Extrait de roman

Un peu de repos dans ce monde à 200 km/h. Y a-t-il plus grand plaisir que de lire et relire son livre de chevet ? Parle-nous donc ici de tes coups de coeur littéraires, ainsi que de tes BD & Comics favoris.

Modérateur : Ero-modos

lebibou
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Extrait de roman

Message par lebibou »

Extrait : Passage, article tirés d'un livre, d'une revue, etc.
Citation : Passage emprunté à un auteur.
Le droit de citation : Exception à la propriété intellectuelle. La citation doit être brève, tant par rapport à l'œuvre dont elle est extraite que par rapport au nouveau document dans laquelle elle s'insère.

Très souvent, quand on lit un roman, une autobiographie ou tout autre forme d'expression écrite, il y a un passage qui nous marque. Des fois on sait pourquoi. Très souvent non.
Il y a une part d'inconscient qui fait que lorsque l'on repense à un roman, on repense tout de suite à ce petit passage, à cette petite tirade, à cette petite phrase insérée au milieu de beaucoup d'autre.
Pourquoi ce moment plutôt qu'un autre ?
On ne le sait pas mais le fait est là.

J'ouvre ce topic pour que l'on puisse partager ensemble ces extraits qui nous ont marqués. Et à tout seigneur, tout honneur, j'ouvre le bal. Voilà ce que je propose. D'abord on indique l'oeuvre et l'auteur. Puis on cite l'extrait. Et enfin, on explique, si l'on peut (ou l'on veut) pourquoi on aime ce passage. Ou pourquoi il nous a marqué. N'oubliez pas de faire attention au spoiler.

Cette citation est tirée de Au sud la frontière, à l'ouest le soleil, de Haruki Murakami.
Je cherchais mes mots lentement, en prenant mon temps :
— Il me semble que j'ai toujours essayé d'être quelqu'un d'autre. Il me semble que j'ai toujours voulu aller vers des gens et des lieux nouveaux et différents, pour m'inventer une vie nouvelle, devenir un être au caractère différent. J'ai répété ça à plusieurs reprises dans ma vie jusqu'à présent. En un sens, devenir adulte, c'était ça, et en un autre sens, ce n'était qu'un changement de masque chaque fois. Qu'oi qu'il en soit, en tentant de devenir un être nouveau, je tentais de me libérer des éléments qui me constituaient jusqu'alors, et je croyais qu'en faisant assez d'effort j'y parviendrais. Mais pour finir, je ne suis arrivé nulle part. Je suis demeuré moi-même. Mes défauts restaient irrémédiablement les mêmes. Les paysages avaient beau changer, les échos, les voix différer autours de moi, je n'étais toujours rien d'autre qu'un être humain imparfait. J'avais les mêmes manques en moi, qui suscitaient une violente avidité d'autre chose. Une soif et une faim insatiables me torturaient, comme, certainement, elles continueront à le faire. Parce que, en un sens, ces manques font partie de moi-même. Je le sais maintenant. Si c'était possible, je voudrais devenir un autre pour toi, un nouveau moi-même. Et peut-être que c'est possible. Ça ne sera pas facile mais avec des efforts, mais avec des efforts je pourrais le faire. Mais, en toute franchise, s'il se produit les mêmes événements dans ma vie, je referai sans doute la même chose. Je te ferai sûrement du mal à nouveau. Je ne peux rien te promettre. C'est tout ce que j'ai le droit de dire. Je n'ai pas assez confiance en moi pour croire que je peux gagner le combat contre cette force.
— Jusqu'ici, tu as toujours essayé de lutter contre cette force, d'y échapper ?
— Je crois oui.
(P.218-219, édition 10/18)

J'aime beaucoup Murakami. Et j'aime encore plus Au sud la frontière, à l'ouest le soleil. Parce que l'histoire est simple. Et le personnage principal terriblement humain (comme tous les personnages de Murakami)

J'ai toujours été marqué par cette tirade et elle me donne envie de relire le roman à elle seule. Parce que j'ai l'impression que l'auteur a mis en page ce que je ressens depuis toujours. Et que beaucoup ressentent.
Cette quête de perfectionnement alors que c'est impossible car si le produit de base est défectueux, il lui est impossible d'être parfait. Il ne le peut pas. Car quelques soient les solutions mises en place, elles seront toujours imparfaites. Et n'aboutiront toujours qu'à un produit défectueux.

Et vous ? Qu'est ce qui vous a marqué ?
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iori
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Re: Extrait de roman

Message par iori »

très bonne idée de topic :good:

bon j'ai bien une idée de texte là tout de usite mais je ne le trouve pas sur le net et j'ai la flemme de le recopier, donc un jours prochain si vous êtes sages, je mettrai sans doute un extrait de l'écume des jours (oui on ne change pas: j'aime ce bouquin j'y peux rien )


à défaut d'apporter mon petit caillou à l'édifice, je vais quand même dire deux trois mots sur ton extrait:


Je n'ai jamais lu l'ouvrage que tu cites mais je trouve ce passage très beau parce que comme tu l'as dit, il doit parler à beaucoup de monde, et il l'explique avec une grande simplicité, si bien que c'est typiquement le genre de choses qu'on pourrait penser directement de cette façon.
c'est d'autant plus beau que c'est à mon avis l'une des grande tragédie de l'Homme: cette éternelle imperfection q i nous guette tous. Et c'est d'autant plus une tragédie que c'est cette même imperfection qui nous donne soif de perfection et nous oblige à avancer. c'est le serpent qui se mord la queue, et je ne pense pas qu'il existe de façon de s'en sortir, tout ce qu'on peut faire c'est tenter d'approcher un "mieux être" mais on aura toujours une part de soi insatisfaite (enfin je crois, même s'il y a des périodes où on ne le ressent pas, ça doit être ancré en nous cette insatisfaction)

Enfin bref, tout ça pour dire que ce passage me parle (et pourtant j'ai pas l'impression d'être déprimée ou quoi que ce soit en ce moment....)
Aizen
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Re: Extrait de roman

Message par Aizen »

Je trouve que ce topic est une excellente idée, et l'extrait cité me touche également particulièrement.

De mon côté, je vais essayer de trouver le passage d'un roman m'émouvant afin de vous en faire profiter ^^.
pyjama
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Re: Extrait de roman

Message par pyjama »

J'aime beaucoup cette idée de topic aussi !
Bon, là j'ai pas de roman coup de coeur dans le coin, mais j'essaierai de vous confier mes passages trop plein de beauté que je relis régulièrement aux toilettes...
Ancilla
Jounin
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Re: Extrait de roman

Message par Ancilla »

Melmoth, l'homme errant de Charles Robert Maturin
- Vous, démon.
- Démon ! le mot est dur. Est-ce un démon ou un homme qui vous a placé ici ? Écoutez-moi, Stanton. Ne vous enveloppez pas dans cette misérable couverture ; elle ne saurait vous dérobez mes paroles. Croyez-moi, quand vous seriez entouré de nuages portant la foudre dans leurs flancs, vous seriez encore obligé de m’entendre ! Stanton, songez à votre détresse. Cette cellule dépouillée, qu’offre t’elle à vos sens ou à votre esprit ? Des murs blanchis, barbouillés de charbon ou de craie rouge, chefs-d’œuvre de l’imagination de vos heureux prédécesseurs. Vous avez, je le sais, du goût pour le dessin ; eh bien ! vous vous perfectionnerez pendant votre séjour ici. J’aperçois des barreaux à travers lesquels le soleil luit comme une marâtre, et le zéphyr, pour votre tourment, semble vous apporter les soupirs de la bouche dont vous ne devez plus sentir les doux baisers. Et vous, qui vous glorifiez de vos livres ? Et vos amis, que sont-ils devenus ? Ici, vous n’avez pour compagnons que des araignées et des rats. J’ai connu des prisonniers qui étaient parvenus à les apprivoiser : pourquoi ne commenceriez-vous pas votre tâche ? Ils partageraient vos repas. Qu’il est flatteur d’avoir des insectes pour convives ! Si jamais vous manquiez de vivres à leur donner, ils dévoreraient l’Amphitryon… Vous frémissez ! Penseriez-vous donc être le premier prisonnier qui aurait servi de pâture vivante à la vermine qui infestait sa cellule ? Mais je veux bien écarter ces tristes images ; je ne parlerai de vos repas ni des leurs. Quels sont vos amusements dans les heures de votre solitude ? D’un côté les cris de la famine ; de l’autre, les hurlements de la démence, auxquels se joignent les claquements du fouet du gardien, et les sanglots de ceux dont la folie n’est pas plus réelle que la votre, ou qui du moins ne l’est devenue que par les crimes de leur semblables. Pensez-vous, Stanton que votre raison puisse supporter de pareilles scènes ? ou si votre raisons les supporte, votre santé y résistera-t-elle ? Je consens encore à supposer qu’elle n’y succombe pas, jugez seulement de l’effet qu’elles finiraient par avoir sur vos sens. Un temps viendra où, par la seule habitude, vous répéterez les cris de chacun des malheureux qui vous entourent ; et puis, posant la main sur votre tête brûlante, vous vous demandez si ce n’est pas vous qui avez crié le premier. Un temps viendra où par ennui, vous éprouverez autant de désir d’entendre ces cris qu’ils vous inspirent aujourd’hui d’horreur ; vous guetterez le délire de votre voisin, comme vous feriez d’une représentation théâtrale. Tout sentiment d’humanité sera éteint en vous ; les fureurs de ces misérables seront à la fois pour vous une torture et un divertissement. L’âme a le pouvoir de s’accommoder à sa position, et vous l’éprouverez dans toute son étendue. Il me reste encore à vous parler des doutes que vous ressentirez sur l'état de votre raison, doutes affreux qui bientôt se convertiront en craintes, et ces craintes en certitude. Peut-être, pour comble d'horreur, au lieu de crainte, sera-ce un exécrable espoir. Loin de toute société, entouré d’êtres dont les idées ne sont que les fantômes hideux de leur raison égarée, vous désirerez être semblable à eux, pour échapper à l’horrible conscience de votre misère. Quand vous les entendrez rire au sein de leurs plus terribles accès, vous vous dire : sans doute ces misérables éprouvent quelques consolations, tandis que je n’en n’ai aucune. Ma santé comble mon malheur dans ces horribles lieux. Ils dévorent avidement leurs mets grossiers, que je ne touche qu’avec répugnance. Ils dorment parfois profondément, et mon repos est pire que leurs veilles. J’éprouve tous leurs maux ; et je n’ai aucun de leurs soulagements. Ils rient, je l’entends ; que ne puis-je rire comme eux ! Alors vous essayerez d’imiter leur folle joie, et cette tentative sera comme une invocation au démon de la folie, pour qu’il vienne dès ce moment prendre à jamais procession de votre esprit.
Melmoth fit usage d’une foule d’autres menaces et tentatives trop horribles pour être insérées ici. L’une d’elle peut servir d’exemple :
Ce passage m'a glacé le sang, tout en m'entrainant d'en un état d'exaltation.
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