Nouveau chapitre Msieurs dames!
J'ai manqué de temps pour l'écrire car j'ai eu pas mal de boulot ces temps-ci mais avec de la persévérance...
J'avais l'intention d'écrire cette partie depuis un bout de temps. Assez difficile à écrire, je vous laisse deviner pourquoi.
Et je sais que je suis une grande malade, inutile de me le signaler
Bonne lecture!
CH20 : Vie brisée.
« Mais défends-toi, petit imbécile ! Défend-toi donc ! »
La lame s’abattit dans un sifflement, fauchant les hautes herbes jaunies par le soleil, manquant de peu sa cible qui esquiva d’un bond désespéré. L’enfant glapit de terreur et recula en trébuchant aussi vite qu’il le pouvait. Mais on n’est pas bien rapide sur des frêles jambes de bambin et le coup suivant le cueillit en pleine poitrine, l’envoyant roulé à terre. Le plat seul de la lame avait frappé et la chair ne fut pas entamée mais le choc suffit à lui couper le souffle, étranglant les sanglots qui lui déchiraient à la gorge.
Il se roula en boule, suffoqué, mains sur le visage dans une tentative futile de protection.
Voulut parler, supplier. Mais les paroles lui manquèrent également et les larmes l’aveuglèrent à nouveau, dérobant à sa vue son cruel agresseur. Un coup de pied bien placé l’envoya valser à nouveau dans la poussière.
Les cailloux lui lacérèrent les mains alors qu’il reculait précipitamment, fuyant encore, fuyant toujours, fuyant les rugissements féroces, les yeux de glace étincelants, les sabres acérés qui frappaient, coupaient, fendaient l’air. Des sabres qu’il connaissait si bien, oh si bien. Des sabres qu’il avait tant de fois caressé avec respect et délice, aimant à sentir leur douce fraîcheur contre ses paumes. Des sabres qu’il avait vu manier si souvent, non pas pour tuer, non pas pour cisailler, déchirer et mordre la chair, mais pour sculpter habilement de ces délicates figurines de bois que l’on offre parfois aux enfants de cinq ans. Le dernier en date avait été un petit cavalier de frêne, à la hallebarde plus fine qu’une épine de ronce, au cheval aux longues jambes effilées. La trop fragile lance s’était brisée tandis qu’il s’essayait pour la première fois à le faire galoper dans les fougères. Il en avait pleuré de frustration.
Il avait à présent bien d’autres raisons de pleurer.
« Tu ne comprends donc pas ? Réagis, aux noms des enfers ! REAGIS ! »
Pourquoi ? Oh, pourquoi ?
Le gamin sanglota, se traîna au sol en geignant. Un hideux cauchemar, il ne pouvait s’agir que de cela. Rien d’autre ne pouvait expliquer cette explosion de violence et de sauvage colère. Il n’avait pourtant rien fait de mal, n’avait rien brisé ni abîmé, n’avait pas pourchassé les oiseaux qui nichaient dans les buissons qui bordaient la maison ni même cherché à dérober leur nid. Et de tels larcins communs à tout gamin un peu espiègle et curieux ne lui avaient jamais attiré qu’un sermon vaguement amusé, voire une légère taloche. Alors pourquoi ?
Pourquoi me fais-tu mal ? Pourquoi me frappes-tu ?
« Si tu ne te défends pas… » martela la voix grave si terriblement familière.
Un claquement sec et la pointe d’acier se planta dans le sol, frôlant presque au passage son visage strié de larmes. L’enfant leva un regard apeuré par l’incompréhension sur l’homme qui se dressait de toute sa taille devant lui, ombre noire et menaçante qui lui dérobait le soleil, obscurcissant le monde de sa rage concentrée. Deux paires d’yeux bleus se croisèrent, du même bleu pâle, bleu de glacier, si surprenants en de tels climats, si parfaitement identiques.
« Si tu ne te défends pas… JE VAIS TE TUER ! »
Il voulut hurler de terreur mais n’aboutit qu’à un gémissement horrifié. Même à ce moment, même alors que l’adulte s’avançait à grands pas dans sa direction, il refusait d’y croire, refusait de penser que celui-ci puisse réellement désirer sa mort. Pas lui. Pas cet homme-là. Cet homme qui, la veille encore, se vautrait volontiers dans l’herbe à ses côtés pour l’écouter déblatérer des histoires sans queue ni tête sur de courageux ninjas et de terribles dragons, l’encourageant d’un sourire, riant de ses maladresses et compatissant gentiment aux malheurs du cavalier à la hallebarde fracassée.
Mais il n’était plus question de rires ou de plaisanteries.
Plus question de soldats de bois.
Les yeux qui le toisaient ne reflétaient à présent qu’une noire colère, une terrible envie de sang et de meurtre. L’adulte carra les épaules et dans un grondement, éleva à nouveau les deux armes jusqu’à hauteur d’épaules.
Les mots jaillirent enfin, gargouillis lamentable :
« Papa… Je t’en prie, papa… Arrêtes, ne me fais pas de mal… Papa… »
Un légère hésitation, l’ombre d’un ébranlement sur le visage impassible penché sur lui. Puis les mains armées se raffermirent. L’homme écarta les jambes, assura son coup.
Une femme cria :
« TESHIRO ! NOOON !!! »
Et son père se figea dans un sursaut, sabres toujours brandis.
L’enfant recroquevillé le vit détourner le regard, le poser sur la jeune femme livide immobile sur le seuil de la maison, vit ses lèvres bouger, formant silencieusement un nom.
« Kisura… »
Il se haïssait de faire cela.
Haïssait chacun de ses gestes, chacune de ses paroles, chaque coup, chaque injure. Etait consumé par le dégoût le plus intense qui l’ait jamais envahi depuis l’instant où il s’était éveillé ce matin, un goût de pourriture dans la bouche, le cœur empli d’une noire certitude.
Je n’ai pas le choix. Je devrai le faire tôt ou tard. Cette année ou la suivante, ce mois-ci ou le prochain, aujourd’hui ou demain.
Je n’ai pas le choix.
Les yeux mi-clos, allongé sur le dos, Teshiro avait contemplé en silence les premiers rayons du soleil se glissant furtivement par la fenêtre entrouverte de la chambre, s’efforçant de se convaincre qu’il n’y avait effectivement aucune autre solution et qu’il saurait lui-même se montrer assez fort pour la mener à bien, faire ce qui devait être fait. Difficile. Presque aussi difficile que de brandir le sabre sur son propre fils, sa propre chair.
Quand sa femme avait ouvert les yeux à ses côtés, cheveux ébouriffés et visage brouillé par le sommeil, il avait trouvé la force de sourire, ignorant la nausée qui lui tordait brièvement l’estomac. Il l’avait attirée à lui, l’avait embrassée, une main effleurant affectueusement un sein découvert.
« Bonjour mon amour… » Et Kisura lui avait rendu son sourire, s’était pelotonnée un instant contre lui avant de se dégager un peu regret.
« Plus tard » avait-elle murmuré et il avait protesté pour la forme, le cœur douloureusement noué.
Comme il était facile, si facile de mentir aux gens que l’on aimait…
Teshiro avait suivi des yeux la jeune femme alors qu’elle descendait la colline, se dirigeant vers le village que l’on pouvait entrapercevoir en contrebas à moitié dissimulé par les replis du paysage, petite bourgade isolée et pacifique de la province d’Iwa. Il l’avait regardée disparaître au tournant d’un bosquet, avait attendu encore quelques longues minutes supplémentaires, terrifié à l’idée qu’elle puisse changer d’avis, revenir sur ses pas et remettre cette excursion à un autre jour. Mais elle n’en avait rien fait.
L’homme aux cheveux sombres s’était alors détourné, s’était vivement dirigé vers la petit maison isolée au milieu des bois et en avait tiré sans un mot le gamin surpris.
« Qu’est ce qu’il y a ? Pourquoi maman est partie sans moi ? Moi aussi je veux aller au village ! Moi aussi je veux… »
Puis l’enfant s’était mis à gémir, à pleurer. Teshiro avait vu l’angoisse et l’incrédulité envahir le regard bleu et innocent et il n’avait jamais été aussi proche de flancher, de laisser tomber les armes, de tomber lui-même aux genoux du bambin pour le réconforter, l’enlacer. Il ne l’avait pas fait.
Pas le choix… Je suis désolé mon petit. Oh tellement désolé. Puisses-tu un jour me pardonner.
L’enfant trébucha et s’effondra au sol.
Des yeux embués de larmes se levèrent vers lui.
« Papa… Je t’en prie, papa… Arrêtes, ne me fais pas de mal… Papa… »
Ses jambes tremblèrent un instant sous lui mais les sabres s’élevèrent tout de même, implacables.
Une femme cria.
Teshiro fit volte-face, abasourdi. Il ouvrit la bouche pour parler, se justifier, bredouiller il-ne-savait-quoi exactement mais le regard que lui jeta la jeune femme pâle comme un linge le paralysa, bloquant un instant jusqu’à sa respiration haletante. Un regard glacial, si froid, si froid… Un regard qui jugeait et condamnait sans pitié ni merci et où régnait une peur terrible. Peur de la bête. Peur du monstre. Du démon. Ses forces lui manquèrent et sa vision se troubla. Le monde qui l’entourait vacilla sur ses frondaisons.
Oh non, pas elle. Je vous en supplie pas elle aussi !
Il aurait du parler, aurait du courir vers elle pendant qu’il en était encore temps. Il en fut incapable. Pas plus qu’il ne songea à l’arrêter quand elle se précipita vers le garçonnet en pleurs pour l’emmener dans ses bras, courant vers la sécurité de la cabane. Fuyant. Fuyant loin de lui. Teshiro reprit enfin ses esprits et se jeta à leur poursuite. Une pierre le fit trébucher, la même qui avait déchiré les tendres mains de son fils quelques secondes auparavant, et il s’étala à plat ventre, visage frappant durement la terre.
« Kisura ! Je t’en supplie, Kisura ! Attends… Je vais t’expliquer… Je… Je… KISURA ! » tenta-t-il.
Trop tard. Bien trop tard. Et la porte d’entrée claqua avec violence, un claquement qui résonna dans tout son être, vibrant et féroce, emprunt d’une sinistre fatalité.
L’homme se releva difficilement, essuyant machinalement le sang qui commençait à couler sur son visage jaillissant d’un sourcil fendu par le choc. Les montagnes boisées tournoyaient autour de lui, bondissaient en tous sens dans une folle sarabande. Il tituba puis se remit à courir au risque de s’effondrer à nouveau. Un effort bien inutile, la porte était à présent solidement fermée.
Au désespoir, Teshiro envisagea un instant de l’enfoncer avant d’y renoncer, terrorisé en songeant à la réaction que pourrait susciter une telle entrée. Ils partiraient. Ils s’enfuiraient. Ils l’abandonneraient et il se savait incapable d’endurer cela, de les perdre tous deux à jamais.
Fou que tu es ! Fou ! Fou ! Fou ! Tu les as déjà perdu… Jamais, jamais elle ne te pardonnera…
Mais il ne pouvait y croire, ne pouvait l’accepter. Peut-être était-ce stupidité, peut-être était-ce lâcheté, refus de reconnaître la réalité mais il ne pouvait s’y résoudre, ne le pourrait jamais. Il avait trop besoin d’eux, de leur amour, de leur confiance. Tambouriner de toutes ses forces contre le bois ne lui apporta aucun soulagement et il s’effondra à genoux, épuisé presque sanglotant.
« Ecoute-moi… souffla Teshiro aux planches malmenées. S’il te plait… S’il te plait… Ecoute-moi juste un instant, je vais tout expliquer ! Kisura… »
Le silence seul lui répondit.
Un instant il se crut bel et bien sur le point de fondre en larmes, chialant comme un nourrisson. Mais cette envie se dissipa, remplacée par un abattement écrasant. Comment ? Comment avait-il pu s’imaginer un seul instant qu’elle lui pardonnerait ? Quelle femme ferait une chose pareille ? Quelle mère ? Il ne sut trop ce qui le poussa à continuer d’une voix morne et basse, sans espoir d’aucune clémence. Pouvait-il raisonnablement en attendre une ? L’homme qui s’attaque à son propre enfant mérite-il la moindre pitié ?
« Je devais le faire… Pour lui. Pour toi. Pour moi. Oh mon Dieu, pour lui ! Pour Shonto ! Je devais savoir… Savoir si… si… si il était comme…
moi. »
Ces derniers mots lui déchirèrent la gorge et ses ongles raclèrent la bois usé. Pas un son ne s’éleva. Pas même une insulte ou une malédiction.
« Si il y avait eu un autre moyen… Oh, n’importe lequel… Mais il n’y en avait pas. Il n’y en avait pas ! On ne pouvait pas savoir autrement… Il était trop jeune pour haïr. La peur… C’était le seul moyen. Le seul. La terreur, la panique, le choc. Oh si tu savais… Si tu savais comme je m’en veux… »
Teshiro appuya son front contre la porte, tremblant de tous ses membres.
« Mais je ne pouvais pas attendre. Vivre dans la peur et dans l’incertitude chaque jour… Je ne pouvais pas. Et toi non plus. Comment aurais-je pu t’imposer cela alors que tu endurais déjà ce que j’étais ? »
Un craquement bas et la porte s’ouvrit.
L’homme agenouillé et la femme debout sur le seuil échangèrent un long regard, tout deux immobiles, tout deux muets. Lui, la gorge sèche, ne pouvait émettre le moindre son. Elle ne disait mot, son regard sombre abaissé gravement sur son époux.
Au bout d’un temps qui lui sembla durer une éternité, elle soupira.
« Est-il… ? » finit-elle par murmurer.
Teshiro déglutit, réussit à émettre :
« Non. Il… C’est un petit garçon. Juste un petit garçon comme les autres. »
Un silence. Un si long silence…
La jeune femme ferma un bref instant les yeux, un frisson la parcourut.
« Il n’y avait vraiment aucun… ?
- Aucun, répondit-il dans un souffle. Je… Je suis navré. Tellement, tellement… »
- Non » le coupa-t-elle d’une voix ferme.
Et Kisura Nihame s’accroupit lentement et noua ses bras autour des épaules de son mari, glissant son visage au creux du cou de celui-ci. Teshiro sentit son haleine tiède lui caresser la joue et des larmes chaudes inonder son épaule, imprégnant ses vêtements tandis qu’elle ajoutait doucement:
«C’est moi qui suis désolée. Je te demandes pardon. »
L’enfant dormait.
Son souffle régulier s’élevait dans la pénombre, si calme, si apaisé. Un rayon de lune se glissait furtivement par un volet mal refermé effleurant le visage blanc et lisse enfoui parmi les plis de l’oreiller. Un visage sans ombres ni duretés, tout en rondeurs enfantines, un peu trop pâle mais ce n’était peut-être qu’une illusion due à la lumière nocturne ou son propre esprit qui lui jouait des tours. Tant de tranquillité… Tant de douceur… Comment cela pouvait-il être possible ? Après les hurlements, la peur et les coups, comment pouvait-on dormir aussi paisiblement ? Comment pouvait-on seulement trouver le sommeil ?
Les enfants cicatrisent vite, ils savent oublier, chasser de leur esprit les sombres souvenirs, les gifles et les injures. La réalité se dissipe dans les brumes du sommeil et ne laisse au matin que le vague souvenir d’un mauvais rêve. Une faculté fascinante et tellement, tellement enviable.
Un mouvement léger, engourdi par le sommeil et le drap glissa à terre, révélant le corps à moitié nu du petit garçon. Teshiro se pencha en avant doucement, lentement pour ne pas éveiller l’enfant endormi. Les pieds de sa chaise grincèrent sourdement sous son poids et il s’immobilisa, hésitant. Un faible soupir s’éleva de la paillasse surélevée.
La main de l’adulte se remit en mouvement, ramassant le drap pour en recouvrir le gamin, survola l’hématome violacée qui s’étalait sur la maigre poitrine sans oser le toucher. Shonto ne bougea pas, ni même ne frémit.
Comme cela dort bien un enfant de cinq ans.
Dors mon petit. Dors et oublie si tu le peux. Et si oublier est impossible, alors pardonne… Pardonne-moi. Un jour peut-être tu comprendras. Du moins, je l’espère. Je l’espère…
Un frôlement se fit entendre dans son dos. Il ne se retourna pas, écouta les pas légers qui s’approchaient. Ne dit mot quand deux mains s’appuyérent sur ses épaules, effleurant sa nuque au passage. Teshiro rejeta la tête en arrière et adressa un vague sourire à la jeune femme. L’œil grave, visage bronzé à moitié dissimulé par sa chevelure brune et abondante, traits calmes et fermes, Kisura Nihame resta impassible.
Son époux détourna les yeux.
Un court silence suivit entrecoupé par les soupirs étouffés du petit dormeur.
« Je t’ai effrayé. »
Une simple constatation énoncée avec un calme qu’il s’étonnait de pouvoir encore conserver. Un fait simple et dur qu’elle ne tenta d’ailleurs pas de nier.
Il n’eut pas besoin de lever les yeux pour deviner son léger haussement d’épaules.
« Tu m’as terrifiée.
- Kisura, je suis si… » commença-t-il
Elle l’interrompit :
« Nous avons déjà parlé de cela. Je ne te reproche rien. Et entre nous… »
Une nuance taquine s’introduisit soudainement dans sa voix, aussi inattendue qu’un rayon de lumière perçant un ciel d’orage. Un rire étouffé, réellement amusé. Un petit miracle qui le laissa bouche bée tandis qu’elle achevait :
« … Qui eut la plus belle terreur aujourd’hui ? Toi ou moi ?
- Kisura… »
Teshiro tenta bien de continuer mais les mots s’étranglèrent au fond de sa gorge le laissant désemparé et muet. Elle souriait à présent. Il le savait. Il connaissait si bien ce sourire, avait cru un instant en être à jamais privé. Une pensée insupportable, inhumaine.
« Et la peur t’as ôté tout sens de la répartie, continua-t-elle de ce ton si particulier où se mêlaient à part égale gravité et légèreté. Si ce n’est pas malheureux…»
Les mains posées délicatement sur ses épaules s’activèrent, caressant et massant ses muscles contractés, descendant jusqu’au bas de son dos pour remonter en serpentant le long de sa colonne vertébrale. L’homme immobile frissonna. Teshiro tendit le bras et saisissant le poignet de sa femme, l’attira face à lui. L’obscurité ne lui permettait pas de distinguer clairement ses traits mais il ne lui sembla pas y lire la moindre surprise.
« Que suis-je pour toi ? » demanda-t-il.
Un demi-sourire presque imperceptible à la faible lumière de la lune.
Plus de gravité que de légèreté dans le ton :
« Mon mari. Mon amant. Le père de mon fils. Quoi d’autre ? »
Teshiro prit une profonde inspiration, libéré de la sensation d’oppression qui n’avait cessé de comprimer sa poitrine depuis son éveil, sensation dont il ne mesurait que maintenant la douloureuse emprise. Il trouva enfin la force de rire avec elle, porta la main qu’il tenait toujours à ses lèvres, en baisa tendrement la paume fraîche et douce sous ses doigts.
« Je t’aime.
- Je le sais » énonça-t-elle calmement
Et de rire à nouveau tout bas, tout en repoussant d’une caresse la main qui se posait sur sa hanche et cherchait à l’attirer.
« Mais tu m’aimeras aussi bien hors de la chambre de ton fils, ne penses-tu pas ? ajouta-t-elle. Tu ne voudrais pas le réveiller, n’est-ce-pas ? »
Il acquiesça.
Bras glissé autour de la taille souple de son épouse, Teshiro la reconduisit à l’entrée de la chambre d’enfant, non sans prendre le temps de s’arrêter sur le seuil pour fermer soigneusement la porte derrière lui. La main posée sur la poignet, contemplant une dernière fois le petit endormi, il esquissa un demi-sourire et se laissa aller à un soudain élan d’optimisme. La pensée lui vint que peut-être… peut-être en n’avait-il enfin fini avec la crainte et la fuite, qu’il avait eu plus que sa part de rejet et de mépris et que cette chose idyllique et fugitive que les niais imbéciles nomment le bonheur lui était enfin accordée. Peut-être…
« Que croyez-vous donc être ? Un ninja ? Un homme ? Un être humain ? Si vous pensez vous illusionner longtemps, vous vous trompez. »
Son sourire se figea.
Il se détourna un peu trop vivement, suscitant un regard inquiet de Kisura. Son compagnon la rassura d’un murmure et l’enlaça à nouveau. Pendant quelques secondes le visage enfoui dans la chevelure de sa femme, Teshiro Nihame se laissa aller à penser que pour une fois Meiyamoto Ohira avait fait erreur.
Comme il est facile, si facile de s’aveugler soi-même.
* * * * * * * * * * * * * * * * * *
La pluie tombait sans interruption, une de ses rudes averses de printemps dont les gouttes acérées comme de fins poignards vous transpercent la peau et frigorifient le sang dans vos veines. Le rythme régulier des gouttes frappant le bois emplissait la nuit parfois interrompu par un lointain roulement de tonnerre. Une nuit grisâtre, peuplée de brumes et de brouillard, où de lourds nuages dissimulaient les étoiles.
Teshiro essuya de la main droite son front humide, repoussant les mèches imbibées d’eau qui lui obstruaient la vue. Les tremblements fiévreux de ses doigts empirèrent et se communiquèrent au reste de son corps. Un tremblement absurde, risible, dénué de toute raison. Une nuit comme tant d’autre, froide mais pas tant que cela, humide mais il avait eu l’occasion de voir bien pire. Aucune raison de s’inquiéter. Aucune.
Juste cette porte ouverte à tous vents, ouverte malgré la pluie qui s’introduisait à l’intérieur du cabanon, éclaboussant le seuil. Une porte qui aurait du être fermée comme chaque soir. Une bête porte de bois rongée par les intempéries aux planches disjointes. A l’intérieur brillait le lueur jaunâtre d’une lampe à huile, lumière familière et rassurante.
Qu’as-tu donc ? Elle a mal fermé la porte et n’a pas eu le courage de t’attendre pour aller dormir. Ce ne serait pas le première fois. Qu’as-tu ?
Il s’arracha un maigre sourire d’autodérision. Il fallait croire que le vie familiale l’avait rendu nerveux et peureux comme un animal sauvage trop longtemps traqué. Ses craintes étaient ridicules et il devait avoir l’air remarquablement stupide planté devant chez lui, incapable d’y pénétrer, paralysé par ses doutes insensés.
Et ce fut presque un ricanement aux lèvres que l’homme se dirigea vers l’entrée, épaules un peu voûtées sous la pluie battante. Avant de se figer.
Sur le mur assombri par l’humidité une large tâche brune se déployait tout prés de la chambranle de la porte.
Teshiro resta un long moment à la fixer, stupide et pétrifié. L’eau glacée inondait sa nuque, transperçait ses vêtements sans qu’il y prête la moindre attention. Une pensée effleura son esprit inerte puis s’y cramponna en chassant tout autre idée cohérente :
Fuis.
N’entre pas.
Pars. Pars vite.
Pars loin d’ici avant qu’il ne soit trop tard.
Mais la connexion entre son cerveau et ses membres semblait temporairement interrompue. Ceux-ci se mirent en mouvement lentement, laborieusement, sans qu’il ait conscience de l’avoir désiré. Une impression des plus troublantes, presque surnaturelle, un étrange dédoublement de personnalité lui donnant l’impression de jeter sur la scène un regard extérieur à la fois fasciné et effrayé. Il se vit repousser doucement la porte vers l’intérieur. Se vit pénétrer d’un pas hésitant dans la pièce, plisser un court instant les yeux dans la lumière. Se vit abaisser le regard.
Et réintégra brutalement son corps. L’impression absurde presque amusante en d’autres circonstances de sentir le sol frapper sèchement la plante de ses pieds lors de ce retour forcé à la réalité.
Puis plus rien.
Rien qu’une sensation d’immense stupeur, un étonnement tel qu’il anhilait jusqu’à la douleur, jusqu’à la terreur.
L’œil rond, ahuri, Teshiro Nihame fixait d’un air incrédule le cadavre de son fils.
Une seul plaie marquait le corps de l’enfant mais si abominable qu’elle attirait le regard et semblait dévorer tout l’espace autour d’elle. Le coup avait été donné avec tant de violence que la tête s’était presque entièrement détachée du corps, seulement retenue par un lambeau de chair déchirée. Désarticulé, le reste du corps gisait en tas informe au centre de la pièce, éclairé crûment par la jaune lumière de la lampe. Une marre de sang couvrait le sol, commençant déjà à sécher et à cailler sur les bords, virant du rouge profond au noir charbonneux.
Absurde… Comment un si petit corps pouvait-il contenir tant de sang ?
Il aurait du hurler. Aurait du se jeter sur le corps sans vie. Aurait du avoir mal, terriblement mal. Mais il ne fit rien de cela, se contentant de contempler en silence l’enfant massacré, incapable de la moindre réaction, incapable de comprendre ce qu’il voyait, d’y trouver le moindre sens. La souffrance viendrait ensuite, seulement ensuite quand le brouillard opaque qui lui paralysait l’esprit se serait enfin dissipé mais pas tout de suite. Pas tout de suite.
Comme cela dort bien un enfant de cinq ans.
Teshiro réussit au bout d’une éternité à détacher les yeux du gamin. Son regard hébété fit machinalement le tour de la pièce, nota sans y accorder d’importance particulière la porte entrouverte de sa propre chambre d’où s’échappaient des rires graves et des exclamations incompréhensibles. La chambre d’enfant à sa gauche était plongée dans la pénombre. Son œil incertain dériva encore vers le petit cadavre pour se poser ensuite sur les deux sabres que ses propres mains agrippaient. Quand les avait-il dégainer et pour quelle raison exactement, il aurait été incapable de l’affirmer.
De belles armes sans contredit, splendides même, qu’il n’avait jamais manqué de soigneusement entretenir bien qu’ils aient été bien peu utilisés durant ces six dernières années. Ils avaient à l’époque fait déjà couler bien assez de sang, avaient eu plus que leur comptant de meurtres, bien plus… Quelques mois après leur rencontre, Kisura l’avait pressé de s’en débarrasser. Elle avait toujours détesté ces armes alors que Shonto pour une obscure raison en raffolait. Il avait refusé arguant de l’époque dangereuse, des routes mal gardées mais peut-être y avait-il à ce refus une raison plus profonde et moins avouable.
Peut-être ne pouvait-il tout simplement envisager de s’en séparer, de renoncer entièrement à la sensation de puissance et de contrôle que seul pouvait lui donner le rugosité du cuir entrelacé sous ses doigts, l’odeur dense et chaude du sang frais…
Une mouche bourdonnante se posa sur le visage du gamin avant de se remettre à tourbillonner, son vrombissement étonnamment audible malgré la pluie qui n’avait cessé de tambouriner sur la toiture.
Absurde… Tellement absurde…
Un hurlement d’agonie déchira le nuit jaillissant de la chambre.
Et le brouillard se leva.
La vie est pleine d’imprévus et elle peut parfois se révéler étonnamment cruelle.
Si l’on avait demandé deux ans plus tôt à Shokei où le mèneraient ses pas dans les années à venir, il n’aurait certes pas fait mention d’une maison isolée et perdue dans les bois quelque part au nord d’Iwa, pas plus qu’il n’aurait songé au meurtre d’un petit garçon et au viol de sa mère durant une sombre nuit pluvieuse. Il n’y aurait peut-être même pas songé deux heures plus tôt alors que lui et ses compagnons d’infortune cherchaient vainement un abri où échapper à l’orage qui s’annonçait. Un abri ou un lieu à piller.
Il n’avait jamais été dans ses projets non plus de devenir un déserteur, un brigand et un assassin mais la vie vous joue de ces tours stupides. Cet nuit entre toutes, Shokei prit conscience que le contrôle de la sienne lui avait totalement échappé et ceci depuis déjà un certain temps.
Rien ne s’était passé comme prévu. La faute à « pas de chance » comme on dit parfois dans ce genre de situation. La faute au hasard, au destin, à la malchance éprouvante qui s’était abattu sur le jeune homme un an plutôt lorsque sa famille accusée de trahison et collaboration avec l’ennemi avait du quitter en catastrophe son village natal sur les hauteurs du mont Kuga. Une malchance qui n’avait cessé dés lors de lui coller au train, l’entraînant de vols en brigandages à cette petite pièce mal éclairée où une femme se tordait sur le sol en gémissant.
Ni elle, ni le gamin n’auraient du se trouver là. La chaumière aurait du être vide, abandonnée. C’était pure démence que d’abandonner une femme et un enfant dans un lieu si isolé par une telle nuit. Pure démence. Ils n’étaient pas venus pour cela, ni pour tuer, ni pour violenter, juste pour chercher un lieu où dormir, un toit où se protéger de la pluie glacée. Mais le poisse en avait décidé autrement. Encore cette malchance, cette foutue, foutue malchance.
Shokei aurait presque pu jurer qu’ils n’avaient pas même eu l’intention de faire du mal à la femme ou au gosse, du moins pas au début.
Mais les choses s’étaient soudainement emballées.
L’enfant avait braillé. Leur chef avait voulu le faire taire d’une gifle. Peut-être avait-il frappé trop fort, assez fort en tout cas pour faire valdinguer la gamin. La femme avait crié. Elle avait saisi un poignard. Avait frappé, blessé. Il y a avait eu empoignade et lutte.
En quelques secondes le garçon gisait à terre et les lames dégoulinaient de sang. Et quelques minutes plus tard la jeune mère était écartelée à même le sol dans la pièce voisine. Et ses cris et sanglots éclataient, perçants, si perçants.
Shokei avait quatorze ans cette nuit-là. Il était encore puceau. N’avait encore jamais tué un homme, ni une femme et encore moins un enfant. Il n’aurait jamais du se trouver là, n’aurait jamais du participer à une telle infamie et aurait presque tout donné pour qu’il en soit autrement. Tout donner pour revenir au temps heureux où il avait encore un foyer, une famille, où la vie paraissait si simple et où les petits garçons ne se faisaient pas égorger pour le seul crime de s’être trouvé au mauvais endroit au mauvais moment.
Tentant de son mieux de cacher son écoeurement, il s’était recroquevillé dans un coin de la pièce, le regard concentré sur la pointe de ses scandales sans oser le lever. Le jeune homme aurait aimé pouvoir également se boucher les oreilles mais ce geste aurait trop attiré l’attention. Il avait donc du entendre, n’avait pu s’en empêcher : les halètements de plaisir, les grognements, les geignements, les bruits mous de friction, le frottement des corps contre le plancher. Accroupi dans son coin, les larmes lui étaient montées aux yeux.
Peut-être aurait-il du s’interposer, tenter de venir en aide à la victime_
leur victime_, au moins protester. Mais même cela, il en avait été incapable. A quoi bon ? Il n’aurait réussi à sauver personne, n’aurait abouti qu’à perdre lui-même la vie. Vivre en rat valait parfois mieux que de ne pas vivre du tout.
Les heures s’étaient écoulées.
Les autres avaient fini par se lasser.
Shokei vit leur chef dégainer un kunai en piètre état, se pencher sur le corps blanc qui se convulsait encore faiblement. Il détourna rapidement la tête, incapable d’en supporter d’avantage. Elles paraissaient si loin, si terriblement loin les blanches pentes enneigées du mont Kuga.
Qui aurait cru que la femme puisse encore crier si fort ?
Que dans son état, elle puisse encore souffrir ?
Un cri aigué qui lui retourna le cœur. Un ultime hululement d’agonie.
Auquel répondit un rugissement terrifiant issu de la pièce voisine.
Tous les hommes présents firent volte-face juste à temps pour voir la porte s’ouvrir avec fracas tandis qu’une silhouette sombre bondissait dans la pièce. Des glapissements de stupeur jaillirent de tous côtés mais le nouvel arrivant ne leur prêta aucune attention, ne leur accorda pas même un regard. Ses yeux se posèrent aussitôt sur le corps étendu et il émit un nouveau son inarticulé, à peine humain, avant de se précipiter au sol. Shokei entraperçut un visage livide aux traits glabres tordus par la souffrances, deux yeux très pâles exorbités par le choc brièvement éclairés par la lumière de la lampe. Eberlués les bandits le virent s’effondrer avec un feulement étranglé sur le cadavre encore tiède, l’enserrer dans une étreinte de fer, enfouir son visage dans les cheveux de la morte.
Et il gémissait, râlait.
Des lamentations rauques, animales, épouvantables à entendre. Des supplications entrecoupées de sanglots écorchés. Parfaitement inconscient de la présence de Shokei et de ses compagnons comme de sa propre dignité, l’homme agenouillé ne pleurait pas : il hurlait. Hurlait à la mort comme le font parfois les loups sur le corps de leur compagne.
Il hurlait.
Et eux terrifiés n’osaient faire un geste, tétanisés par cette douleur sauvage, aveugle au reste du monde. Leur chef fut le premier à reprendre ses esprits et fronça furieusement des sourcils en direction du reste de sa troupe. Des regards furent échangés et sans un mot, les armes à nouveau dégainées. Les bandits se regroupèrent prudemment autour de leur cible, hésitèrent un instant encore, s’encourageant mutuellement des yeux, personne n’osant porter le premier assaut.
L’autre n’avait toujours pas levé les yeux, ne semblait même pas avoir noté la présence de ses assaillants. De nouveaux gémissements rauques avaient succédé aux hurlements d’où s’échappaient parfois quelques mots incohérents :
« Pitié… Vous en prie… Pas cela… Je l’avais fait pour lui… Pour lui ! Pitié… Pitié… Pitié… Pitié… »
Pitié pour qui ? Pour quoi ? Suppliait-il pour sa propre vie ? Ou bien inutilement pour celle de la jeune femme ? Pour l’enfant massacré dans la pièce voisine ? Shokei n’en savait rien, ne le saurait jamais et de toutes façons le temps de la pitié était passé depuis bien longtemps.
Agacé par l’absence de réaction de ses compagnon, leur chef fit un pas en avant, suivit d’un autre qui l’amena dans le dos de sa victime. Et le kunai s’abattit une seconde fois fusant vers la nuque découverte. Un coup efficace, meurtrier qui aurait du mettre un point final à cette maudite nuit.
Une gerbe écarlate.
Une exclamation de stupeur étranglée.
Le brigand recula en chancelant, pointant devant lui son arme ensanglantée. Les gémissements s’étaient tut. L’homme affaissé se détacha enfin de la morte, essuya sans un frémissement sa main transpercée de part en part sur sa tunique, puis éleva le regard. Les dévisagea silencieusement de ses yeux brûlants. Tour à tour.
Et Shokei dut faire face à un certain nombre de certitudes aussi soudaines que désagréables. Entre autres, celle que nul ne sortirait vivant de cette petite pièce aux murs de chêne usés. Que lui-même ne reverrait jamais les falaises du mont Kuga, ni les toits enneigés de son village.
La faute à « pas de chance ».
A cette maudite, maudite poisse.
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Le soleil se levait, caressant de ses chauds rayons les arbres encore humides. Un vent léger soufflait, agitant les herbes hautes, dispersant les cendres encore tièdes qui tapissaient la clairière. Du pauvre édifice de bois ne restaient que quelques charpentes noircies et brûlées, quelques planches brisées. Une odeur fade, un peu écoeurante flottait dans l’air que n’arrivaient pas à dissiper les senteurs printanières. Cendres, souffre et chair brûlée.
La brise était fraîche. La chaleur délicieuse.
La journée promettait d’être belle.
Magnifique en vérité.
Assis sur un tronçon de poutre à moitié calciné, l’homme contemplait d’un air absent les ruines qui l’entouraient. Il tripotait parfois machinalement les sabres entrecroisés sur ses genoux, en testait le tranchant d’une main distraite, admirait leur éclat luisant dans le soleil matinal. Une tache de sang attirait de temps en temps son œil et il l’essuyait soigneusement. Chose étrange, il avait en revanche négligé le sang qui le couvrait de la tête aux pieds, maculant ses vêtements, formant en séchant une croûte épaisse sur ses mains et son visage. Des mouches indiscrètes, attirées par l’odeur, poussaient parfois la hardiesse jusqu’à se poser sur son front et ses épaules, avides et affamées. Il n’y portait pas plus d’attention, les laissant faire à leur guise. Un certain nombre se pressaient autour de sa main blessée et un frisson involontaire lui échappa quand quelques unes effleurèrent la chair à vif. Un geste machinal les chassa .
Le regard pâle et vide dériva sur la végétation roussie, les murs fracassés, s’arrêta un instant sur les cadavres entassés à quelques distances. Deux corps avaient été traînés un peu à l’écart. Il devait y avoir à cela une raison quelconque même si il était incapable pour l’instant d’affirmer laquelle.
Cela n’avait probablement pas d’importance.
Rien n’avait vraiment d’importance.
Quelques heures auparavant il se rappelait avoir extrait les corps de la cabane avant d’y mettre le feu, avoir longuement regardé les flammes danser, animant la nuit de leur lueurs fantasques, sans en éprouver d’émotions particulières. Il aurait du pourtant. Il aurait du. Quelque chose en lui s’obstinait à prétendre que cette indifférence n’avait rien de naturelle. Son foyer se consumait devant ses yeux. Sa vie s’effritait, s’éparpillait comme cendres au vent. Et il était incapable d’y accorder une once d’intérêt.
Etonnant que le bois si humide se soit enflammé avec tant de facilité.
Vraiment étonnant.
La pensée lui vint qu’il était peut-être censé faire quelque chose pour ces deux corps-là. Une sépulture. Les enterrer. Les brûler tout comme avait brûlé la maison. Ce genre de choses se faisait, c’était la coutume et dans certaines situations, il était important de respecter les coutumes.
L’homme fronça un peu les sourcils en posant les yeux sur sa main déchirée. La chair commençait déjà à gonfler et ne tarderait pas à s’infecter. Une telle blessure pouvait facilement vous coûter la perte d’un membre. Soit. Il n’en ressentait aucun trouble, constatait juste un fait sans trouver en lui le désir d’y remédier.
Des détails que tout cela.
Il n’aurait su dire combien de temps il était resté ainsi, assis sur sa poutre, l’esprit parfaitement vide, au repos. Longtemps probablement. Plusieurs heures peut-être. Mais il ne pouvait rester éternellement ainsi aussi tentante que puisse paraître pour l’instant cette idée.
Une chose restait à faire.
Une seule.
Une simple formalité.
Un autre petit détail à régler.
Teshiro Nihame se leva, jeta un dernier regard indifférent sur les ruines de ce qui avait été le centre de son existence. Le sabre était étonnement léger entre ses mains quand il le saisit, le retourna et en appuya la pointe sur sa poitrine.
Une formalité. Un pas en avant. Une inspiration. Une seconde à peine de concentration.
Rien de plus.
Il ferma les yeux, assura sa prise, se tendit.
Maintenant.
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Deux yeux gris attentifs et narquois.
Un sourire étincelant.
Un rire léger, amusé qui se mua en une grimace faussement navrée alors qu’une voix calme et railleuse laissait froidement tomber :
« Vous vous êtes raté. Sacrément dommage, hein ?»
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Boarf..
Humph...
C'est d'une gaieté...
J’ai plus ou moins réussi à me foutre le cafard toute seule, moi… J’aime beaucoup Teshiro mais ce mec va finir par me rendre dépressive. Et même moi, je commence à trouver que cette fic prend un drôle de tour, c'est dire. je devrais peut-être surveiller un peu mes lectures...
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Bye