).

Bonne chance pour le versus!
Image
Répondre