François Place, auteur illustrateur

Un peu de repos dans ce monde à 200 km/h. Y a-t-il plus grand plaisir que de lire et relire son livre de chevet ? Parle-nous donc ici de tes coups de coeur littéraires, ainsi que de tes BD & Comics favoris.

Modérateur : Ero-modos

Yoruiichi
Chunnin
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François Place, auteur illustrateur

Message par Yoruiichi »

François Place, c’est ce qu’on peut appeler un coup de cœur.

J’ai découvert cet écrivain illustrateur avec le livre Le Dernier des Géants. Des dessins magnifiques, une belle histoire, tout pour me plaire, moi qui adore les contes.

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« C'est au cours d'une promenade sur les docks que j'achetai l'objet qui devait à jamais transformer ma vie : une énorme dent couverte de gravures étranges. L'homme qui me la vendit en demandait un bon prix, prétextant que ce n'était pas une vulgaire dent de cachalot sculptée, mais une " dent de géant "... »

C’est au cours d’une promenade aux côtés de cet anglais assoiffé de découvertes que le lecteur part vers des terres nouvelles avec suffisamment d’éléments réalistes pour que cette aventure soit crédible et imaginaire à la fois. On se voit traverser la page blanche afin d’écouter les vents du désert jusqu’à guetter la montagne de couleurs. Quelle est l’attente d’Archibald, lui si fasciné et intrigué par ces hommes carte que nul n’avait rencontré avant lui ? Lui si blanc, si démuni, si « pauvre » devant l’infinie sagesse de ces géants à la peau marquée par des millénaires de savoir et d’histoires. Ils portent en eux une connaissance de l’univers et des hommes. Comment pourrait-il rapporter à ses confrères cette peau vivante qui le reflétait, lui, l’étranger sans « histoire », dire que son image apparut au centre du dos tatoué du géant, non pas à côté des autres géants mais là comme pour lui montrer que les hommes n’étaient qu’une infime partie de l’univers? Ils n’étaient pas le centre du monde. Tout être vivant formait un tout avec le ciel, la terre, l’eau et le feu. Il restait là, cherchant à comprendre…
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Sa surprise était sans limite, c’était l’incompréhension totale. Il cherchait, il analysait. Il restait là à étudier sans relâche. Croquis, notes, croquis, notes .... et pourtant, ses carnets n’y suffiront pas. Il tentait de communiquer, Antala aussi. Sa silhouette s’imprima peu à peu sur son corps, parce qu’il l’avait accepté comme l’un des siens.
A ces hommes unis à la terre, François Place a, par son coup de pinceau si caractéristique, su insuffler une pureté d’âme et une innocence qu’Archibald aspire lorsqu’il regarde Antala. Une pureté pudique qu’affichent les géants par l’ouverture qu’ils portent au monde extérieur. Tout montre l’unicité des hommes à cette terre : le jeu des couleurs dénote de l’identité de ces géants et parallèlement, l’illustrateur a démarqué Archibald par les tons de sa tenue.
Si Archibald se pose une multitude de questions, le lecteur aussi : tout bon explorateur qui se doit ne reste pas insensible au milieu où il évolue.
Le dictionnaire qu’il élabore pour traduire leur chant céleste ne lui sera d’aucune utilité ; le langage passe t’il forcément par les mots ? Les Géants communiquent par un langage universel : leur musique céleste ! Leur peau ! Les Géants sont magnifiques ! Et quel voyage ils ont dû faire, un voyage intérieur à travers le temps qui passe.
Malgré la fascination qu’il a pour eux, Archibald ne grandit pas, il ne s’enrichit pas, et ennuyé, il part. Il fait parti de ceux qui marchent sans cesse.
Mais nous autres, lecteurs, nous nous installons à côté des Géants, les seuls sages de la cité. Nous sommes fascinés par cette peau qui parle, qui vit et s’exprime. Mais le lecteur est pris à témoin d’une triste réalité : l’homme ne peut s’empêcher d’assujettir le monde à son pouvoir. Et Archibald a œuvré pour cela, lui qui connaissait le secret, il l’a révélé. Condamné à vivre dans la douleur de la trahison. Le pays des Géants aurait dû rester le pays où l’on n’arrive jamais et Archibald a fait fausse route.

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Après la découverte de ces Géants à la peau tatouée, j’ai reçu comme cadeau de Noël L’Atlas des Géographes d’Orbae, en trois tomes : Du Pays des Amazones aux îles Indigo, Du Pays de Jade à l’île Quinookta et De la rivière Rouge aux pays des Zizotls. 3 beaux livres en longueur, laissant présager des voyages à travers des contrées magnifiques, des découvertes surprenantes et des esquisses et dessins imprimant sur notre rétine les merveilles de ce monde d’Orbae. 26 lettres, 26 pays, 26 histoires qui nous entraînent, au fil des mots, vers des contrées si lointaines et pourtant si proches, parce que notre imaginaire, subjugué par l’intensité de ces récits, ce met à voyager et à s’enrichir au contact des milles et un personnages qui peuplent ces régions.

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On apprend ce monde ; la carte-mère, la guilde des aveugles, Anatole Brazadîm et Cornélius Van Hoog, découvreurs et passeurs de mémoires, la politesse des pieds, l énigmatique herbe à nuage. On réapprend le monde, et une fois le livre fermé, on ne pourra plus dire de A à Z, mais de A à I en passant par O et peut-être par N, pour y découvrir le magnifique pays de Nilandar, et ses superbes girafes à fourrure, ou bien le pays de la rivière Rouge, où le roi parle aux animaux et où les souvenirs s’enterrent et se métamorphosent en papillon.

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« Orbæ est une île, une couronne posée sur la mer, vaste comme un royaume. Des falaises blanches, rectilignes, infranchissables. Un seul accès, une seule ville, un seul port, ouvert aux seuls vaisseaux étrangers. Des terres intérieures immenses qui n'ont pas encore délivré leur secret. Un anneau de brouillard, infranchissable sans l'aide de la guilde des Aveugles, tourne entre les Terres Intérieures et la couronne des falaises. Ce sont les Fleuves de Brume, qui se gonflent et s'affaissent du lever au coucher du soleil : le souffle d'Orbæ visible, paraît-il, de très loin sur la mer, les marins superstitieux parlent de son "haleine". »

De cette plaque tournante, ce grand O posé sur la mer partent et arrivent des vaisseaux chargés de merveilles qui nous éblouissent et nous font oublier pour un temps la chambre et la chaise. Un trésor constitué par de nombreuses espèces de plantes et animaux inconnus, de la digitale musicienne au potamogale étoilé, de l’élan à bois de masque aux pierres à mémoires qui font la fortune des marchands sur le quai des Cinq curiosités. Splendeur et magnificence des marchandises rapportées au port d’Orbae par les bateaux de Candaa aux portes de l’Orient.

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Rêve d’une époque et métaphore de la découverte du monde à travers les explorations intérieures inscrites sur la Carte-Mère et la profusion des splendeurs du monde extérieur. La Carte-Mère, carte palimpseste (cela désigne un manuscrit écrit sur un parchemin préalablement utilisé, et dont on a fait disparaître les inscriptions pour y écrire de nouveau), remise à jour chaque année par les femmes cartographe du cabinet des Enluminures est soumise à l’approbation du collège des iconoclastes Cosmographes au retour des grandes explorations. Celle-ci ne peut être lue que par la mémoire d’un vieillard et les yeux de l’Enfant-Palimpseste, seul capable de déchiffrer les multiples textes superposés, partiellement effacés et modifiés. Une tâche d’encre noire représentant les Terres Noires et le dessin de l’oiseau d’Ortélius réalisés avant le départ, sont la preuve vivante qu’une illustration d’enfant de dix ans peut remettre en cause la vérité établie et énoncée comme telle par les ancêtres sur cette île ronde et changeante d’Orbae.
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Encore faut-il avoir l’âme d’un enfant et vouloir rêver les yeux ouverts en se laissant emporter par la vague vivante et bouillonnante d’écume des merveilleux récits illustrés des mondes imaginaires de François Place.

Je ferais bientôt un autre topic sur un autre de ces livres, Le vieux fou de dessin.

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Rilakkuma
La nièce de tonton
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Re: François Place, auteur illustrateur

Message par Rilakkuma »

Une très belle invitation à une flânerie, ou à un voyage au fil des pages vers les îles inconnues et les montagnes de couleurs, une présentation ornée de jolis dessins et un texte magnifique, le prélude d'un merveilleux conte (un "genre" que j'aime également)

François Place, je le connaissais sans vraiment le connaître avec la couvertures du livre Tobie Lolness, qui m'avait intriguée quand je déambulais dans le rayon de livre jeunesse et après une rapide recherche suite à la lecture du topic, j'ai appris qu'il en était l'illustrateur. Ce topic m'incite à mieux le découvrir, ses illustrations et ses contes, merci de nous avoir fait partager ton coup de coeur. Il recèle bien des trésors. :calin2:
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yukiyoruno
Gennin
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Re: François Place, auteur illustrateur

Message par yukiyoruno »

Un magnifique topic...Bien écrit et bien articulé. Merci Yoruichii :)
On m'a offert "les derniers géants" quand j'étais petite et j'admirais les illustrations sans lire l'histoire.
C'est exact que les illustrations sont magnifiques et détaillés. Les dessins à l'aquarelle m'émerveillent toujours.

Pour l'histoire, elle est attrayante et originale sans être pour autant incompréhensible.
La fin est indéniablement triste. Je suis certaine que l'auteur se documente et s'inspire des histoires sur les pays colonisés par les européens au XIXe siècle.
Les Géants et leur peaux tatoués ou plutôt gravés de façon naturelle sont des créatures admirables par leur sagesse infinie.

C'est un ouvrage qui séduit aussi bien aux adultes qu'aux enfants.

Quant à l'autre ouvrage, je vais m'en procurer à la bibliothéque, un jour. Il m'a l'air fascinant.
"Tuer la Monotonie" la devise des Imprévisibles
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