Fiche de lecture : Robespierre et le Culte de l'Être suprême

Un peu de repos dans ce monde à 200 km/h. Y a-t-il plus grand plaisir que de lire et relire son livre de chevet ? Parle-nous donc ici de tes coups de coeur littéraires, ainsi que de tes BD & Comics favoris.

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Aizen
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Fiche de lecture : Robespierre et le Culte de l'Être suprême

Message par Aizen »

Bon alors, une fiche de lecture puisque cela intéresse au moins deux personnes ce sujet :lol2: . Evidemment, cette fiche pourra être complétée par d'éventuelles questions, remarques, analyses... Le format ne se prête pas non plus aux grandes envolées humoristiques... malheureusement :boulay1: . Mais bon, j'encourage toutes personnes ayant des fiches de lecture à nous en faire profiter. Après tout, c'est également un moyen de faire partager ce que l'on fait (et qu'on est supposé aimer :lol2: ). Donc finalement, j'espère que cette "première" sera suivi d'autres projets. D'ailleurs de mon côté, j'en ai quelques autres, sur les premières Déclarations de l'homme ou sur la première abolition de l'esclavage :langue: . Je les cite de tête, j'en retrouverai certainement en aillant fouiller un peu plus profondément les entrailles de mon PC ^^. Bon... Trêves de bavardages inutiles :mrgreen: . Place à la fiche... que je n'ai pas touché pour qu'elle corresponde mieux à l'esprit du forum :lol2: , vous m'en excuserez ^_^.

Robespierre et le culte de l’Être suprême par Albert Mathiez


Introduction :


Mon mémoire s’axe sur le mouvement populaire parisien durant les mois de floréal et prairial de l’An 2 de la République Française, ce qui correspond aux mois de mai-juin 1794. Le but de cette recherche étant d’aborder avec plus de précision ce qui a pu être le quotidien des parisiens sous la gouvernance de Robespierre, Saint-Just, Couthon, Collot d’Herbois, Barère… Ce mémoire prend la suite chronologique de travaux déjà effectués par d’autres étudiants, en maîtrise, DEA ou Master.
L’an passé, nous avions traité de l’approvisionnement et de la distribution des subsistances pour le peuple parisien. Cela concernait de nombreuses denrées telles que le pain, la viande, la volaille… Cette année, nous traitons de deux sujets très controversées de notre période, la Fête de l’Être suprême du 20 prairial an 2 (8 juin 1794) et le vote de la loi sur les tribunaux révolutionnaires du 22 prairial an 2 (10 juin 1794).
Aussi, le choix pour notre fiche de lecture s’est immédiatement porté sur un ouvrage dont le thème principal concernerait un de ces deux évènements. Notre affection particulière nous a rapidement guidés vers Albert Mathiez et son ouvrage consacré à Robespierre.
Cet ouvrage est en réalité un recueil d’articles, de conférences, rédigés par Albert Mathiez. Il s’agit d’un livre-hommage au travail d’historien de cet homme. Dans l’avant-propos sont expliquées les raisons de la « création » de ce livre :

« Ce fut en 1908 que s’organisa la Société des Etudes robespierristes et qu’Albert Mathiez fonda la revue appelée alors Annales Révolutionnaires et, depuis 1924, Annale historiques de la Révolution française. En 1958, l’une et l’autre atteignent donc le cinquantième anniversaire. Attachés au souvenir de Mathiez, nous nous sommes proposé de commémorer ce cinquantenaire en rééditant quelques une des études qu’il avait consacrées à Robespierre. Ce choix se recommandait doublement : Robespierre tient dans l’œuvre de Mathiez une place que personne n’ignore et, d’autre part, il y aura deux cent ans, le 6 mai 1758, que naquit Maximilien. »

Le livre que nous tenons entre nos mains, est la réédition, entreprise pour le bicentenaire de la révolution française, de cet ouvrage de la Société des Etudes robespierristes. Il parut en 1988 aux Editions Sociales, Messidor, et fut préfacé par Antoine Casanova.

Le caractère disparate de l’œuvre, ne nous permet pas d’aborder l’ouvrage dans son intégralité. Nous pourrions le traiter dans sa globalité, si nous nous intéressions spécifiquement à Robespierre, or ce n’est pas notre cas et ça n’est pas le sujet de notre mémoire. Nous avons donc choisi de traiter l’étude publiée dans les Annales Révolutionnaires d’avril-juin 1910, intitulée ici, Robespierre et le culte de l’Être suprême.

Pourtant, il est important d’appréhender pleinement la carrière historique de Mathiez, si l’on veut comprendre sous quel angle fut attaqué le culte de l’Être suprême dans son article ainsi que son rapport avec Aulard, avant de pouvoir l’analyser pleinement. Nous essayerons de voir avec quelles « armes » lutte Mathiez pour que Robespierre soit réhabilité dans son action. Pour éclaircir cela, nous traiterons cette fiche en trois parties. La première concernera la vie de Mathiez, la seconde sera sur son rapport à la religion et la conviction qu’il tira de ses différentes recherches sur les cultes révolutionnaires. Et pour clôturer l’ensemble nous traiterons plus précisément ce qui est écrit dans l’article avec une mise en rapport des sources que nous avons pu trouver.

Albert Mathiez :


Albert Mathiez naquit le 10 janvier 1874, en Haute Saône, à la Bruyère. Il fut envoyé au collège de Lure, étudia ensuite au lycée de Vesoul, puis prépara son entrée à l’Ecole normale supérieure au lycée Lakanal. Il y entra en 1894. En sortit au bout de trois ans, agrégé d’histoire et de géographie et alla enseigner au lycée de Montauban. Son admission à la fondation Thiers lui permet dès 1899 de préparer les thèses qui lui valent en 1904, le grade de docteur. Il en prépara deux sous la direction d’Aulard, la première consacrée à la Théophilanthropie et au culte décadaire, et la seconde sur les origines des cultes révolutionnaires. Dans cette seconde thèse Mathiez applique et développe des idées que le sociologue Durkheim avait présentées dans ses cours et ses ouvrages sur les idées religieuses. Cette thèse, bien plus controversée que la première, souleva un jury qui jugeait « outrées » certaines conclusions de Mathiez. Ce qui ne l’empêcha pas d’obtenir la mention « très honorable ».
Sa carrière d’enseignant fut une lente progression vers la chaire de la Sorbonne. Ainsi du lycée Voltaire, il passa rapidement dans l’enseignement supérieur en tant que suppléant à Caen puis Nancy, puis Lille et enfin en tant que titulaire à Besançon en 1911 et à Dijon à la faculté de lettres en 1919 en tant que professeur d’histoire moderne et de géographie. Après un premier échec, en 1922 suite à la retraite d’Aulard de la chaire de la Sorbonne, surtout dû à son antagonisme avec ce-même Aulard, mais également à ses opinions politiques (Mathiez écrivait encore à l’Humanité à cette époque), il apparaissait clairement que Mathiez, par la nouveauté et l’ampleur de ses recherches, méritait largement cette place tant convoitée. Il y entra finalement en 1926 en tant que suppléant de Sagnac qui fut détaché à l’université du Caire pour quelques années. Le jeudi 25 février 1932, en plein cours, il s’écroula et mourut dans la soirée à l’âge de cinquante-huit ans.

Ce qui frappe lorsque l’on lit les ouvrages concernant Albert Mathiez ce sont les longues descriptions de son physique suivis d’un aperçu de son caractère, comme si, dans l’imaginaire de ceux qui l’ont côtoyé, impression physique et aspect de sa personnalité auraient été indissociables. Par exemple Hermann Wendel écrivit à son propos 1 :

« Si le qualificatif de ramassé, a jamais été de mise, c’est bien le cas. Alors un homme trapu ? Qu’est-ce à dire, trapu ? Les épaules carrées, le thorax, un vrai bélier… et surmontant l’ensemble, une tête façonnée à coups de hache ; dans un visage quelque peu agressif, une moustache blonde, hérissée en pointes de fleuret, et derrière un lorgnon d’une bourgeoise simplicité, deux yeux vifs qui se mettent à étinceler de colère. »

Mais il ne s’agit pas là de l’unique témoignage puisque Schnerb le décrivit sous ces mots 2 :

« Nous vîmes un homme de taille moyenne mais fort trapu, carré d’épaules, au visage blond énergique, au regard autoritaire comme voilé par des verres noirâtres (un accident de jeunesse avait éborgné Mathiez) : en somme l’impression d’une force. »

Nous pourrions poursuivre longtemps ce florilège de témoignages aussi nous nous arrêterons sur un dernier, qui résume assez bien la richesse de l’homme dont le caractère fut souvent associé au ton polémique de l’ensemble de son œuvre. Ce ton polémique qui incommoda longtemps les historiens américains. Mais ceux qui entrèrent en contact avec l’homme durent réviser leur jugement ainsi Gottschalk, professeur à Chicago, notait 3 :

« Quand je le rencontrai pour la première fois en 1926, il m’apparut comme un gentleman très aimable et très bienveillant, et non comme l’ogre que je m’étais attendu à rencontrer. Dans la suite, nous nous sommes revus ; nous avons dîné ensemble ; nous avons correspondu et nous sommes entrés en discussion à plusieurs reprises. J’ai fini par me rendre compte qu’il y avait deux Mathiez. L’un était le gentleman bienveillant qui prenait plaisir à une agréable conversation et à la bonne chère, et qui se donnait une peine infinie pour être utile aux gens qui avaient besoin d’aide. L’autre était l’érudit vigoureux, véhément, incapable de tolérer une sottise ou ce qu’il regardait comme une sottise. La véhémence de ses tirades ne me troublait plus. Je les acceptais comme inhérentes à une personnalité haute en couleur et pleine de dynamisme. L’énergie sans défaillance et l’étonnante activité de l’homme, comme auteur, éditeur et professeur, éveillaient en moi un profond respect, en dépit de son goût pour la controverse qui, désormais, n’affaiblit plus l’admiration que je ressentais pour les contributions essentielles qu’il avait apportées à l’étude de la Révolution française. »

Ne pas aborder sa contribution d’historien fondamental après avoir ébauché son portrait, serait un manquement grave. Son intérêt pour la Révolution française, le porta vers l’histoire religieuse de cette période avec les deux thèses qu’il publia (il mit rapidement de côté l’aspect sociologique de sa seconde thèse pour s’intéresser plus strictement à l’aspect politique). Nous pourrions citer ses nombreuses études réunies dans ses Contributions à l’histoire religieuse de la Révolution (1907), ou dans La Révolution et l’Eglise (1910) ainsi que son grand ouvrage sur Rome et le clergé français sous la Constituante (1911).

C’est par opposition à Aulard qui vénérait Danton et haïssait Robespierre que Mathiez se lança dans l’étude de la fortune de Danton ainsi que dans des ouvrages sur la fortune des Cordeliers (1910 et 1913). Dévoilant avec force et véhémence La Corruption parlementaire pendant la Révolution (1917) avec Danton en figure de proue puis L’Affaire de la Compagnie des Indes (1920) qui montrait comment l’argent de l’étranger et de Pitt servit les intérêts des contre-révolutionnaires. Mathiez, marqué par la guerre montra en 1919 comment ce même Danton s’était fait l’agent de l’étranger, et encourageait une politique défaitiste vis-à-vis des pays corrupteurs.

Suivant l’évolution du travail historique, il s’intéressa au début des années vingt à l’histoire économique et sociale de la Révolution et non plus exclusivement politique. Le fruit de ce travail fut un ouvrage passionnant, foisonnant bien qu’incomplet, sur La vie chère et le mouvement social sous la Terreur en 1927. Pour la première fois, il s’appliquait à démontrer les relations entre les actions du Comité de Salut public et leur ressenti sur le peuple français (l’ouvrage portant malgré tout essentiellement sur la Ville de Paris). Les fluctuations du prix du pain, les arrivages de viandes, de volailles, de porcs, tout ce qui a pu être mis en place pour lutter contre l’inflation et l’accaparement des denrées par quelques-uns. La mise en place du carême civique suivi de l’application du maximum de denrées alliées au maximum des salaires.

Son activité débordante ne s’arrête pas au seul travail d’historien puisqu’en 1908, s’organise la Société des études robespierristes et il fonde la revue, les Annales révolutionnaires qui, changea de nom en 1924 pour, Annales historique de la Révolution française. Il y publiera de nombreux articles. Cette indépendance lui permit de rédiger les textes qu’il estimait nécessaire à la compréhension de la révolution française, sans avoir à se travestir pour être publié, dans quelques autres revues.

De l’ensemble de ses travaux, il publia une synthèse chez Armand Colin en 1922, synthèse vivante, riche, libre d’esprit et en même temps d’une rigueur intellectuelle extrême. Une histoire érudite. Cette synthèse s’achève au 9 thermidor de l’an 2. Il n’eut pas le temps d’aller plus loin.

Aujourd’hui, ses œuvres sont les « restes » de son immense contribution à l’histoire révolutionnaire. Mais son action de professeur ne peut-être tue puisqu’elle fut au moins aussi importante que son action d’historien. Ainsi ceux qui l’ont côtoyé en tant que, collègue ou étudiant, nous en dresse un portrait flatteur, et en phase avec l’historien qu’il était. Georges Lefebvre écrivit à son propos 4 :

« Mathiez fut un professeur éminent. Il rédigeait ses cours, sans doute par scrupule professionnel ; toutefois ses auditeurs attestaient qu’il ne leur paraissait jamais plus convaincant que lorsqu’il parlait d’abondance. Il accroissait l’intérêt par son souci de promouvoir la formation civique en conservant à l’histoire un peu du caractère pragmatique qu’on lui conféra dès sa lointaine origine. A cet égard, il ne destinait pas seulement ses leçons à ceux qui venaient l’écouter : une part considérable de ses écrits se retrouvent dans les journaux et les revues ou dans les brochures que les circonstances lui inspiraient. S’il combattit pour l’histoire ce ne fut pas seulement en tant qu’érudit, mais aussi comme citoyen. »

Mais le plus vibrant hommage au Mathiez professeur, reste celui de son élève Jacques Godechot, qui collabora plus tard avec lui aux Annales. Il écrit à son propos 5 :

« Le premier cours de Mathiez eut lieu le 3 novembre 1927. Plusieurs minutes avant l’heure, il n’y avait plus une place disponible ; des étudiants étaient assis sur les marches de l’amphithéâtre. Enfin Mathiez parut : corpulent, la tête enfoncée sous de larges épaules, le front haut, large, carré, la tête toujours dressée et regardant de haut, moustache et cheveux blonds, le regard de son unique œil en vie, caché par un binocle aux verres teintées. Il n’avait pas l’allure de l’élégant Robespierre, ni du fougueux Danton, il ressemblait plutôt à un notaire de village. Il s’assit, ouvrit sa serviette, en sortit un cahier d’écolier de « 100 pages », en replia la couverture, l’approcha tout près de son œil valide et commença la lecture : « Première leçon : la place de la Révolution française dans l’histoire de l’Europe. » Il lut ainsi, posément, comme à l’école primaire, pendant quelques minutes. J’étais, je l’avoue fort déçu. Mais, brusquement, Mathiez reposa le cahier sur le pupitre, et dans une éclatante improvisation, avec de multiples allusions aux évènements que nous vivions, détailla les traits caractéristiques de la France, à la veille de 1789. L’auditoire était transporté. Tour à tour Mathiez s’indignait et raillait, affirmait son scepticisme à l’égard des hommes, et sa foi dans la justice, née de la souffrance. Puis il reprit son cahier et continua sa lecture donnant des indications précises, sévères indispensables, qu’il commentait ensuite, en s’élevant à des vues générales remarquables. »


De ce portrait flatteur, il ne serait pas totalement complet si nous ne traitions pas de la « guerre » que livra Mathiez à Aulard. Mais nous aborderons cette querelle dans la seconde partie de notre fiche, qui s’intéressera plus spécifiquement à l’article étudiée.

Mathiez, Robespierre et la fête de l’Etre suprême :


Cet article fut rédigé pour défendre Robespierre quant à son rôle durant la fête de l’Etre suprême. La concision nécessaire pour un tel exercice obligea Mathiez à centrer son propos sur la manière dont fut établi ce culte. S’obligeant à démontrer, sources à l’appui, que le rôle de Robespierre dans l’établissement de ce culte fut minime, contrairement à ce qu’établissent ses détracteurs qui ne voit en Robespierre qu’un « cerveau étroit, un homme d’ancien régime, un froid ambitieux qui ne voulait régner sur la France en lui imposant une contrefaçon du catholicisme, le déisme érigé en religion d’Etat. 6 »

De la conception de la politique religieuse de Robespierre, intervient la discorde avec Aulard, virant rapidement à la farouche opposition. Sans doute, l’immense aura entourant les travaux d’Aulard obligeait Mathiez à redoubler d’efforts pour convaincre ses lecteurs du bien fondé de son raisonnement. Nous l’avons vu plus haut, la politique religieuse durant la Révolution française fut le premier thème que Mathiez aborda en tant que chercheur. De ses recherches, il en conclut rapidement, qu’il n’était pas possible de supprimer la religion en France. Ceux qui ce seraient placés parmi les défenseurs de l’athéisme, comme Danton ou même Herbert, n’auraient rien compris à la mentalité des Français. Et en cela, il rejoint la pensée gouvernante de l’époque, ne voyant dans les mouvements d’athées, qu’un mouvement dissident soutenu par la contre-révolution, prôné par des contre-révolutionnaires souhaitant semer ainsi la discorde et le chaos parmi le peuple. D’ailleurs, il suffit se référer au compte-rendu de la fête pour comprendre que l’athéisme n’est pas à l’ordre du jour.

« Le président de la Convention (Robespierre) armé du flambeau de la vérité et accompagné d’une députation, alla mettre le feu au monstre représentant l’athéisme qui, par sa disparition, laissa voir la sagesse dans tout son éclat. 7 »

Si le symbolisme d’une légèreté pachydermique peut prêter à sourire, il s’agit ici de lutter doublement contre l’athéisme en tant que mode de pensée mais également de lutter contre ceux qui le véhiculent. Ce culte de l’Être suprême n’est qu’un outil devant permettre de préserver l’unité au sein du peuple, de ne pas bouleverser de manière inadéquate des croyances ancestrales. D’ailleurs, l’article se conclue sur ce constat 8 :

« [Robespierre] comprit que pour l’élever à la Révolution et le détacher de ses superstitions, il ne fallait pas heurter de front sa mentalité séculaire, ébranler d’un seul coup ses croyances fondamentales. Il s’ingénia à lui présenter l’émancipation sous la forme la moins troublante à son entendement. Il lui parla le seul langage qui lui était accessible. »

Ce qui n’empêche pas Mathiez d’être critique vis-à-vis de ce culte, surtout à une époque où la laïcisation en France est entrée dans les mœurs.

« On peut penser ce qu’on voudra du déisme de Robespierre. Qu’on le trouve périmé, usé, je n’y contredis pas, mais il a ménagé le passage entre le catholicisme exclusif et tyrannique et la pensée libre. Il a été un échelon nécessaire. Quelle injustice aussi de reprocher à Robespierre son déisme quand on n’adresse pas le même reproche à ses adversaires, quand on a pour ceux-ci, notamment pour ce Danton si trouble, toutes les indulgences. On ne peut pas faire à Robespierre un crime d’avoir été de son temps. On doit lui tenir compte, un très grand compte de ce qu’il a toujours subordonné son idéal religieux à son idéal social. Il aimait moins Dieu que le peuple et il n’aimait Dieu que parce qu’il le croyait indispensable au peuple. »

Comme le montre cette conclusion, l’article tend à prouver que Robespierre était un homme de son temps, que ce culte n’est pas né de sa propre initiative mais d’un ensemble de facteurs, de croyances, d’hommes qu’il a, finalement, rassemblé pour les présenter dans deux discours. Celui de la présentation du culte, le 18 floréal an 2 (7 mai 1794) et le jour de la Fête, le 20 prairial. Ce combat historiographique, cette démonstration historique est le thème central de ce texte.

Ce que nous dit le texte :


Car avant la fête de l’Être suprême, il y a le culte de la Raison. Les historiens hostiles à Robespierre voient une opposition entre ces deux cultes. Le culte de la Raison aurait été, pour eux, la création du parti hébertiste. Ce culte de la Raison aurait été, un culte émancipateur, presqu’athée. Par opposition, le culte de l’Être suprême serait la création d’un ambitieux aux passions mystiques, Robespierre. Un moyen pour ce « dictateur » d’asservir le peuple. Mathiez prend le soin de démontrer que cette « opposition entre les deux cultes révolutionnaires, pour être classique, n’en est pas moins fausse. Loin d’avoir été l’invention de quelques hommes : Chaumette, Fouché, Hébert, Cloots, ou même d’un parti, le culte de la Raison ne fut que l’aboutissement d’une série de fêtes civiques dont l’origine remonte à la grande Fédération du 14 juillet 1790 (ici Mathiez ajoute une note précisant que c’est ce qu’il a démontré dans Origines des cultes révolutionnaires, Paris, Cornély, 1904). Les mêmes hymnes y furent chantés, les mêmes cortèges s’y déployèrent, la même émotion patriotique y fut vibrer les cœurs à la vue des mêmes symboles républicains. 9 »
Ce culte de la Raison, cette fête du 20 brumaire an 2 (10 novembre 1793), vit la fin du catholicisme constitutionnel mais cette fin ne fut pas l’œuvre des instances dirigeantes mais bien celle des sans-culottes des sections qui mit en branle le mécanisme de déchristianisation.

Cette opposition est née chez les ennemis de Robespierre qui, après le 9 thermidor ont justifié leur attitude en le représentant sous les traits caricaturaux d’un dictateur avide d’établir son pouvoir en se servant de l’idée religieuse. Les premiers à évoquer l’idée d’un pontificat furent ces mêmes personnes. Alors que, comme l’écrivit Mahiez 10 :

« Enfin, c’est une constatation que M. Aulard lui-même, l’ennemi personnel de M. Robespierre, a dû faire, l’Être suprême n’attendit pas d’y être autorisé par Robespierre pour se faire adorer dans les temples de la Raison au même titre et en même temps que la Nature, la Liberté, la Patrie, la Raison elle-même. Nous avons de très nombreux discours qui furent prononcés dans les temples de la Raison. Les déclarations panthéistes, à plus forte raison athées y sont à l’état d’exception. Nous ne pouvons pas prétendre mieux connaître mieux l’histoire que les contemporains qui l’ont faite et qui l’ont vécue et les contemporains n’ont pas distingué entre les deux cultes révolutionnaires qu’ils appellent indifféremment des mêmes noms. Le culte de l’Etre suprême ne fut pour eux que la suite revue et corrigée du culte de la Raison. C’était le même culte, la même institution qui se continuait et se perfectionnait. »


Il faut donc, à partir de là, préciser le rôle de Robespierre dans l’établissement de cette loi et voir qu’elle fut son action dans sa préparation. Inutile de tergiverser, nous l’avons déjà écrit. Elle fut proche du néant. Robespierre a simplement sublimé dans un discours aux accents lyriques magnifiques, les pensées d’une grande majorité de Français. D’ailleurs pour cela, il suffit de se référer aux multiples courriers des assemblées générales de sections parvenant à la Convention, félicitant Robespierre pour son discours. Par exemple, le 10 prairial, il fut décidé qu’une délégation issue de l’Assemblée générale la section des Invalides se rendrait à la Convention pour féliciter Robespierre d’avoir « déclaré que le Peuple français reconnaissait un Être Suprême et l’immortalité de l’âme 11 ». Nous pourrions également citer le long discours du représentant de la société des Jacobins à la Convention 12 ou encore le discours de Jault à la Commune de Paris, durant la séance du 24 floréal (13 mai 1794), pour s’en convaincre et qui commençait en ces termes 13 :

« S’il y avoit encore dans notre sein, des hommes pervers, immoraux et entachés d’ambition, si nous avions encore dans notre sein des traîtres, je resterois muet ; mais les vertus qui sont à l’ordre du jour, mais la montagne qui écrase les têtes de l’hydre aristocratique, permet à celui qui a de bonnes intentions, de les mettre au jour avec franchise ; vous êtes sans doute pénétrés avec moi d’admiration du sublime rapport de Robespierre sur les fêtes nationales, et les fêtes décadaires et l’effet bienfaisant qu’il a procuré dans les familles et qu’il procurera dans la République. La convention nationale vient de déclarer que le peuple français reconnoissoit l’Être Suprême et l’immortalité de l’âme… Quelle idée consolante pour l’honnête homme, pour le héros, pour la mère intéressante, pour les enfants de la Patrie 14. C’est le trait de foudre pour l’athée, le méchant, le fanatique et le conspirateur. »

D’ailleurs depuis juin 1793, l’Être Suprême avait été adopté par la Convention, plaçant la Déclaration des droits de l’homme servant de préambule à la Constitution, sous les « auspices de l’Être suprême 15 ». Robespierre n’intervenant nullement dans ce processus, contrairement à ce que tente de démontrer Aulard, faisant d’André Pomme, l’«obscur député de Cayenne 16 », un pion de Robespierre lorsqu’il proposa en avril 1793 de voter sa motion concernant l’intégration de l’Être suprême dans la Déclaration des droits de l’homme. Motion qui fut donc, votée quelques mois plus tard. Aucun lien n’a pu être établi entre ce député et Robespierre, comme le précise Mathiez 17 :

« André Pomme était si peu robespierriste qu’il s’abstenait dans le scrutin par appel nominal sur la mise en accusation de Marat, alors que Robespierre non seulement votait contre, mais protestait à la tribune contre l’accusation. L’hypothèse de M. Aulard n’est qu’une pure insinuation dénuée de toute vraisemblance. »

Accuser ainsi Robespierre, c’est nier les multiples rapports des représentants dénonçant le manque d’uniformité dans les cultes. Ces représentants demandaient que l’on réglementa la déchristianisation et les fêtes républicaines mais que ces fêtes soient le socle fondateur morale de la Patrie. Et comme le relève Mathiez 18 :

« Le 17 germinal Couthon […] annonça à la Convention que le Comité de Salut public proposerait à bref délai « un projet de fête décadaire dédiée à l’Eternel, dont les Hébertistes n’ont pas ôté au peuple l’idée consolante ». Les paroles de Couthon provoquèrent les applaudissements. Personne ne fit la moindre objection. »

Mais cette annonce du 17 germinal an 2- 6 avril 1794, n’est que la conclusion d’un long travail entamé par Matthieu, député de l’Oise, sous l’égide du Comité d’Instruction publique depuis le mois de ventôse. Cinq fêtes rappelant les grandes heures de la Révolution devaient être instituées les : 14 juillet, 10 août, 6 octobre, 21 janvier, 31 mai ainsi que des fêtes décadaires « placée sous les auspices de l’Etre suprême et consacrée à une vertu particulière ».
Si c’est à Robespierre qu’a échu la responsabilité de présenter le rapport, c’est simplement parce que, depuis plusieurs mois, il était en charge au sein du Comité de Salut public des rapports sur la politique générale.

Ce qui permet à Mathiez de conclure cette partie, en égratignant à nouveau Aulard 19 :

« Ce simple historique nous montre que, contrairement aux affirmations de M. Aulard, ce ne fut pas Robespierre qui, de sa propre initiative, proposa l’établissement du culte de l’Être suprême. Il restera aux ennemis de Robespierre la ressource de prétendre que la Convention qui ordonnait au Comité d’instruction publique de préparer l’organisation des fêtes décadaires, que ce Comité qui s’exécutait, que Mathieu qui déposait son rapport en son nom, que Couthon qui lui donnait l’adhésion du Comité de salut public, n’étaient que des marionnettes que le Pontife faisait mouvoir dans l’ombre. »

La suite de l’article pointe les talents d’orateur de Robespierre. Talent qu’il mettra à nouveau en exergue durant une conférence en 1912. Nous la trouvons retranscrite dans ce livre sous le titre de Robespierre orateur.
Mathiez s’attarde sur l’analyse du discours du 18 floréal. Discours que l’on peut retrouver dans différentes sources de l’époque, comme le Journal de la Montagne par exemple.
Nous avons déjà montré l’enthousiasme que suscita ce rapport dans les différentes sections parisiennes. Il est important de spécifier à quel point cette fête populaire fut réussie. Paris était entièrement décoré de feuillages, de verdures, de fleurs, comme le souhaitait David, à qui fut confiée l’organisation de la fête. Chaque section composa son hymne, se répartit les tâches suivant l’organisation préconisée par David. Nous retrouvons trace des citoyens allant cueillir fleurs et verdures pour habiller Paris d’un manteau de nature.

L’esprit public 20 montra à quel point, un grand élan patriotique recouvrit Paris d’une vague de joie, de liesse aux lendemains de la fête. Chaque vieillard, chaque femme, chaque homme, chaque enfant, fille ou garçon, défilait et chantait les hymnes écrit pour l’occasion. Les quarante-huit sections de Paris se trouvaient là, représentées par les personnes choisies durant l’Assemblée générale de la veille 21. Des danses et des rondes joyeuses furent entamées sur le « pont neuf » 22. Et il n’y a bien qu’Aulard pour écrire que Robespierre avait cru entamer en ce jour une religion nouvelle 23, tout en concédant dans le même paragraphe qu’aucun contemporain n’avait eu cette impression, je cite :

« En fait, une grande partie de la France sembla ignorer la révolution religieuse tentée par Robespierre. 24 »

Si les français semblent ignorer cette révolution religieuse, c’est peut-être tout simplement qu’il n’y en eut point.

Conclusion :

Cet article d’Albert Mathiez démontre avec passion, force et véhémence quel fut le rôle de Robespierre dans l’établissement de cette fête. Il ne le réduit pas mais le replace dans sa stricte mesure, celui d’un gouvernant, membre du Comité de salut public et donc préposé à présenter les rapports de ce Comité. Ce culte n’avait de vocation qu’à rassembler le peuple français. Même si, les sources présentées sont forcément sélectives, du fait de la forme de notre fiche, elles sont suffisamment éloquentes pour se passer de présenter une dizaine d’autres sources ressassant inlassablement, la joie que procura l’établissement de ce culte et la journée exceptionnelle que fut ce 20 prairial de l’an 2. Il est même rare de trouver un tel consensus, que cela soit au sein de la Convention, de la Commune de Paris et des différentes sections de Paris étudiées.
Il n’est évidemment pas surprenant de lire encore aujourd’hui des historiens démontrant que Robespierre s’est conduit en pontife, s’appuyant sur les mêmes sources thermidoriennes, sur les mêmes dires de ses bourreaux. Difficile d’être juge et partisan, de donner une quelconque valeur à de telles sources, surtout lorsque l’on peut lire, par exemple :

« Vilate écrivait peu après Thermidor : « Aux jacobins comme à la Convention Nationale, Robespierre continuellement environné de ses femmes, ressemblait à un pontif (sic), dictant ses oracles. » [A propos de la fête du 20 prairial] « Tout le monde remarqua son ivresse ; mais, tandis que la foule enthousiasmée faisait retentir les cris de Vive Robespierre, qui dans une république, sont des cris de mort, ses collègues, effrayés de ses prétentions audacieuses, incommodaient ses oreilles, comme il s’en est plaint depuis, de traits satiriques, de sarcasmes piquants : Voyez comme on l’applaudit ; ne veut-il pas faire le dieu, n’est ce pas le grand prêtre de l’Être suprême ? 25 » »

Le pontife était mort à cette époque, les cadavres sont plus dociles que les vivants lorsqu’on les traine dans la boue. Mathiez lutta, sa vie durant, à réhabiliter un homme, non par fanatisme, non pour vouer un culte à Robespierre mais parce qu’au vu des sources, au vue de ses actes, il fut celui qui incarna le mieux l’idée de démocratie.
Laissons le mot de la fin à Mathiez :

« Nous aimons Robespierre parce que son nom, maudit par ceux-là mêmes qu’il a voulu affranchir, résume toutes les iniquités sociales dont nous voulons la disparition. En consacrant nos efforts et nos veilles à réhabiliter sa mémoire, nous ne croyons pas servir seulement la vérité historique, nous sommes sûrs de faire chose utile pour cette France, qui devrait rester celle qu’elle était au temps de Robespierre, le champion du droit, l’espoir des opprimés, l’effroi des oppresseurs, le flambeau de l’Univers.
Robespierre et ses amis furent grands parce qu’ils ont compris que leur action gouvernementale, si résolue fût-elle entre leurs mains, serait cependant impuissante à galvaniser les énergies du peuple français, s’ils ne l’associaient pas, ce peuple, directement à l’exécution des lois, par une politique de confiance et de clarté26. »


Un mot dont l’écho résonne encore aujourd’hui.


Notes :

1) A. Mathiez, Etudes sur Robespierre, p.265, Saint Amand Montrond , Messidor Editions Sociales, 1988.
2) Ibid., p.266.
3) Ibid., p.266.
4) Ibid, p.267.
5) Jaques Godechot, Un jury pour la révolution, p. 307-308, Vienne, Robert Laffont, Collection Sciences Nouvelles, 1974.
6) A. Mathiez, Etudes sur Robespierre, op. cit., p. 146.
7) Rituel républicain, Fête à l’Etre Suprême, exécutée à Paris, le 20 prairial, l’an 2è de la République. Avec la musique et les hymnes. BNF, Lb41 1106, document numérisé sous la cote : NUMM- 48452.
8) A. Mathiez, Etudes sur Robespierre, op. cit., p. 171.
9) A. Mathiez, Etudes sur Robespierre, op. cit., p. 147.
10) Ibid., p. 148.
11) Procès-verbal de l’Assemblée générale de la Section des Invalides, 10 prairial an 2, A.N., F/7*/2510.
12) Journal de la Montagne, du 28 floréal an 2, n°21, rubrique Convention Nationale séance du 27 floréal- 16 mai 1794, p. 166, B.NF, LC2 786, document numérisé sous la cote NUMP- 321.
13) Ibid., 27 floréal an 2, n°20, rubrique Commune de Paris séance du 24 floréal- 13 mai 1794, p. 155.
14) Thème développé par Robespierre dans son rapport du 18 floréal, à propos de l’immortalité de l’âme.
15) A. Mathiez, Etudes sur Robespierre, op. cit., p. 150.
16) A. Aulard, Le culte de la Raison, 2ème édition, p. 266.
17) Ibid., note 15.
18) A. Mathiez, Etudes sur Robespierre, op. cit., p. 152.
19) Ibid., p. 153.
20) Agents se plaçant dans les troquets, dans les queues devant les boutiques et notant l’état d’esprit des gens. Pour faire un parallèle grossier, ce serait aujourd’hui les enquêteurs essayant de situer le « moral des français ».
21) Le Procès-verbal de l’Assemblée générale de la Section des Invalides du 19 prairial an 2, A.N., F/7*/2510 montre comment les groupes de vieillards, d’hommes, d’adolescents, de femmes, de filles et de garçons furent choisis pour « représenter » la section durant la fête. Mais c’est également visible dans d’autres sources consultés comme, par exemple, dans les Registres du Comité de Surveillance des Champs-Elysées, même date, A.N., F/7*/2473.
22) Journal de la Montagne, du 24 prairial an 2, n°46, rubrique Commune de Paris séance du 21 prairial- 9 juin 1794, p. 364.
23) A. Aulard, Le Culte de la Raison, Paris, 1892, Alban, p. 323.
24) Ibid., p. 333.
25) J. Deprun, « Robespierre pontife de l’Être suprême : note sur les aspects sacrificiels d’une fête (1794) », Les fêtes de la Révolution, Colloque de Clermont-Ferrand, Paris, 1977, Société des Etudes Robespierristes, p. 486.
26) A. Mathiez, Etudes sur Robespierre, op. cit., p. 33.
DesLife
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Re: Fiche de lecture : Robespierre et le Culte de l'Être suprême

Message par DesLife »

Merci beaucoup pour cet exposé assez instructif, mais ma première lecture a été trop décousue pour que je retienen tout, faudra que je relise ce pavé. :lol2:
En tout cas un grand merci. ;-)
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bourrinos
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Re: Fiche de lecture : Robespierre et le Culte de l'Être suprême

Message par bourrinos »

D'autant que Robespierre est, paradoxalement, un personnage assez méconnu. A l'école, on le présente comme l'un des principaux partisans de la terreur (d'ailleurs, à Lyon, il n'existe pas de Rue Robespierre, ni de "quoi que ce soit" Robespierre, d'ailleurs. La raison est que pour donner une leçon à Lyon la royaliste, il en avait ordonner la destruction par le comité de salut public...), mais c'est bien tout... Pourtant, il fut très influent durant toute la période post-révolution, il a envoyé un paquet de personnes tester la guillotine mais, on le sait moins, était très en avance sur les questions de droit de vote universel (mais masculin, faut pas pousser non plus), d'interdiction de la peine de mort, d'intégration des immigrants... Bref, un personnage très complexe qu'on a rangé au placard de l'histoire de France dans la catégorie des méchants....

En tous cas, bien sympa la petite fiche. J'essaierai de voir si je peux pas en proposer une aussi.
http://one.piece.trad.free.fr/ : Nouvelle adresse, même qualité

"Qu'est-ce qui est le plus inquiétant pour les valeurs françaises? Trois filles qui portent un foulard et qui finissent par l'enlever ou bien le fait que tous les jours des millions d'enfants voient des dessins animés japonais où on s'entretue." S.Royal

Mme Royal [a interrogé] Mme Fukushima sur la condition des femmes au Japon et avait considéré que le problème pouvait venir de l'impact des mangas (Asahi Shimbun)
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Re: Fiche de lecture : Robespierre et le Culte de l'Être suprême

Message par Byakugan »

il fut celui qui incarna le mieux l’idée de démocratie.
Si c'est cela la démocratie, je la rejette de tout mon être. Enfin la démocratie, c'est le pouvoir de 51 % des gens qui se réservent le droit de dépouiller les 49 autres.
Il ne me semble pas que la vision démocratique d'un Robespierre ou d'un Saint Just soit compatible avec la démocratie dite libérale que nous connaissons dans tous les pays occidentaux... La démocratie est un système politique qui n'est pas forcément compatible avec la liberté.

Au contraire Robespierre incarne plus, chez certains, l'idéal révolutionnaire romantique - si l'on ferme les yeux sur la crise catastrophique pour la société - à la manière de la révolution de Lénine.
bourrinos a écrit :D'autant que Robespierre est, paradoxalement, un personnage assez méconnu. A l'école, on le présente comme l'un des principaux partisans de la terreur (d'ailleurs, à Lyon, il n'existe pas de Rue Robespierre, ni de "quoi que ce soit" Robespierre, d'ailleurs. La raison est que pour donner une leçon à Lyon la royaliste, il en avait ordonner la destruction par le comité de salut public...), mais c'est bien tout... Pourtant, il fut très influent durant toute la période post-révolution, il a envoyé un paquet de personnes tester la guillotine mais, on le sait moins, était très en avance sur les questions de droit de vote universel (mais masculin, faut pas pousser non plus), d'interdiction de la peine de mort, d'intégration des immigrants... Bref, un personnage très complexe qu'on a rangé au placard de l'histoire de France dans la catégorie des méchants....
Un pur méchant, oui.

Seulement la période où il pris de l'influence (il n'était que peu présent en 1789) est bel et bien une période noire (je dirais rouge pour plusieurs raisons, enfin passons, je ne ferais pas d'humour rouge un peu noir!). La dictature jacobine, c'est pas une période de bisounours et s'il pouvait être en avance sur le suffrage universerl, etc, (ce qui n'est même pas sûr; je dirais qu'ils étaient plutôt "en avance" dans un idéal d'égalitarisme social, et non de droit) c'est bien parce que les autres, les plus modérés se méfiaient de son utilisation abusive. Enfin ces derniers avaient déjà quitté le navire de leur bon vouloir ou alors ils avaient été expulsés par nos chers démôôôcrates montagnards.
Au contraire, je trouve que nos livres d'histoire ne prêtent pas attention au fanatisme de cette époque. On nous dépeint toujours la révolution française positivement, de ce qu'il en reste, comme si les boucheries étaient un mal nécessaire. C'est pourtant largement faux car l'idéal de liberté avait déjà gagné le coeur d'un grand nombre et l'"ouverture" de Louis XVI allait déjà dans ce sens.
1793-1794 envoya près de 30 000 personnes à l'échafaud, sans compter le nombre de personnes faites prisonnières car elles répondaient à la merveilleuse et si arbitraire accusation d'être contre-révolutionnaires.
La plus belle œuvre de la Terreur fut incontestablement le massacre des Vendéens, quelques 200 000 au total par les troupes révolutionnaires, qui sur leur passage se livraient aux pillages, viols, meurtres, femmes et enfants avec traque des derniers survivants lors des colonnes infernales du général Turreau. Mais les plus beaux agissements de cette œuvre sont ceux de Jean Baptiste Carrier et ses "mariages républicains"... :vomi:
N'oublions pas que nos "amis de la liberté" voulaient tout contrôlé et ce même jusque dans la moindre parcelle de l'économie (politique des assignats, impôts, contrôle des prix augmentant la pénurie, restriction de la liberté de circulation des grains... et progressivement étatisation complète de l'économie). Les famines furent nombreuses.

J'aimerais vraiment savoir quel fut le bilan humain de la Révolution Française. Je crois que je vais acheter ce livre à sa sortie le livre noir de la Révolution Française

Je dirais que la meilleure des choses dans la Révolution Française, si l'on ne compte pas la DDHC durant la première phase autrement plus raisonnée, c'est quand tous ces fanatiques sont passés tour à tour sous la coupe franche de Sanson. Et remettre Robespierre sur le tableau des honneurs relèvent du révisionnisme. L'inventeur du terrorisme d'État.:roll:

Pour finir en allant sur la page wikipedia de Robespierre, quand je lis ça, :vomi:
« Nous voulons substituer, dans notre pays, la morale à l’égoïsme, la probité à l’honneur, les principes aux usages, les devoirs aux bienséances, l’empire de la raison à la tyrannie de la mode, le mépris du vice au mépris du malheur, la fierté à l’insolence, la grandeur d’âme à la vanité, l’amour de la gloire à l’amour de l’argent, les bonnes gens à la bonne compagnie, le mérite à l’intrigue, le génie au bel esprit, la vérité à l’éclat, le charme du bonheur aux ennuis de la volupté, la grandeur de l’homme à la petitesse des grands, un peuple magnanime, puissant, heureux, à un peuple aimable, frivole et misérable, c’est-à-dire, toutes les vertus et tous les miracles de la République, à tous les vices et à tous les ridicules de la monarchie. »
On comprend tout de suite ses misérables desseins. Du constructivisme à l'état pur; la volonté de construire un homme nouveau. Et pour y parvenir, j'imagine toutes les forces de coercition pour réprimer la population, allant de pair avec la destruction de toutes initiatives individuelles, alors que ce sont elles les vrais valeurs morales des hommes. Son discours relèvent de l'anti-humanisme par excellence.


Entre parenthèse, je trouve que nos rues regorgent de noms de bouchers révolutionnaires ou d'hommes politiques qui me donnent la nausée. Enfin, c'est l'histoire de France.
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Re: Fiche de lecture : Robespierre et le Culte de l'Être suprême

Message par Aizen »

Bon, répondons. Par contre, je préviens d'emblée, je ne cherche pas à te convaincre, au vu de ton post, c'est totalement inutile, ton idée de la démocratie suffit à le prouver.
Si c'est cela la démocratie, je la rejette de tout mon être. Enfin la démocratie, c'est le pouvoir de 51 % des gens qui se réservent le droit de dépouiller les 49 autres.
Il ne me semble pas que la vision démocratique d'un Robespierre ou d'un Saint Just soit compatible avec la démocratie dite libérale que nous connaissons dans tous les pays occidentaux... La démocratie est un système politique qui n'est pas forcément compatible avec la liberté.
Lorsque l'on énonce une telle chose, il faut déjà savoir de quoi on parle. Qu'est ce que la démocratie donc ? C'est selon le Larousse un "système politique dont l'autorité émane du peuple." Démocratie venant des deux racines grecques : "demo" qui signifie peuple et "kratia" qui est la forme d'un gouvernement.

Mais à partir d'une définition que peut-on prouver ? Peu de choses. Mais, je poursuis ma lecture et un peu plus loin je découvre cette phrase :
Je dirais que la meilleure des choses dans la Révolution Française, si l'on ne compte pas la DDHC durant la première phase autrement plus raisonnée.
N'est ce pas en total contradiction avec tes propres dires ? N'est ce d'ailleurs pas totalement inepte de juger la pensée du XVIIIe siècle en se référant aux outils de pensées du XXe et XXIe ? Parce que oui, Robespierre fut celui qui incarna le mieux l'idée de démocratie telle qu'elle était entendue au XVIIIe siècle. Et d'où vient cette démocratie prônée par Robespierre ? Elle est le fruit de l'étude des philosophes du droit naturel tels Locke, Mably ou Rousseau. Voilà ce que dit Locke dans son premier Traité civil de gouvernement :

Chapitre 1, de l'Etat de Nature :
Car il est très évident que des créature d'une même espèce et d'un même ordre, qui sont nées dans distinction, qui ont part aux mêmes avantages de la nature, qui ont les mêmes facultés, doivent être pareillement être égales entre elles, sans nulle subordination ou sujétion.
Je saute quelques lignes, il poursuit :
C'est cette égalité, où sont les hommes naturellement, que le judicieux Hooker regarde comme si évidente en elle-même et si hors de contestation, qu'il en fait le fondement de l'obligation où sont les hommes de s'aimer mutuellement : il fonde sur ce principe d'égalité tous les devoirs de charité et de justice auxquels les hommes sont obligés les uns envers les autres."

Je ne vais pas m'étendre et poursuivre la démonstration plus longuement, je synthétiserai la suite de son propos. Lorsque l'Homme passe de l'Etat de Nature à l'Etat de Société, la première préservation fondamentale, doit être celle de ses droits naturels qui sont : la liberté et l'égalité.
Mais comment préserver cette égalité, si chacun souhaite le pouvoir de l'autre, est envieux etc ? Dans un tel état, l’homme n’est plus en état de paix mais entre en Etat de guerre. Or comment une société devant viser à établir le bien être commun peut-elle se perpétuer en temps de guerre ? Il faut donc créer un ciment suffisamment fort pour que cet état de paix existe.

Hobbes, considère que l'homme est perpétuellement en état de guerre et qu'il ne vise que sa propre conservation aux dépends des autres hommes. Locke établit, comme on a pu le voir plus haut, la notion de fraternité pour la préservation de l'égalité. Si l'homme veut son égalité qui n'est que la préservation de son droit Naturel (qui est donc celui qu'il avait avant tout fondement de société) le plus strict, il doit accepter son prochain comme il s'accepte lui-même. Être prêt à donner autant qu'à recevoir. Accepter son prochain comme étant son égal et non comme un adversaire...

Et donc... Liberté, égalité, fraternité. Le truc qui est inscrit sur les frontons de nos mairies vient de là. Evidemment je synthétise et malheureusement je suis obligé de réduire mais si nous devions aller au bout des choses, l'argumentation s'en trouverait plus étoffée mais la conclusion demeurerait la même.

Je vais tout de même faire un détour par ta phrase concernant les 51% qui dépouillent les 49%. Nous sommes bien loin de Locke, bien plus proche de Hobbes et de sa pensée qui, en résumé, consiste en ceci. L’état de paix chez Hobbes par sa conception même de la nature humaine, violente et dominatrice, ne peut être compatible avec ses aspirations. Ce qui induit un état de guerre perpétuelle où chaque homme tentant de dominer l’autre n’a d’autre combat que de se préserver aux dépends des autres. La vie de l’état n'est donc qu’un chaos perpétuel où seule la délégation de son pouvoir à un homme capable de vous protéger peut-être envisageable et susceptible de maintenir une paix ne reposant que sur la fragile autorité du souverain. Ainsi l’homme qui a délégué ses droits à un souverain, ne conserve aucune liberté ou égalité de droit mais une égalité et liberté physique, puisque le souverain a reçu la servitude de ces hommes afin qu’il soit capable de maintenir l’état en paix et donc de les maintenir en vie.
Alors tu as raison Robespierre n'avait pas cette idée de la démocratie. Tu as raison Saint-Just n'avait pas non plus cet idéal de démocratie... qui n'en est pas une puisque le pouvoir est délégué à un souverain qui dicte sa loi sur l'ensemble du peuple, le pouvoir ne vient donc pas du peuple, considéré dans sa globalité mais d'une fraction de celui-ci imposant ses vues à l'autre fraction.


Quant au paragraphe suivant, quel magnifique plaidoyer contre la Révolution française, s'il n'était gorgé de poncifs, de lieux communs et de contre-vérités. On va tenter d'y voir un peu plus clair dans ce que tu dis, et de l'analyser avec les sources, avec la réalité historique et non trafiquée idéologiquement. Déjà, énoncer que Robespierre n'était pas présent au début de la Révolution...
Comment peut-on affirmer quelque chose d'aussi insensé si ce n'est lorsque l'on est obscurcit par la vision haineuse de trop d'historiens à l'encontre du personnage ? Car, oui, dès le 22 octobre 1789 il s'élève dans l'Assemblée Constituante pour lutter contre cette Assemblée qui voulait qu'un certain niveau de richesse permette d'accéder au droit de voter. Plus communément appelé : suffrage censitaire. Et il se réfère à cette Déclaration que tu cites :
"Tous les citoyens, quels qu'ils soient, ont droit de prétendre à tous les degrés de représentation. Rien n'est plus conforme à votre Déclaration des droits, devant laquelle tout privilège, toute distinction, toute exception doivent disparaître."
Et chose surprenante dans une époque (la nôtre puisqu'elle te sert de référence idéologique), il est fidèle à ses idées et ses principes, il ne retourne pas sa veste en fonction du vent comme un Danton a pu le faire. Le 23 décembre 1789 à l'Assemblée Constituante, le voilà qui défend les comédiens et les Juifs. Robespierre demande à ce que tous les habitants du sol français doivent avoir les mêmes droits civils et politiques (et tu remarqueras qu'il est question de droit et non "d'égalitarisme social" pour te citer). La question du droit est fondamental chez Robespierre et ce droit est issu de la philosophie des Lumières. Il n'invente rien. Il met en pratique, il met en place des principes philosophiques énoncés bien avant lui. Mais lui, les confronte à la réalité d'une Nation en mouvement, d'un peuple en ébullition.

Cela dit pourquoi demander les droits de vote des Juifs et des comédiens ? Ce serait donc que ce droit leur serait contesté ? Mais pour quelle raison ? Raison de mœurs, pour les comédiens, raison religieuse pour les Juifs. Durant cette journée l'Abbé Maury, membre de la Constituante, les décrit comme "un fléau". Que répond exactement Robespierre ?

"On vous a dit sur les Juifs des choses infiniment exagérées et contraire à l'histoire. Comment peut-on leur opposer les persécutions dont ils ont été victimes chez différents peuples ? Ce sont au contraire des crimes nationaux que nous devons expier, en leur rendant les droits imprescriptibles de l'homme dont aucune puissance humaine ne pouvait les dépouiller.
Encore une question de droit, celui du droit naturel de chaque homme. Quelle société peut se permettre de faire des distinctions entre les hommes à partir du moment où l'on reconnait dans sa Constitution que tous les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ?

Pour la suite de cette histoire, le 24 décembre, l'Assemblée vote l'admission des non-catholiques aux fonctions publiques, mais "se réserve de prononcer" sur l'état des Juifs. Le 27 septembre 1791, les Juifs sont "confondus dans le droit commun de tous les Français".
Son action a commencé dès le début de la Révolution et elle fut toujours de combattre les préjugés les plus vils et les plus malsains, de toujours placer sur le terrain du droit, la question de la place de l'homme dans la société. Par ces deux exemples, j'espère avoir montré que non seulement Robespierre était actif dès 1789 mais que dès cette période, ses idées et ses pensées ont contribué à l'évolution de la Révolution vers une pensée plus juste, plus "fraternelle". Rejetant l’idée d’opposer les castes, les partis, les Hommes mais plutôt de les unir pour le bien commun. Celui qui fonde et forge une nation. Ce n'est pas l'aliénation d'une caste sur une autre, c'est le respect mutuel et fraternel, d'une caste par rapport à l'autre. Ce n'est pas 51% qui dépouille les 49 autres, ce sont les 51% qui respectent et comprend les 49 autres et qui œuvrent pour satisfaire du mieux possible l'ensemble de la population.

Dois-je par ailleurs citer son discours sur 1791 où il demandait purement et simplement l'abolition de l'esclavage dans les colonies ? Abolition qui sera obtenue le 16 pluviôse de l'an II, le 4 février 1794, soit en plein durant la gouvernance du Comité de Salut public où siégeaient Collot d'Herbois, Barère, Lindet, Robespierre, Couthon, Saint-Just.... avant d'être rétabli par Napoléon 10 ans plus tard pour satisfaire les lobbys esclavagistes des exploitants de canne à sucre (entre autres).

Je saute au plafond lorsque je lis que Louis XVI aurait été le chantre d'une quelconque ouverture. Je ne sais pas qui a pu écrire ça (encore que je le devine vaguement) mais quelle sottise ! Louis XVI a juste poussé à la guerre ses amis de l'étranger et notamment l'Empereur Léopold qui répondait ainsi aux nombreuses sollicitations de Marie-Antoinette (ses nombreux courriers ne peuvent malheureusement pas être effacés par l'obscurantisme et un peu de bonne foi montre à quel point les manœuvres du roi et de sa reine furent contre la Révolution, contre la DDHC, contre l'Assemblée Constituante, mais surtout ce qu'elle représentait). Le but de la reine est clair : retrouver assez de puissance tout en laissant croire à Barnave et Lameth que le Roi va accepter sa condition de Roi constitutionnel.
Ce n'est pas le cas, elle écrit qu'elle souhaite "les endormir et [...]leur donner confiance [...]pour les mieux déjouer après" (lettre de la Reine à Mercy). Et à Fersen voici ses mots "quel bonheur si je puis un jour redevenir assez puissante pour prouver à tous ces gueux que je n'étais pas leur dupe".
Voilà la position d'un Roi et d'une Reine qui appelle les forces impériales et royalistes des pays étrangers pour entrer en guerre avec la France.
Quel sens de l'ouverture ! Quelle générosité, ouvrir et offrir ainsi son pays à l'empire austro-hongrois. Je ne m'étendrai pas d'avantage sur le sujet, n'importe quel ouvrage un tant soit peu sérieux, basé sur des sources sérieuses ne peut pas nier la duplicité du roi et de la reine. Eux qui ont agi activement pour précipiter le pays dans la guerre contre les pays étrangers. Et à ce « jeu », ils furent magnifiquement aidés par les Brissotins qui engagèrent la France dans la guerre. Sous le prétexte fallacieux d'imposer la démocratie aux peuples étrangers, des les libérer de leurs chaînes. La conjoncture n'aurait pas pu mieux profiter aux royalistes.

Quant à Robespierre, quelle fut sa position ? Il ne fut pas dupe et c'est une intervention à la Société des Amis de la Constitution qui le prouve, le 2 décembre 1792. Nous sommes après l'échec de Varennes, la Cour compte toujours utiliser la guerre pour reconquérir son pouvoir et les Girondins, que cela soit aux Jacobins ou à la Législative, comptent mener une campagne belliciste en vue de détruire le foyer d'émigrés contre-révolutionnaires de Coblence, où sont réfugiés les frères de Louis XVI, et étendre la révolution aux autres peuples. Robespierre réplique en cette date à une série de discours de Brissot. Avec Marat et Billaud-Varennes, il décrit cette politique belliqueuse comme une vaine agitation et un piège. Il dénonce la guerre de conquête, contraire aux principes de liberté et situe l'enjeu politique non à l'extérieur mais à l'intérieur du territoire : "le véritable Coblence est en France".
La "guerre ridicule" envisagée contre "une poignée d'aristocrates émigrés", "cette tourbe de fugitifs impuissants", ne serait que risible si elle n'était aussi dangereuse. S'il ironise sur les "artifices grossiers", les promesses de gloire et les "images touchantes du bonheur", employés par Brissot, il rappelle surtout les illusions du faux patriotisme et les discours martiaux ont généralement pour fonction de "détourner l'attention publique", de "faire diversion", en particulier au moment où se multiplient les troubles de subsistances. La liberté que l'on voudrait apporter n'est pas assurée en France où les droits déclarés sont bafoués par la constitution censitaire, où la politique économique, "au nom des lois de la liberté même" attaque "la faiblesse et l'innocence". Là, en France, est le véritable Coblence, "le nouveau despotisme". Cette guerre, estime Robespierre, n'est pas bonne pour les peuples, mais pour les spéculateurs, à qui elle ouvre des marchés, pour la carrière des officiers, avec le danger du césarisme, bonne pour le pouvoir exécutif qui propage alors un esprit d'obéissance, empiète sur le législatif et confisque la souveraineté. Une telle guerre ne sert qu'à accentuer les efforts déjà entrepris pour échapper à la DDHC.
Croire enfin que l'on puisse que l'on puisse apporter la liberté à d'autres peuples par l'invasion, c'est-à-dire au mépris de leurs droits à la liberté, est selon lui "la plus extravagante idée qui puisse naître dans la tête d'un politique" : "personne n'aime les missionnaires armés ; et le premier conseil que donne la nature et la prudence, c'est de les repousser comme des ennemis."

Des mots qui rencontrent un écho encore récent non ?

Mais, malheureusement, malgré ses dénonciations le pays n'échappa pas à la guerre. Cela ne fut pas son unique discours contre la guerre, il s'agit simplement, ici, de son intervention la plus marquante. Pourtant, j'entends déjà poindre la remarque consistant à objecter que Robespierre fut au gouvernement et ces guerres ne s'arrêtèrent pas. Alors intéressons nous à son rôle et à celui de Saint-Just, autre personnage tant décrié dans le post de Byakugan, "l'archange de la mort" selon Michelet. Essayons de rétablir la vérité et non d'entretenir un mythe qui perdure encore aujourd’hui. Leur action fut de promouvoir des jeunes généraux de la République. De ne pas accorder les rênes de l'armée à une caste sous prétexte de compétences et les évènements leur donnèrent raison.
Dumouriez fuit l'armée et passe à l'ennemi tout comme Lafayette après avoir vainement tenté de retourner son armée vaincue contre la Convention. Aux yeux de Robespierre l'armée n'est pas une fin en soi mais comme un instrument au service de la nation. Au dessus des Etats-Majors, ils ont placé le peuple. Et pour le montrer, peut-être faut-il se référer aux actions de Saint-Just dans l'armée du Bas-Rhin.

En brumaire de l'an 2 la situation de l'armée sur la frontière de l'Est est déplorable. Abandonnées ou trahis comme nous l'avons dit plus haut. Très vite avec l’arrivée de Saint-Just, cette situation change, la discipline est rétablie, quelques exemples montrent que la justice républicaine est égale pour tous ; les troupes sont habillées et nourris ; les conditions de la victoire sont créées. Mais cette volonté d'imposer la "morale républicaine" au sein de l'armée est déjà présente chez Saint-Just le 12 février 1792 lors d'un discours à la Convention sur l'organisation des armées. Ses principes dictés, il les appliquera une fois au sein du gouvernement. Et nous voyons apparaître à cette occasion les premières pensions pour les veuves de guerres et les mères y ayant perdu leur(s) enfant(s).

Sa politique ne s'arrêta pas à l'armée. A Strasbourg voilà ce que nous narre un ancien administrateur du département du Bas-Rhin. Le 25 thermidor au Comité de Sûreté Générale, il envoie cette missive. On y perçoit toute la rancœur des possédants, des "riches" contre la politique mise en place dans l'armée par Saint-Just :
"Pour s'attacher des créatures (des soldats donc), on affecta une compassion outrée pour les pauvres, on leur fit des distributions considérables en argent, et on répartit sur les prétendus riches un million six cent vingt mille livres en sus des neuf millions demandées par Saint-Just et Lebas."
Qui étaient ces prétendus riches ? En tête de cette Liste des riches contribuables de Strasbourg, dressée pour le recouvrement de la taxe révolutionnaire de neuf millions, figure, imposé à 300.000 livres, le banquier Dietrich, le roi du fer de l'époque. Les Thermidoriens ne pardonnèrent pas à Saint-Just cette atteinte à la richesse. Un an plus tard, en nivôse de l'an III, deux conventionnés réclamèrent que soit indemnisés ces taxés de l'an II.

Quant aux exactions commises par l'armée, elles ont existé. Il serait inutile de les nier, mais associer Robespierre à cette politique ? Allons bon, encore une fois l'examen des sources ne permet pas une telle analyse, elle y serait même opposé. Je ne tenterai même pas de défendre les exactions de ces armées et de certains de ses chefs. Je ne peux pas les banaliser en rapportant que c'est tristement courant lorsqu'une armée combat. Dans un passé récent nous avons l'armée française en Algérie, les Américains lors de leur invasion au Japon qui violèrent et pillèrent eux aussi, aux Japonais en Chine qui instituèrent la prostitution au sein de leur armée avec les "femmes de réconfort", nom donné aux coréennes enlevées à leurs parents qui servaient d'exutoire sexuel aux soldats japonais. Et d'ailleurs cette même armée japonaise fit "cadeau" de son invention aux américains lorsque ceux-ci débarquèrent... Enfin bref, ces actes sont de toute façon barbares et intolérables. Ils ne peuvent que provoquer la nausée.

Non, le plus intéressant ce n'est pas l'action de ces armées mais plutôt quelle fut l'action de Robespierre par rapport à ces actes. Comme, mon post s'étire de plus en plus longueur et que je suis loin d'avoir fini, je vais simplement narrer deux anecdotes qui reflètent parfaitement la position de Robespierre vis à vis de ces massacres, de ces actes barbares mais également de sa position vis-à-vis des répressions excessives et totalement inacceptables.

Nous possédons les lettres par lesquelles le jeune Julien, chargé par le Comité de Salut Public d'une enquête dans les départements maritimes, rend compte au jour le jour des constations qu'il faisait sur l'application de la Terreur. Epouvanté par les excès de Carrier à Nantes, il jette à Robespierre ce cri d'alarme : "J'ai vu Nantes, il faut sauver cette ville... Carrier, qui se fait dire malade et à la campagne lorsqu'il est bien portant et dans Nantes, vit loin des affaires, au sein des plaisirs, entouré de femmes et d'épauletiers flagorneurs qui lui forment un sérail et une cour. Carrier fait incarcérer les patriotes qui se plaignent avec raison de sa conduite... Il n'y a pas un instant à perdre... Il faut sauver Nantes, éteindre la Vendée, réprimer les élans despotiques de Carrier..." (15 pluviôse). Au reçu de cette lettre, Robespierre fit rappeler Carrier le 20 pluviôse.
Il fit rappeler Barras et Fréron, qui s'étaient souillés de sang et de rapines dans leur mission du Midi ; Rovère et Poultier, qui dirigeaient eux-mêmes dans le Vaucluse les bandes noires organisées pour le pillage des biens nationaux. Il fit rappeler Lebon, qui se conduisait dans l'Artois comme un fou furieux. Il fit rappeler Fouché, qui, après avoir fait mitrailler en masse les aristocrates lyonnais pendant plusieurs mois, après des simulacres de jugement, avait trouvé à la fin plus expédient de leur vendre des mises en liberté et qui avait fini par mettre en prison à leur place les patriotes lyonnais amis de Chalier, leur victime.
Fouché avait connu Robespierre à Arras, au temps où il enseignait à l'Oratoire. Il courut chez Robespierre à son retour de Lyon. Il s'efforça de se justifier. "Mon frère lui demanda compte, écrit Charlotte Robespierre dans ses "Mémoires", du sang qu'il avait fait couler et lui reprocha sa conduite avec une telle énergie d'expression que Fouché était pâle et tremblant. Il balbutia quelques excuses et rejeta les mesures cruelles qu'il avait prises sur la gravité des circonstances. Robespierre lui répondit que rien ne pouvait justifier les cruautés dont il s'était rendu coupable, que Lyon, il est vrai, avait été en insurrection contre la Convention national, mais que ce n'était pas une raison pour faire mitrailler en masse des ennemis désarmés."
Evidemment, nous avons un moyen de contrôler l'exactitude de ce récit. Il existe une lettre adressée à Robespierre aîné par un juge de la commission populaire des Cinq qui condamna les rebelles lyonnais. Ce juge, nommé Fernex, prend soin de se disculper auprès de Robespierre des reproches de cruauté que celui-ci lui avait faits : "Je ne puis m'empêcher de te dire que j'ai été un peu affecté de l'espèce de reproche que tu me fais relativement à Commune Affranchie... J'atteste ici que j'étais plutôt le défenseur que le juge de ceux qui pouvait être présumés avoir agi par erreur que par méchanceté, et je peux t'assurer qu'il n'en est guère péri que de ceux qui persécutent les patriotes." Il s'agit là d'une lettre du 1er messidor. A moins d'être aveugle ou de mauvaise foi, il est impensable de ne pas reconnaître que Robespierre blâma vivement les excès des terroristes. Et il ne se borna pas à les blâmer. Il s'efforça d'en empêcher le retour en retirant le pouvoir révolutionnaire des mains de ceux qui en avaient abusé. Tous ces proconsuls rentrèrent sur Paris, le cœur altéré de rancune. Tous figureront au premier rang des conjurés préparant le 9 thermidor. Tallien, Fouché, Barras…

On l'accusa également d'avoir voulu "saigner" la Convention Nationale, une anecdote suffira, je l'espère, à convaincre les sceptiques sur le rôle de "modéré" que joua Robespierre au milieu du tumulte révolutionnaire. Et cette anecdote vient de son "bourreau" Barras et est relatée dans ses mémoires. Voyons ce qu’il nous raconte : "Une querelle fut causée au Comité de Salut Public par la proposition d'une liste de proscription à laquelle Robespierre s'opposait justement. Il s'agissait d'arrêter 14 députés et des citoyens ; cette liste mise en délibération par la majorité, passée à chaque membre qui y ajoutait, parvient à Robespierre portée à 32 députés. Robespierre dit : "Je vois 5 ou 6 députés indignes du caractère dont ils sont revêtus ; il sera facile de les engager à donner leur démission ; mais je ne prêterai ni mon vote, ni ma signature aux vengeances qu'on veut exercer." Deux amis de Robespierre furent de son avis, les têtes s'échauffèrent, des personnalités s'ensuivirent, on rappela à Robespierre qu'il avait voté contre la faction Danton. Les trois opposants furent traités de modérés. Robespierre, se levant avec humeur leur dit : "Vous tuez la République ; vous êtes des fidèles agents de l'étranger qui redoute le système de modération qu'il faudrait adopter." La séance devint tellement orageuse que Collot usa de voie de faits envers Robespierre. Celui-ci alors déclara qu'il quittait le Comité, qu'il ne pourrait avec honneur siéger avec des bourreaux, qu'il en rendrait compte à la Convention. On aperçut le danger de la publicité de cette scène, on blâme la colère patriotique de Collot, on supplia Robespierre, après avoir déchiré la funeste liste, de ne pas donner aux ennemis de la République de nouveaux moyens de l'attaquer. Robespierre parut s'apaiser, surtout lorsque Collot s'approcha de lui pour l'embrasser ; il s'y refusa et, malgré ses instances, il sortit."

Mais sans doute est-ce l'accumulation des preuves, des témoignages, qui forcera le verrou des préjugés et de siècle d'obscurantisme quant au rôle de Robespierre. Ecrire qu'il fut un vrai méchant relève autant de l'ineptie que de l'ignorance. Evidemment après Thermidor, il fallait que les bourreaux justifient leurs actes. Il fallait corriger l'histoire et se laver de tous les crimes en les imputant à ce mort, à ces morts (Saint Just, Couthon et son frère avec lui) à la tête coupée.
Alors poursuivons dans ce qui fut dit durant cette période. Par exemple, le royaliste Beaulieu, qui était en prison lors du 9 thermidor, nous dit que sa première impression et celle des autres détenus, en apprenant la mort de Robespierre, fut de craindre une aggravation de la Terreur. "Uniquement occupés, dans nos prisons, à rechercher dans les discours qu'on prononçait, soit aux Jacobins, soit à la Convention, quels étaient les hommes qui nous laissaient quelque espoir, nous y voyions que tout ce qu'on disait était désolant, mais que Robespierre paraissait encore le moins outré."
Rappelons également ce mot de Reubell qui fut lui aussi un de ses ennemis : "Je n'ai jamais eu, disait il à Carnot, qu'un reproche à faire à Robespierre, c'est d'avoir été trop doux."
Alors cet homme accusé de modérantisme par ses bourreaux serait donc devenu le chantre, l'incarnation de la Terreur pour l'historiographie française de Michelet, en passant par Aulard pour aller jusqu'à Furet ? On essaye de le rendre responsable de l'hécatombe des derniers mois. Le Girondin Saladin protesta contre cette légende intéressée mise en circulation par les thermidoriens, il faut remarquer que "dans les 45 jours qui ont précédé la retraite de Robespierre du Comité de Salut Public (celui-ci se retira des affaires du Comité de Salut Public durant le mois de messidor, un mois avant thermidor, lassé par les querelles au sein de celui-ci mais également afin de panser les plaies de la tentative d'assassinat survenue sur sa personne un mois plus tôt) le nombre de victimes est de 577, et que dans les 45 jours qui l'ont suivie jusqu'au 9 thermidor, le nombre est de 1286".
Sa signature manque sur tous ces arrêtés de mort. Il est logique d'en conclure qu'on le rend responsable à tord. Mais lorsque l'on tient son bouc-émissaire, on ne s'embarrasse pas de logique. M. Aulard lui-même, farouche pourfendeur de Robespierre, a dû le reconnaître. Le 9 thermidor ne fut pas fait par des hommes souhaitant arrêter la Terreur, mais au contraire, par des hommes qui avaient abusé de la Terreur et qui voulaient la prolonger à leur profit, pour se mettre à l'abri.


Cette réponse n'en finit pas de s'allonger et je n'ai pas encore abordé les contresens sur la politique économique durant la Révolution, énoncés par Byakugan.
La politique des assignats fut une véritable catastrophe, sans cesse dévalué, il causa un tort énorme à l'économie française. Les impôts auraient donc été une catastrophe ? Mais les taxes ont toujours existés, seulement elles n’étaient pas valables pour tout le monde. Pour la petite histoire Robespierre demanda à ce que les plus démunis ne payent pas cet impôt. Ceux-ci protestèrent par la voix des AG de sections, considérant que l'acte de payer un impôt à l'Etat français était un acte citoyen, de participation à la construction de la nation française. Les impôts permirent de remplir les caisses de l'Etat sans taxer de manière abusive les plus démunis, puisque fut mis en place l'impôt dégressif en fonction des revenus de chacun.

Maintenant comment expliquer la politique économique du gouvernement révolutionnaire ? Sous quel angle doit-on l'aborder ? Effectivement, à la fin de l'année 1793, il y eut une forte disette sur Paris (et non famine). Cette disette était provoquée par plusieurs facteurs mais le plus important était l'inflation du prix des denrées. Inflation ne permettant pas aux personnes d'acheter de quoi se nourrir. La question de l'approvisionnement est effectivement fondamentale durant cette période et elle ne peut pas être comprise, si l'on ne s'est pas un tant soit peu intéressé à la vie sectionnaire dans Paris. Qu'est ce que la vie sectionnaire ? Tout d'abord Paris était divisé durant cette période en 48 sections qui correspondaient à une situation géographique bien précise. Mais cette vie ? C'est une chose horrible et atroce, des citoyens se regroupant en Assemblée et discutant des lois promulgués, des actions à mener pour combattre la disette, de la réflexion à mener pour que soit perpétué l'action révolutionnaire. Toutes les personnes de la section étaient conviées dans ces assemblées générales. Et ce sont de ces assemblées que viennent les premières idées pour mettre fin à la disette. La carte de pain fut d'abord instaurée par quelques sections, avant d'être repris par la Commune de Paris puis la Convention qui l'imposa à toute la France. La carte du pain, il s'agissait simplement d'une carte de rationnement journalier permettant à l'ensemble des familles de se nourrir. Cela n'empêcha pas la hausse des prix. A quoi était-dû cette hausse ? Tout d'abord à l'action des "contre-révolutionnaires" terme qui n'a rien de nébuleux, si on s'intéresse un peu à la vie des personnes de cette époque.

A l’orée de ventôse, les problèmes concernant l’arrivage en blé et la distribution de pain paraissait à peu près réglé, c'est alors que le problème de l’approvisionnement de la viande prit place sur le devant de la scène. De nombreux abus existaient, les volailles se trouvaient jetées dans la Seine ou pourrissaient dans les rues. Ces pratiques permettant d’augmenter la spéculation et la crainte chez les particuliers. Dans les prisons, les nobles pouvaient se permettre des repas fastueux sans être inquiétés, il suffisait d’avoir la bourse pleine et de connaître les bonnes personnes. Devant les boucheries, les queues ne diminuaient pas et de nombreuses bagarres éclataient régulièrement.
Alors que ces évènements survenaient, le peuple et les autorités cherchaient de concert, les causes de ces difficultés d’approvisionnement. La cause de cette pénurie. Les raisons invoquées furent multiples.

Les quantités de bétails avaient diminué en province, Normandie, Auvergne, Limousin. Ces régions historiquement productrices subissaient le contrecoup des épizooties, des sécheresses, des brigandages, des réquisitions de l’armée. Ou cela pouvait être dû à la chute des importations vers les pays étrangers comme l’Irlande, la Suisse… Ou la trop grande taxation des bêtes sur pieds et le coût exorbitant des transports.
Quant à Grivel, commissaire observateur du conseil exécutif provisoire, il pointait du doigt les imperfections du maximum du 29 septembre 1793 en évoquant ces bouchers obligés de vendre à perte. Son collègue, Siret, ajoutait même à cela, la réalité de la disette. Cette dernière n’était nullement factice et il y voyait, les conséquences du commerce illimité des grains. Cela avait privé le bétail de pâturage et affaiblit l’espèce. En sus, le carême religieux avait progressivement disparu ce qui avait augmenté de fait, la consommation de viande.

En plus de ces difficultés, existait le problème de l’arrivage des subsistances et le rôle prépondérant de la contre-révolution dans celui-ci. Les nobles s’étaient, en partie, exilés dans les villes limitrophes de Paris. De là, ils bloquaient et détournaient les convois des subsistances censés être vendues dans Paris. Si ceux-ci parvenaient malgré tout dans la capitale, ils excitaient les esprits afin de multiplier le pillage des convois et ensuite colportaient les rumeurs des exactions commises afin d'effrayer les marchands pour que les denrées n’y soient plus vendues.

C'est sous floréal et prairial que les lois du maximum voient leur application. Si l’approvisionnement de Paris demeurait un sujet sensible, les autorités mirent tout en œuvre durant ces deux mois pour que celui-ci se déroulât du mieux possible. Concernant l’approvisionnement en viande il s'agit d'un réel succès, alors qu'il fut source de nombreux maux lors des mois précédents. Les lois sur la vente de la viande permirent enfin une distribution équitable entre chaque citoyen. Les prisonniers furent approvisionnés de la même manière que les autres citoyens. Les queues devant les boucheries ne virent plus ces violentes bagarres qui survenaient régulièrement avant floréal.
L’approvisionnement en blé, farines et la distribution en pain ne souffrait plus que de problèmes mineurs. En ce qui concerne les denrées annexes, il existait toujours ces manœuvres et ces malversations dénoncées régulièrement par les sections et les agents des subsistances. Pour comprendre ce relatif échec, il faut se rendre compte de l’effort qui fut mis pour que soit réglé les problèmes d’approvisionnements et de distribution de la viande, denrée de première nécessité.

Autre point prépondérant durant ces deux mois, l’application du maximum (le contrôle des prix selon Byakugan). Si celui des denrées fut respecté, pour la viande et le pain, cela ne fut pas le cas pour les œufs et autres denrées de moindre importance. Cette non-application suivait la non-application du maximum des salaires, que nombres de corporations rejetait, entraînant de nombreux blocages et de nombreuses grèves. Ces deux maximums étaient intimement liés. Pour que les deux soit viables, ils devaient être appliqués ensemble et avec la même sévérité. Dès lors qu’un district, qu’un marchand se permettait d’être plus laxiste, cela entraînait des abus préjudiciables au bon fonctionnement de l’économie révolutionnaire.
La nécessité de ce maximum fut prouvée lorsqu’après thermidor, celui-ci fut supprimé. Cela entraîna une flambée des prix, laissant les citoyens plus affamés encore, comme le soulignait Mathiez dans son ouvrage sur la vie chère et le mouvement social sous la terreur. La politique économique du gouvernement révolutionnaire répondait à une situation bien précise et fut mise en place sous l'impulsion des sections. C'est bien le contraire d'une étatisation complète de l'économie, c'est le champ libre aux initiatives personnelles et spontanées des sections afin de résoudre les problèmes du quotidien.
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Re: Fiche de lecture : Robespierre et le Culte de l'Être suprême

Message par Guts Rendan »

Rah bon j'ai plus assez de temps pour tout lire...taff commence oblige :pleur:

En tout cas merci de tout ce joli débat trèèès intructif même si ça laisse pas beaucoup de place pour se faire sa propre opinion, à part peut-être le premier post. Enfin bref je suis content et je trouve super l'idée de faire un topic pour cette fiche de lecture :siffle: Ah non mais quel génie ce Aizen :ange:

Même si je ne suis pas aussi documenté que certains, si je trouve le temps et la motivation je reviendrai exercer mon droit de réponse :redface:
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Re: Fiche de lecture : Robespierre et le Culte de l'Être suprême

Message par Byakugan »

Bon alors comment commencer ? Par un joli fisking ?. :mrgreen:
Non, je n’en ai pas la patience ; en pleine "saison des transferts" pour ma pomme. De plus, je n’ai pas mes sources ou des fiches de lecture sous les yeux pour me lancer dans une bataille d’auteurs grotesque.

Je suis désolé de reprendre le post dessus un peu dans tous les sens mais je me réfère qu’au point dont je parviens à me souvenir dans la masse de ce post si long ;-)

Bon déjà, vous vous appuyez sur Mathiez, un "robespierriste" aux accents politisés dont je me méfie tout autant que des "dantonistes" (les deux frères ennemis !).

Je commence par les dernières lignes qui sont de jolis sophismes économiques. Enfin si vous vous appuyez sur Mathiez… Quand je lis le bienfait de la carte du pain, je pense doucement à cette "blague" de l’Allemand de l’Est qui se plaint d’avoir 100g de pain par jour. C’est la que son camarade lui dit de ne pas se plaindre car à l’ouest on ne sert même pas de pain.
De même que vous renvoyez à la face des "contre-révolutionnaires" une grande partie des malheurs économiques de Paris. Alors que le plan de l’Etat a échoué (pénurie, inflation) mais point d’autocritique, ce n’est pas de la faute du plan, jamais, mais la faute aux bourgeois ou aristocrates et tous les autres qui ne respectent pas les règles… Renforçons le plan, dénonçons les abus, la mort pour eux…
Quand des assignats sont produits à partir de rien, faut pas s’étonner qu’il y ait de l’inflation. Qui est responsable ? Les méchââânts aristocrates et les méchââânts bourgeois qui s’enrichissent lâchement ? Certainement pas. Bon je ne vais pas m’étaler mais il y a des cas d’école en ce moment tel que le Zimbabwe de Mugabe…
Je n’oserais pas prendre pour sérieuse la théorie des impôts librement consentis mélangés dans une pseudo lutte des classes où les "pauvres" acceptent de payer et les "riches" pas. La question est, à qui profite le crime ? Et puis Jefferson dirait "Obliger un homme à payer des impôts pour la propagation d'idées qu'il désapprouve et abhorre est scandaleux et tyrannique."
les autorités mirent tout en œuvre durant ces deux mois pour que celui-ci se déroulât du mieux possible.
J’imagine bien les autorités! :D
Je vous conseille sincèrement de lire L’économie de la révolution française écrit par Florin Afalion (plus sûr du nom, ne l’ayant pas sous les yeux). C’est un économiste qui donne un aperçu technique de consistance plutôt que des historiens aux accointances douteuses sur des sujets qui ne sont pas leur tasse de café. Les famines furent et l’attribution « aux aristocrates ou au riches » comme vous le dites, est grandement exagéré. L’Etatisation est bien la cause redoutable. Pendant ce temps, les britanniques poursuivait leur révolution industrielle.
Ces deux maximums étaient intimement liés. Pour que les deux soit viables, ils devaient être appliqués ensemble et avec la même sévérité. Dès lors qu’un district, qu’un marchand se permettait d’être plus laxiste, cela entraînait des abus préjudiciables au bon fonctionnement de l’économie révolutionnaire.
Révolutionnaire, argh ? Faut-il que tout soit "révolutionnarisé" ? Les méchââânts marchands.
Enfin, on voit déjà que la liberté ne fait pas bon ménage, en contradiction avec certains points de leur DDHC de 93. Mais bon, c’est bien l’égalitarisme social qui les mène à des contradictions. Le proverbe que je ne supporte pas semble prévaloir : "la fin justifie les moyens".
Il y aurait tellement à dire. Là je pense à l’épisode des fermiers généraux qui prit la tête de Lavoisier et de bien d’autres…
Quand à la politique de la Terreur, si monsieur Robespierre veut la moraliser (hum !), il s’en fait bien le défenseur (surtout au moment où les tribunaux révolutionnaires de province furent abandonnés et qui aboutit sur 1400 exécutions en 2 mois):
"La terreur n'est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu ; elle est moins un principe particulier, qu'une conséquence du principe général de la démocratie, appliqué aux plus pressant besoins de la patrie"
Avec son fidèle Couthon
"Le délai pour punir les ennemis de la patrie ne doit être que le temps de les reconnaître. Il s'agit moins de les punir que de les anéantir. Il n'est pas question de donner quelques exemples, mais d'exterminer les implacables satellites de la tyrannie ou de périr."
Les jacobins voyaient des complots partout. Pas besoin de dire ou cela nous emmène.
N’ont-ils pas aussi voulu envoyer, la fin justifiant les moyens, des terroristes dans d’autres pays pour les "libérer"?
De plus, il faudrait révéler le plan d’éducation nationale rédigé par Le Peletier de Saint-Fargeau et lu devant la Convention par Robespierre (combattu par Condorcet et l’abbé Grégoire) dans lequel « "l’enfant-objet", "l’enfant-matière" seraient enlevés à sa famille à l’âge de 5 ans pour être élevé à la sauce que vous imaginez dans des maisons d’éducation nationale.
http://s.huet.free.fr/paideia/paidogonos/lpsf1.htm
http://s.huet.free.fr/paideia/paidogonos/lpsf.htm
Peletier disait : "la totalité de l'existence de l'enfant nous appartient : la matière, si je puis m'exprimer ainsi, ne sort jamais du moule;"
Et le jolie endoctrinement ripoublicain : "Tout ce qui doit composer la République sera jeté dans un moule républicain […]et se formera une race renouvelée, forte, laborieuse, réglée, disciplinée et qu'une barrière impénétrable aura séparée du contact impur des préjugés de notre espèce vieillie" http://books.google.com/books?id=dvwvAAAAMAAJ&pg=PA343
Pas besoin de dire à quoi cela me fait penser. Heureusement, ils n’ont pas eu le temps de mettre ça en application.
Quand au fait, que tout ne peut pas lui être imputé comme les exactions de Carrier. J’en conviens. Cependant, c’est bien son système centralisé qui place tous pouvoirs dans les agents de l’Etat qui est coupable.

La levée d’une armée contre les Vendéens ne peut pas non plus être balayée d’un revers de main. Il a une responsabilité là-dedans.


Concernant, le passage sur Louis XVI ou un quelconque plaidoyer contre la révolution française, j’aimerais bien savoir ce qui vous fait dire que ce sont des contre-vérités. Il y a bien eu une certaine ouverture de sa part. Louis XV ou Louis XVI n’étaient pas Louis XIII ou Louis XIV. Les Etats généraux allaient bien dans ce sens et précédemment les "Lumières" ont pu propager assez facilement leurs idées chez les nobles ou les bourgeois instruits. Ils étaient même connus de leur vivant. Louis XVI a payé pour un système à l’agonie et ce n’est certainement pas à lui que l’on doit reprocher quoique ce soit. La révolution ne s’est pas faite contre un tyran. (A noter que je suis très bête et quand je compare la période révolutionnaire et la période Louis XVI, pas besoin d’être historien pour voir la différence de morts entre les 2 périodes). Charles X disait que c’était la faiblesse de son frère qui l’a conduit à l’échafaud d’ailleurs. Quand à la suite, il essayait de sauver sa vie, sans cesse menacer.
De plus, j’ai tendance à séparer la révolution en deux parties (1789-1792 et 1792-1794 enfin trois si l’on compte la suite jusqu’à la prise de pouvoir d’un autre boucher, Napoléon, digne héritier de tout ce fatras), l'une bien plus modéré et sage que l'autre.

Des mots qui rencontrent un écho encore récent non ?

Oui, en remplaçant liberté par démocratie ou les deux à la fois, si on vide le mot liberté de sa substance, c’est la doctrine des néo-cons amerloques théorisée par Irving Kristol et de Leo Strauss. D’ailleurs, la guerre à outrance est aussi un principe cher à Saint-Just. Enfin, par théoricien successif, on n’y remonte.

Bon passons, La Fayette, ami de Franklin et de Washington, grand instigateur de la DDH fondé sur le Bill of Rights des pères fondateurs américains, un traître ! Là je crois rêver. Ce ne serait pas les jacobins qui lui mettaient sans cesse le bâton dans les roues, désireux d’étaler leurs pions, quand il était général des armées du Nord. S’il y a bien un homme qui fut fidèle à ses principes (avec Condorcet ou Destutt de Tracy), c’est bien lui et on lui a fait payer cher. D’ailleurs, il a toujours rendu le pouvoir ou s’est écarté volontairement de celui-ci alors qu’en 1789 ou, plus tard en 1830, il aurait pu, s’il avait souhaité, avoir une plus grande influence. Mais bon, son seul crime, c’est de ne pas être d’accord avec les jacobins et d’avoir fui ou combattu leurs envies de meurtre.
Et oui, Ils voulaient s’en débarrasser comme tous les opposants, menaçant les familles s’il le faut. De plus, les généraux ou gradés se voyaient guillotinés s’il ne gagnait pas avec menace de morts sur le reste de leur famille, enfants naturellement alors qu’ils étaient volontairement esseulés. Enfin, je suppose que La Fayette restera à vos yeux "l’infâme Motier".


Je reviens en haut de votre post :-P
Pas besoin d’être anti-démocrate pour critiquer la démocratie
Thomas Jefferson disait : "Une démocratie n'est rien de plus que la loi de la foule, suivant laquelle 51% des gens peuvent confisquer les droits des 49 autres." ou encore Benjamin Franklin "La démocratie, c'est deux loups et un mouton qui votent sur le menu du dîner. "
Et si la démocratie est la souveraineté du peuple comme tu dis dans ton petit cours que j’ai déjà eu à l’EN, ce n’est pas, par contre, la souveraineté du genre humain. Certains pères fondateurs de l’Amérique l’ont bien compris et ont limité au maximum le pouvoir fédéral intégral.

Pour finir, si Robespierre se veut influencer par John Locke, changer l’ordre social n’est pas au goût du jour de Locke. De plus, Locke porte très haut la notion de propriété (nulle personne ne peut ôter la propriété de l’autre sans son consentement) et est un précurseur du libre échange. Je doute que dans la pratique, Robespierre est agit en tant que tel. Quant à l’égalité de Locke elle ne fait pas partie des droits naturels mais découle seulement de la liberté.
Sinon pas la peine de me mettre dans des cases (Hobbes, Locke ou Rousseau etc…), ce serait faire fausse route.

Le gros problème de la révolution, c'est le constructivisme des élites de tout bord qui voulaient transformer la société. On est très loin des révolutionnaires américains revendiquant simplement leur liberté.
Aizen
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Re: Fiche de lecture : Robespierre et le Culte de l'Être suprême

Message par Aizen »

Vive le sophisme :redface: .
Non plus sérieusement ^_^.
Je commence par les dernières lignes qui sont de jolis sophismes économiques. Enfin si vous vous appuyez sur Mathiez… Quand je lis le bienfait de la carte du pain, je pense doucement à cette "blague" de l’Allemand de l’Est qui se plaint d’avoir 100g de pain par jour. C’est la que son camarade lui dit de ne pas se plaindre car à l’ouest on ne sert même pas de pain.
De même que vous renvoyez à la face des "contre-révolutionnaires" une grande partie des malheurs économiques de Paris. Alors que le plan de l’Etat a échoué (pénurie, inflation) mais point d’autocritique, ce n’est pas de la faute du plan, jamais, mais la faute aux bourgeois ou aristocrates et tous les autres qui ne respectent pas les règles… Renforçons le plan, dénonçons les abus, la mort pour eux…
Quand des assignats sont produits à partir de rien, faut pas s’étonner qu’il y ait de l’inflation. Qui est responsable ? Les méchââânts aristocrates et les méchââânts bourgeois qui s’enrichissent lâchement ? Certainement pas. Bon je ne vais pas m’étaler mais il y a des cas d’école en ce moment tel que le Zimbabwe de Mugabe…
Ce qui m'intéresse ce sont les sources, pas une pensée conceptualisée. Effectivement Mathiez a écrit qu'il s'agissait de deux maximums intimements liés. Qu'ai je vu dans les sources ? Là, il ne s'agit pas d'une bataille d'auteur (pour les sources en question il s'agit de la série F/7*/2471 à 25... je sais plus combien :redface: (2511 minimum)) mais de ce qui est directement tangible. La carte de pain a permis de limiter l'inflation et de nourrir de manière plus équitable l'ensemble de la population. La mise en place de la carte de viande a eu les mêmes effets. La viande est devenue plus accessible aux plus démunis. Cela n'a pas empêché les traffics, cela a permis d'en diminuer la portée. Auparavant, la viande était vendue au plus offrant, en gros à celui qui avait le plus d'argent. Quid des plus pauvres ? De ceux n'ayant pas les moyens justement de subsister en se nourrissant ? On les laisse crever de faim ? Sous prétexte qu'il ne faut pas toucher à l'économie et laisser la totale et libre circulation des denrées (qui existe d'ailleurs puisque seul les prix de vente et la vente son contrôlés). Effectivement l'acheminent de la viande est centralisée, et les bouchers peuvent acheter leur viande de manière réglementé (d'ailleurs la mise en circulation libre et totale des grains avaient été mises en place par Turgot et cela avait été un échec retentissant et total, aggravant de manière grave la famine alors que là la politique économique mise en place l'a réduite... alors que doit on en conclure ?). Mais pourquoi ces mesures ont été prises ? Parce que le mécontentement populaire était très grand, surtout lorsqu'à côté d'eux, dans les prisons, la corruption va bon train et les plus riches festoient. Ca n'a rien à voir avec la situation du Zimbabwe. Ca c'est un sophisme. Utiliser deux périodes n'ayant rien à voir pour tenter de faire un rapprochement plus ou moins douteux sur une situation politique ^^.
Alors peut-être que votre auteur est très intéressant dans la conceptualisation de l'économie révolutionnaire. J'en sais rien. Je n'ai pas lu. Mais n'est-il pas dangeureux d'utiliser les outils économiques de notre époque pour comprendre le XVIIIè siècle ? N'y a-t-il pas volonté de faire rentrer l'histoire dans le propre cadre de sa pensée et celle qui l'a forgée ? Et non tenter de comprendre qu'elle était la pensée du XVIIIème siècle, ses fondements, son histoire. L'économiste que vous citez, s'intéressent-ils à la collectivisation des terres qui avaient été mise en place dès le Moyen-Âge dans certaines régions ? S'intéressent-ils aux dégâts causés par la politique de Turgot =) ?


Juste une petite remarque pour finir concernant Locke. Si dans le chapitre intitulé dans l'Etat de Nature, celui-ci évoque comme premier principe la liberté, que de cette liberté découle effectivement l'égalité, alors la liberté et l'égalité ne sont-ils pas deux des droits naturels intimements liés et ne pouvant être séparés ? Il n'y a pas de liberté sans égalité chez Locke. Et je citerai deux passages pour le montrer. "C'est cette égalité, où sont les hommes NATURELLEMENT (les majuscules et le soulignage sont de moi hein :redface: ), que le judicieux Hooker regarde comme si évidente en elle-même et si hors de conservation, qu'il en fait le fondement de l'obligation où sont les hommes de s'aimer mutuellement : il fonde sur ce principe d'égalité tous les devoirs de charité et de justice auxquels les hommes sont obligés les uns envers les autres."
Ainsi que, "Pour comprendre correctement le pouvoir politique et tracer le cheminement de sa première institution, il nous faut examiner la condition naturelle des hommes, c’est-à-dire un état où ils sont parfaitement libres d’ordonner leurs actions, de disposer de leurs biens et de leur personne, comme ils l’entendent, dans les limites du droit naturel, sans demander l’autorisation d’aucun autre homme, ni dépendre de sa volonté. Un état aussi d’égalité, où la réciprocité marque tout pouvoir et toute compétence, nul n’ayant plus que les autres ; à l’évidence des êtres crées de même espèce et de même rang."

Et puisque vous vouliez savoir ce que pensait Robespierre de la propriété, le citerai simplement, sans même émettre de jugement puisque Guts souhaite se faire sa propre opinion ^_^. C'est extrait de son discours sur la Constitution de 1793 :

"Posons donc de bonne foi les principes du droit de propriété ; il en faut d’autant plus qu’il n’en est point que les préjugés et les vices des hommes aient cherchés à envelopper de nuages épais.
Demandez à ce marchand de chair ce que la propriété ; il vous dira, en vous montrant cette longue bière qu’il appelle un navire, où il a encaissé et ferré des hommes qui paraissent vivants : « Voilà mes propriétés ; je les ai achetés tant par tête. » Interrogez ce gentilhomme qui a des terres et des vassaux, ou qui croit l’univers bouleversé depuis qu’il n’en a plus, il vous donnera des idées à peu près semblables.
Interroger les augustes membres de la dynastie capétienne ; ils vous diront que la plus sacrée de toutes les propriétés est sans contredit le droit héréditaire dont ils ont joui de toute l’antiquité, d’opprimer, d’avilir et de pressurer légalement et monarchiquement les vingt-cinq millions d’hommes qui habitaient le territoire de la France, sous leur bon plaisir.
Aux yeux de tous ces gens-là, la propriété ne porte sur aucun principe de la morale. Elle exclut toutes les notions du juste et de l’injuste. Pourquoi votre Déclaration semble-t-elle présenter la même erreur ?"
[...]
"En définissant la liberté des biens de l’homme, le plus sacré des droits qu’il tient de la nature, vous avez dit avec raison qu’elle avait pour bornes les droits d’autrui : pourquoi n’avez-vous pas appliquez ce principe à la propriété qui est une institution sociale ? En définissant la liberté, le premier des biens de l’homme, le plus sacré des droits qu’il tient de la nature, vous avez dit avec raison qu’elle avait pour bornes les droits d’autrui : pourquoi n’avez-vous pas appliqué ce principe à la propriété, qui est une institution sociale ? comme si les lois de la nature étaient moins inviolables que les convention des hommes. Vous avez multiplié les articles pour assurer la plus grande liberté d’exercice de la propriété, et vous n’avez pas dit un seul mot pour en déterminer le caractère légitime ; de manière que votre déclaration paraît faite, pour les accapareurs, pour les agioteurs et pour les tyrans. Je vous propose de réformer ces vices en consacrant les vérités suivantes.

Art. I. La propriété est le droit qu’a chaque citoyen de jouir et de disposer de la portion de biens qui lui est garantie par la loi.
II. Le droit de propriété est borné, comme tous les autres par l’obligation de respecter les droits d’autrui.
III. Il ne peut préjudicier ni à la sûreté, ni à la liberté, ni à l’existence, ni à la propriété de nos semblables.
IV. Toute possession, tout trafic qui viole ce principe est illicite et immoral."


J'aime bien ces discu moi, c'est toujours instructif et beaucoup plus intéressant lorsque l'on est en désaccord ^_^.
Ah oui... j'oubliais... c'est quoi l'EN :mrbrelle: ? L'école navale :redface: ?
:mrgreen:
J'ajouterai également que tes fiches de lecture m'intéressent au plus haut point =). Donc si tu te sens l'âme partageuse ^_^.
Byakugan
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Re: Fiche de lecture : Robespierre et le Culte de l'Être suprême

Message par Byakugan »

Ça n'a rien à voir avec la situation du Zimbabwe. Ça c'est un sophisme.
Je parle d'inflation. No more.
Quant à la politique de Turgot, il a considérablement réduit le déficit et la dette et l'industrie commençait à décoller mais bon, il fait l'unanimité contre lui en France. Et de même que pendant la Révolution, il y a eu une moisson mauvaise en 1774, ce qui a entraîné la "guerre des farines" et sa chute. Cependant, on ne peut pas dire que l'économie de la révolution ait fait mieux. Bien au contraire, elle a tout détruit. Ainsi, la part du gâteau à partager a rétréci.
Mais n'est-il pas dangeureux d'utiliser les outils économiques de notre époque pour comprendre le XVIIIè siècle ?
Pourquoi de notre époque? C'est un économiste qui tente de comprendre le fonctionnement, les erreurs ou les exagérations à travers des textes de l'époque.

Locke fonde beaucoup d'espoir dans le consentement et la charité et non dans une instance chargé de redistribution. Quand à la liberté et l'égalité, je suis parfaitement d'accord qu'elles sont liées. Seulement, certains pensent que la liberté entrave l'égalité car ils fonctionnent sur l'égalité sociale, une égalité qui ne relève pas du droit naturel.

EN = EdNat ou accessoirement Education Nationâââle (mais ça, y a un copyright) :siffle:
Je t'ai vouvoyé, l'habitude de forum plus sérieux ou pas! :oops:
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