[le Combat ordinaire] de Manu larcenet
Publié : ven. 21 juil. 2006, 16:04
--- aujourd'hui..on parle bedeuhhhh
----- un petit tour d'horizon !!!!
résumé :Le père de marco est mort ...et apres ! ( tome 3)
Mon père est mort...
je fais des crises d'angoisses ...
j'ai fait des crises d'angoisses...
ma femme est vétérinaire..
on a tué mon chat...
j'ai travaillé sur des chantiers navals...
je suis photographe
J'ai la diarrhée quand je suis stressé...
j'ai un mentor qui fut bourreau...
ma femme veut des enfants..
je vois un psy...
Je m'appelle Marco...
J'en passe et des meilleures
le problème ( enfin l'un des problèmes ) avec la série des "combats ordinaire" c'est son lectorat.Sous le choc d'une lecture fascinante ( au vu de la qualité des albums !) le lecteur a tendance à tomber dans le jugement ( combien on trouvait le deuxième moins bon que le premier ...parce que moins profond, moins fort tout ça toutça !!!) et surtout dans l'identification fanatique.
Que l'oeuvre ( c'en est une !) de larcenet propose une vision originale et magistrale des problèmes du quotidien, que cela fasse sens et résonne dans la vie de chacun, c'est une chose.Reste que la transformation en fait de société..en est une autre...bien plus perverse celle-ci.
En effet, ceux qui n'aiment pas Larcenet lui reproche un certain "populisme".A croire qu'ils confondent auteur de BD et tribun.A croire surtout qu'ils assimilent à la va vite les prises de parole d'un homme et le contenu de son oeuvre ( assimilation assez idiote j'en conviens...mais que voulez-vous..le gout du pouvoir n'a pas encore trouvé ses limites ). Larcenet n'est pas un porte drapeau, il ne milite pas pour son parti, il ne cherche pas particulièrement les honneurs ou à se faire mousser ( quoique ?!)..il est juste un auteur de BD populaire.
Or rappelons le : la BD, le manga sont des arts populaire ( ce qui ne veut pas dire sans exigences, bien au contraire !).
Et le populaire ne se dilue pas obligatoirement dans le divertissement n'en déplaise aux amateurs de films pop corn et de "culture TV".
Du coup, ce troisieme tome du combat ordinaire est perçu par nombre de lecteurs comme l'énième campagne de communication d'au auteur désabusé et porté sur l'argent, jouant qui plus est sur la fibre sentimentale de ses lecteurs .
De lautre coté du grand fossé, nous avons : les serviles, les rampants, les pauvres doudous malheureux, attendant le C.O comme la manifestation parfaite de leur raison d'etre fétichiste.
Ceux qui n'ont de cesse de jouer au jeu des sept erreurs entre la vie fictionnelle de Marco et leurs propres tourments existenciels...comme c'est touchant .
Trop meme, tant de mièvrerie ça finit par attacher, par ne plus se décoller .Pire que tout, à force de parler de "lui"le lecteur oublie de parler de l'album, il l'enterre sous son propre pathos.
--Elle est belle l'alternative : le cout médiatique , et économique ou la foi aveugle.
Le pire ? et bien les deux camps se rejoignent en coeur, pour nous dire qu'en creux de cette série ...on retrouve ni plus nio moins que l'autobiographie de l'auteur...c'est beau...creux et stupide ...mais beau.
alors: Oui! en tant que lecteur, des pans de ma vie (entier ou non là n'est pas la question!) se reflète plus ou moins bien ( ça dépend du courant, et des pierres !) dans cette série.Oui cela "décale" ma lecture.Non, y'a pas de pataquès...tant mieux pour moi, et tant pis pour les autres. Le bilan de ma vie , de mes expèriences, de mes tourments, amours, de mon parcours, de mes impairs, de mes décisions, de mes haines, de mes plaisirs...tout cela n'a pas besoin de larcenet .Et renon, percevoir une image déformé et passagère de ma propre existence au coin d'une case de cette série, ne fait pas pour moi de Larcenet un bon auteur .
A ce compte c'est bien simple
Tous les gamins abrutis ( j'en fus et j'en suis toujours !) écoutant Dorothé en boucle tomberait dans une nostalgie molle et pathétique, réclamant le retour de "pas de pitié pour les croissants".Nous aurions droit à une génération entière de décerveler du bulbe ravi d'avoir comme référent culturel les héros de la télé réalité...les émotions faciles.
Ou pire,à des robots vides croyant que l'underground et la révolte ( sans parler du mal etre !) se niche...j'sais pas...
On me fait savoir qu'effectivement les bambins sont tombés aussi bas que ça...heureux les simples d'esprits !!!
Bref ...revenons à nos moutons avant de nous suicider !
Le "bon" dans cette série
c'est son histoire
son ecriture.
Au-dela du suivi de l'histoire, du changement de ton, d'une certaine symbolique ( 3 est un nombre de changement !)
Il faut bien s'apercevoir que nous avons affaire à un récit, à une fiction.
Evidemment, il serait absurde d'en exclure les pans autobiographique. Reste que ces derniers, quelques soit leur importances, sont du domaines de l'intime .Les questions choisis et leurs angles d'attaques, montrent le souci qu'a l'auteur du partage .Au moment , ou il choisit d'exprimer au sein d'un art précis, suivant une histoire précise, des émotions précises...Larcenet fait acte d'ecriture.
Il rend compte d'émotions et de sentiments.
S'il réussit son "job", le lecteur doit recevoir un upercut à l'estomac, chancelant sous la justesse du propos, en digérer l'impact et en ressortir grandit ( enfin pas troop quand meme !)
Là l'album fera sens, si c'est pour entamer une psychanalyse en venant pleurnicher dans le girond de l'auteur...passer votre chemin.
Le combat ordinaire n'est pas écrit suivant une logique scolaire
c'est-à-dire:
Vous savez, vous etiez petit(e) votre proof vous donnez à lire un texte et à faire les kwessions sur le dit texte.
Au hasard prenons: "le dormeur du val" ( de ce cher Arthur, roi d'albion, pour les plus incultes d'entre vous !).
Et bien la logique scolaire voudrait que le poète , un jour de printemps ce soit dit:" bordel, si j'écrivais un poème sympatitoche et à suspens, histoire que dans quelques décénnies des élèves se casse le bol à essayer de répondre à des questions sur ce dernier "
L'élève a cette logique, il lit les kwessions..ensuite ( et seulement ensuite !)il cherche les réponses dans le texte; croyant betement que le seul texte fut écrit dans ce seul but...
Larcenet est populaire pas pédagogue.
Ce qui lui importe ( et il a bien raison, le bougre !)c'est son propos , sa narration, son style,son rythme...sa page blanche.
Du coup, son propos n'est pas un pur jaillissement génial, un geyser d'emotion pure et candide.C'est un propos réfléchi et élaboré.
Pour preuve ( on le voit dans le DVD, pour ceux qui ont eu la chance de se le procurer !)lorsqu'il traite de la guerre d'algérie, il se documente sur cette dernière .
Lorsqu'il compose une scène de dialogue..il cherche à la mettre en scène, en meme temps qu'a clarifier son discours.
il cherche à raconter lisiblement une histoire
Que cette histoire ait un sens .
pas qu'elle nous permette d'avoir une bonne note !
Ce petit bout de terrain déblayé, on va peut-etre pouvoir parler du contenu de l'album.
Nous retrouvons donc notre pote Marco
Son père vient de mourir
A partir de là, les choses lui échappent, il perd pied.
Ce qu'il y a d'interessant ( dès le départ !) à ce moment là, c'est le recours au monologue .
Jusqu'alors dans les précédents tomes , ces instants correspondaient à une forme de lucidité, du moins de prises de recul...la pensée intime équivaudrait à un arret du temps, à une pause dans le flux des évènements.
Ici, c'est le contraire... le ton est (volontairement !) tragique , dramatique.
La rationnalisation n'aide pas à passer cette douleur, cette épreuve .
Ce vide trouve échos dans les rapports entretenus par Marco avec sa mère...l'absence du père , renvoie à un vide de la communication.D'un malade, on peut parler de son état ...d'un mort, seul les souvenirs restent, et la mère semble ne pas vouloir en faire part .
Plus que le "tout à la poubelle" des affaires du mort, c'est la mise en place de la relation sous un jour nouveaux et le traitement de la destabilisation deMarco qui me semble interessant à ce moment du récit.
Contrairement à notre attente, il ne gère pas la crise...il n'y succombe pas non plus.( ouf! pas de deuil bidon!!)
Pour moi c'est dans ces instants que le génie de Larcenet parait au grand jour, son génie de la narration.Un homme anxieux perd son père, il ne fait pas de crise d'angoisse ..on lui confie la garde d'un enfant ( meme pas turbulent !) et là il ne tient pas le choc.
Cette forme de décalage, d'impuissance, d'ingérence....est typiquement humaine .Là on touche effectivement à l'ordinaire.On dépasse le cadre des grands sentiments humanistes balayant "tout" sur leur passage .
Un traitment de la mort extremement pudique, ne perdant rien en force pour autant .
Et Hop! la vie continue..par un énorme plat ( à ce stade on pourrait s'interesser à la place de la scène du plongeoir...mais je ne vais pas non plus tout vous macher!)
La proposition d'un livre arrive...la vie est bien faite quand meme.Ce fait...arrive trop parfaitement pour etre crédible,il en va de meme pour la réaction de Marco et de sa femme ( scene de la clinique)
Elle ne repose donc pas sur la crédibilité...mais sur son rythme.
A cet instant du récit ,Larcenet nous impose un changement , une tournure ( ce n'est pas la première fois dans la série) brutale.Pour nous ramener dans le traintrain quotidien?
Pas vraiment ( vous en avez vous des propositions de ce type ?), je dirais plutot pour d'autres raisons .Déjà ne pas plomber le récit , ne pas l'ancrer dans le pathétique ou le larmoyant.
Pour mettre du rythme , ça n'a l'air de rien mais en bande déssinéela rythmique est super importante .Meme si on lit un album en gaufrier: l'alternance des tons, des dialogues, des angles de vues influent beaucoup sur notre lecture.De plus cela permet à Marco d'échapper à une destiné trop théatrale.On est pas chez Hugo, une succession de malheur, de misérabilisme ça tendrait à rendre le récit soit comme une pièce de Racine, soit comme une étude sociologique ( le tome 2 !).
la chape de plomb de la destinée ( triste ou héroique !) ne passera pas par là .la tristesse de Marco est toujours et encore ordinaire , car il ne fait pas un spleen couvrant l'ensemble de son horizon.On reste dans le populaire. Un drame n'entame pas notre cheminement, il en modifie la courbe.En forçant un peu le trait Larcenet s'octroie un recul dynamique et scénaristique bienvenue...il ne passe pas en mode "considération sur la mort du père "... du moins pas encore.
On peut aussi percevoir cette séquence , comme une parenthèse , une respiration dans le récit..enfin si on voit le récit d'un point de vue dramaturgique .
Notons aussi au passage que Larcenet est toujours aussi fort pour nous faire marrer...ça n'a l'air de rien..mais réussir à caler un gag ( voire plusieurs !)à ce moment précis ça demande pas mal d'audace et les moyens de l'assumer .
-Au milieu de tout ça
le désir d'enfant et de rencontres
Le questionnement sur l'avenir.Le besoin socratique d'etre immortel ( "phédon" de Platon !) et la peur que cela engendre.
Ici, la problématique n'est pas neuve non plus, ce qui l'est en revanche c'est le traitement réservé par l'auteur à cette dernière .
Un découpage précis, direct, net...un cloisonnement, un enfermement de la relation intime .Là on touche du doigt le poids du destin, la roue du destin.Si ce choix aurait alourdi la partie sur la mort du père...ici ça nous donne à réfléchir quand aux conséquences des discussions "importantes" avec l'etre aimé.
Tout en renvoyant à la conscience de notre propre mort. Ben voui, la volonté d'immortalité en faisant un enfant ça arrive surtout ( pour l'homme en tout cas !) suite à une prise de conscience de notre propre mortalité.
Comment ?
Larcenet, chercherais à nous plomber le moral.. à nous faire le coup de la pensée morbide à rebours ?
Meuh non....bandes de moule
Au contraire, il a conscience de tout cela ( il l'écrit !), du besoin ( encore une fois !)de rythme..de dédramatisation
Du coup...autre rencontre... l'analyste
Comme c'est étrange?Surtout si l'on se penche sur le nombre de travaux que ce cher vieux Freud a consacré à la mort et à l'expression de celle-ci.C'est un moment ( finalement un des rares !) durant lequel Marco soulage sa conscience et sa peine. Comme souvent chez Manu le role du vieux est assez ambivalent.Ici, bien qu'assez inutile ce personnage possede un solide sens de l'humour et se révèle perspicace .C'est peut etre aussi un moyen de battre en breche à la fois sa psychanalyse et ses patients.En effet, de plus en plus cette pratique renvoie à une course aux résultats, genre séance d'abo de la conscience...en trois mois retrouvez-vous avec une ame toute neuve ( dernière nouveauté type "cognitivo-comportementaliste" ).Là ou justement ce bon vieux Freud ( et là dessus son "pote Jung" était assez d'accord ) compose avec le doute et la remise en question se méfiant de toute certitude .
En gros, faire "son analyse" ressemble de plus en plus à la pratique des arts martiaux en occident, tout dans la compét, rien dans la méditation.
Là encore, au fil des albums on s'aperçoit de l"effet rebours" du parcours psychanalytique.Comme du refus de Marco de se sentir réellement indépendant.Ca sonne juste, et surtout c'est beaucoup plus judicieux que les émissions TV sur la question ( suivez mon regard !! !).
La rencontre avec l'editeur sonne comme un prélude
De nuit, une ambiance feutrée, monde de l'inconnu, de l'onirisme, du cheminement aussi.
Mais sur ce chemin qu'on ne voit pas, qu'on ne discerne pas ......encore celui de l'avenir sans doute. L'incroyable possibilité de discuter livre et passion commune avec un professionnel du secteur.
Pour finir par un contact avec le frère.
Et là tout bascule, de nouveau on retourne dans l'intimité brutale et acerbe .Dans une série télé ou un gros Blockbuster qui tache, nous aurions eu droit à la révélation " en fait c'était le traitre".
Présenté comme gentil, sympa, rigolo, mature,...dans le rang, ce frère devient torturé et difficile.Un etre machiavélique ? meme pas...juste un etre humain .
Larcenet n'entre pas dans le règlement de compte ( meme si elle a ses vertues !), il rend parfaitement l'intensité dramatique de la rencontre, mais aussi la douloureuse morsure de l'incommunicabilité.Un moment court et froid...."le coeur aussi c'est de la viande !"
Puis...tiens un autre vieux
C'est fou non
Un vieux...que l'on sent proche de la mort. En paix avec la nature...avec lui-meme.
La scène d'approche de la chouette, suppose une connaissance, un état "autre" d'apaisement que celui dans lequel se trouve Marco.
Après tout, n'est-elle pas symbole de clairvoyance ?N'est-elle pas oiseau de nuit, compagne d'Athéna, voleuse pourchassant les nuisibles, n'en fait-on pas l'amie de la mort...psychopompe.
Bref la nuit le noir...ne nous va pas toujours si bien.
A noter aussi
Que ces rencontres..marco semblent vouloir les faire avec la mort...alors qu'en fait il recherche son passé.
Tout ça pour en arriver...à LA scène de ce tome 3
Les retrouvailles avec l'ancien chef de son père
Ici, il serait malvenue de vous en faire la lecture. Tout bonnement parce qu'elle parle d'elle-meme, qu'en parler reviendrait à vous gacher le plaisir de la découverte .
Reste que sa construction est impeccable...belle à pleurer .
Sachez juste qu'ici on nous parle d'échange...d'empreinte....de sacrifice....de pardon.
De témoignage.... et ça.... ça vaut le déplacement !
Tout ça pour dire:
Que parfois, Larcenet enfonce les portes ouvertes.
Au final il ne révolutionne pas grand chose, quiconque aura fait l'effort et eu le plaisir ( ben voui, ils sont bien liés ces deux là!) de lire du Sarraute ( Nathalie pas l'autre!), Flaubert, Pratt,Chateaubrian...ne sera pas surpris outre mesure par le propos ..et en aura fait voir bien d'autres à son imaginaire.Bien sur, certains chemins sont "faciles" , perceptibles et perfectibles...beuhhh!
Enfin...c'est bien ces felures dans l'oeuvre, ces imperfections, cette quete transparente...qui font de ces albums une oeuvre.
Racontée sans heurts, cette histoire n'aurait aucun sens.
Ici, le talent ( le plaisir aussi...c'est drole ces relations étranges !) se niche aux creux de l'écriture, de la maitrise du récit.
Larcenet parviens à rendre son histoire lisible.
Elle fourmille d'invention, de grain de génie et/ ou de folie.
La manière dont la mère ouvre et clos le récit est digne des grands moments de littérature.
Son sens du rythme prend de l'ampleur, il finit par oser se désolidariser, par oser la vraie polyrythmie sans peur.
Le carnet du père en pointillé, comme de bornes étranges sur le bord du chemin de Marco...est une idée géniale, rien de moins, elle donne le ton tout au long de l'oeuvre ....comme quoi...l'objectivité et le sens d'une fiction lui sont parfois étrangers.
Tout son dessin tend à ça: une grande, belle, puissante, inébranlable lisibilité.
Plus haut je parlais de clairvoyance, là c'est de l'eau de roche !!
Ce troisième album est bon
Ce troisieme album est grand
Parce que Manu Larcenet nous y raconte une histoire poignante, avec style, honneteté, humilité, déférence, couille au cul, panache, humour...
Bref Larcenet........ne prouve rien....juste il raconte une histoire
Alors ....ouvrez les yeux !!!!
Bien
à vous
----- un petit tour d'horizon !!!!
résumé :Le père de marco est mort ...et apres ! ( tome 3)
Mon père est mort...
je fais des crises d'angoisses ...
j'ai fait des crises d'angoisses...
ma femme est vétérinaire..
on a tué mon chat...
j'ai travaillé sur des chantiers navals...
je suis photographe
J'ai la diarrhée quand je suis stressé...
j'ai un mentor qui fut bourreau...
ma femme veut des enfants..
je vois un psy...
Je m'appelle Marco...
J'en passe et des meilleures
le problème ( enfin l'un des problèmes ) avec la série des "combats ordinaire" c'est son lectorat.Sous le choc d'une lecture fascinante ( au vu de la qualité des albums !) le lecteur a tendance à tomber dans le jugement ( combien on trouvait le deuxième moins bon que le premier ...parce que moins profond, moins fort tout ça toutça !!!) et surtout dans l'identification fanatique.
Que l'oeuvre ( c'en est une !) de larcenet propose une vision originale et magistrale des problèmes du quotidien, que cela fasse sens et résonne dans la vie de chacun, c'est une chose.Reste que la transformation en fait de société..en est une autre...bien plus perverse celle-ci.
En effet, ceux qui n'aiment pas Larcenet lui reproche un certain "populisme".A croire qu'ils confondent auteur de BD et tribun.A croire surtout qu'ils assimilent à la va vite les prises de parole d'un homme et le contenu de son oeuvre ( assimilation assez idiote j'en conviens...mais que voulez-vous..le gout du pouvoir n'a pas encore trouvé ses limites ). Larcenet n'est pas un porte drapeau, il ne milite pas pour son parti, il ne cherche pas particulièrement les honneurs ou à se faire mousser ( quoique ?!)..il est juste un auteur de BD populaire.
Or rappelons le : la BD, le manga sont des arts populaire ( ce qui ne veut pas dire sans exigences, bien au contraire !).
Et le populaire ne se dilue pas obligatoirement dans le divertissement n'en déplaise aux amateurs de films pop corn et de "culture TV".
Du coup, ce troisieme tome du combat ordinaire est perçu par nombre de lecteurs comme l'énième campagne de communication d'au auteur désabusé et porté sur l'argent, jouant qui plus est sur la fibre sentimentale de ses lecteurs .
De lautre coté du grand fossé, nous avons : les serviles, les rampants, les pauvres doudous malheureux, attendant le C.O comme la manifestation parfaite de leur raison d'etre fétichiste.
Ceux qui n'ont de cesse de jouer au jeu des sept erreurs entre la vie fictionnelle de Marco et leurs propres tourments existenciels...comme c'est touchant .
Trop meme, tant de mièvrerie ça finit par attacher, par ne plus se décoller .Pire que tout, à force de parler de "lui"le lecteur oublie de parler de l'album, il l'enterre sous son propre pathos.
--Elle est belle l'alternative : le cout médiatique , et économique ou la foi aveugle.
Le pire ? et bien les deux camps se rejoignent en coeur, pour nous dire qu'en creux de cette série ...on retrouve ni plus nio moins que l'autobiographie de l'auteur...c'est beau...creux et stupide ...mais beau.
alors: Oui! en tant que lecteur, des pans de ma vie (entier ou non là n'est pas la question!) se reflète plus ou moins bien ( ça dépend du courant, et des pierres !) dans cette série.Oui cela "décale" ma lecture.Non, y'a pas de pataquès...tant mieux pour moi, et tant pis pour les autres. Le bilan de ma vie , de mes expèriences, de mes tourments, amours, de mon parcours, de mes impairs, de mes décisions, de mes haines, de mes plaisirs...tout cela n'a pas besoin de larcenet .Et renon, percevoir une image déformé et passagère de ma propre existence au coin d'une case de cette série, ne fait pas pour moi de Larcenet un bon auteur .
A ce compte c'est bien simple
Tous les gamins abrutis ( j'en fus et j'en suis toujours !) écoutant Dorothé en boucle tomberait dans une nostalgie molle et pathétique, réclamant le retour de "pas de pitié pour les croissants".Nous aurions droit à une génération entière de décerveler du bulbe ravi d'avoir comme référent culturel les héros de la télé réalité...les émotions faciles.
Ou pire,à des robots vides croyant que l'underground et la révolte ( sans parler du mal etre !) se niche...j'sais pas...
On me fait savoir qu'effectivement les bambins sont tombés aussi bas que ça...heureux les simples d'esprits !!!
Bref ...revenons à nos moutons avant de nous suicider !
Le "bon" dans cette série
c'est son histoire
son ecriture.
Au-dela du suivi de l'histoire, du changement de ton, d'une certaine symbolique ( 3 est un nombre de changement !)
Il faut bien s'apercevoir que nous avons affaire à un récit, à une fiction.
Evidemment, il serait absurde d'en exclure les pans autobiographique. Reste que ces derniers, quelques soit leur importances, sont du domaines de l'intime .Les questions choisis et leurs angles d'attaques, montrent le souci qu'a l'auteur du partage .Au moment , ou il choisit d'exprimer au sein d'un art précis, suivant une histoire précise, des émotions précises...Larcenet fait acte d'ecriture.
Il rend compte d'émotions et de sentiments.
S'il réussit son "job", le lecteur doit recevoir un upercut à l'estomac, chancelant sous la justesse du propos, en digérer l'impact et en ressortir grandit ( enfin pas troop quand meme !)
Là l'album fera sens, si c'est pour entamer une psychanalyse en venant pleurnicher dans le girond de l'auteur...passer votre chemin.
Le combat ordinaire n'est pas écrit suivant une logique scolaire
c'est-à-dire:
Vous savez, vous etiez petit(e) votre proof vous donnez à lire un texte et à faire les kwessions sur le dit texte.
Au hasard prenons: "le dormeur du val" ( de ce cher Arthur, roi d'albion, pour les plus incultes d'entre vous !).
Et bien la logique scolaire voudrait que le poète , un jour de printemps ce soit dit:" bordel, si j'écrivais un poème sympatitoche et à suspens, histoire que dans quelques décénnies des élèves se casse le bol à essayer de répondre à des questions sur ce dernier "
L'élève a cette logique, il lit les kwessions..ensuite ( et seulement ensuite !)il cherche les réponses dans le texte; croyant betement que le seul texte fut écrit dans ce seul but...
Larcenet est populaire pas pédagogue.
Ce qui lui importe ( et il a bien raison, le bougre !)c'est son propos , sa narration, son style,son rythme...sa page blanche.
Du coup, son propos n'est pas un pur jaillissement génial, un geyser d'emotion pure et candide.C'est un propos réfléchi et élaboré.
Pour preuve ( on le voit dans le DVD, pour ceux qui ont eu la chance de se le procurer !)lorsqu'il traite de la guerre d'algérie, il se documente sur cette dernière .
Lorsqu'il compose une scène de dialogue..il cherche à la mettre en scène, en meme temps qu'a clarifier son discours.
il cherche à raconter lisiblement une histoire
Que cette histoire ait un sens .
pas qu'elle nous permette d'avoir une bonne note !
Ce petit bout de terrain déblayé, on va peut-etre pouvoir parler du contenu de l'album.
Nous retrouvons donc notre pote Marco
Son père vient de mourir
A partir de là, les choses lui échappent, il perd pied.
Ce qu'il y a d'interessant ( dès le départ !) à ce moment là, c'est le recours au monologue .
Jusqu'alors dans les précédents tomes , ces instants correspondaient à une forme de lucidité, du moins de prises de recul...la pensée intime équivaudrait à un arret du temps, à une pause dans le flux des évènements.
Ici, c'est le contraire... le ton est (volontairement !) tragique , dramatique.
La rationnalisation n'aide pas à passer cette douleur, cette épreuve .
Ce vide trouve échos dans les rapports entretenus par Marco avec sa mère...l'absence du père , renvoie à un vide de la communication.D'un malade, on peut parler de son état ...d'un mort, seul les souvenirs restent, et la mère semble ne pas vouloir en faire part .
Plus que le "tout à la poubelle" des affaires du mort, c'est la mise en place de la relation sous un jour nouveaux et le traitement de la destabilisation deMarco qui me semble interessant à ce moment du récit.
Contrairement à notre attente, il ne gère pas la crise...il n'y succombe pas non plus.( ouf! pas de deuil bidon!!)
Pour moi c'est dans ces instants que le génie de Larcenet parait au grand jour, son génie de la narration.Un homme anxieux perd son père, il ne fait pas de crise d'angoisse ..on lui confie la garde d'un enfant ( meme pas turbulent !) et là il ne tient pas le choc.
Cette forme de décalage, d'impuissance, d'ingérence....est typiquement humaine .Là on touche effectivement à l'ordinaire.On dépasse le cadre des grands sentiments humanistes balayant "tout" sur leur passage .
Un traitment de la mort extremement pudique, ne perdant rien en force pour autant .
Et Hop! la vie continue..par un énorme plat ( à ce stade on pourrait s'interesser à la place de la scène du plongeoir...mais je ne vais pas non plus tout vous macher!)
La proposition d'un livre arrive...la vie est bien faite quand meme.Ce fait...arrive trop parfaitement pour etre crédible,il en va de meme pour la réaction de Marco et de sa femme ( scene de la clinique)
Elle ne repose donc pas sur la crédibilité...mais sur son rythme.
A cet instant du récit ,Larcenet nous impose un changement , une tournure ( ce n'est pas la première fois dans la série) brutale.Pour nous ramener dans le traintrain quotidien?
Pas vraiment ( vous en avez vous des propositions de ce type ?), je dirais plutot pour d'autres raisons .Déjà ne pas plomber le récit , ne pas l'ancrer dans le pathétique ou le larmoyant.
Pour mettre du rythme , ça n'a l'air de rien mais en bande déssinéela rythmique est super importante .Meme si on lit un album en gaufrier: l'alternance des tons, des dialogues, des angles de vues influent beaucoup sur notre lecture.De plus cela permet à Marco d'échapper à une destiné trop théatrale.On est pas chez Hugo, une succession de malheur, de misérabilisme ça tendrait à rendre le récit soit comme une pièce de Racine, soit comme une étude sociologique ( le tome 2 !).
la chape de plomb de la destinée ( triste ou héroique !) ne passera pas par là .la tristesse de Marco est toujours et encore ordinaire , car il ne fait pas un spleen couvrant l'ensemble de son horizon.On reste dans le populaire. Un drame n'entame pas notre cheminement, il en modifie la courbe.En forçant un peu le trait Larcenet s'octroie un recul dynamique et scénaristique bienvenue...il ne passe pas en mode "considération sur la mort du père "... du moins pas encore.
On peut aussi percevoir cette séquence , comme une parenthèse , une respiration dans le récit..enfin si on voit le récit d'un point de vue dramaturgique .
Notons aussi au passage que Larcenet est toujours aussi fort pour nous faire marrer...ça n'a l'air de rien..mais réussir à caler un gag ( voire plusieurs !)à ce moment précis ça demande pas mal d'audace et les moyens de l'assumer .
-Au milieu de tout ça
le désir d'enfant et de rencontres
Le questionnement sur l'avenir.Le besoin socratique d'etre immortel ( "phédon" de Platon !) et la peur que cela engendre.
Ici, la problématique n'est pas neuve non plus, ce qui l'est en revanche c'est le traitement réservé par l'auteur à cette dernière .
Un découpage précis, direct, net...un cloisonnement, un enfermement de la relation intime .Là on touche du doigt le poids du destin, la roue du destin.Si ce choix aurait alourdi la partie sur la mort du père...ici ça nous donne à réfléchir quand aux conséquences des discussions "importantes" avec l'etre aimé.
Tout en renvoyant à la conscience de notre propre mort. Ben voui, la volonté d'immortalité en faisant un enfant ça arrive surtout ( pour l'homme en tout cas !) suite à une prise de conscience de notre propre mortalité.
Comment ?
Larcenet, chercherais à nous plomber le moral.. à nous faire le coup de la pensée morbide à rebours ?
Meuh non....bandes de moule
Au contraire, il a conscience de tout cela ( il l'écrit !), du besoin ( encore une fois !)de rythme..de dédramatisation
Du coup...autre rencontre... l'analyste
Comme c'est étrange?Surtout si l'on se penche sur le nombre de travaux que ce cher vieux Freud a consacré à la mort et à l'expression de celle-ci.C'est un moment ( finalement un des rares !) durant lequel Marco soulage sa conscience et sa peine. Comme souvent chez Manu le role du vieux est assez ambivalent.Ici, bien qu'assez inutile ce personnage possede un solide sens de l'humour et se révèle perspicace .C'est peut etre aussi un moyen de battre en breche à la fois sa psychanalyse et ses patients.En effet, de plus en plus cette pratique renvoie à une course aux résultats, genre séance d'abo de la conscience...en trois mois retrouvez-vous avec une ame toute neuve ( dernière nouveauté type "cognitivo-comportementaliste" ).Là ou justement ce bon vieux Freud ( et là dessus son "pote Jung" était assez d'accord ) compose avec le doute et la remise en question se méfiant de toute certitude .
En gros, faire "son analyse" ressemble de plus en plus à la pratique des arts martiaux en occident, tout dans la compét, rien dans la méditation.
Là encore, au fil des albums on s'aperçoit de l"effet rebours" du parcours psychanalytique.Comme du refus de Marco de se sentir réellement indépendant.Ca sonne juste, et surtout c'est beaucoup plus judicieux que les émissions TV sur la question ( suivez mon regard !! !).
La rencontre avec l'editeur sonne comme un prélude
De nuit, une ambiance feutrée, monde de l'inconnu, de l'onirisme, du cheminement aussi.
Mais sur ce chemin qu'on ne voit pas, qu'on ne discerne pas ......encore celui de l'avenir sans doute. L'incroyable possibilité de discuter livre et passion commune avec un professionnel du secteur.
Pour finir par un contact avec le frère.
Et là tout bascule, de nouveau on retourne dans l'intimité brutale et acerbe .Dans une série télé ou un gros Blockbuster qui tache, nous aurions eu droit à la révélation " en fait c'était le traitre".
Présenté comme gentil, sympa, rigolo, mature,...dans le rang, ce frère devient torturé et difficile.Un etre machiavélique ? meme pas...juste un etre humain .
Larcenet n'entre pas dans le règlement de compte ( meme si elle a ses vertues !), il rend parfaitement l'intensité dramatique de la rencontre, mais aussi la douloureuse morsure de l'incommunicabilité.Un moment court et froid...."le coeur aussi c'est de la viande !"
Puis...tiens un autre vieux
C'est fou non
Un vieux...que l'on sent proche de la mort. En paix avec la nature...avec lui-meme.
La scène d'approche de la chouette, suppose une connaissance, un état "autre" d'apaisement que celui dans lequel se trouve Marco.
Après tout, n'est-elle pas symbole de clairvoyance ?N'est-elle pas oiseau de nuit, compagne d'Athéna, voleuse pourchassant les nuisibles, n'en fait-on pas l'amie de la mort...psychopompe.
Bref la nuit le noir...ne nous va pas toujours si bien.
A noter aussi
Que ces rencontres..marco semblent vouloir les faire avec la mort...alors qu'en fait il recherche son passé.
Tout ça pour en arriver...à LA scène de ce tome 3
Les retrouvailles avec l'ancien chef de son père
Ici, il serait malvenue de vous en faire la lecture. Tout bonnement parce qu'elle parle d'elle-meme, qu'en parler reviendrait à vous gacher le plaisir de la découverte .
Reste que sa construction est impeccable...belle à pleurer .
Sachez juste qu'ici on nous parle d'échange...d'empreinte....de sacrifice....de pardon.
De témoignage.... et ça.... ça vaut le déplacement !
Tout ça pour dire:
Que parfois, Larcenet enfonce les portes ouvertes.
Au final il ne révolutionne pas grand chose, quiconque aura fait l'effort et eu le plaisir ( ben voui, ils sont bien liés ces deux là!) de lire du Sarraute ( Nathalie pas l'autre!), Flaubert, Pratt,Chateaubrian...ne sera pas surpris outre mesure par le propos ..et en aura fait voir bien d'autres à son imaginaire.Bien sur, certains chemins sont "faciles" , perceptibles et perfectibles...beuhhh!
Enfin...c'est bien ces felures dans l'oeuvre, ces imperfections, cette quete transparente...qui font de ces albums une oeuvre.
Racontée sans heurts, cette histoire n'aurait aucun sens.
Ici, le talent ( le plaisir aussi...c'est drole ces relations étranges !) se niche aux creux de l'écriture, de la maitrise du récit.
Larcenet parviens à rendre son histoire lisible.
Elle fourmille d'invention, de grain de génie et/ ou de folie.
La manière dont la mère ouvre et clos le récit est digne des grands moments de littérature.
Son sens du rythme prend de l'ampleur, il finit par oser se désolidariser, par oser la vraie polyrythmie sans peur.
Le carnet du père en pointillé, comme de bornes étranges sur le bord du chemin de Marco...est une idée géniale, rien de moins, elle donne le ton tout au long de l'oeuvre ....comme quoi...l'objectivité et le sens d'une fiction lui sont parfois étrangers.
Tout son dessin tend à ça: une grande, belle, puissante, inébranlable lisibilité.
Plus haut je parlais de clairvoyance, là c'est de l'eau de roche !!
Ce troisième album est bon
Ce troisieme album est grand
Parce que Manu Larcenet nous y raconte une histoire poignante, avec style, honneteté, humilité, déférence, couille au cul, panache, humour...
Bref Larcenet........ne prouve rien....juste il raconte une histoire
Alors ....ouvrez les yeux !!!!
Bien
à vous