Ryû Murakami

Un peu de repos dans ce monde à 200 km/h. Y a-t-il plus grand plaisir que de lire et relire son livre de chevet ? Parle-nous donc ici de tes coups de coeur littéraires, ainsi que de tes BD & Comics favoris.

Modérateur : Ero-modos

Aizen
Sannin
Messages : 4107
Inscription : lun. 25 juil. 2005, 13:57
Localisation : Mieux vaut mobiliser son intelligence sur des conneries que sa connerie sur des choses intelligentes

Ryû Murakami

Message par Aizen »

Alors petite présentation de cet écrivain japonais...

Super Wiki vient à mon secours :happy: !!!
Wikipédia a écrit : Ryū Murakami (龍村上 note , de son vrai nom Ryūnosuke Murakami, né le 19 février 1952 à Sasebo, Préfecture de Nagasaki) est un écrivain et cinéaste japonais (sans lien de parenté avec Haruki Murakami).

Il est le prolifique auteur d'une trentaine de livres dont les plus célèbres sont son premier roman, Bleu presque transparent (prix Akutagawa en 1976, vendu au Japon à un million d'exemplaires en six mois), qui retrace quelques jours de la vie d'un groupe d'adolescents, entre sexe, drogue et rock, Les Bébés de la consigne automatique (1980) et Parasites. Il a également reçu le prix Yomiuri en 1998 pour Miso Soup.

Commentaires sur son œuvre

Hormis dans son roman autobiographique, 1969, où il décrit avec humour et facilité le déroulement du Mai 68 japonais dans une ville moyenne flanquée d'une base américaine (Sasebo), l'œuvre de Murakami est extrêmement sombre et désespérée. 1969, roman absolument musical et souvent jouissif, est le livre des 17 ans de l'auteur. C'est le temps des premiers pas dans le monde adulte, un univers non moins difficile à décoder au Japon qu'ailleurs quand on refuse l'autorité et que l'on cherche la liberté du côté du rock et du cinéma, américains cela s'entend. Un American Graffiti nippon, tout aussi excentrique et douceâtre, avec un sentiment d'interdit plus fort.

Tout le reste de sa production, du moins celle accessible en français, renvoie le reflet d'une société japonaise fidèle à certaines caricatures que l'on croit outrées. Individus isolés, perdus dans le monde d'Internet (Parasites), enfants marginaux et abandonnés dans l'immensité inhumaine des métropoles (Les Bébés... ), exclus des mondes parallèles de la prostitution et des bars glauques (Miso Soup, Les Bébés), cauchemars sectaires et terroristes (Les Bébés, Parasites).

Murakami analyse froidement son temps et revisite l'histoire, interdite, d'un Japon brutal et guerrier. Son Japon est celui du délire technologique, de la surconsommation, de la violence gratuite, de l'abandon lent et progressif des traditions, de la destruction des liens familiaux et collectifs développés par la société nippone autour d'un principe d'assujettissement absolu aux loi de la communauté. L'adolescent pseudo révolutionnaire est devenu un adulte qui jette un regard sans concession sur ses congénères.

Mais c'est peut-être Parasites qui résume à lui seul toute l'œuvre de Murakami. Un jeune homme, un de ceux qui sont en complète rupture avec école et famille et qui ne communiquent plus qu'à travers Internet, pense qu'un vers est entré dans son corps. Il prend contact avec une organisation qui va le pousser à commettre des meurtres. Tout est dit. Internet qui isole mais qui entraîne aussi vers l'autre, y compris pour le détruire, le vers parasite qui est en chacun de nous, comme une présence d'étrangeté et d'horreur qui saurait tous nous pénétrer, la recherche (inquiétante et malsaine) de soi dans la mort de l'autre, la présence de la technologie, la théorie du complot...

Murakami donne à lire une œuvre complexe, désordonnée mais inachevée, comme si il n'avait pas encore trouvé ce supplément d'espoir qui éclairerait tout.
J'enchaîne immédiatement avec une interview de lui paru dans LIRE :
Né en 1952, non loin d'une base américaine, Murakami Ryû étudie les beaux-arts avant de se consacrer à l'écriture. En 1976, il publie Bleu presque transparent, roman autobiographique où se croisent sexe, rock et drogues variées. Adulé par la jeunesse locale, le livre obtient le prix Akutagawa (le Goncourt japonais). Murakami Ryû se partage depuis entre le cinéma et la littérature. Vient de paraître en France le dernier volet de sa trilogie Monologues sur le plaisir, la lassitude et la mort, intitulé Thanatos (Philippe Picquier).


Le bonheur parfait, selon vous ?
Le bonheur parfait n'existe pas, mais être en famille s'en rapproche assez.
Qu'est-ce qui vous fait lever le matin ?
Une voix intérieure qui me dit qu'il faut que je réponde à mes e-mails, et la voix extérieure des oiseaux.
La dernière fois que vous avez explosé de rire ?
Hier soir. Je buvais avec un ami. Il a refait Gengis Khan.
Quel est votre principal trait de caractère ?
Je déteste la «majorité» et je déteste me faire donner des ordres.
Votre plus grande erreur ?
Avoir passé un contrat avec une grande compagnie de production pour mes trois premiers films. Ensuite, à partir de Tokyo Decadence, j'ai travaillé avec un producteur indépendant.
A quelle figure historique vous identifiez-vous le plus ?
Avec un arhat (sage bouddhiste) de Kyoto à l'époque Muromachi.
Qui sont vos héros, aujourd'hui ?
Gengis Khan.
Votre héros de fiction ?
Le personnage principal du film Crime et Châtiment du réalisateur finlandais Aki Kaurismäki.
Votre voyage préféré ?
Cuba.
Quelle est la qualité que vous préférez chez un homme ?
Qu'il peut porter des objets lourds (plus qu'une femme).
Et chez une femme ?
Qu'elle peut mettre au monde des enfants.
Vos écrivains préférés ?
Jean Genet.
Votre compositeur préféré ?
Amadeus Mozart.
La chanson que vous sifflez sous la douche ?
Siffler, une chanson pop nord-coréenne magnifique, la seule.
Votre livre culte ?
Journal d'un voleur, de Jean Genet.
Le roman célèbre que vous détestez ?
Je ne sais pas. Je ne lis pas beaucoup de romans.
Votre film culte ?
Tous les films d'Aki Kaurismäki.
Votre peintre préféré ?
Kandinsky.
Votre première passion esthétique ?
La seringue d'un pédiatre.
Votre boisson préférée ?
Du vin.
Votre couleur préférée ?
Bleu.
Que considérez-vous comme votre plus grande réussite ?
Mon dernier roman: Partons de la péninsule (traduction littérale). C'est un roman de politique fiction, ça raconte l'histoire d'un commando anti-émeute nord-coréen qui lance une attaque sur la ville japonaise de Fukuoka.
Votre plus grand regret ?
D'avoir fait mes trois premiers films avec une major japonaise.
Quel talent voudriez-vous avoir ?
Celui de décrire les choses avec des mots.
Qu'est-ce qui vous est le plus cher ?
Le temps que je peux passer avec ma famille.
Si vous pouviez changer quelque chose de vous, qu'est-ce que ce serait ?
De pouvoir balancer le ballon un peu plus loin au foot.
Que détestez-vous par dessus tout ?
La tyrannie de la majorité.
Quand vous n'écrivez pas, quelle est votre occupation préférée ?
C'est un secret.
Votre plus grande peur ?
Ça me fait tellement peur que je ne puis en parler.
A quelle occasion mentez-vous ?
Pour des questions de femmes, parfois.
Quelle est votre devise ?
Ne pas faire le jour même ce qu'on peut remettre au lendemain.
Comment aimeriez-vous mourir ?
Je ne veux pas mourir.
Rédigez votre épitaphe.
«C'était amusant, la vie.»
Si vous rencontrez Dieu, qu'aimeriez-vous qu'il vous dise ?
«Tu vas pas te débiner maintenant.»

Traduit du japonais par Patrick Honoré
Une critique de son livre Parasites dans ce même magazine :
Monde virtuel et manipulation

par Sean James Rose
Lire, avril 2002

Uehara vit reclus chez ses parents. Il a abandonné sa scolarité et renoncé à toutes formes de sociabilité. A cause des médicaments que lui prescrit son psychiatre, il ne peut plus se concentrer. Son existence est pareille à une eau glauque et étale, remuée de temps à autre par quelque pulsion sexuelle qui ne trouve point d'issue. Les sentiments? Connaît pas. Sur son ordinateur il tente d'entrer en contact avec la star du journal télévisé, Yoshiko Sakagami. Et dévoile son secret.

Dans l'hôpital où séjournait son grand-père, il fut le témoin d'une mort en direct surprenante, le voisin de lit de son aïeul expire et de la narine du vieillard sort un très long insecte qui se loge dans son propre œil. Depuis, il est habité par ce corps étranger. C'est ça la véritable cause de son refus du monde. Le site de Yoshiko abrite en vérité une organisation, Inter-Bio, très intéressée par la microbiologie pathogène et des cas comme celui d'Uehara. Le fameux ver provoquerait des accès de violence incontrôlés.

Murakami Ryû, l'auteur des Bébés de la consigne automatique et de Lignes, poursuit son autopsie d'une société japonaise moralement exsangue: jeunes sans repères, déréliction et violence urbaine. Il joue avec les clichés qui tournent autour du monde virtuel et l'angoisse de la manipulation. L'écrivain nippon dénonce à sa manière fantasmagorique l'aliénation de l'individu dans un monde où la vraie relation (humaine) est parasitée par le réseau (informatique). Confusion morbide entre le «chat», la communication sur l'Internet, et le dialogue, l'échange du verbe. L'image est un peu grosse, mais finalement, à son corps défendant, on est pris comme dans une toile.
:arrow: Mon avis personnel :

Alors... que dire ? C'est étrange parce que "Les bébés de la consigne automatique" me furent offert à une époque où je n'étais pas très accroché à la lecture. Alors voir ce gros pavé de 500 pages ne m'enchantait pas particulièrement. Pourtant dès les premières pages je fus saisi par la narration sèche de l'auteur. Un univers très noir se déploie autour des personnages et même dans leur instant de bonheur on sent que la fatalité va les rattraper, quelque chose d'inexorable les poursuit. Pour ceux qui souhaitent connaître un peu l'histoire de ce roman, il s'agit de la vie croisé d'Hashi et Kiku, deux bébés abandonnés dans une consigne de gare et passant leur enfance dans un orphelinat. En quête de leur identité, Hashi sera entraîné dans les bas-fons de Tokyo où Hashi se prostituera avant de devenir une star de rock adulé, tandis que Kiku, champion de saut à la perche, se retrouvera en prison pour parricide. Ces deux garçons sont frères, peut-être pas de sang mais en tout cas moralement ils se considèrent comme telle.

il s'agit d'un roman d'un nihilisme sans retour. Ces enfants abandonnés, écrasés par la société ne se renferment plus sur eux-mêmes pour se suicider, non ! Ils assassinent. La style mêlant horreur, comique, poésie est finalement aussi noir que son roman, pourtant devant tant de noirceur comment arrive-t-on à ne pas décrocher ? Ces deux enfants sont finalement attachants, plus victimes que coupables.

Un roman qui m'a énormément marqué et lorsque j'ai tourné la dernière page, c'est avec émotion que je quittais Hashi et Kiku. Longtemps "hanté" par ce roman, je n'ai pas voulu ouvrir d'autres romans de cet auteur de peur d'être déçu.

Finalement quelques années plus tard, j'ai lu Parasites et m'attaque aujourd'hui à Bleu presque transparent, et s'ils n'ont pas à mes yeux la force du premier roman que j'ai lu. Ils n'en sont pas moins interessant dans leur vision sans concession du Japon.
Aizen
Sannin
Messages : 4107
Inscription : lun. 25 juil. 2005, 13:57
Localisation : Mieux vaut mobiliser son intelligence sur des conneries que sa connerie sur des choses intelligentes

Message par Aizen »

:eek:

J'ai trouvé un lien très interessant concernant cet auteur que je m'empresse de vous poster ^^. Ce post est très instructif sur la création de Murakami et la conception de son oeuvre ainsi que sur sa vision de la société japonaise.

http://torii.free.fr/culture/litteratur ... #entretien
lebibou
Sannin
Messages : 3872
Inscription : mer. 14 sept. 2005, 23:06
Localisation : Qui t'as dis que j'existais ?

Message par lebibou »

J'ai acheté Les bébés de la consigne automatique. Pas encore lu. J'éditerai lorsque je l'aurai lu mais le résumé m'a l'air particulièrement horrible.
J'ai vraiment hésité à l'acheter.
Image
Akenehi
Jounin
Messages : 2749
Inscription : mar. 13 déc. 2005, 14:02

Message par Akenehi »

T'as eu une bonne idée de topic Aizen :happy:
J'ai lu Bleu presque transparent et Lignes. J'ai acheté aujourd'hui Miso Soup[/i].
J'aime beaucoup son ecriture sans concession, il va droit au but et ne mache pas ces mots. Certains peuvent trouvé ca un peu cru parfois mais c'est tellement vrai :mrgreen:

Aizen > j'ai vu ton post dans un autre topic au sujet de Bleu presque transparent. C'est bien un livre "autobiographique" :mrgreen:

J'ai flané ca et la en voyant ce topic et j'ai decouvert que certains de ces romans avaient été adapté au cinema ... quelqu'un les a-t-il vu ? :???:
lebibou
Sannin
Messages : 3872
Inscription : mer. 14 sept. 2005, 23:06
Localisation : Qui t'as dis que j'existais ?

Message par lebibou »

J'ai fini Les bébés de la consigne automatique il y'a quelque temps déjà même si je n'avais pas encore donné mon avis.

Que dire ? Je n'ai pas été particulièrement enchanté par le style de Ryû Murakami. Il écrit bien, ce n'est pas à redire, mais il ne m'a pas pour autant plus.
J'ai, par exemple, été extrêment gêné par son habitude à intégrer les dialogues au récit. De même, bien souvent je trouve ces paragraphes particulièrement long et l'on s'y perd assez régulièrement.
Cependant, je reconnais qu'à certain moment, cette technique rend très très bien (Par exemple, spoilA la fin du livre, lorsque l'on voit Hashi sombrer peu à peu dans la folie. C'est superbement écrit. De même que le changement de décor dans les salles de tournagesfin des spoil). Mais je sais pas, je fais une espèce de bloquage à ce niveau là.

En ce qui concerne, sa vision de l'humain, je ne la trouve pas particulièrement pessimiste. Mieux, je trouve qu'il considère l'humain à la base comme quelque chose de neutre. Ce n'est que le milieu qui en fait ce qu'il est.
Pour preuve, ces longues descriptions des personnages où il explique d'où il vienne et où il justifie toutes leurs actions, les enfermant quelque part dans un carcan créé par leur enfance. (Pour exemple, le passé de Mister K).
Alors certes, il peint un Japon sans consession, avec une surabondance de la violence assez romancé. Mais au final, je ne trouve pas ça pessimiste. Réaliste serait le bon terme mais j'aurai usé de pessimiste s'il considérait la violence comme inhérente à l'homme. Ce qui n'est pas le cas. Du moins, je ne l'ai pas perçu comme ça.

Pour conclure, je dirai que Ryu Murakami est un excellent auteur, rien à redire ladessus, mais je ne pense pas me repencher de sitôt sur une de ses oeuvres.
Sans doute en lirai je une autre mais ça ne fait pas parti de mes priorité, loin de là.
Image
Aizen
Sannin
Messages : 4107
Inscription : lun. 25 juil. 2005, 13:57
Localisation : Mieux vaut mobiliser son intelligence sur des conneries que sa connerie sur des choses intelligentes

Message par Aizen »

Non je n'ai pas vu ses films ou ses adaptations ceci étant je sais, que Les Bébés de la Consigne automatique vont être adaptés au cinéma...

J'ai lu il y a quelque temps déjà Bleu presque transparent, on y retrouve son soucis du détail, cette façon de raconter un quotidien assez glauque, où les gens semblent s'enfermer dans leur monde sans aucune issue pour réellement s'en sortir ou alors en sombrant quelque peu dans la folie (cf les scènes avec la voiture).

Pour répondre à lebibou sur le pessimisme de Ryu, je dirai qu'il vient sur sa vision globale de l'humanité, un livre comme Bleu ou comme les Bébés traite plus de la déchéance humaine que de la "salvation". Il s'agit de décrire la chute et non la manière de s'en sortir. Un autre roman comme "Parasites" le démontre très bien, même si le héros sort quelque peu de son univers, il ne peut s'en sortir qu'en tuant. Je n'ai pas réellement le sentiment que cela soit un point de vue "réaliste" que le salut passe par le meurtre et la destruction (cf Haku).
Répondre