Konoha Gaiden

Tu débordes d'imagination scénaristique. Tu as imaginé des histoires parallèles à celle de Naruto. Alors asseyons-nous autour d'un feu et raconte-nous ton histoire dans le monde des ninjas.

Modérateur : Ero-modos

Quiyes
Chunnin
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Message par Quiyes »

Quyes > tu as une meilleure idée des évènement à venir ? Je serais curieuse de savoir ce que tu pense avoir deviné au niveau de la progression (suis-je si prévisible ??? ^^)
Je me suis mal exprimé ; en fait avant de relire je ne voyais vraiment pas ce qui allait bien pouvoir se passer (donc non la suite n'est pas si prévisible ;-) ), maintenant par contre j'ai une meilleure vision d'ensemble et j'ai quelques idées, mais ça ne veut pas dire que c'est ce qui va se passer, je serais même étonné que ce soit le cas. :mrgreen:

(la perte de mailhoe va peut-être être mise sur le dos de tsunade par danzou (dont on sait me semble-t'il qu'il en est le commanditaire), qui va également peut-être profiter du fait que ça a été fait par l'aka (même s'il ne le savait pas au début) afin d'enfoncer le clou en attribuant l'envoi de la team naruto en particulier comme une erreur de plus à tsunade, d'autant plus que c'est à la frontière du son.
A cause du "yuutaro", je pensais aussi que danzou avait peut-être passé des accords secrets avec le pays de l'eau... mais je viens de me rendre compte que la provenance citée par sai du tableau était le pays des vagues et non le pays de l'eau alors (provenance incertaine)...
J'avais quelques autres idées mais elles se sont échappées pour l'instant, donc rien de transcendant comme tu le vois, mais c'est mieux que rien
:humm: )
Kazekage le 3e
Gennin
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Message par Kazekage le 3e »

Dis moi tu ne te serais pas trompé par hasard ? a un moment Itachi dit un mot : AMARETSU ; or ce ne serait pas plutot AMATERASU ?
En tout cas c'est un trés bon chapitre , meme si je trouve Sasuké un peu trop docile.
Il n'y a pas de mort , il y a la force.
Jainas
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Message par Jainas »

Amateratsu, oui, tu as tout à fait raison. On me l'a déjà fait remarquer et je l'ai changé dans le document original.

Sasuke et Docile n'appartiennent pas au même champ lexical. ^^
Par contre Kakashi est un fin psychologue et il sait exactement sur quelles faiblesses jouer pour manipuler Sas'ke de manière a ce qu'il n'ait pas d'autre choix que rester. Et cela de sa propre volonté en plus.
Et Sasuke, étant loin d'être stupide (même si on peut parfois se poser la uestion)- en est parfaitement conscient, mais leurs arguments n'en sont pas moins valides...
Et pour Itachi il ne peut se permettre de s'entêter, de laisser parler sa fierté, de mourir, ou pire de rester faible...
Ca n'en rend la capiulation que plus difficile. Parce qu'ils font semblant de lui donner un choix qu'il n'a pas vraiment...

Mais hum. Je m'avance. ^^
Kazekage le 3e
Gennin
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Message par Kazekage le 3e »

Tu t'es encore trompé ; ce n'est pas AMATERATSU , mais AMATERASU :twisted:
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Kanji
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Message par Kanji »

Faut pas en vouloir à Jainas : le syllabaire japonais c'est pas sa grande spécialité. Tant qu'on voit ce à quoi elle fait référence, ça va. Même si certains trucs carrément impossibles m'écorchent parfois les oreilles...enfin, ça nous détourne de l'essentiel : LA SUITE !!! Allez, au boulot ! (Je sais, je sais, faudrait que j'en fasse autant).
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Jainas
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Message par Jainas »

Ba, Tant que vous êtes là pour me signaler mes bourdes, ça va :D

Et oui oui, je vais écrire, mais mon mac est (enfin) en réparation, et j'ai moins accès à l'ordi... P'y maintenant que j'ai le temps il faut que j'aille donner mes plaquettes entre autre, et ça prend du temps mine de rien ^^
Mais j'ai déjà entre 4 et 5 page de massacre, si ça peut vous rassurer.

:grin:
Quiyes
Chunnin
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Message par Quiyes »

Attention pinailleur de retour... :lol:

Il y a un truc qui m'avait dérangé au niveau temporel dans le dernier chap et je crois que j'ai trouvé :
Quand raidou parle à sakura il lui dit que genma a vu kakashi "l'autre jour" à la tour, puis un peu plus loin sakura dit qu'elle a passé les 2 dernières nuits à dormir sur une chaise d'hôpital, or, encore un peu plus loin, lors de la conversation entre lee et sakura, lee dit si j'ai bien compris qu'il est là car gai a annulé la séance d'entraînement, parce que kakashi est venu le défier... Pourtant kakashi est venu défier gai juste après avoir croisé genma, le jour de leur arrivée.

Au début je croyais qu'il aurait fallu que raidou dise "ce matin" plutôt que "l'autre jour", mais comme sakura dit qu'elle a passé 2 jours en HS, le problème vient plutôt du fait qu'on a l'impression que lee est venu voir sakura juste après le défi de kakashi à gai, alors qu'au moins 2 jours se sont passés depuis.
Enfin bon, ce n'est pas très grave, il faudrait peut-être juste ajouter un "l'autre jour" quand lee dit que kakashi est venu défier gai. :humm:

Je sais, je suis c*****. :mrgreen:
Jainas
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Message par Jainas »

Chapitre 10 : L’âme et la flamme


La chaleur.
De cette journée, des années après, ce serait le souvenir le plus fort qu’elle garderait. Celui qui jusqu’au jour de sa mort la réveillerait hurlante en pleine nuit, le corps bouillant de fièvre, persuadée qu’elle brûlait vive.
C’est ce dont elle se souviendrait, cette chaleur inhumaine qui en un instant avait enveloppé le village, asséchant l’air dans ses poumons jusqu’à ce qu’elle ait l’impression d’être en train de respirer de la lave en fusion. Cette chaleur qui en l’espace d’une seconde avait vaporisé le centre administratif vers lequel elle se dirigeait.

Un instant elle marchait dans les ruelles tapissées de neige, le quartier général visible devant elle entre les toits. La seconde suivante c’était cette flamme noire, immense, et cette bouffée de chaleur intenable qui avait dilaté l’air, dont le souffle l’avait envoyée rouler contre un mur.
Et la seconde d’après, encore, plus rien. Le bâtiment administratif n’était plus qu’une carcasse noircie, et le feu se propageait dans le village, attaquait les autres bâtiments malgré la neige et le froid, malgré l’absence de combustible.
Les flammes dansaient sur la pierre, et à leur contact celle-ci se désagrégeait, se contractait comme dévorée de l’intérieur.
Le village brûlait.

-

La vie dans un village retiré comme Mailhoe n’était pas facile, mais elle n’était pas mauvaise non plus.
Si ses parents avaient été les seuls concernés, elle les aurait aidés aux travaux de la maison, à l’élevage des animaux jusqu’à ce qu’elle soit en âge de prendre mari, et alors elle aurait continué dans la demeure de son époux les tâches répétitives qui étaient les siennes. Ce n’était pas une mauvaise vie et peut-être aurait-ce été suffisant, vivre en paix saison après saison, en priant pour que la guerre ne vienne pas et que les chèvres mettent bas avant le début de l’hiver… Mais parfois aussi elle regardait les hommes et les femmes qui gardaient la frontière, et quand son regard se posait sur Kaede-sama, elle avait l’intuition étrange que cela ne l’était plus, assez, qu’il lui fallait autre chose peut-être.

Elle avait une admiration sans borne pour les ninjas. Ils étaient forts et respectés, inspiraient la crainte. Ils étaient libres.
Temai acceptait son aide au dispensaire, et le jour où il l’avait laissé s’occuper seule d’un bras démis, elle avait ressentit une telle fierté au creux de sa poitrine… Ce n’était pas grand-chose, mais c’était déjà plus que la vie simple d’une villageoise.
Elle savait lire évidemment, mais c’était avec son aide qu’elle avait commencé à en comprendre l’intérêt, à déchiffrer les recettes, les conseils de soins dans les livres, et les noms étranges sur les jarres de potion. Et au fur et à mesure elle avait réalisé que c’était différent de la vie répétitive d’un villageois, même vivant dans un village qui était aussi un avant-poste ninja lourdement défendu.
Elle avait aveuglément admiré Temai pour ses connaissances qui lui semblaient sans fin, sa maîtrise miraculeuse du chakra. Sa gentillesse. Elle avait regardé Kaede-sama avec une vénération muette, admirant la confiance en elle de la femme, sa beauté et la manière dont les hommes lui obéissaient parce qu’elle était forte et compétente. Elle aurait tout donné pour pouvoir être ainsi, un jour.
Parfois, quand ils avaient du temps, Temai lui permettait de consulter des copies de parchemins traitant des différents moyens de soigner la cataracte, de la manière dont on pouvait utiliser les racines d’orchidées du Pays de l’Eau pour diverses médications et parfois même arrêter les hémorragies, quand on avait la chance qu’un marchand de passage en transporte assez sur lui.
Parfois il lui expliquait les règles contraignant la vie d’un ninja, la structurant. Comment au moment critique il ne fallait pas laisser la peur tout submerger, ou c’était la fin. Comment il ne fallait jamais, jamais perdre la mission de vue.

Elle n’avait rien d’un ninja, ni l’abnégation ni les capacités. Aucun entraînement.
En cas d’attaque les civils devaient rester à l’abri et, si le village était menacé de destruction, fuir par les chemins dissimulés.
Mais ce jour où tout avait changé, alors que les flammes noires envahissaient le village autour d’elle, elle s’était souvenue de ses paroles.
Et sans hésiter elle avait fait demi-tour en courant vers l’infirmerie, parce que Shagate et Tsui étaient encore là-bas, cloués au lit par leurs blessures et qu’il fallait bien que quelqu’un les aides à fuir, et que c’était sa responsabilité à elle.

Ce ne serait que bien plus tard qu’elle réaliserait que ce mouvement instinctif lui avait sauvé la vie, et que si elle avait tenté de rejoindre les portes elle serait morte tout comme ses parents et son petit frère Tao. Comme tous les autres.
Mais cela ne serait que bien plus tard et à ce moment-là, tandis qu’elle dérapait dans la neige en essayant de prendre un virage le plus court possible, elle n’avait éprouvé qu’une terreur abjecte et pourtant étrangement assourdie.
Plus tard aussi, elle réaliserait qu’elle avait été amoureuse de Temai à cette époque, un amour enfantin encore, tellement idolâtre qu’il en avait été ridicule.

Son enfance avait vacillé lorsqu’elle avait fait le choix de retourner à l’infirmerie. Elle disparue complètement quand elle atteignit le bâtiment du dispensaire, irrémédiablement balayée dans le feu et le sang.

-

Elle s’engouffra dans le bâtiment, poussant la porte d’un coup d’épaule sans prêter attention à la neige qui entrait avec elle. Elle traversa l’antichambre à toute allure, et pénétra dans la chambre exigue mais fonctionnelle que Tsui et Shagate partageaient, uniquement pour trouver le chuunin brun hors de son lit, boitillant en direction des béquilles appuyées contre le mur à côté de la porte. Sans un mot, elle les attrapa et les lui tendit, puis se précipita vers le lit où Shagate était allongé, encore à demi sous l’effet des sédatifs et la hanche immobilisée par un plâtre.
Il était lui aussi en train de se débattre pour essayer de se lever, mais avec moins de succès que son ami.
« Quesqui-se passe ? » articula-t-il la bouche pâteuse.
« J’ai senti la balise d’alerte », murmura Tsui d’une voix tendue en enfilant son pantalon d’uniforme aussi rapidement que ses blessures le lui permettaient. Il boucla sa poche d’arme autour de sa taille et s’appuyant sur une seule béquille pour avoir une main libre il revint vers Setsuko et Shagate.
« Je ne sais pas, » balbutia la jeune fille tandis que ses mains cherchaient en automatique un excitant dans l’armoire, introduisaient le liquide dans la seringue. « Je ne sais pas. Le village… brûle. Le bâtiment administratif… il a été complètement… »
« Il faut sortir d’ici », murmura Tsui. « Comment va-t-on le déplacer ? Je ne peux pas le porter, et toi… » Il jeta un coup d’œil à la silhouette frêle de Setsuko. Elle avait beau être plus forte que sa stature ne le laissait présager, elle ne pouvait soutenir seule un homme de soixante-dix kilos.
« Je lui donne un excitant, » expliqua-t-elle en enfonçant l’aiguille dans le défaut du bras du chuunin alité. À sa grande surprise, sa voix ne tremblait presque pas. « Ce n’est pas très recommandé mais nous n’avons pas le choix. Il faut qu’il soit suffisamment lucide pour se diriger seul et tenir debout. À nous deux on devrait pouvoir le soutenir. Mets lui ses bottes s’il te plait. »
Elle ne fut même pas surprise lorsque le chuunin obéit sans discuter.

Lorsqu’ils quittèrent l’infirmerie, ce fut pour constater que l’incendie avait incroyablement progressé durant les cinq minutes que Setsuko avait passé à l’intérieur
« Mon dieu, » murmura Tsui lorsque la vague de chaleur due à l’effondrement d’un nouveau bâtiment les heurta de plein fouet. « Je n’avais jamais vu un tel feu… C’est… »
Il n’eut jamais le temps de finir. Il y eut une explosion au-dessus deux, les bruits d’un combat et des cris. Puis une silhouette engoncée dans une cape rouge et noire prit pied sur un toit encore intact au-dessus d’eux.
« Ha, des fuyards, » murmura l’homme à la peau bleue avec un sourire terrifiant. « Quelle impolitesse de quitter la fête avant la fin des réjouissances. »
« Setsu, recule, » ordonna Tsui en abandonnant le poids de Shagate à la jeune femme qui trébucha en arrière et fut obligée de prendre appuie sur un mur pour rester debout. « Nous évacuons l’infirmerie, » annonça-t-il d’une voix claire et ferme. « Le traité des cinq pays indique qu’il ne faut pas s’en prendre aux non-combattants. » Il dû voir quelque chose chez l’autre, car sa voix se brisa un instant. « Et nous tuer maintenant n’aurait aucun intérêt, la gamine ne sait même pas se battre, c’est une civile. Dans notre état nous ne représentons pas un bien grand défi. »
L’homme s’appuya sur son épée immense.
« C’est ce que je vois oui. Dans d’autres circonstances je vous aurais laissé passer. Non pas à cause du traité –il tapota d’un doigt le métal de sa plaque frontale dont le symbole était barré-, mais parce que vous tuer n’a effectivement aucune espèce d’intérêt. Malheureusement pour vous… » Il cala sa lame dans le creux de son bras et commença une série de sceaux. Les jambes de Setsuko la supportaient à peine. « Malheureusement pour vous les ordres sont très clairs. Ce village doit être rasé jusqu’à la dernière pierre. »

Etrangement, ce dont elle fut le plus consciente durant les secondes qui suivirent furent les pierres anguleuses du mur dans son dos, qui écorchaient et brûlaient sa peau à travers l’épaisseur des ses vêtements, et surtout coupaient toute retraite, bornaient de manière rédhibitoire son univers à cet instant précis.
Elle vit la vague s’élever, les trombes d’eau se séparer en lances très fines, Tsui tomber à genoux et faire quelque chose avec ses mains hors de sa vue. Elle sentit Shagate se tendre contre elle, et le souffle étouffant de l’incendie mordant sa peau.

Et les lances d’eau s’écrasèrent sur le mur de terre qui s’était dressé devant eux. À chaque impact Setsuko vit la pierre se déformer un peu plus tandis qu’elle restait pétrifiée sur place.
Puis les impacts cessèrent, et le mur se désagrégea, rendant toute la visibilité sur la scène. Tsui se redressait difficilement, abandonnant à terre un parchemin d’invocation usagé, et l’ennemi avait reculé de quelques pas, son épée géante fendait l’air avec aisance, pourfendant le vol de corbeaux lâchés par Tsui qui tourbillonnait autour de lui dans un claquement d’ailes, l’attaquant avec becs et serres.
Un toit plus loin se tenait Kaede-sama, les doigts encore entremêlés dans le dernier sceau de la technique de terre qui venait de leur sauver la vie. Son regard croisa celui de Setsuko et elle fit un signe pressant dans leur direction, avant de dégainer quelques kunaïs et de charger. Même à cette distance Setsuko pouvait voir qu’elle était dans un état épouvantable, le visage maculé de suie et de sang, et tout l’avant de sa veste de jounin avait été arraché par un coup qui avait tranché dans le tissu épais comme dans du beurre, laissant une masse de lacérations indistinctes dans la toile qui se teintait de sombre.
« Encore toi ? » murmura le monstre en se détournant et en repoussant un corbeau de la pointe de sa lame. « Tu es obstinée, femme. Quel dommage que je n’ai pas de temps à perdre à jouer avec toi... »
Une volée de kunaïs le força à reculer un peu plus tandis que Kaede formait de nouveaux sceaux et feintait vers la droite, le contraignant à reporter toute son attention sur elle.
« Vite, » balbutia Shagate tandis que son équipier reprenait son bras. « Le… le genjutsu de confusion ne tiendra pas longtemps. »
« Bien joué mon grand, je n’étais pas sûr que tu parviennes à le faire dans ton état, » murmura Tsui d’une voix qui tremblait un peu. Interprétant correctement le bruit de gorge étranglé de Setsuko il ajouta : « Sha lui a fait croire que les corbeaux sont bien plus gros et dangereux qu’en réalité, et comme le genjutsu est allié à de vrais oiseaux, il y a une chance qu’il ne le repère pas. »
Ils passèrent un angle et s’engouffrèrent dans la ruelle suivante, avançant au plus vite malgré les jambes flageolantes de Setsuko et le poids vacillant de Shagate.
«Kaede-sama… Elle… »
Le visage de Tsui était fermé, tendu dans une expression neutre et douloureuse qu’elle ne lui avait jamais vue auparavant.
« Je sais. Elle nous a donné une chance de nous tirer de là, il faut la prendre. »
Les rues étaient étrangement désertes, et les flammes noires se propageaient presque plus vite qu’ils n’avançaient. Au loin, à moitié couverts par le ronflement des flammes et les gémissements et grincements des bâtiments suppliciés, Setsuko fut certaine d’entendre des cris. Elle ne dit rien, et se concentra sur l’acte incroyablement difficile de mettre un pied devant l’autre. La chaleur faisait fondre le sol gelé, le changeant en boue. Mais celle-ci ne durait pas, et était déjà en train de sécher. Le brasier vaporisait toute l’eau.
Contre son épaule Shagate respirait bruyamment, avec difficulté. Il trébuchait souvent, manquant de les faire tomber tous les trois. Le genjutsu avait dû tirer dangereusement sur sa jauge de chakra déjà perturbée par les drogues.

Ils étaient presque en vue de la muraille et de la porte cachée du quartier Est lorsque la maison à leur droite fut pulvérisée. Non pas par le brasier qui gagnait autour d’eux, mais par une gerbe d’eau pourchassant une silhouette agile.
Au prix d’un saut à l’aveugle vers la rue Kaede-san esquiva le geyser destructeur, mais là ou elle reprit pied, son adversaire l’avait devancée. Les bandes qui entouraient sa lame avaient disparues, révélant des crocs d’acier acérés, et le manteau rouge et noir était déchiré. Il était probablement blessé, même si la couleur du tissu rendait toute évaluation de la quantité de sang perdu difficile.
Il frappa avant que la kunoichi brune n’ait touché terre, la cueillant au vol, en plein mouvement. La lame rencontra la chair au défaut de l’épaule droite, et il s’embla aux yeux terrorisés de Setsuko que les crocs de métal s’ouvraient un peu plus, hérissant la lame de crochets acérés, avides.
Ils s’enfoncèrent dans le corps de la jeune femme avec une odieuse facilité. Il y eut un bruit d’os broyés, et Kaede hurla de tous ses poumons.
D’un revers de poignet presque négligeant, comme si l’épée et le corps ne pesaient rien, le ninja débarrassa sa lame du corps empalé. La jounin s’écrasa au sol quelques pas devant les fuyards pétrifiés et roula sur elle-même avant de s’immobiliser, laissant une traînée de sang dans la boue. Son bras et des lambeaux de chair étaient restés pris dans les dents d’acier crochetées.
D’un pied l’ennemi la fit basculer sur le dos, lui arrachant un gémissement de douleur.
D’ou elle se trouvait Setsuko pouvait voir ses yeux grand ouverts, étonnamment clairs dans son visage tordu par la souffrance. Le sang se répandait au sol, trop vite.

Tsui prit une inspiration étranglée, et repoussa Shagate qui laissa échapper un cri de protestation désespéré tandis que son ami commençait à former les sceaux.
« Tsui, non ! »
« Y’a plus le choix, Sha. Je ne peux pas bouger, et t’as plus de chakra… On a pas le choix Sha... Il faut le faire ensemble.»
« D’a- d’accord. »
D’une poigne étonnamment forte pour son état, Shagate repoussa Setsuko à quelques mètres, l’envoyant heurter un mur contre lequel elle se laissa glisser, ses genoux ayant finalement cédés sous elle.
Le chuunin vacilla un peu puis se laissa tomber à genoux, et planta trois kunais dans le sol, en triangle.
« Avec moi mon frère ? »
Il y avait des sanglots, mais aussi une froide détermination dans la voix de Tsui.
« Toujours. »

Le ninja bleu pencha la tête sur le côté, les yeux étrécis.
« Ces ninjas de Konoha… Il faut toujours qu’ils crèvent de manière mélodramatique. C’est lassant. Vous comptez faire quoi ? Vous n’avez aucune chance de me vaincre, et je crois que vous le savez… Alors ? »
Shagate acheva à son tour ses sceaux, et mordant son pouce il traça des kanjis sanglants dans la boue, tandis que Tsui faisait de même sur son propre torse.
« Technique interdite : le souffle du Vent Divin. »
Au sol, les sceaux que Shagate avait tracés et sur lesquels il plaquait ses mains de tout son poids commencèrent à étinceler. Dans un tourbillon la lumière s’éleva, drainant son éclat des mains du jeune homme au visage tordu par la douleur. Le faisceau lumineux ondulait dans l’air, se tordant comme une bête vivante. Avec un éclat blanc il entra en contact avec le dos de Tsui, sembla le transpercer, et rejailli de sa poitrine avec une luminosité encore plus intense, qui brûla les rétines de Setsuko.
Recroquevillée contre le mur, incapable de bouger, elle ne détourna pas le regard lorsque Tsui tomba à genoux, et leva ses mains devant lui, les pouces et index joints, canalisant la créature de lumière et d’énergie, de vie sans doute.

Le ninja à la peau bleue s’était écarté du corps tordu de Kaede d’un mouvement fluide à la seconde où la lumière avait atteint les mains de Tsui. Lorsque le dragon lumineux se contorsionna dans l’air rendu vibrant par la chaleur et se précipita vers lui il bondit en arrière, évitant tout contact avec le jutsu.
Même aux yeux inexpérimentés de Setsuko il fut évident qu’il avait soudain changé d’état d’esprit. Toutes traces de l’affabilité joueuse –et d’autant plus terrifiante- disparurent. Il était mortellement sérieux lorsqu’il esquiva une nouvelle fois le serpent de lumière lancé après lui, puis une autre fois encore, une esquive d’une vivacité si foudroyante qu’il n’en resta que la brûlure rémanente de la lumière blanche sur ses prunelles tandis qu’il prenait appuie sur un mur à deux doigts de s’effondrer face au travail de sape des flammes noires, bondissait pour se mettre hors de portée. Et toujours la lumière palpitante sur ses talons, mise en forme entre les mains de Tsui et fouettant l’air à sa poursuite, griffant le vide à quelques centimètres de la cape noire sans jamais parvenir à l’atteindre.

Shagate était affalé sur lui-même, et seuls ses avants bras ancrés comme deux piliers sur le sceau dans la boue s’empêchaient de s’effondrer.
« Tsui… il est trop rapide. »
Le chuunin ne répondit pas, mais Setsuko pouvait voir la ligne de ses épaules commencer à trembler. La lumière qui ressortait de son torse pour passer par ses mains vacilla, puis s’intensifia comme une flamme ravivée par un coup de vent.
Avec un juron le monstre échappa de peu au contact avec le tentacule lumineux. Il avait tenté de parer avec son épée, mais la lumière traversa l’acier ensanglanté sans vaciller, de même que les deux murs d’eaux érigés a la hâte tandis que le ninja esquivait de nouveau ne l’arrêtèrent pas.

Elle avait toujours admiré de loin les prouesses physiques des ninjas à l’entraînement mais cela, cette chasse –cette danse- dépassait tout ce qu’elle avait pu voir auparavant. C’était tellement rapide, tellement fluide, et la blancheur aveuglante du serpent contrastait avec le mur de flammes noires qui les cernait peu à peu, avec les pans de lumière embrasée déposés par le soleil levant sur les murs encore debout.
C’était terrifiant, et c’était la fin de son univers.
C’était magnifique, d’une manière abstraite et corrompue.

Un gémissement la détourna de sa fascination tétanisée, et elle arracha son regard de la danse déchirante pour le poser sur Kaede-san qui avait roulé sur elle-même et tentait vainement de prendre appuie sur son bras valide.
Ce fut comme une claque, et a quatre patte Setsuko rampa jusqu’au corps de la jounin, et se força a ne pas détourner le regard lorsque ses yeux se posèrent sur la plaie ignoble et lacérée qui béait là ou s’était trouvé son bras.
« Ai- Aide… »
Obéissant à la supplication à demi formulée elle aida la jounin à appuyer une main tremblante contre la blessure et regarda son visage se tordre un peu plus de douleur tandis qu’elle luttait pour rassembler un peu de chakra dans sa paume. Elle pleurait en silence, et les larmes traçaient deux sillons clairs dans le masque de sang et de cendre encadré de mèches brunes plaquées par l’hémoglobine.
Sous les siennes son unique main tremblait de manière spasmodique, mais le flot affolant de sang se tarit lentement.
« Im- béciles… vous ne… l’aurez pas comme ça tant qu’il sera… mobile.. Il… vous reste trop… peu… de chakra… »
A quelques mètre Shagate détourna lentement la tête vers eux, et Setsuko se retint de se précipiter à ses côtés quand elle réalisa que le sang coulait de sa bouche et de son nez. Elle avait le sentiment que si elle le touchait elle mettrait en péril la technique pour- à laquelle il était en train de donner sa vie.
Aussi resta-t-elle agenouillée auprès de Kaede-san, la peau à vif dans la chaleur écorchante, sans même envisager de prendre la fuite.

« Setsu… aide-moi. Près de Sha… Je vais… aider. »
Le regard de Kaede était clair, contredisant tous les signaux de douleur émis par son corps défaillant. Clair et désespéré, terriblement lucide, et sans protester la jeune fille passa un bras tremblant autour de l’épaule valide de la jounin, l’aida à se remettre sur pied et d’un pas vacillant entreprit de rejoindre le corps prostré de Shagate comme s’il s’était s’agit du but ultime, de leur dernier espoir –et d’une certaine façon il l’était.
Elles ne l’atteignirent jamais.

Le combat prit fin aussi soudainement qu’il avait commencé, une fraction de seconde, un souffle, et Tsui tomba, le torse transpercé par une lance d’eau qui se désagrégea en un flot rouge, laissant un trou béant dans sa poitrine.
Setsuko ne le vit pas s’effondrer, parce que son regard était ancré sur Shagate comme à un phare en pleine tempête, mais elle vit le chuunin se convulser, les yeux exorbités et la bouche ouverte sur un hurlement de douleur et d’horreur silencieux. Et elle vit parfaitement la seconde lance le traverser de part en part, effaçant d’une gerbe les derniers éclats de la lumière blanche.
Et aussi soudainement qu’il avait été rompu par l’effondrement de la maison, le silence tomba de nouveau, uniquement troublé par le murmure contre nature des flammes et le grincement des bâtiments en train de céder.
Le ninja à la peau bleue atterrit à quelques mètres des deux femmes.

« Tch. Stupides fous suicidaires. C’était juste. » Il fit deux pas dans leur direction, et Setsuko remarqua qu’il boitait. Elle tenta de reculer, mais le poids de Kaede la fit trébucher et elles tombèrent toutes les deux. « Encore vivante ? Quelle obstination… Je suis sincèrement impressionné. Et toi… -son regard s’arrêta une fraction de seconde sur Setsuko avant de l’ignorer pour de fouiller la rue dévastée- Vu ton inutilité tu dois être une civile. Mais… hum… Je crois bien que j’ai tué tous les autres. Vous allez devoir faire l’affaire je suppose. »
Et avant même que l’esprit de Setsuko songe à envisager l’option de peut-être se débattre, il l’avait callée sur son épaule, avait coincé Kaede sous son bras en prenant soin d’immobiliser sa main valide, et ils volaient par-dessus des bâtiments condamnés.

-

« Yo Itachi. »
Debout sur un pan de toit encore en place, l’autre ninja daigna à peine se retourner.
« Tu as pris ton temps. »
« Ha. Les ninjas de Konoha sont tous des chieurs, je le savais déjà mais là c’est la confirmation… Deux crétins désespérés ont essayé de me faire la peau avec un jutsu de suicide. »
Le ninja bleu rejoignit son collège sur le bord du toit le long de la muraille ouest, et Setsuko vit ce que la pente de la toiture lui avait caché : la rue en contrebas, et le charnier de corps entremêlés.
D’un mouvement fluide le déserteur vint prendre pied sur la muraille suivit de près par leur geôlier, et une nouvelle poussée les mena hors du village.
« Tu es blessé, » fit remarquer l’Uchiha sur le ton de la conversation.
Contre son ventre elle sentit son porteur hausser les épaules avec un ricanement rauque, avant qu’il ne la fasse basculer et qu’elle ne se retrouve à terre dans la neige. Loin du village et des flammes brûlantes le froid l’assaillit et elle se recroquevilla instinctivement..
« C’est la faute de celle-là, » expliqua-t-il en laissant tomber le corps de Kaede dans ses bras. « Sacrée kunoichi, dommage que j’ai pas pu profiter du combat et que j’ai été obligé d’abréger. »
Le regard froid de l’autre passa sur elles. « Elle va te claquer entre les pattes, » informa-t-il d’un ton désintéressé en faisant quelques pas dans la neige.
« Ha, il ne restait plus beaucoup de choix. Et puis y’a toujours la gamine… Mais celle-là est une jounin, sa parole aura plus de poids, et avec un peu de chance elle va survivre, elle a déjà arrêté l’hémorragie... Et toi, t’as sorti du monde ? »
Setsuko agrippa un peu plus fort le corps désarticulé de Kaede contre elle –la douleur et les chocs du trajet devaient finalement lui avoir fait perdre conscience, à moins que ce ne soit le manque de sang- et suivit le regard impassible vers la gauche. Le sol était labouré comme si le combat s’était poursuivi hors du village, et six corps tremblants étaient entassés dans la neige.
Ou du moins cinq, parce que le sixième gisait plus loin, et que l’angle que faisait son cou avec le reste de son corps ne pouvait appartenir à un être vivant.
Même si elle n’avait pu voir son visage, la veste blanche et la touffe de cheveux violets lui auraient appris son identité. C’était Temai, et la réalisation qu’il était mort ne lui parvint que de manière lointaine, étouffée. Comme si elle flottait au milieu d’un blizzard –un blizzard qui était tombé quand Shagate l’avait repoussée et dont elle n’était pas certaine de vouloir jamais sortir.

« J’ai ceux-là : tous des civils, ils ne nous causeront pas de problèmes. »
Setsuko reconnu des visages familiers, tous tordus dans divers expressions de choc, de colère ou de douleur. Contre elle Kaede frémit en revenant à elle. Elle l’ignora.
« Bien, on leur fait le speech ? À toi l’honneur Itachi.»
« Si tu veux. Écoutez moi bien, vous tous. » Il n’avait pas haussé le ton, mais sa voix portait de manière saisissante, imposant l’écoute. « Tous vos amis et vos familles sont morts. Vous, vous allez survivre. Les habitants du village le plus proche ont été prévenus, ils devraient être là d’ici une heure tout au plus et vous récupèreront… »
Un soulagement ignoble, aussi abject que la peur qui lui avait précédé traversa un instant Setsuko, la rendant physiquement malade. Elle serra un peu plus Kaede contre elle, et ferma les yeux. Ses mains commençaient à trembler.
« Écoutez bien, et souvenez vous, vous allez porter notre message à vos maîtres de Konoha, le message de l’Akatsuki… »

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« C’est une décision tout à fait inconsidérée, comment avez-vous pu-…»
La porte du bureau s’ouvrit toute grande, et Jiraiya entra en trois longues enjambées, coupant le vénérable Homura dans la phase ascendante de sa tirade. Avec un salut de la main à la ronde et quelques foulées supplémentaires, il fut aux côtés du bureau et se laissa tomber dans le dernier fauteuil de libre.
« Hokage-sama, Homura-sama, Danzou-sama… » salua-t-il avec enthousiasme. « Et ho, je dois être plus en retard que je le pensais si même Kakashi-san est là. Salutations, disciple de mon disciple… »
Kakashi marmonna quelque chose qui pouvait passer pour un salut et s’appuya un peu plus contre le mur. Pour n’importe qui il abordait son habituelle nonchalance bravache, mais aux yeux de Jiraiya il avait seulement l’air fatigué.
Tsunade le foudroya du regard depuis sa place de l’autre côté du bureau. Il se contenta d’allonger ses jambes sous la table, de se caller un peu plus confortablement dans le fauteuil –ces nouveaux sièges étaient vraiment confortables, Tsunade devrait casser le mobilier plus souvent- et de sourire dans le vague. Etre un sannin avait ses intérêt autres que de provoquer l’admiration des jeunes kunoichis, et faire poirauter les magistrats du village –dans des mesures raisonnables- était l’un d’eux. Il ne voyait vraiment pas pourquoi il s’en serait privé…
D’autant plus que la verve du vieil Homura avait du mal à garder sa qualité après une interruption.
« Mais je vous en pris Homura-sama, ne vous interrompez pas pour moi, continuez donc… »
« Je… ha… Jiraiya-sama ! Vous serez d’accord avec moi pour convenir que la décision de Tsunade-sama est des plus imprudentes. C’est un traître ! Quelle image du village offrons nous donc si nous le laissons revenir ainsi ? Et rien ne dit qu’il ne va pas… »
« Pardonnez-moi Homura-sama, mais n’avons-nous pas déjà eut cette conversation ? Décider du devenir des ninjas est la prérogative de l’Hokage. »
Tsunade planta ses poings sur le plateau de bois et se leva, repoussant son fauteuil dans le mouvement –et offrant le panorama charmant de son profond décolleté du sannin qui prit des notes mentales pour un usage ultérieur.
« Et j’ai décidé de faire usage cette prérogative Homura-sama, mais soyez assurés que je suis consciente de vos objections. Je connais Orochimaru, et le retour de l’Uchiha pourrait même n’être qu’un plan tordu et très élaboré, j’ai pris cela en compte également, sachez le. Il ne s’agit pas mettre l’Uchiha sur un piédestal, et encore moins de le laisser totalement libre de ses mouvements. Mais la décision que j’ai prise est la meilleure pour l’instant. Garder le gamin au fond d’une cellule deux ans pour amuser Ibiki ne nous en apprendra pas plus sur sa loyauté et nous n’aurons rien gagné à le laisser en vie… »
Jiraiya croisa les bras sur sa poitrine et fit la moue.
« Le mieux que nous puissions faire pour l’instant est de le lier un maximum au village et le garder à l’oeil. »
« Il ne partira pas. » murmura Kakashi derrière eux. « Je l’ai vu se briser. Il sait qu’il est encore faible et qu’ici il peut devenir fort. Même s’il ne les aime pas il a reconnu la validité des arguments le poussant à rester, il sait qu’il n’a pas le choix –que c’est son meilleur choix s’il veut son frère. Mais si on l’entrave, qu’on l’empêche de progresser… Alors oui, il sera perdu pour nous aussi sûrement que l’est Itachi. »
Homura s’apprêtait à protester de nouveau, mais Danzou le battit de vitesse.
« Je suis d’accord avec Hokage-sama. Il nous faut faire confiance en son jugement.» Derrière l’épaule de l’homme Jiraiya vit Kakashi cligner de l’œil, deux fois très vite. « Je n’aime pas cela non plus, mais il nous sera plus utile en pleine vue, là où nous pouvons l’utiliser, que mort ou à croupir dans une geôle. Ce qui ne veut pas dire que nous devions lui accorder la moindre confiance, bien entendu. »

De l’humble avis de Jiraiya, Tsunade réagit avec une maîtrise tout à fait exemplaire en ne laissait pas filtrer trace de sa stupéfaction en entendant ces mots sortir de la bouche du vieil homme. Elle se contenta de se rassoire et de pencher la tête sur le côté.
« Bien entendu. Ce sujet est clos. Homura-sama, je vous remercie de vous être déplacé pour me faire part de vos inquiétudes, elles se seront pas sous estimées. »
« Hokage-sama. »
Le vieil homme s’arracha à la gravité et à son fauteuil pour quitter la pièce, irradiant la désapprobation par tous ses vénérables pores. Danzou ne s’attarda pas beaucoup plus longtemps, juste celui de déposer sur le bureau un tas de parchemins fermés par des sceaux rouges et verts.
« Je pense que si nous devons en tirer le meilleur il faut déclassifier le retour de l’Uchiha… »
« C’est ce que je comptait faire, » répliqua Tsunade d’un ton qui achevait la conversation d’une manière subtile mais ferme. Danzou salua à son tour et s’éclipsa, boitillant sur sa canne.
Tsunade se laissa aller en arrière.
« Hé bien… »
« Ouais… Je dirais même plus, Bordel et Pute Borgne ! C’est moi ou cette vieille vipère vient de te donner raison ? »
« C’est louche, » fit tranquillement remarquer Kakashi depuis le mur dont il ne s’était toujours pas détaché.
« Je ne te le fais pas dire, » ricana Jiraiya. « Alors Kakashi ? Tu as réussi à convaincre le morveux d’accepter notre humble hospitalité ? »
« Haa… À coups de Mangekyou à vrai dire. Mais oui, et même malgré Naruto qui hurlait des insultes par-dessus mon épaule. »
Tsunade soupira.
« Dès qu’il s’agit de l’Uchiha il n’est pas la plus raisonnable des personnes… »
Jiraiya s’abstint de faire remarquer que cela était valable dans nombre d’autres cas –mais c’était vrai qu’Uchiha Sasuke arrivait largement en première position en ce qui concernait les facteurs d’irrationalité d’Uzumaki Naruto.
« A vrai dire il a posé une condition… »

Pendant que Tsunade tempêtait un coup contre les mioches qui pétaient plus haut que leur cul, Jiraiya observa Kakashi d’un oeil pensif. Sasuke avait certainement les tripes bien accrochées pour oser poser ses conditions dans un tel contexte… Mais c’était plutôt positif à vrai dire, parce que cela ne faisait qu’étayer les assurances de Kakashi quand à ses raisons de rester au village… En suivant Naruto il avait effectivement toutes les chances de tomber sur son frère à un moment ou à un autre –s’ils ne s’entretuaient pas avant, bien entendu.
« Comment Naruto a-t-il prit les choses ? »
Kakashi haussa les épaules.
« Difficile à dire. Il a tenu à être présent lorsque j’ai donné la proposition à Sasuke, et il a eu du mal à garder son calme. Il était énervé par la retenue de l’Uchiha, mais je pense que ça couvrait sans doute autre chose. »
« Tu penses qu’ils peuvent cohabiter à terme sans compromettre la mission ? »
Le ninja copieur haussa les épaules.
« Qui sait. C’est impossible à dire pour l’instant. Il y a toujours eu de l’eau dans le gaz entre eux et Naruto était la seule personne capable de provoquer vraiment Sasuke à part son frère. Mais à présent les rapports de force n’ont plus rien à voir… Alors qui sait ? Pas moi. Je n’ai aucune idée de la manière dont les choses vont évoluer. »
« De toute manière il est trop tôt pour ce soucier de cela, » temporisa Jiraiya.
Deux coups légers retentirent à la porte et Shizune se glissa dans la pièce pour aller murmurer quelque chose à l’oreille de Tsunade. Celle-ci haussa les sourcils.
« Quoi ? Maintenant ? A cette heure-ci ? Fait chier, il choisit mal son moment… Ce type m’exaspère : il reste à peine le temps nécessaire à Konoha pour ne pas passer déserteur et c’est maintenant qu’il trouve le moyen de ramener son cul ? » Shizune paru sur le point de rabrouer son Hokage comme elle le faisait parfois –et alors tous les ninjas présents contemplaient avec une fascination morbide (et un paquet de pop-corn dans le cas de Jiraiya) leur Hokage se faire remettre à sa place-, mais se tue finalement après une brève hésitation. « Bon, qu’il aille au diable, files lui un assignement de garde quelque part et qu’il me foute la paix pour ce soir, je m’occuperais de lui un autre jour. »
« Bien Hokage-sama. »
Tandis que Shizune quittait le bureau Jiraiya s’étira longuement.
« Ce tire au flanc de Setsuna est revenu ? »
« Il semblerait. D’habitude il passe l’hiver loin d’ici, je me demande ce qui lui a pris… -C’est bon Kakashi, tu peux y aller. Soit ici demain matin à 9 heures précises. Et va te reposer, c’est un ordre. Dis a Shizune d’en faire autant, il est tard. » Apparemment la fatigue du ninja copieur était tout aussi visible pour Tsunade –mais étant donné sa connaissance absolue du corps humain ce n’était pas vraiment une surprise.
Kakashi se mit au garde à vous, puis salua .
« À vos ordres Hokage-sama. »

Lorsqu’il eut a son tour quitté le bureau Tsunade se laissa aller dans son fauteuil et repêcha une fiole ouvragée dans le fond d’un tiroir. Elle en prit une longue gorgée et reposa sa tête contre le cuir brun avec un soupire de contentement.
« Fais passer ? »
Jiraiya attrapa au vol le flacon.
«Hum… Sacré cuvée. Je suppose que tu vas aller mettre les choses au clair avec le morveux ? Histoire de lui rappeler qu’ici aussi y’a des sannins ?», marmonna-t-il après avoir bu à son tour.
« Ouais, ouais, je sais. Fichu mioche. »
« Je ne te le fait pas dire. »
« Non, pas lui, Naruto. S’il n’était pas là on ne se ferait pas chier à essayer de ramener l’Uchiha… Un kunaï bien placé et fini les problèmes… »
Jiraiya contempla un instant le métal martelé de la flasque. Une flamme serpentait sur le métal jusqu’au goulot.
« Hum. C’est pas faux. »
« … »
« Sale mioche. Qu’est ce qu’on ferait pas pour lui hein ? »
« M’en parle pas. »
« … »
« Je me demande ce que le Quatrième aurait pensé de tout ça. »
Jiraiya jeta un coup d’œil au visage fermé de son disciple qui le contemplait depuis son cadre au côté des précédents Hokage.
« Hm… Son cerveau marchait de manière étrange de temps en temps… Il a toujours eu une notion très personnelle du concept de ‘risque acceptable’, donc je n’en ai pas la moindre idée… Mais je sais que le Troisième aurait approuvé ton choix. »
« Ha… Volonté du feu et tout le blabla… Sauver un camarade tombé, tous les feuilles du même arbre, le bon vieux proverbe du rampé/porté... Je suis certaine que le professeur aurait eu tout un tas de métaphores appropriés à la situation. »
« Je te sens vaguement sarcastique Princesse. Tu veux baiser ? Ca te détendra. »
« Jiraiya, tu vois cette flasque ? » Elle désigna le récipient avec lequel le sannin à la crinière blanche jouait machinalement.
« … oui ? »
« Hé bien je n’en ai pris qu’une gorgée, c’est à dire beaucoup moins que le quart de la quantité nécessaire pour que je commence à envisager la possibilité de te laisser me toucher. C’est clair ? »
« … Rabat joie. »
« A ton service, pervers. »
« Ho, Tsu, ma puce, on en est déjà aux doux mots d’amour ? » Jiraiya rentra la tête et évita un rouleau officiel lesté de plomb qui rasa le sommet de ses mèches, et éclata de rire. « Tu te rouilles. »
« Dis plutôt que je ne veux pas mettre de sang sur mon tapis. »
Tsunade avait l’air irrité, et ses yeux lançaient des éclairs, mais le pli amusé à sa commissure démentait partiellement l’irritation que son expression laissait transparaître.
« Pourquoi non Princesse ? Tu es tendue comme un arc, je peux le voir d’ici. Ça ne peut que te faire du bien… Je suis un expert après tout, sans vouloir me vanter… »
« Arrête de radoter et rends-moi plutôt le saké tu veux ? Crétin. »
Jiraiya obtempéra et son ancienne équipière attrapa au vol le flacon de saké –qu’il avait tout de même prit la précaution de refermer avant. Tsunade avala une nouvelle gorgée puis se leva pour alimenter le feu mourant dans l’âtre.

« Je me demande à quoi joue Danzou. Accepter de donner une seconde chance à l’Uchiha n’est pas quelque chose qui me frappe comme étant dans ses manières. Quand bien même serait-ce pour attirer le Serpent hors de son trou. Et il y a ce Sai… Je ne pense pas qu’il faille le laisser dans l’équipe de Kakashi.»
Jiraiya se leva à son tour et vint s’accroupir devant les flammes ravivées qui léchaient le bois sec.
« Ha… Je n’en suis pas certain. Utiliser Sasuke et l’agiter sous le nez d’Orochimaru me semble le genre de choses susceptible d’éclairer sa vieillesse décrépie. Quand au Racine… garde tes amis près de toi et tes amis encore plus près, hein ? Kakashi l’a à l’œil. »
« Hum… »
Tsunade se laissa glisser à terre et s’assit dos contre le montant de la cheminé. Elle avait laissé sa veste sur le fauteuil et la lumière orange jetait des ombres noires sur ses bras nus. Elle tourna à demi le visage dans sa direction.
« Il a deux choix. Soit il nous attaque pour récupérer Sasuke, soit il se trouve un nouveau corps. »
« Tu as raison. Et nous savons tous les deux qu’Orochimaru n’a jamais accepté la défaite avec beaucoup de grâce. Que dit l’intel ? »
« Pas grand chose. Dieu sait pourquoi mais nos taupes au Son ne durent jamais très longtemps. Et tu sais comment fonctionne Orochimaru, il est très doué pour couvrir ses traces… L’intel a été incapable de nous dire où il était une seule fois en trois ans… Alors nous informer sur ce qu’il a en tête ? Hmf… »
Elle lui tendit la flasque et il but de nouveau.
« Ce qui signifie qu’il faut partir du principe que nous auront bientôt sa visite. »
« Oui. J’ai renvoyé l’anbu à Suna avec une demande de troupes. Eux aussi ont un contentieux avec luiet ils seront plus que ravis de nous prêter quelques jounins de haut niveau. La garde du village est en alerte jaune et j’ai envoyé un message pour rappeler Tenzo de mission. S’il y a un combat je préfèrerais le savoir dans les parages de Naruto. »
« Il ne sera pas là avant une bonne semaine.»
«Je sais. Demain première heure je met un anbu sur les talons de Danzou –peu importe que le conseil pète un câble s’ils le découvrent, j’ai un mauvais pressentiment. Je vais aussi mettre les choses au point avec Uchiha une bonne fois pour toute et vérifier deux trois choses… »
Il rit légèrement, pas vraiment amusé.
« Tache de ne pas trop le traumatiser, ce gamin a déjà suffisamment de problèmes pour alimenter les névroses de trois jounins, inutile d’en rajouter. »
« J’ai très envie de le frapper à vrai dire. »
Il ne demanda pas si elle parlait de Sasuke ou d’Orochimaru. Après tout elle-même avait été bien proche de céder à la persuasion du troisième membre de leur équipe. Sasuke avait l’excuse de la jeunesse, de l’inexpérience et du sceau maudit. Mais bien entendu les raisons ne pesaient pas bien lourd dans le monde des ninjas.

Il lui jeta un coup d’œil en coin, délibérément, s’attardant sur son visage à demi mangé par les ombres. La lumière rasante soulignait les rides d’expression invisibles en temps normal, dissimulées par le jutsu. L’âge n’apparaissait peut-être pas, mais il était certain qu’au fond d’elle elle le sentait, autant que lui, plus sans doute. Il l’avait vu sans la technique protectrice, trois ans auparavant.
« Ma proposition est toujours valable tu sais Princesse. »
Elle sourit, légèrement, un sourire qui n’essayait même pas d’être sarcastique et était simplement un peu las.
« Ma réponse aussi. »
« Ha. Si je me souviens bien tu caches ta réserve de saké dans le tiroir du bas du le placard de droite. Tu veux que j’aille te les chercher s’il faut vraiment que tu sois ivre morte pour coucher avec moi ? »
Elle paru surprise de son ton, et il le fut aussi. Sa bouche était partie sans lui. Il n’avait certainement pas prévu de laisser transparaître quoi que ce soit qui ressemble à cette amertume mordante.
« Jiraiya… »
« Je sais, je sais… Tu veux de je te prête cette bûche pour me frapper ou tes poings suffirons ? »
« Je suis fatiguée Jiraiya. Pourquoi faut-il que cette guerre tombe sur nous ? » Elle soupira et il haussa les sourcils. Il ne s’était pas exactement attendu à ce que la conversation prenne ce tour, ni a cette vulnérabilité. « Je n’ai jamais voulu être Hokage, c’est un boulot dont seul un dingue voudrait. »
« Ou un idéaliste, ou un idiot… » murmura-t-il en réponse. « Ou un maniaque du pouvoir. »
« Un maniaque du pouvoir est un dingue. Un idéaliste aussi d’une certaine manière. »
Il attrapa une branche dans la réserve de bois et entreprit de remuer les braises.
« Pour un idéaliste le Quatrième ne s’en est pas si mal sorti… »
« Il a été tué en fonction. »
« Oui, mais c’est pour ça qu’il est devenu un héros… »
« C’est bien ce que je disais. Je n’ai aucune envie de me sacrifier. Seul un dingue voudrait devenir un héros. »
« Dans ce cas Naruto à les épaules taillées tout juste pour le job, hum ? »
« Pas avant quelques années. Il est loin d’être encore assez mature... Ce qui veut dire que j’ai cette maison de fous sur les bras pour encore au moins cinq ans. Et on en revient à cette fichu guerre qui se profile, et des gens dont je suis responsable vont mourir et nous allons vraiment être obligés de le tuer cette fois. »
Il ne su que répondre un instant, et encore moins lorsqu’elle bougea pour se retrouver épaule contre épaule avec lui en face du feu.
« Le tuer… Je sais. Ça fait des années que je m’y prépare. Ça fait trente putains d’années que je m’y prépare et ça me semble toujours aussi difficile. Mais le choix est fait depuis longtemps n’est-ce pas ? »
Sa tête s’appuya contre son épaule.
« Evidemment. Et je veux que le village soit fort pour les générations futures. Qu’il soit fort et que je puisse en être fière quand je laisserais ma place au Sixième. Et j’égorgerais de mes mains tous ceux qui voudront changer cela… » Après une seconde de réflexion. « Ou alors j’enverrais des anbus les égorger à ma place, s’ils sont trop loin.»
Il abandonna sa branche a demi- calcinée dans l’âtre et lui jeta un regard en coin.
« Hmm… Si je ne m’abuse c’était une magnifique déclaration de volonté du Feu. Le professeur serait si fier de toi, Tsu ! Et puis dans le pire des cas, s’ils sont vraiment trop loin tu peux toujours envoyer le meilleur archer des cinq pays leur mettre une flèche en travers du crâne, maintenant qu’on l’a récupéré.»
Il évita avec une aisance née de l’habitude la taloche visant l’arrière de son crâne –elle était trop petite pour espérer toucher aisément le dessus de sa tête.
« Idiot. »
« Aller, juste cinq ans à tenir. Et je suis certain que tu adores être en position de pouvoir envoyer paître les anciens de manière subtile et diplomatique quand ils se font… hé bien trop anciens. »
Elle soupira et passa une main sur son visage, se releva, rompant le contact de leurs épaules.
« Tu veux du saké ? »

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« Patron, un ramen miso ! Ou non, deux plutôt. Ou non, mettez m’en trois. »
Avec un soupire Naruto se laissa tomber sur l’un des tabourets hauts d’Ichiraku et attrapa une paire de baguettes dans le pot sur le comptoir. Le temps qu’il les ait sorties de leur sachet et séparées, son premier bol était sous son nez, fumant et exhalant la délicieuse et familière odeur du ramen qui allait bientôt se retrouver dans son estomac.
« Bon appétit ! »
« Bonjour Naruto, tu n’étais pas en mission pour un bout de temps ? »
« Quoi ? » articula ledit Naruto la bouche à moitié pleine, des pattes dépassant de sa bouche et dégoulinant sur son menton, « ha, non, non, cha ch’est fini pus tôt que préfu… » Ayame essuya ses mains sur son tablier, leva les yeux au ciel et sourit.
« Bon, ravie de te voir alors. Je te laisse manger. »
La première bouchée avalée et la bouche vide, Naruto hocha la tête et sourit en retour.
« Merci Ayame-san, ton ramen est le meilleur ! »

-

Tandis que l’idiot blond se replongeait dans la liquidation systématique de son bol, Sai tourna la page de son carnet sans le quitter du regard.
Il était installé à l’autre bout du comptoir dans le coin sombre, dos au mur, et avait été en train de siroter son thé lorsque Naruto était arrivé. Sa première réaction avait été de lui faire signe et de le saluer, ou peut-être de se lever pour le rejoindre –d’après ce qu’il avait pu en conclure c’était apparemment la conduite à tenir lorsqu’on croisait une connaissance dans un lieu public- mais quelque chose dans le langage corporel de l’autre ninja l’avait arrêté.
Ce n’était pas un détail spécifique, c’était la sensation que quelque chose n’était pas normal, n’était pas en ordre. C’était un instinct basé sur presque rien, et à présent qu’il cherchait ce qui avait bien pu attirer son attention il ne voyait rien, juste Naruto en train d’engloutir ses ramens avec son mépris habituel de la diététique…
Sa main droite fit danser machinalement le fude d’un doigt à l’autre tandis qu’il observait le profil du jeune homme. Ce n’était qu’un instinct, mais pour un ninja ce presque rien pouvait faire toute la différence, et Danzou-sama lui avait appris à faire confiance à ses instincts…
Alors…

D’un geste sûr il trempa la pointe de son pinceau dans l’encre et entreprit de porter sur le papier au grain réconfortant la ligne tendue de la mâchoire de Naruto, la manière dont ses épaules s’arquèrent quand il abandonna son bol et qu’il crispa ses mains sur le siège de son tabouret. Le pinceau dansait sur le vélin, laissant derrière lui des lignes déliées et humides, parfois un angle plus prononcé, une brisure sèche. Sai travaillait sans réfléchir, sa main suivait ses yeux, et sur le papier la silhouette du ninja blond contemplait son bol une expression étrange sur le visage.
Le pinceau s’attarda une seconde, laissant l’encre obscurcir le visage le long de la ligne des pommettes. Sans s’arrêter Sai commença un second portrait, un trait épais du plat du fude souligna en réserve la manière dont tombait la veste orange. Il changea de page, et le pinceau partit à la poursuite de la ligne un peu tordue que formait la bouche du jeune homme tandis qu’il touillait dans son bol à l’aide d’une baguette.

Quand il laissa finalement son fude, le bol de thé posé sur le comptoir à ses côtés était froid. Avec une expression neutre il feuilleta la série de croquis capturés sur le carnet, les comparant avec Naruto qui avalait le jus de son premier bol de ramen avant de passer au second. Il passa doucement son pouce sur le rebord de la feuille, frôlant le grain léger, passant sur les aplats lisses de l’encre sèche. La différence était criante.
Le Naruto des dessins était un petit peu plus avachi, avait l’air un tout petit peu plus fatigué, plus triste. La crispation dans ses épaules était un tout petit peu plus visible que celle que l’original dissimulait avec efficacité alors qu’il s’escrimait contre une nouille rebelle.
Le Naruto des dessins mentait moins bien.

-

C’était stupide, réellement.
Il aurait du être ravis, être soulagé parce que Sasuke était non seulement là, mais aussi parce qu’il était sauf, qu’il ne serait pas exécuté. Parce que mieux encore, il avait accepté de revenir.
Mais le nœud dans sa poitrine ne se dénouait pas, et il savait exactement pourquoi.
Sasuke n’était pas revenu pour les bonnes raisons. Pour les raisons qui l’avaient poussé lui à le chercher sans relâche pendant trois ans. Sasuke n’était pas revenu à cause des liens, de l’équipe 7, de Sakura. Sasuke n’était même pas revenu à cause de lui, d’eux.
Il était revenu, avait accepté de rester parce qu’il y voyait son intérêt.
Il était parti à cause de son frère et il revenait exactement pour la même raison. Et eux, lui, ne signifiaient rien. Sasuke était tout au plus intéressé par le Kyuubi, et le fait que son frère viendrait après lui.
Et il aurait du se contenter de sa victoire, se féliciter d’avoir su présenter les bon arguments, mais il ne pouvait pas.
Parce que seigneur, ça faisait mal, plus mal que tout. C’était pire que la voix rauque et vicieuse du renard dans son esprit, pire que la solitude et le doute et la peur.
C’était la même douleur que le premier jour ou il s’était réveillé seul et plus bandé qu’une momie dans un lit d’hôpital après la Vallée de la Fin. C’était la même qualité de vide et de morsure indicible au plus profond, sauf que cette fois-ci la peine n’était pas amortie par les voiles d’incompréhension, de questions et de doutes.
Il comprenait parfaitement les tenants et les aboutissants, il comprenait la motivation de Sasuke, et cela n’en faisait que plus mal. La morsure était nette, débarrassée de toutes ses impuretés, et cela faisait mal comme rien d’autre ne le pouvait.

Il savait que c’était stupide, mais en avoir conscience ne changeait rien. Avoir crié sur Sasuke pendant que Kakashi lui faisait la proposition avait été ridicule, un comportement puéril et stupide, mais cela l’avait momentanément soulagé, avait allégé la douleur d’une fraction, un instant. Voir Sasuke traiter les arguments avec dédain, le voir moquer son effort le plus douloureux pour le retenir comme s’il n’était rien avait été dur. Le crétin ne voyait pas à quel point cela avait été difficile de s’en tenir à des arguments rationnels, à quel point il souffrait d’avoir à acheter son retour, alors que Konoha était son foyer, le seul endroit auquel il appartienne.
Mais il l’avait fait, et Sasuke restait.
C’était tout ce qui importait, certainement.

Il retint un soupire et entama son troisième bol. Le ramen n’était pas aussi bon que d’habitude, mais comme cela ne provenait sans doute pas du cuisinier, il avala sans hésiter une nouvelle bouchée de nouilles.
Si on en croyait Kiba, -dont les compétences en la matière semblaient assez extensives- une bonne cuite était le meilleur moyen de faire passer momentanément les soucis quand on ne pouvait se contenter de leur mettre un kunaï au travers de la gorge…
C’était dans ce genre de cas qu’il regrettait de ne pouvoir s’enivrer comme le premier civil venu. On vantait la puissance du Kyuubi et ses incroyables facultés de guérison, mais on omettait souvent de considérer qu’à ses yeux –fendus- de sale renard démoniaque, l’alcool était un poison comme les autres. Et qu’en conséquent il s’en débarrassait dès que le moindre degré entrait dans le système de son hôte.
Conclusion, Naruto n’avait même pas l’option de se bourrer la gueule pour oublier ne serait-ce que momentanément la stupidité incommensurable d’Uchiha Sasuke…
Certains jours, il détestait vraiment le Kyuubi.
Le ramen était la seule alternative décente qu’il ai trouvé à l’alcool, et lorsqu’il eu fini son bol il se sentait un petit peu mieux –toujours abyssalement misérable, mais un tout petit peu moins qu’avant le ramen.

« Naruto ! Je me doutais que tu serais là. »
Iruka-sensei repoussa les panneaux de tissus qui fermaient la boutique en hiver et vint s’assoire à ses côtés avec un sourire chaleureux.
« Ça va ? J’ai croisé Kakashi-san devant la tour de l’Hokage, il m’a dit qu’il y avait eu des impondérables et que votre mission s’était achevée plus tôt que prévu. »
Naruto le fixa un instant, puis pencha la tête sur le côté.
« Des impondé-quoi ? »

-

« Des imprévus. »
Le ninja blond frotta machinalement ses marquages faciaux avec une moue ahurie, et Sai s’émerveilla silencieusement que quelqu’un d’aussi stupide puisse non seulement être aussi fort, mais également aussi doué pour mentir et dissimuler. C’était plus que surprenant. Il aurait supposé que Naruto exulterait à présent que sa mission était accomplie, mais ce n’était apparemment le cas.
Le chuunin brun qui l’avait rejoint salua la serveuse et sourit de nouveau. Sai l’avait identifié comme l’un des anciens professeurs de Naruto, enseignant à l’académie, compétent mais sans spécificités particulières s’il falait en croire son dossier. Il l’avait déjà croisé quelques fois en compagnie de Sakura ou plus souvent de Naruto. Il l’avait salué distraitement en entrant, et Sai avait scrupuleusesement rendu la politesse.
« Ha, oui, il y a eu quelques imprévus… »
« Tu veux en parler ? » continua le chuunin d’un ton délibérément léger. « Kakashi-san m’a dit de te prévenir que le résultat de la mission n’étaient plus top secret. »
« Vraiment ?»
«Vraiment. » Le professeur tendit un parchemin scellé à Naruto qui le décacheta et le lu en silence. Sai observa le sourire se réduire et le masque glisser de manière imperceptible.
« Je vois que tu as déjà mangé, mais si tu veux un ramen de plus, c’est moi qui offre. Ça te va ? »
« Merci. »
« Ah, de rien, tu sais que ça me fait plaisir, » murmura le chuunin en dénouant son écharpe. Il jeta un bref coup d’œil au ninja blond, paru sur le point d’ajouter quelque chose, puis se tue finalement. C’était judicieux. Ne pas le presser de question était le meilleur moyen de faire parler quelqu’un comme Naruto.
De manière prévisible ce dernier ne tint pas très longtemps –juste celui d’avaler quelques bouchées supplémentaires de ramen-, et rien dans le maintient du chuunin brun n’indiqua s’il était surpris ou inquiété par l’absence de l’avalanche de récits héroïques qui faisait normalement son apparition si on avait le malheur de demander à Naruto comment s’était passée une mission.
De l’avis de Sai, c’était perturbant.

Il se détourna et revint à son thé et ses gribouillis, mais tendit l’oreille quand le blond commença à parler –s’il ne voulait pas qu’on l’écoute, il n’avait qu’à avoir ce genre de conversations ailleurs. Dire quoique ce soit à porté d’oreille d’un autre ninja était accepter implicitement que celui ci entende –ou n’en avoir rien a faire ce qui revenait au même.

-

« Ha, » fit Iruka en frottant sa cicatrice. Naruto lui avait expliqué de manière étonnamment concise les évènements des dernières semaines, et à présent il finissait ses ramen avec un enthousiasme assez peu convaincant mais néanmoins impressionnant. Il n’avait pas tous dit, de cela il était à peu près certain. Il avait sauté des détails, peut-être des pans entiers du récit, mais rien que ce qu’il avait confié était suffisant. Et de nature à expliquer sa déprime inhabituelle.
Il observa son ancien élève manger en silence. Naruto était un peu plus grand à chaque fois qu’il le voyait. Un peu moins innocent également, un peu plus mature. Il ne se faisait pas d’illusion, c’était là le destin d’un ninja, et il avait toujours su que le gamin blond et bruyant avait le potentiel d’en devenir un exceptionnel.
Mais il ne le voyait pas moins pousser et perdre ses illusions avec un petit pincement de cœur. Il avait abandonné un nouveau morceau derrière lui en décidant de convaincre Sasuke de rester.
« Tu as grandi, Naruto, » murmura-t-il pour lui même.
Et c’était vrai.
Il surpasserait la douleur, parce que c’est ce qu’on finissait toujours par faire.
Et peut-être même abandonnerait-il finalement la cause perdue qu’était Sasuke Uchiha, mais de cela il doutait fortement.

« Dis-moi, tu connais le proverbe ? »
Naruto avala sa bouchée et tourna la tête vers lui.
« Proverbe ? Non, enfin je sais pas, quel proverbe ? »
«C’est un vieux proverbe. Il convient bien à Konoha je trouve. On me l’a récité pour la première fois il y a très longtemps…» Après le passage du Kyuubi en vérité.
« Et ?? »
Naruto avait peut-être grandi, mais visiblement pas sa patience.
« Aussi longtemps que tes jambes fonctionnent, continu de marcher, le plus loin que tu peux. » récita-t-il. Un instant il se souvint du Professeur assis à ses côtés, récitant les mêmes mots. « Et quand tu ne peux plus marcher, rampe… Et quand tu n’a plus de force, et que même ramper t’es impossible… Alors trouve quelqu’un pour te porter. »
« … Hé, ce n’est pas un proverbe très gai sensei… Et puis il est long… C’est pas censé être court un proverbe ?»
« Naruto… »
« Désolé, désolé… Mais je ne vois pas le lien.»
Iruka frotta de nouveau sa cicatrice. Question difficile.

« Il peut y en avoir plusieurs. À ton avis, qu’est-ce que ça signifie ? »
« Huum… heu… Qu’il ne faut jamais s’arrêter. Qu’il faut toujours avancer, même quand on pense qu’on ne peut plus. » Le ton de Naruto s’était fait sérieux.
« Oui. Et il veut dire aussi que quand tes forces te font défaut tu n’es pas seul, jamais. Tu peux compter sur les autres pour te soutenir et t’aider à continuer, le temps que tes jambes te portent à nouveau. »
A l’expression du visage de Naruto, il su qu’il avait touché une corde.
« Jamais. »
Puis soudain un éclat de rire rauque lui échappa, et il ferma les yeux.
« Porter… évidemment. Crétin. »
« Naruto ? »
« Sasuke. Même à bout de force, même s’il ne pouvait plus avancer d’un centimètre, il n’accepterait pas qu’on le porte. »
C’était probablement vrai, si ce trait spécifique était resté au gamin aux yeux noirs dont il se souvenait. Uchiha Sasuke était du genre à se tuer en rampant plutôt que d’accepter de l’aide. Surtout venant d’eux.
« Que vas-tu faire alors ? »
« Je vais lui casser la gueule pour lui prouver que s’il veut devenir fort il a vraiment intérêt à rester. »
Le sourire de son protégé avait quelque chose de sauvage et de déterminé. Ce quelque chose qui faisait toutes la différence. Il préférait Naruto ainsi, quand la flamme brûlait au fond de ses yeux.
« Je vais tenir ma part du pacte, et continuer à avancer, devenir le plus grand ninja de tous les temps, devenir Hokage pour Sakura et tous les autres. Et si un jour il ne peut plus ramper, alors je le porterais. »

-

À l’autre bout du bar, Sai fronça les sourcils.
En quoi la perspective d’avoir à porter quelqu’un pouvait-elle chasser la déprime ?

---
Jainas
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Message par Jainas »

Inuzuka Magatsu était un bon ninja, réputé parmi ses collègues jounins pour sa sauvagerie au combat et son habitude jugée un peu malsaine de laper lorsqu’il le pouvait une gorgée du sang de ses ennemis, et de le partager avec ses chiens.
Mais si nul n’aurait douté de ses qualités en tant que ninja, tout le monde s’accordait à dire qu’il faisait un capitaine prodigieux. Du genre à inspirer à ses hommes une loyauté aveugle mêlée d’admiration muette et de peur viscérale. Il était réputé se battre jusqu’à la mort avant d’abandonner le moindre de ses hommes.
Quiconque entrait sous ses ordres devenait automatiquement part de sa meute, et la loyauté d’un Inuzuka à sa meute était quelque chose qui relevait de la certitude scientifique au même titre que la révolution des astres ou le passage des saisons.
Ce qui se passait lorsqu’on ne se montrait pas digne de cette loyauté était une part de la raison pour laquelle ses hommes craignaient leur capitaine autant qu’ils l’idolâtraient, l’autre part étant que comme tout jounin qui se respecte, Inuzuka Magatsu n’était pas totalement sain d’esprit…

La relève envoyée par Konoha était encore à une journée et demie de Mailhoe lorsque les chiens commencèrent à s’agiter et à humer l’air froid avec une frénésie douloureuse, alertant les ninjas et les poussant à hâter le pas.
Ils étaient encore à une journée pleine du village lorsque Magatsu lui-même commença à percevoir l’odeur de brûlé et que le vent soufflant de face déposa sur les uniformes sombres de fines pellicules blanches qui n’étaient pas de la neige, mais de la cendre.

Le capitaine avait prévu de s’arrêter au hameau le plus proche pour la nuit avant de reprendre la route.
Au lieu de quoi il échangea un regard avec son second Shinta, et claqua de la langue à l’intention des chiens. Les oreilles triangulaires de Gin et Kuro se tournèrent vers lui un instant, puis avec un aboiement mêlé les deux molosses s’élancèrent en avant des ninjas, ouvrant la route. Il ne leur fallut qu’une demi-journée pour atteindre Mailhoe à pleine vitesse.
S’ils avaient fait le détour jusqu’au hameau d’Ogawa comme ils l’avaient prévu à l’origine, peut-être auraient-ils pu stopper la rumeur à temps. Peut-être seraient-il arrivé avant que le chef du bourg n’envoie un messager à la ville suivante pour les prévenir, ou que les trois marchands qui avaient dormi là ne repartent et n’emportent avec eux la nouvelle du massacre ainsi que le message de l’Akatsuki pour les propager dans le Pays du Feu…

Peut-être bien des choses auraient-elles été différentes, si ce jour-là Inuzuka Magatsu avait malgré l’urgence de la situation décidé de s’arrêter à Ogawa.
La rumeur aurait peut-être pu être endigué, et les racines de la guerre auraient été peut-être moins profondes. Bien des plans et des tactiques auraient été différents alors, et la vie de nombreux individus n’aurait certainement pas été la même, certains qui moururent auraient peut-être vécu, d’autres auraient sans doute bien moins souffert.
Mais enfin, peut-être pas.
Qui peut dire ?

-

Comme précédemment indiqué, Inuzuka Magatsu était un bon ninja, et il compensait la tendance naturelle à l’impulsivité des Inuzuka par une vigilance obsessive acquise à la dure.
Aussi franchirent-ils les derniers kilomètres prudemment, à l’affût de pièges ou de traces ennemis. À ce point là l’odeur de brûlé était devenu suffisamment forte pour que tous les ninjas du groupe la sentent clairement et remontent sur leur visage des masques de tissu pour tenter de se préserver des effluves qui leur parvenaient. Quelque soit le nombre de charniers que l’on ait visité, l’odeur de chaire consumée n’était pas de celles auxquelles on pouvait s’habituer, jamais.

Lorsqu’ils passèrent le dernier col les exhalations avaient presque rendu les chiens fous, et le visage de Magatsu était figé dans une expression d’une fixité effrayante, le regard froid et les narines dilatées.
Il était le seul à ne pas avoir mis de masque, mais comme tous les autres il était à présent couvert de la tête aux pieds de cendre. Car le vent soufflait vers eux, et en plus des odeurs il apportait fumée, et poussière blanche comme neige.
Et c’était de la cendre comme aucun d’entre eux n’en avait jamais vu. “C’est parce qu’elle est absolument pure,” avait murmuré Shinta en époussetant machinalement sa veste. “Comme si le feu avait été tel qu’il ne reste absolument rien à brûler. Plus aucun élément combustible dans la cendre emportée par le vent.”
Et Magatsu avait acquiescé en silence, et envoyé un ninja sur la crête pour voir si la voie était libre.
Elle l’était, mais lorsque le reste du groupe eut rejoint le chuunin sur la crête celui-ci était livide, et même le capitaine eut un juron silencieux.
Car de Mailhoe il ne restait rien.

Rien, sauf les vestiges encore fumant de ce qui devaient avoir été les murailles, identifiées par les encoches régulières là ou s’étaient trouvées les portes. Mais même la pierre semblait avoir fondu, s’être réduite et racornie, et les murs n’atteignaient pas le quart de leur ancienne hauteur.
Et à l’intérieur des remparts, rien. Juste un champ de cendre blanche parsemé çà et là d’un monticule informe de pierre qui avait mieux résisté.
Juste de la cendre et de la fumée là où auraient dû se trouver des maisons et des tours, des bergeries, des greniers à foin. Un champ de cendre blanche à la place d’un village, pas même la moindre carcasse calcinée pour indiquer qu’il y avait eu là un bâtiment.
Il ne restait absolument rien.

---



blabla de fin de chapitre:

Quyes : T'as raison. J'avais vu le problème mais je ne savais pas trop comment le résoudre... Voilà qui est fait. merci :)

Je m’excuse pour le temps que ce chapitre a mis à naitre.
Les reviews du chapitre précédent m’ont données à réfléchir, j’ai eu des examens et des mois de tunnel, ainsi qu’une vrai vie à entretenir. Et étrangement une fois que j’ai été libre, j’ai tout fait sauf écrire –enfin j’ai quand même écrit un peu entre le chapitre neuf et celui-ci, des drabbles, le chapitre 9 de clair obscur et d’autres choses… ‘fin bref.

Finalement ce temps de macération intellectuelle et de réflexion a été très positif, et je suis contente de ce chapitre.
Et puisqu’il faut rendre à Orochimaru ce qui lui appartient, le proverbe du « porté/rampé » vient de la très excellente série Firefly que j’ai découvert intensivement ces dernières semaines. C’est une métaphore qui m’a frappé, et elle a tout a fait sa place dans la bouche d’Iruka. C’est très “esprit du feu” comme concept –et très touchant d’une certaine manière, je trouve. THE HERO OF CAAANTON, THE MAN THEY CALLED JAYYYNE ... LALALA
Setsuna –que l’on verra mieux plus tard- appartient à mon cher et tendre, mais comme il ne l’écrira jamais il me l’a prété pour que je le fasse souffrir (et dégomer des ninjas ennemis dans des chapitres ulterieurs).
Ceux qui connaissent l’œuvre de Guy Gavriel Kay remarqueront peut-être que son style narratif m’a influencé pour certains passages très spécifiques. (merci Arakashi :) )
Enfin le titre est encore une fois tiré des Djinns de Victor Hugo (seconde strophe) , et le rythme monte crecendo avant la tempête.
Dans la plaine
Naît un bruit.
C'est l'haleine
De la nuit.
Elle brame
Comme une âme
Qu'une flamme
Toujours suit.
Quiyes
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Message par Quiyes »

Décidément, il faut que j'arrête de vérifier les maj des fics après minuit, c'est pas bon pour le sommeil... :roll: Bref, tant que j'ai le temps :


- L'entrée en matière est logique ; je pensais qu'on ne verrait pas plus de la destruction de mailhoe que ce qu'on voit à la fin du précédent chap, mais en fait c'est mieux comme ça car sinon le fait serait passé comme trop anecdotique, et puis ainsi on a notre dose d'action et de prouesses de l'aka pour un certain moment... :humm: D'après ce qu'on sait de lui, je pensais d'ailleurs qu'itachi ne devrait pas avoir assez de chakra pour incendier un village entier avec le feu noir de son mangekyou sharingan... On peut toujours dire que le vent a propagé le feu.. il est vrai aussi qu'on ne sait pas grand chose de ses techniques finalement.
Sinon tout ce passage sur l'attaque de mailhoe est bien mené, aucune critique particulière.
- une question : quel est le pov avant le premier tiret de séparation? Au début je croyais que c'était kaede mais comme la suite est sans aucun doute le pov de setsuko, je me demandais si le tout début l'était aussi...
-Ensuite la conclusion de cette partie : le message de l'aka. Sur le coup j'ai pensé que ce serait un truc du genre "livrez-nous Uzumaki Naruto le démon renard ou sinon d'autres villages partiront en fumée", ce serait intéressant, mais dur pour le pauvre naruto dans la situation actuelle, en fait ce qui en découlerait serait probablement un de ses pires cauchemars (le genre de chose qu'itachi aurait pu lui faire vivre dans le ms, ce serait sacrément vicieux de sa part d'ailleurs de transformer le cauchemar en réalité...) mais étant donné que par la suite il est question de guerre, ça ne doit pas être ce que je pensais...



- Ensuite toute la partie discussion entre tsunade/homura/danzou puis avec kakashi et jiraya, a le mérite de mettre les choses au clair, à plat. Je pense que ça règle la plupart des remarques du dernier chap au sujet de la décision à propos de sasuke. Tsunade dit qu'ils en ont déjà parlé donc homura ne fait peut-être que radoter et a peut-être bien participé à la réunion dont parle kakashi à sasuke, mais au premier abord ce n'est pas l'impression que j'ai eu.
- il semble que les sannins sous-estiment la santé de danzou, à noter.
- question anecdotique : que sont les parchemins qu'a déposé danzou sur le bureau de tsunade?... :heink: Probablement rien d'important mais je me pose toujours des questions sur des détails dans ce genre...
- kakashi qui appelle sasuke "l'uchiha" lorsqu'il parle aux sannins, ça me fait bizarre... D'ailleurs, sasuke est-il plus uchiha que sasuke?... :columbo:
- Setsuna, si j'ai bien compris, il s'agit de l'archer. C'est marrant car j'ai lu une fic il y a pas longtemps sur un archer de niveau jounin standard qui se fait kakuzu et hidan en 5 minutes, et ma foi, ça m'a donné à réfléchir... Comment même un sannin peut-il résister à ça? Un sniper dangereux à ce point, si c'est le cas, est un élément intéressant de plus dans l'histoire, et qui arrive au bon moment.
- Il me semble que dans le proverbe que dit jiraya à propos des amis et des ennemis, il y a une erreur, tu as mis ami au lieu d'ennemi.
- Les remarques de jiraya à tsunade sont marrantes, même si ça fait bizarre : il est reconnu comme pervers mais on n'est pas habitué à ce parlé cru. Je trouve quand même qu'il y a un peu trop insistance de jiraya sur le sujet, ça fait passer un message, et puis ça peut aussi traduire une espèce de malaise généralisé correspondant bien à la période.. donc c'est un choix, mais... perso la partie comique m'aurait suffit pour l'instant.
- L'intégration des ninjas du sable est habile et ça fait plaisir de voir qu'au moins konoha ne se fera pas surprendre complètement par oro.



- Ensuite le passage sur naruto est pas mal, on a l'impression qu'il va diffuser un peu moins de tristesse à partir de maintenant, qu'il va revenir.. disons, à son état normal, excepté qu'il a quand même un peu mûri.
-La présence de sai me plait, il essaye de comprendre naruto, ça va être très intéressant de voir là où ça va le mener, est-ce que ça pourrait être le point faible de danzou?


- La fin : on a envie de savoir ce que dit la rumeur, qu'a bien pu dire l'aka pour déclencher ou aider à déclencher une guerre... qu'ils ont été engagé par le pays de l'eau? par le son? ou....? :heink:
- Le détail sur la cendre pure me plait, il est empreint de logique, et j'aime la logique.




Le(s) chapitre(s) suivant(s) est donc également attendu avec impatience.
Il y a beaucoup de choses à l'horizon. Il va certainement y avoir quelques rencontres/réactions avec les jeunes ninjas de la génération de naruto.
Combiner la guerre imminente avec l'intégration de sasuke, sans oublier l'attaque d'oro, les manigances de danzou par derrière, l'intrigue daiuske dans un coin, et l'aka toujours là biensûr, le tout en gardant de l'action, en développant les persos,... tous les trucs classiques quoi... tout ça ne va pas être facile pour l'auteur, mais ça va être très intéressant.

Alors bravo, après toute une partie (mais qui semble maintenant finie ou proche de la fin) de la fic située à malhoe, on a ici un chapitre qui solidifie les fondations de ce qui va se passer à konoha, et donc courage pour la suite. :good:

Maintenant reste plus à naruto qu'à nous surprendre.


Quelques questions que se pose un lecteur peut-être?.... :columbo: Naruto va-t'il jouer son rôle d'arme particulière dans la guerre qui se profile? Pourrait-il faire tout le contraire de ce qu'attend danzou de lui, c'est-à-dire être mauvais? Qui de suna va-t'on bientôt retrouverà konoha? Temari? Kankuro? Aucun des 2?...
Promis ma prochaine review sera beaucoup plus courte.
Dernière modification par Quiyes le mar. 26 juin 2007, 14:42, modifié 1 fois.
Kanji
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Message par Kanji »

Elle m'en avait parlé, mais je ne l'attendais pas aussi tôt.

Que dire ? Comme souvent, tu nous laisses dans l'expectative : entre Tsunade qui doit passer un savon à Sasuke (ah j'aime qu'on lui fasse mal à ce petit), ce message de l'Akatsuki ("L'avenir du Pays du Feu peut se résumer en trois mois : génocide en règle", ou un truc du genre ?), Danzô qui est forcément sur un sale coup (ce type vit de fourberie comme d'autres vivent d'amour et d'eau fraîche), une guerre qui débarque bien sûr (la tienne arrivera sans doute avant la mienne)...C'est comme Robert Kirkman sur Ultimate X-Men, tu lances des pistes en légions. En résumé, la suite.

Je vois que tu t'attaches tjs au couple avorté Tsunade/Jiraiya, et ça passe : on sent la familiarité crue des vieux amants, même si au début ça fait bizarre.

Comment souvent tu as l'art d'esquisser avec brio les personnages secondaires (entre Setsuko l'infirmière et ce capitaine Inuzuka).

La première partie, sur la destruction de Mailhoe, est très efficace (ruine et désespoir, sang et larmes, suicide et sadisme....que demande le peuple ?), mais surtout très bien pensée. Eh oui, ça permet de donner au lectorat son content d'action (il en faut bien) alors même que le chapitre est en majorité fait de dialogues et de psychologie.

Et je dois dire que l'Amaterasu est tel que je me l'imaginais : marrant comme pas possible.

Bref comme dirait l'autre, encore une victoire de canard.
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Jainas
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Message par Jainas »

Ensuite la conclusion de cette partie : le message de l'aka. Sur le coup j'ai pensé que ce serait un truc du genre "livrez-nous Uzumaki Naruto le démon renard ou sinon d'autres villages partiront en fumée", ce serait intéressant, mais dur pour le pauvre naruto dans la situation actuelle, en fait ce qui en découlerait serait probablement un de ses pires cauchemars (le genre de chose qu'itachi aurait pu lui faire vivre dans le ms, ce serait sacrément vicieux de sa part d'ailleurs de transformer le cauchemar en réalité...) mais étant donné que par la suite il est question de guerre, ça ne doit pas être ce que je pensais...
Personne à Konoha n'est encore au courant pour Mailhoe. Quand Tsu fait allusion a la guerre elle pense à Orochimaru.
Orochimaru et le retour de Sasuke n'étaient prévu par personne, ils tombe en plein milieu d'autres manigances en cour, et celles ci doivent s'adapter, c'est tout ce que je peux dire. ;-)

Pour ce qui est de Kakashi... il a tendance à se distancier . Protection basique.

Danzou... Ba je sais pas, il m'a l'air physiquement faible, il est tout bandagé de partout, il lui manque un bras et il a une canne... C'était peut-être un très grand ninja pendant la troisième guerre et il a pê encore de beaux reste, mais il ne fait pas le poids... (quoique...*réfléchi, n'avait pas pensé à ça...*
C'est d'ailleurs ce qui me gène avec les motivations de ce perso dans le manga : il ne peut pas revendiquer la position d'Hokage pour lui même, il n'a pas les capacité physiques qui vont avec... Alors qui ?

Le paragraphe Tsunade-Jiraya est allé plus loin que ce que je n'avais originalement prévu, mais finalement j'en suis assez satisfaite.

Je n'avais pas non plus prévu de m'étendre autant sur Mailhoe, mais je me suis retrouvé à écrire le pov de Setsuko, et avant que je réalise, j'étais embarqué avec Tsui & cie...
Et faut pas croire hein, j'aime beaucoup Kisame. ^^

coin coin !
Tayuya
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Message par Tayuya »

Fait chier, j'avais fait un long commentaire argumenté et c'est ce moment précis qu'à choisi mon pc pour buguer. Navrée Jain mais je crois que je vais pas tout retaper et plutôt te résumer ce que j'avais écrit.

Chapitre très impressionnant.
Passage avec le POV de Setsuko extrêmement intéressant et qui transmet beaucoup d'émotion, beaucoup plus que s'il s'était agi d'un point de vue ninja. Mention spéciale pour Tsui et Shagate que j'ai trouvé bouleversants bien que un peu mélodramatiques c'est vrai au moment où ils exécutent la technique.

Un peu surprise par le cru parler de Jiraya et par Tsunade quand elle dit n'avoir jamais voulu devenir Hokage. Elle ne l'a certes jamais voulu (ou plutôt, n'a jamais imaginé le devenir) mais elle l'est devenue de son plein gré.
Scène touchante entre les deux Sannins. Vieillesse de Tsu bien retransmise. J'ai hâte de voir la confrontation avec Sasuke.

Excellente scène avec Naruto. La réalité est dure à accepter et je trouve ça jouissif de voir notre luron la prendre en plein dans les dents.
Soupir au moment de l'apparition d'Iruka. Un peu banal à mon goût. Personnage que je trouve de toutes façons bien fade.
Sai parfait dans son rôle d'observateur curieux et perplexe. J'ai adoré la dernière phrase.

Moins de faute que la dernière fois ce me semble ;-)

Voilà en gros, j'espère que ça va marcher cette fois lol
Arakasi
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Message par Arakasi »

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« Aussi longtemps que tes jambes fonctionnent, continu de marcher, le plus loin que tu peux.  Et quand tu ne peux plus marcher, rampe… Et quand tu n’a plus de force, et que même ramper t’es impossible… Alors trouve quelqu’un pour te porter. » 
Sergent! Oui, sergent! :grin:

Ah... Trés bon chapitre et qui s'est fait attendre (mais il parait que l'attente ne rend la lecture que plus jouissive. Qu'est ce qu'on peut dire parfois comme absurdités, hein?)

Bon, j'avoue avoir été trés favorablement marqué par toute la première partie sur Mailhoe. C'est crade, sombre, un étalage de cruauté froide et calculée. Et surtout pour une fois, ça traite du massacre en régle de civils.
C'est vrai, ils sont bien mignons, ces ninjas...
Ils se taillent en pièces allégrement entre eux en ravageant le paysage aux alentours, mais massacrer du civil, grand dieu non! Cela manquerait... d'élégance?
Le point de vue horrifié de Setsuko est particuliérement bien choisi. Je gage que son admiration pour les ninjas a du en prendre un coup dans l'aile. Tu réussis à rendre la gamine attachante, au point que l'on stresserait pour elle.

Seconde partie chez Tsunade bien orchestrée, avec un gros faible pour la discussion avec Jiraya. J'aime beaucoup la relation que tu tisses entre eux assez ambigue dans sa familiarité.
Une pointe d'amertume ne fait qu'ajouter de la profondeur à l'ensemble.

Bon, comme Tayuya, j'avoue que l'entrée d'Iruka dans la récit ne m'enthousiasme pas, mais j'imagine qu'elle sera assez brève. L'évolution de Naruto en route vers l'âge adulte (fichtre, il lui en aura fallu du temps!) et son cortège de désilusions est en revanche trés bien menée.
Sai est nickel.
Son retournement de veste éclair (chouette! Moi aussi, je vais devenir super copain avec Naruto parce qu'il est gentil, orange et qu'il a de beaux yeux bleux innocents! Youpie!) m'avait beaucoup décue. C'est bien de le revoir en petite raclure insensible.

B'allez... Tout ça pour te souhaiter une bonne continuation et surtout ne néglige pas le LGMA!
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Jainas
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Re: Konoha Gaiden

Message par Jainas »

Tocsin

-

La rumeur approche,
l’écho la redit.
C’est comme la cloche,
d’un couvent maudit.
Comme un bruit de foule,
qui tangue et qui roule,
et tantôt s’écroule,
et tantôt grandit.
Les Djinns.
Victor Hugo

-

Parfois, Hijo détestait sa vie.
Parfois non, mais c’était très souvent quand celle-ci n’avait rien à voir avec sa profession de ninja, et c’était rare. Être un ninja impliquait toute sorte de dangers, et d’ennuis, et de gens essayant de vous tuer.
S’il ne brillait pas par son courage, Hijo n’était pas non plus spécialement lâche. Il ne rechignait pas à l’effort, avait un certain talent naturel pour les techniques de Terre, des aptitudes indiscutables à la discrétion et l’esquive des ennuis-, ainsi qu’une doctrine personnelle indiquant que moins on en savait, mieux on se portait. C’était somme toute des caractéristiques plutôt appréciables chez un ninja.
Mais s’il y avait une chose qu’Hijo supportait mal, c’était la pression et les situations qui lui échappaient, celles auxquelles il ne comprenait vraiment rien, et au terme desquelles quelqu’un semblait invariablement tenter de le tuer.
Ça, et puis aussi se faire remarquer, ce qui arrivait bien trop souvent à son goût ces derniers temps, à la suite d’enchaînements de circonstance souvent nébuleux et de remarques pourtant totalement innocentes de sa part.

En l’espace d’une semaine et demie, il avait failli se tuer en tombant dans un bassin –et subséquemment de mourir de froid et d’engelures diverses-, puis un piaf du Sable avait manqué de le soulager de quelques doigts et d’au moins une oreille.
Et enfin, alors qu’il montait tranquillement la garde auprès d’un prisonnier anonyme dans le coma, -a priori aucun risque-, quelque chose de très, très, lourd, de frais et de suspicieusement reptilien lui était tombé dessus. Littéralement tombé dessus, il avait encore une vertèbre déplacée, une migraine carabinée, et un méchant hématome là où sa tête avait rencontré le carrelage.
Et il n’avait aucune idée d’à quoi tout cela rimait.
Quand il s’était éveillé par terre dans le couloir, il y avait des anbus, et l’Hokage –qu’il préférait grandement voir de loin- lui avait assuré qu’il n’avait rien de grave avant de se retirer avec de longues enjambées menaçantes tout en continuant d’aboyer des ordres, entraînant dans son sillage la calme Shizune qui lui avait adressé un sourire compatissant avant de disparaître au détour d’un couloir.
Il y avait des semaines comme ça, s’était-il dit pour se réconforter tandis que les deux infirmières qui s’occupaient de lui le pressaient de questions, cherchant à savoir s’il y avait vraiment eu un serpent géant.
Dans le doute, parce qu’il ne se souvenait pas bien, et parce que la présence de l’Hokage indiquait qu’il risquait probablement de se faire arracher la tête s’il laissait échapper une information confidentielle, il avait tout nié en bloc.

Si l’on mettait en corrélation sa tendance naturelle à fuir les emmerdes et la -désagréable- semaine écoulée, Hijo aurait dû être ravi de se voir assigner après cinq jour de relâche (convalescence oblige), une mission plutôt simple et a priori sans danger.
Mais c’était évidemment sans compter sa certitude -qui ne manquait d’ailleurs jamais de s’avérer malheureusement fondée- que jamais quatre sans cinq (voir plus).

Bon, à vrai dire, il aborda la mission sans a priori particulier, mis à part une réserve fort compréhensible vis-à-vis du froid glacial et du vent qui battait la tour de garde située au centre du village –la Tour Circulaire comme on l’appelait, ce qui ce justifiait par le fait qu’elle était effectivement ronde, et que son sommet ouvert à tout vent offrait une vue imprenable sur l’ensemble du village.
Il y avait bien un toit, mais il n’avait d’autre utilité que de protéger du soleil et devenait un rempart vain au moindre pet de vent rabattant la pluie : mieux valait ne pas trop compter dessus.
Un bon ninja se devant d’être plein de précautions et de sens de l’anticipation, Hijo décida donc d’aller refaire ses réserves de plantes aromatiques pour infusions anti-rhume, toux, nez bouché, bronchite, grippe, pneumonie et autres malheurs hivernaux. Toutes sans exception étaient d’une efficacité redoutable qui laissait les médics bouche bée. Il n’avait jamais été aussi fier de toutes les recettes maternelles que le jour où Yume, la médic de leur équipe, avait passé cinq heures à essayer de déterminer en vain la composition chimique du remède qui venait de la débarrasser du rhume carabiné qu’elle traînait depuis deux semaines.

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La boutique des Yamanaka était agréablement chauffée, et bien plus fréquentée que ne le justifiait le stock plutôt réduit de plantes et de fleurs ayant échappé à la rigueur hivernale.
La fille d’Inochi, reconnaissable à sa blondeur et à ses yeux clairs, était accoudée au comptoir et discutait avec animation avec le jeune homme massif qui était son équipier et deux autres chuunins avec lesquels Hijo avait parfois fait équipe. Le troisième membre du nouveau trio Ino-Shika-Cho était affalé de tout son long sur un banc derrière deux pots de fougères. Il contemplait le plafond avec application, les bras croisés sous sa tête, et laissait de temps en temps échapper un reniflement pitoyable qu’il essuyait sur sa manche.
Hijo avait entendu dire qu’il était une sorte de génie, mais pour l’instant, il ne ressemblait pas à grand-chose…

Il faisait chaud, aussi ne se pressa-t-il pas pour faire ses achats. Après avoir salué Ino il prit le temps d’errer un peu dans l’espace restreint de la boutique, examinant les différentes plantes. La conversation interrompue par son arrivée avait repris avec force chuchotements enfiévrés…
« Non, c’est pas vrai… »
« Si je te jure. Je le tiens de Nomiko, la sœur de sa concierge bosse à l’hôpital central, et elle m’a dit que l’information vient juste d’être déclassée. »
La blonde s’éloigna brusquement du comptoir, renversant dans le mouvement un pot de fleurs qui s’écrasa sur le sol carrelé. Le garçon Akimichi fit un geste vers elle, mais elle balaya sèchement sa main.
« Comment c’est possible ? Il est revenu ? Uchiha Sasuke ? »
« Ino… »
Elle jeta un regard meurtrier à la ronde, et Hijo se fit tout petit.
« Et comment ça se fait d’abord ? Ça veut dire que Naruto et Sakura ont réussi ? »
Derrière les pots de fougère, la voix enrouée du jeune Nara s’éleva, ponctuée de bruits de mouchages et de reniflements à fendre l’âme.
« Si Sasuke est au village, Naruto y est forcément pour quelque chose. Ils ne sont pas rentrés de mission avec de l’avance ? »
Choji pencha la tête.
« Si, mais… »
« Sakura était forcément au courant. Et quand on s’est vu avant-hier, elle m’a souri comme si de rien n’était… »
« Ino… »
« Tais-toi Shikamaru. Je sais très bien que c’était classé et qu’elle ne pouvait rien me dire ! Mais ce n’est pas une raison ! »
« T’es galère Ino, et crie pas, j’ai mal à la tête ! Tss, t’es même pas cohérente avec toi-même… »
« J’ai le droit de ne pas l’être, » siffla la blonde entre ses dents tout en ramassant les débris de pot et la terre renversée avec des gestes brusques.

Le consensus général chez ses collèges ninja s’accordait à reconnaître la capacité confondante qu’avait Hijo de voir arriver les problèmes avec une exactitude presque scientifique. Et en l’occurrence, ledit détecteur à emmerdes –aussi appelé instinct de survie très développé- installé dans un coin de sa tête commençait à clignoter de manière insistante dans le rouge… Avec discrétion, il mit un peu plus de distance entre lui et le comptoir –et Ino.
« Je suis contente pour elle, et pour Naruto aussi. Après tout ce qu’ils ont enduré, ils ont récupéré leur équipier. » Elle prit la balayette des mains de Choji et alla jeter les débris dans la poubelle, leur tournant le dos.
« Mais je ne peux pas oublier que le leur a failli tuer les deux miens. »
Au bout d’un silence suffisamment long pour qu’on puisse le qualifier d’inconfortable durant lequel la jeune femme s’activa sans les regarder, Shikamaru marmonna finalement un « Pffff, les filles… » qui manquait singulièrement de conviction.
« Ha… Mais le conseil ne le garderait pas s’ils n’étaient pas certains de lui, » embraya courageusement Toboko, l’un des chuunins.
« J’avais entendu dire que le traître Orochimaru avait placé sur lui une technique de confusion mentale pour le pousser à trahir, » renchérit Iomi. « Orochimaru est très puissant… J’ai entendu dire qu’il maîtrisait des tas de techniques interdites, il a très bien pu le forcer non ? C’est un Uchiha, il n’aurait jamais trahi Konoha volontairement quand même. »
Un reniflement ironique vint de la porte, accompagné par une bouffée d’air froid qui provoqua une série d’éternuements derrière les pots de fougère.
« Jamais trahi volontairement ? Allez donc dire ça à Uchiha Itachi. »

Le ninja referma derrière lui et se dirigea vers le comptoir en soufflant sur ses mains pourtant lourdement gantées afin de les réchauffer. Il était de taille moyenne, brun avec des traits communs, et Hijo ne se souvenait pas l’avoir déjà vu. Il portait une veste de kimono s’arrêtant à mi-cuisse par-dessus des guêtres d’hiver, et le bandeau qui ceignait son front était étrange, certainement pas réglementaire : il était plus large au-dessus de l’œil gauche, formant un rabat pour l’instant relevé, masquant en partie la plaque de la Feuille.
Son regard d’aigle passa sur Choji, Hijo – dont les doigts de pieds se recroquevillèrent instinctivement dans ses sandales - puis sur les deux autres chuunins avant de retourner se poser sur Ino.
« Il me faudrait deux onces d’herbes katal et trois de filets de lune, Ino-san. Je suppose que les stocks de poudre d’opium sont dans le rouge ? »
La blonde se raidit militairement, et farfouilla avec diligence dans les casiers nettement ordonnés qui s’alignaient sous le comptoir, en tirant des sachets d’herbes déjà mesurés.
« Voilà Setsuma-san. Nous sommes effectivement à court de poudre d’opium, comme d’habitude en cette saison, mais mon père vous en a gardé quelque part. Il disait que vous alliez sans doute revenir cet hiver… » Elle disparu dans l’arrière-boutique, sa queue-de-cheval battant dans son dos.
« Tu remercieras Inochi de ma part alors, » murmura le ninja en examinant les herbes posées sur le comptoir d’un œil critique. « Bien que je ne voie pas comment il a bien pu parvenir à une telle conclusion. »
Ino reparut, un sachet de toile entre les mains. Son visage était tout à coup sérieux, sans trace de la nonchalance railleuse dont elle faisait habituellement preuve.
« Il a dit… que la saison rouge vous ramènerait au foyer comme la guerre appelle les corbeaux. »
Le visage du ninja resta dur un instant, puis il secoua la tête avec un rire amusé.
« Tsh. Evidemment. »
Ino leva les yeux et les planta dans les siens.
« Avait-il raison ? »
Il lui rendit son regard, un regard lent et gris qui la força à détourner un peu la tête.
« À toi de me le dire jeune fille. Suis-je un corbeau de tempête ? Ce serait indubitablement une nouvelle corde à mon arc de réputation. »
Ino se mordit la lèvre inférieure dans une démonstration rare d’hésitation avant de se reprendre et de lui adresser son sourire le plus mielleux.
« Je ne sais pas. Mais Uchiha Sasuke est de retour. Et vous êtes là. Ça doit bien signifier quelque chose. »

Il eut l’ombre d’un sourire amusé en retour, et déposa quatre ryo sur le comptoir avant d’empocher les sachets.
« Tu es bien comme ton père gamine, tu as oublié d’être bête... Mais tu devrais savoir que rassembler le fil des coïncidences éparses n’est pas tout, reste à y voir les motifs et à en tirer les bonnes conclusions… Ce qui n’est visiblement pas encore tout à fait dans tes cordes. »
Le regard d’Hijo passa du ninja à Ino avec perplexité. Il y avait visiblement des sous-entendus –et ce type n’était probablement pas n’importe qui à la réflexion- mais il n’était pas certain d’avoir compris…
Ses réflexions furent coupées court quand le ninja fit brusquement demi-tour, et repassa la porte sans même un salut.
Le battant n’était pas encore en place que les questions fusaient.
« C’était qui ? » demandèrent simultanément Iomi et Toboko.
« Rha… Vous faites chier. Vous pouvez pas vous taire ? » La tête de Shikamaru fit surface de derrière les fougères. « Allez colporter des rumeurs ailleurs, y’en a qui veulent dormir. »
« T’es dans ma boutique Shikamaru… » Et il était bien connu que Yamanaka Ino était la grande prêtresse de rumeurs à Konoha. Ledit Shikamaru parut décider que cela ne valait pas la peine de discuter, car il sombra de nouveau derrière les fougères avec un grognement qui ressemblait à quelque chose comme « Réveillez moi quand mon infusion sera prête, snif... »

Ino jeta un regard hautain dans la direction de son équipier, puis, chassant de son visage l’expression songeuse qu’elle avait eu un instant auparavant en observant Setsuma, elle appuya ses coudes sur le comptoir et se pencha en avant avec l’air gourmand de la conspiratrice qui a une révélation à partager.
Hijo ne pu s’empêcher de remarquer que le mouvement soulignait sa poitrine, mais détourna prestement le regard. Des choux…
En miroir, Iomi et Toboko se penchèrent vers l’avant pour ne pas perdre une miette de ce qui allait se dire.
« Je suppose que c’est normal que vous ne l’ayez pas reconnu. Même s’il est célèbre, il ne vient pas si souvent que cela à Konoha… », disait Ino. Tout en se servant des plantes dont il aurait besoin dans les casiers, Hijo tendit l’oreille.
« Mais c’était qui alors ? »
« C’était… Kojiro Setsuma. »
Des « haaaaa » illuminés ponctuèrent la déclaration.
« Setsuma ? L’archer ? »
« Ça alors, je croyais qu’il ne venait jamais à Konoha en hiver ? »
« C’est vrai qu’il est capable de toucher une cible à un kilomètre de distance ? »
Le garçon Akimichi secoua la tête, l’air réprobateur, et piocha dans son paquet de cacahuètes.
« Il ne révèlerait pas sa distance maximale aussi facilement… Ce ne sont que des rumeurs et des estimations. »
« Mais c’est bien lui qui a assassiné l’ancien Daimyo du Pays de la Foudre. Du moins c’est ce qu’on dit… »
« Et qu’est-ce que ça voulait dire cette histoire de saison rouge… »
« C’est vrai, qu’il soit là et qu’au même moment Uchiha Sasuke revienne, c’est louche… »
« Il n’est certainement pas revenu, c’est Naruto qui l’a forcé. Il l’avait promis… »
« Naru… ? Ha oui ! Le blond bruyant, c’était son équipier c’est ça ? »
Hijo éternua, et renifla.
En dégageant un mouchoir de sa poche, il frissonna puis éternua de nouveau.
Génial, il était malade.
Cette mission de garde s’annonçait mal.

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Uchiha Madara revint déposer la bassine d’eau chaude sur le plateau bas, puis s’agenouilla auprès de la table de bois. Son visage aux traits fins était sérieux, incroyablement jeune malgré les années, seulement marqué par de fines rides d’expression autour des yeux –et aussi par le nœud de tissu cicatriciel autour de son orbite gauche, bien entendu, les stigmates qui allaient de pair avec son œil mort…
Itachi avait posé la question une fois, au tout début. Il ne l’avait plus jamais fait par la suite.

La petite pièce était sombre, les murs encombrés d’étagères chargées de rouleaux éclairés par les flambeaux au mur au-dessus d’eux. Les flammes jaunes ondulaient paresseusement, brûlant sans fumée et projetant de longues ombres noires, vacillantes au gré de l’éclat du feu. La porte entrouverte dans un coin laissait voir une partie de la chambre plongée dans l’obscurité, et la forme de l’armure de cuir rouge entreposée dans l’angle, au-dessus de l’autel.
D’où il se trouvait Itachi ne voyait que le point écarlate de l’encens se consumant lentement, mais il savait que les deux antiques sabres de cérémonie étaient là aussi, déposés face au bol de riz blanc dans lequel était planté une paire de baguettes, l’offrande aux morts. Plutôt banal dans l’absolu, mais étrange, quand on savait qui était cet homme, et qu’on se demandait lesquels de ses nombreux morts il nourrissait... Un niveau de complexité supplémentaire.

« Tu dois être fier de lui, » murmura finalement le guerrier en déroulant avec des gestes sûrs une bande de gaze.
Itachi ne retint pas l’infime grimace de douleur quand son aîné saisit sa main blessée dans la sienne pour l’ouvrir à plat. C’était bien plus que quiconque, même Kisame, n’aurait été autorisé à en voir dans les mêmes circonstances. Mais cela n’était pas très important à vrai dire. Pas avec cet homme-ci.
« Fier ? » Son regard tomba sur sa main blessée, les empreintes des doigts de Sasuke clairement visibles autour de son poignet, les plaies suintantes qui malgré les techniques de guérison avaient commencé à s’infecter. « Fier… Je ne sais pas. Un peu je suppose… »
Il souffla d’un coup sec entre ses dents quand la pulpe des doigts de son aîné frôla les chairs à vif. « Mais il y a encore tant de faiblesse en lui… »
« Bien sûr », acquiesça Madara avec un haussement d’épaule. « À vrai dire tu es une grande part de cette faiblesse. Mais cela nous le savions déjà, bien entendu. A partir de la seconde où tu l’as laissé vivre il ne pouvait qu’en être ainsi. »
« Bien entendu, » convint-il platement, ignorant délibérément la douleur et se servant de sa main valide pour dénouer son bandeau frontal et le glisser dans les plis de sa robe. « Mais je ne suis plus le seul responsable de sa faiblesse. »
« Non, effectivement. »
Le guerrier brun guida la main du jeune homme avec une délicatesse surprenante, pour la plonger dans la bassine d’eau bouillante, ignorant le tressaillement et la brusque inhalation d’Itachi.
« C’était inattendu, ton frère a de bien étranges relations… Un jinchuuriki, rien de moins que le propre rejeton du Quatrième… Justement celui que nous voulons, le garçon au Renard. Je me demande bien ce que Sasuke a pu faire pour s’attirer une telle loyauté de sa part... »
Il eut un sourire un peu lent, un peu triste, comme s’il y avait eu là quelque chose qui le touchât particulièrement. Mais cela ne dura pas, remplacé par une lueur étrange dans ses yeux. C’était un regard qui aurait été terrifiant pour bien des hommes.
Pour Itachi il était simplement fascinant, et porteur d’un étrange pouvoir hypnotique. Même après tout ce temps il gardait sur lui le même impact, toutes les promesses de pouvoir absolu et de connaissance qui l’avaient captivé des années auparavant, l’avaient poussé à suivre Madara.
Même lorsqu’ils étaient noirs comme à présent, quelque chose flamboyait au fond de ces iris, une fournaise inextinguible, brûlante comme lave et glace.

Il avait depuis longtemps renoncé à comprendre réellement cet homme, à distinguer ce qui motivait ses changements d’humeur flamboyants. Il était bien trop complexe, bien trop gardé pour cela.
Cela ne l’empêchait pas d’essayer bien sûr, pas plus que ses échecs répétés à tenter de le prendre par surprise ne le décourageait d’attaquer de nouveau –on était ninja ou on ne l’était pas, et Itachi était un très bon ninja.
Le ton de Madara se fit songeur.
« Mais cela peut s’avérer utile au final, si le jinchuuriki s’obstine à suivre ainsi ton frère… Et comme Sasuke s’obstine à te chercher toi… » Il ouvrit les mains devant lui. « Sasuke … Il est déjà impressionnant, n’est-ce pas ? Alors s’il survit, imagine le dans dix ans, quand il sera au sommet de sa puissance… Il t’égalera très certainement. »
Il sourit furtivement, une fraction de seconde, et Itachi aurait presque pu être sûr qu’il y avait là une étrange étincelle de quelque chose comparable à de la fierté –ce qui était une idée trop profondément ridicule pour qu’il vaille la peine de s’attarder dessus.
« Il pourrait même me surpasser, qui sait ? »

Itachi ferma les yeux, laissant son ancêtre manipuler sa main partiellement détruite, ignorant délibérément la brûlure de l’eau, la douleur électrique des doigts contre sa chair.
La chaleur de la petite pièce était un baume agréable pour sa peau gelée par le trajet sous le vent et la neige, et malgré l’inconfort de la situation, Itachi pouvait sentir son corps commencer à se relaxer. Il ne combattit pas la sensation. C’était quelque chose qu’il pouvait se permettre, ici. Dans cette pièce, et avec cet homme uniquement.
La blessure n’avait pas été belle avant, et forcer du chakra dans les canaux déjà abîmés lors du massacre de Mailhoe n’avait pas été une décision des plus brillantes. La seule à prendre bien entendue, mais pas très maligne malgré tout, sauf s’il désirait se retrouver prématurément manchot…
Les mains de Madara se retirèrent, et il rouvrit paresseusement les yeux pour constater sans surprise que si la douleur sourde était encore là, une couche de peau neuve, lisse et blanche, couvrait la chair auparavant à vif.
« Voilà qui est fait. »

Le guerrier était de nouveau debout, disparut un instant pour jeter l’eau souillée puis fut de retour, plaçant sur la table un plateau ouvragé supportant deux tasses de thé fumant.
Toujours en silence, Itachi se saisit de la plus éloignée et remercia son aîné d’un signe de tête tandis que l’homme s’affairait dans la pièce étroite, déplaçant des tas de rouleaux de manière a priori aléatoire, farfouillant dans le désordre quelque peu chaotique de l’étagère qui dégorgeait sur le sol et en partie sur la table. Le masque orange de Tobi glissa du tas de papiers sur lequel il avait été déposé en équilibre instable, et bascula. Madara le récupéra au vol et le replaça sur la pile. Qui s’effondra d’un coup, provoquant un juron bien senti de la part du ninja.

« Ça ne marchera pas », dit soudain Itachi, en partie par provocation, en partie parce qu’il était curieux de ce que Madara aurait à répondre. « Ils n’accepteront jamais, et vous le savez. Cet accord ne nous a rien apporté depuis le début, et nous n’avons rien gagné à le laisser nous échapper de nouveau. Vous connaissez l’Hokage et il n’y a pas une seule chance qu’elle accepte. Tout cela –il fit un geste vague qui ne désignait pas vraiment la grotte- ne nous avance en rien. Pire, ça risque de les braquer. »
Madara ne répondit rien pendant un moment, occupé qu’il était à ramasser les feuilles éparpillées à terre dont certaines avaient glissé sous le meuble.
« L’esprit du Feu. » murmura-t-il soudain, prenant Itachi par surprise. « C’est quelque chose que seul Konoha possède et révère entre tous les villages ninjas. Un trait unique. Une question de principe qui prend le pas sur tout autre considération…»
« Pas complètement. Si c’était le cas le village se serait effondré depuis longtemps… »
« Bien sûr, bien sûr… » Madara se tourna vers lui et sourit. « Mais en l’occurrence, les forcer à choisir va faire sortir du bois les tenants de la raison… Et puis le peuple va avoir peur, va être en colère. Qui pourrait lui en vouloir, après le si terrible massacre de Mailhoe ? Et pourtant l’Hokage va tenir son terrain face à la vindicte populaire… »
« Je sais, c’est un plan intelligent de sa part. Mais cela ne nous concerne en rien. Cet homme… » Les lèvres d’Itachi se plissèrent en une moue méprisante.

Madara secoua la tête, avec juste une pointe de réprobation, mais celle-ci avait plus de poids que toute réprimande formulée à voix haute.
« Je pensais qu’entre tous tu saurais faire taire tes sympathies, Itachi-kun… Je ne l’aime pas non plus, mais en l’état actuel des choses, tout ce qui peut déstabiliser Konoha est à l’avantage de l’Akatsuki. La force que leur donne cette conviction, leur foi en la volonté du Feu –il prononça les mots en les laissant rouler sur sa langue, leur donnant un poids étrange-, il ne faut pas le sous estimer, jamais. C’est une loyauté de fous et de suicidaires, mais elle leur donne une force et une cohésion que n’a aucun autre village. Elle bride les gens comme nous, mais unit et renforce la masse… » Il sourit, un sourire sombre et amer. « Je le regrette, mais une guerre civile devrait nous débarrasser de cette menace pour un temps. »
Itachi reposa sa tasse impassiblement.
« C’est habile, » convint-il. « Mettre en place une conjoncture qui sera favorable à l’utilisation des bijuu une fois que nous les aurons tous… Que pense Pain-sama de tout cela ? »

Madara pencha la tête, et comme si un interrupteur avait été activé, les traits de son visage se relaxèrent en une expression plus ouverte et enthousiaste, presque naïve, si un tel terme avait été applicable à cet homme.
« Tobi ne sait pas, Pain-sama ne parle pas à Tobi… Pourtant Tobi est un bon garçon… » chantonna-t-il avec la voix du ninja masqué, un peu plus criarde et moins posée que la sienne.
Le jeu d’acteur était parfait, et seule la lueur dans ses yeux trahissait son amusement devant l’impassibilité déconfite de son descendant face à ce qui était une manière plus -ou moins- subtile de l’envoyer paître. Itachi ne laissa rien paraître, et le fixa flegmatiquement.
« Ha… Et où en est Tobi avec son propre bijuu dans ce cas ? »
Madara frappa deux fois dans ses mains, un grand sourire illuminant son visage, et Itachi dû se concentrer pour rester totalement impassible.
« Deidara-sempai a accompagné Tobi pour attraper son bijuu ! On est allé au pays de l’Eau, et Tobi a dû se battre contre un Kappa géant ! Deidara-sama était trooop cool. Même avec ses bras recousus il est tellement classe… En rentrant on s’est battu avec les Immortels, et Deidara-sempai a fait exploser Hidan-sama ! »
Itachi grinça intérieurement des dents, mais ne laissa pas paraître son inconfort.
« Ha. »

« Je me dois d’ajouter qu’Hidan est d’une humeur massacrante, et que si tu le croises, tu as intérêt à garder tes distances, » poursuivit Madara avec un éclat de rire audible dans la voix (mais la sienne malgré tout, et non plus celle de Tobi, merci Seigneur…) « À moins, bien entendu, que tu ne te sente parti pour une petite séance de torture… »
« … »
« C’est bien ce que je pensais. » Il se détourna et attrapa la paire de gants glissés dans sa ceinture. «Va maintenant. »
Itachi était déjà à la porte lorsque la voix de son ancêtre l’arrêta. Madara se tenait debout devant la bibliothèque, le masque de Tobi à la main, les lueurs jaunes de flammes dansant sur son visage à demi scarifié et de nouveau totalement sérieux.
« Ne t’inquiètes pas trop pour ton frère. Il a des alliés à Konoha, il devrait parvenir à survivre… Après tout il doit encore te tuer. »
Itachi ne répondit pas, mais il hocha la tête pour lui-même en refermant la porte derrière lui. Ses doigts frôlèrent machinalement le pendentif de Shisui.

Madara avait raison, comme toujours. Sasuke survivrait.
Après tout, l’Esprit du Feu était une loyauté de fous, et c’était exactement ce qu’était le jinchuuriki du Renard, un fou. Il découvrirait à quel point bien assez tôt, quand même ses amis lui tourneraient le dos et que l’Akatsuki n’aurait plus qu’à le cueillir...
Restait juste à espérer que sa folie ne détruirait pas tout ce qu’Itachi avait mis tant de temps à implanter en son frère.


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Le bras de Naruto touchait celui de Sakura tandis qu’ils se tenaient tous les deux face à la porte muette de la chambre de Sasuke dans la zone HS de l’hôpital central. Elle était accroupie à ses côtés, les bras refermés autour de ses jambes et la joue appuyée contre l’épaule de son équipier.
« Dis, Sakura… »
« Oui ? »
« Tu penses qu’elle va lui casser la gueule ? »
Sakura hésita un instant, puis laissa échapper un éclat de rire tendu.
« Je ne sais pas. Elle en a certainement très envie, mais si ça risque de le braquer, elle ne le fera pas. On ne dirait pas comme ça, mais Tsunade-sama prend son rôle d’Hokage au sérieux, et elle sait se retenir. Parfois. »
« … »
« Au pire, j’ai mon kit médical avec moi… »

-

De manière assez prévisible si l’on prenait en compte ses capacités, cela avait été Neji qui avait coincé le premier Naruto. Toutefois cela pouvait s’expliquer aisément par le fait qu’il avait été le premier à essayer de le coincer –état de fait que le passage de la journée allait rapidement rendre caduc-, mais à ce moment il avait encore été le seul.

L’aube éclairait à peine le ciel d’une lueur jaune pâle lorsque Naruto, encore passablement endormi, avait passé la tête puis le reste de son corps par la fenêtre à guillotine de son appartement. D’un pas quelque peu vacillant, il avait rejoint Ichiraku où un bon bol de ramen lui avait éclairci les idées de manière salutaire, lui permettant de prendre la voie aérienne sans risquer de s’écraser dans une ruelle parce qu’il n’aurait pas vu un décrochement des toits. Une journée ne pouvait décemment commencer sans ramen (c’était du moins l’avis de son estomac, et qui était-il pour lui refuser le nectar de vie ?)

Les premiers rayons du soleil qui coulaient sur les toits enflammaient la neige de manière presque aveuglante mais néanmoins magnifique, et les yeux de Naruto le piquaient de manière désagréable lorsque les portes de l’Hôpital Central s’étaient finalement ouvertes devant lui.
« Naruto, un mot. »
Le contraste entre la luminosité extérieure et l’ombre du hall de l’hôpital l’avait fait cligner des yeux jusqu’à ce qu’il parvienne à distinguer son interlocuteur adossé à un poteau, les bras croisés sur la poitrine et le visage de marbre.
« Neji ? »
Un sourire calme avait réchauffé le visage du Hyuuga, laissant Naruto vaguement surpris –sourire chaleureusement n’était pas quelque chose que Neji faisait beaucoup.
« J’ai entendu dire que tu avais réussi. Toutes mes félicitations, Naruto. »
Le blond avait a peine eu le temps d’esquisser un sourire que Neji s’était éloigné avec un salut discret, « J’ai mission. Mais tu me dois toujours la revanche de ce match… » le laissant planté là.

Avec un soupir Naruto contempla la semelle de ses sandales, et entreprit de curer du bout de l’ongle les morceaux de glace résiduels coincés dans les rainures. Sa brève discussion avec Neji lui avait étrangement remonté le moral...
Neji était l’un de ceux qui aurait pu avoir le plus de griefs envers Sasuke, et pourtant il avait été heureux pour lui du retour de ce dernier. C’était… quelque chose, décida-t-il en délogeant un glaçon.
« Naruto, arrête ça, c’est dégeulasse ! » siffla Sakura à ses côtés. « Tu mets de l’eau partout. Tu n’aurais pas pu t’essuyer les pieds avant d’entrer ? On est dans un hôpital, bon sang… Le mot “hygiène” te dit-il quelque chose ? »
« Désolé, désolé… J’y ai pas pensé. J’étais pressé… »
Sakura se calma et lui jeta un regard mi-exaspéré mi-amusé qui lui réchauffa le cœur. Qu’est-ce qu’elle était belle comme ça, les joues encore rosies par le froid extérieur… « Penses-y la prochaine fois… Et ça ne servait à rien de courir, vu que l’Hokage n’a pas encore fini… »
« M’en parle pas. Qu’est-ce qu’elle fait, la Vieille ? »
« Ne parle pas de Tsunade-sama comme ça Naruto, tu lui dois le respect, » le réprimanda Sakura avant de faire la moue. « Mais c’est vrai qu’elle pourrait se dépêcher… »
Elle lui donna un coup d’épaule qui le fit basculer par terre les quatre fers en l’air. « Hé, Naruto… »
« Quoiii ? »
Son visage au-dessus de lui était soudain sérieux. Elle lui adressa un sourire hésitant. « On l’a ramené Naruto. Grâce à toi on l’a ramené à la maison. Merci. »
Un peu hébété, il se remit en position assise, rapprochant dans le mouvement leurs visages. Avant qu’il n’ait le temps de réagir, elle avait franchi la distance et appuyé sa tête dans le creux de son épaule. Elle continua, la voix plus basse, étouffée par le tissu.
« Ça va être dur, je sais. Mais au moins il est là. On est tous ensemble, de nouveau… Et ça va aller. »
Naruto exhala lentement, et passa un bras autour de ses épaules avant de fermer les yeux.
« Oui. Ça va aller maintenant. »

Le grincement de la porte tournant sur ses gonds les arracha de l’étreinte réconfortante bien trop tôt, et le temps que Tsunade franchisse le seuil ils étaient l’un et l’autre au garde-à-vous dans le couloir.
Elle leur jeta un coup d’œil exaspéré, et laissa échapper un long soupir.
« Suis-je condamnée à vous trouver tous les deux dans ce putain de couloir à chaque fois que je franchis cette putain de porte ? »
« Tsunade-sama, votre langage ! » la réprimanda Shizune.
« Bonjour à vous aussi, maître, » susurra Sakura en dissimulant mal un éclat de rire.
« Hé la vieille, j’espère que tu nous l’as pas trop abîmé, hein ? »
La Sannin soupira de nouveau, les toisa, et cala ses mains sur ses hanches.
« Hé, on peut le voir maintenant ? »
« Tsunade-sama ? »
« Bien. » Tsunade croisa les bras sous sa poitrine opulente, et Naruto fit un pas prudent en arrière. « Puisque vous êtes là, je vais trouver à vous occuper. »
Naruto et Sakura échangèrent un regard inquiet tandis qu’elle repassait la tête dans la chambre et conférait à voix basse avec l’anbu.
« Tsunade-sama ? »
« Venez avec moi vous deux », ordonna-t-elle en s’éloignant à grands pas dans le couloir.
« Hé, hé, la Vieille, Sasuke va bien ? »
Ignorant l’inquiétude dans la voix de Naruto, elle s’engagea dans un autre couloir, et après un bref regard en arrière, Naruto et Sakura s’élancèrent derrière elle.

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« Grand-mère, on va où ? » geignit Naruto en pataugeant dans la neige à la suite de l’Hokage. À ses côtés Sakura progressait de même, mais en silence, émettant un nuage de vapeur à chaque. Tsunade n’avait répondu à aucune question –n’avait rien dit, en fait, mis à part d’autres ordres murmurés à Shizune, et une question aboyée r pour savoir s’ils avaient tout leur armement sur eux.
« On y est » annonça-t-elle soudain avec un regard satisfait autour d’elle (uniquement de la neige, des arbres, et encore plus de neige à perte de vue.)
« On est dans la zone d’entraînement des anbus » souffla Sakura les sourcils froncés. « Tsunade-sama, que… »
« Silence, ils ne devraient plus tarder. »
Comme pour confirmer ces mots il y eut deux détonations simultanées, et deux groupes se matérialisèrent au centre de la clairière dans des nuages de fumée.

Le premier était constitué des trois ninjas en uniforme que Naruto connaissait de vue, Izumo et Kotetsu, les larbins officiels de Tsunade, et un troisième type dont il ne se souvenait pas du nom.
L’autre groupe…
Un anbu au masque de loup se tenait raide au côté d’un Sasuke encore très pâle et à l’œil au beurre noir nettement visible. Le jeune homme était vêtu d’une veste d’hiver par-dessus la tenue bleue réglementaire des ninjas de Konoha. Il portait à la ceinture la poche d’arme de base, et à son visage inexpressif et froid, Naruto supposa qu’il ne savait pas plus qu’eux ce qu’il faisait là.

« Très bien tout le monde » annonça Tsunade de son ton d’Hokage, celui qui ne souffrait ni contradictions ni questionnement, et poussait les genins un peu trop émotifs à mouiller leur pantalon.
« De nombreuses personnes ont émis des doutes face à la viabilité de la réintégration de Sasuke dans une équipe, et je dois avouer en avoir aussi, donc voici les règles. Vous trois –son regard engloba Naruto, Sakura puis Sasuke-, vous affrontez Tsumon, Kotetsu et Izumo. Je suis seule juge, et si je ne suis pas satisfaite de vos performances ou de votre travail en groupe, vous pouvez définitivement dire adieu à l’équipe 7. Il n’y aura pas de seconde chance. Compris ? »
Elle les toisa.
« Inutile de préciser que je ne veux pas de morts, pas de pertes de contrôle, et pas de cavalier seul. Izumo, Kotetsu, Tsumon, vous êtes autorisés à utiliser toutes les techniques. Et évitez de me les tuer quand même, j’ai passé suffisamment de temps à rafistoler celui-là » finit-elle avec un mouvement de tête vers Sasuke qui resta impassible.
« Bien. COMMENCEZ !! »

Avant même que le cri de l’Hokage ne soit retombé, les ninjas étaient en mouvement.

De manière à peu près simultanée, Sasuke se volatilisa, Izumo et Kotetsu dégainèrent d’énormes rouleaux d’invocation, et Sakura s’élança avec un cri, poing flamboyant de chakra, pulvérisant en un mouvement le sol de la clairière et provoquant un nuage énorme de neige en suspension.
Naruto profita de la diversion pour se mettre à couvert et produire une poignée de clones qu’il dispersa avec instruction d’attaquer tours à tours les ninjas ennemis afin de récupérer le maximum d’informations sur leurs techniques et leur style de combat.
Il en était encore à cligner des yeux pour se débarrasser des cristaux de glace dans ses cils que Sasuke apparaissait à ses côtés derrière l’arbre géant qu’il avait choisi comme refuge, à genoux dans la neige et les derniers sceaux d’un enchaînement sur le bout des doigts.
« Invocation. »

Avec un nuage de fumée élégamment stylisé, un énorme serpent bleu aux écailles moirées de gris se matérialisa dans la neige à ses côtés, sous les yeux arrondis comme des billes de Naruto.
« Ssss ! C’est froid ! » fut la première chose que siffla la créature d’un air furieux en se dressant pour que le moins de surface possible de son long corps fuselé n’entre en contact avec la neige. « Sasuke-kun, au cas où tu l’ignorerais, les serpents hibernent. Il est hors de quessstion que je me batte dans ces conditions. »
Seule la familiarité amusée avec laquelle le serpent s’adressa à Sasuke retint Naruto d’attaquer instinctivement, de frapper de toutes ses forces, pour tuer.
Les serpents étaient désagréablement connotés, pour tout ninja de la Feuille qui se respectait –ou quiconque ayant déjà affronté directement le Sannin Orochimaru, ce qui était sans doute bien pire.

« Navré Nanigi. Mais j’ai besoin de ma Kusanagi. Tu pourras repartir ensuite, je ne te demanderais pas de te battre aujourd’hui. »
C’était étrange de voir Sasuke presque… poli.
« J’essspère bien ! Contente de te voir sur pied au fait, gamin. Tu n’en menais pas large la dernière fois que je suis venu te voir. Dois-je en déduire qu’ils t’ont laissé partir ? Ssss… Cela m’étonnerait beaucoup de la part de Tsunade-chan… Quelle est la contrepartie ? »
Une pointe de couleur empourpra les joues de Sasuke.
« Nanigi ! »
« Oui, oui… » Le long corps s’arqua tandis qu’elle mettait sa tête triangulaire à hauteur du visage de Sasuke, gueule grande ouverte, découvrant des crocs à venin presque de la taille d’une main. Sans sembler s’en émouvoir ce dernier plongea son avant-bras dans la gorge offerte, et en ramena le fourreau bicolore d’un katana qu’il tira du reptile d’un geste fluide et assuré.

« SsSh… Je déteste ça… » se plaignit le serpent géant en balançant sa tête de droite à gauche dans un geste presque humain tandis que Sasuke dégainait amoureusement son sabre, une satisfaction froide et dangereuse peinte sur le visage.
Ce ne fut qu’à cet instant que la vipère –Nanigi ?- sembla découvrir Naruto, toujours planté dos à l’arbre, là où il s’était trouvé lorsqu’elle était apparue, à la seule différence qu’un kunaï avait automatiquement trouvé place dans sa main, et qu’il était tendu en position d’assaut.
Les yeux ambrés fendus de noir se fixèrent sur lui, et la langue bifide goûta l’air.
« Sss, qu’est ce que tu fais planté là toi ? Tu n’as jamais vu de serpent ? D’invocation peut-être ? »
Le ton railleur l’arracha à son immobilité, et le fit bondir.
« Quoi ? Bien sûr que si ! J’ai des invocations moi aussi ! »
« Qui ne nous valent certainement pas, » chuinta le reptile avec condescendance. « Mais bon, tout le monde ne peut pas avoir le privilège d’être lié aux serpents… »
« Hé ! J’invoque des crapauds ! C’est dix mille fois mieux qu’un… qu’un sale reptile lié à Orochimaru ! »
Nanigi se dressa de toute sa hauteur.
« Ssss… Vassal de Gamabunta hein ? » Naruto n’était pas certain, mais si un serpent avait pu plisser les yeux en vous regardant fixement, cela aurait sans doute ressemblé à cela. C’était particulièrement désagréable, et fit se hérisser les poils de sa nuque.
« Ne serais-tu pas le fameux Naruto ? »
« Nanigi, ça suffit. »
Sasuke fixait son invocation d’un regard froid, la lame nue de son sabre dans une main, le fourreau noir et blanc dans l’autre.

Ce fut cet instant que choisit Sakura pour atterrir aux côtés de Naruto dans un crissement de neige.
« Sasuke, Na- ruto. » Sa voix vacilla à peine quand elle vit le serpent, ce qui était tout à son honneur, de l’humble avis de Naruto. « Il faut mettre un plan au point. »
« Sss… Bonjour à vous aussi, jeune demoiselle, » siffla Nanigi avec amusement, provoquant un sursaut et des excuses empressées de la part de la kunoïchi. « Hum… Si l’autre bipède ici présent est Naruto, tu dois forcément être Sakura. Sss… C’est… approprié, même si tes parents n’ont visiblement pas été chercher bien loin… »
« Bipède ? Hé ! »
« Non mais… »
« Nanigi, ça suffit ! »
Sasuke avait rengainé, et regardait le serpent avec une exaspération perceptible même pour Naruto. « Ce n’est pas le moment. »
« Bon d’accord. Mais ce n’est que partie remise. Porte-toi bien, Sasuke-kun, et tâche de ne pas t’enrhumer.»
Et sur ces mots le serpent géant disparut comme il était arrivé, laissant Naruto et Sakura fixer un Sasuke dont l’expression glaciale ne masquait pas totalement l’embarras.

« Pas de commentaire, » prévint ce dernier en jetant un coup d’œil au-delà de l’arbre, vers le champ de neige immobile, et au-delà la forêt, troncs noirs et bruns sur fond blanc, sans fin. « Concentrez-vous sur le combat. »
Étrangement ce fut Naruto qui répondit en premier, se calant contre le tronc de l’autre côté de Sasuke, le regard brillant de détermination.
« Si on doit gagner pour pouvoir reformer l’équipe Sept, alors on va gagner. Et je tiendrais ma part du marché. »
Sasuke soutint son regard sans répondre, le temps de deux battements de cœur, puis il hocha simplement la tête.
« Alors je tiendrais le mien. Battons nous. Et j’espère pour vous que vous êtes au niveau. »
Sakura finit de remplacer ses mitaines de laine par ses gants noirs de combat, et lui adressa un sourire très froid, qui ne semblait pas à sa place sur son visage.
« J’espère que tu sais travailler en équipe… Nous allons montrer à Tsunade-sama de quoi nous sommes capables. »
Sasuke posa sur eux ce regard froid, presque mort, qui gelait Naruto à l’intérieur, et seule sa promesse le retint d’aller lui mettre son poing dans la gueule, pour le forcer à réanimer ce feu qui avait été présent lorsqu’ils s’étaient battus à Mailhoe, ce feu dont il se souvenait, mais qui avait été celui de quelqu’un que Sasuke n’était plus vraiment...
Puis soudain il sourit, un sourire terrible et hautain tandis qu’il dégainait de nouveau le katana noir et blanc, et ses yeux s’embrasèrent du rouge sang du sharingan. Ils se firent face, les trois pointes opposées d’un triangle, et Naruto sentit son cœur s’accélérer.
« Allons-y, alors. Inutile de faire attendre les larbins d’Hokage-sama… »

-

« STOP ! »
Le poing de Sakura s’immobilisa en plein mouvement, armé pour frapper le ninja qu’elle tenait agrippé par l’avant de sa veste.
« Ca suffit. »
Elle relâcha sa prise, fit trois pas en arrière en se forçant à réguler sa respiration. Ses épaules étaient contractées, et elle avait une longue estafilade sur la joue gauche, là où l’acier d’une lame avait mordu et tranché une mèche de cheveux roses.
Avec une grimace imperceptible le troisième ninja, Hijiri machinchose, roula lentement sur lui-même et se poussa en position assise contre l’arbre dans lequel elle l’avait envoyé s’encastrer. Dégainant un kunaï, il entreprit de découper l’embrouillamini de corde fine et transparente entortillé autour de ses chevilles.

« C’est fini ? »
La voix de Naruto était un peu rauque, distraite, alors qu’il ne quittait pas des yeux son adversaire –sa proie. Il avait lui aussi interrompu son attaque à l’ordre claquant de l’Hokage, mais à sa posture il était évident qu’il était près à bondir de nouveau.
Et parce qu’il ne l’avait pas côtoyé depuis si longtemps, et qu’il savait pour le Renard, Sasuke n’avait aucun mal à lire dans ses mouvements cette tension presque sauvage, à voir la pointe de quelque chose qui n’était pas complètement humain dans son langage corporel.
L’Hokage se décolla de l’arbre contre lequel elle était appuyée, et hocha sèchement la tête, regard glacial.
« Le test est terminé. »
Et comme si ça avait été un signal, la tension et la férocité disparurent soudainement de la posture de Naruto, comme si elles n’avaient jamais été là.
Avec un gémissement, il se laissa tomber assis dans la neige, la tête dans les mains.
« Aouuuuh… J’ai maaaaal… »
Les paquets de neige emmêlés dans ses mèches blondes se teintaient de rosé par endroits, et des traînées de sang et de neige fondue suivaient ça et là les lignes de son visage, disparaissaient le long de sa nuque dans le col de sa veste d’hiver. Les oiseaux invoqués par le ninja ne l’avaient pas loupé, constata Sasuke avec satisfaction.
« Saaales piaaafs ! Ils ont failli me crever un oeeeil… Sakura-chaaan, j’ai été picoré à mort !»

C’était apparemment bel et bien fini, et après un bref coup d’œil en direction de l’Hokage, Sasuke consentit à enlever la lame de la Kusanagi du cou contre lequel elle reposait.
Là où le fil tranchant de la lame avait touché la peau, le sang coulait d’une coupure fine comme un cheveux. Ce n’était rien de plus qu’une égratignure, mais elle était la preuve de sa victoire incontestable : aurait-il poursuivi son mouvement ne serait-ce que de quelques centimètres, la tête de son adversaire aurait volé pour de bon.
Il inversa sa prise sur la poignée de son katana, et fit un pas en arrière, ignorant royalement le regard mauvais que lui lança le ninja.

D’un pas égal et tout en essuyant le sang sur sa lame contre sa manche, il se dirigea vers ses… vers les autres. Pas équipiers. Il ne voulait pas penser équipiers. Son chemin était solitaire, impraticable pour plus d’une personne.
Équipiers était deux de trop.
Il ne voulait pas d’eux, mais malheureusement il n’avait pas le choix. Ca avait été cela, ou périr, et il n’avait pas le droit de mourir. Pas tant qu’Itachi vivrait.
Ils étaient le moindre mal, mais tenter de s’en convaincre était étonnamment difficile.
Ils feraient l’affaire, supposait-il, d’un point de vue strictement pratique. Sakura avait changé, le nier était impossible. Lui-même et Naruto n’avaient fait que continuer sur leur lancée, mais elle… Elle était plus que compétente à présent, elle se battait bien, et du peu qu’il en avait vu, le mental avait suivi… –elle l’avait frappé.
Quant à Naruto… Il n’arrivait pas à décider à quel point Naruto avait changé, réalisa-t-il en emboîtant dédaigneusement le pas à l’Idiot qui rejoignait Sakura face à l’Hokage.

S’il n’avait pas été aussi certain de la qualité de leur prestation, il aurait pu s’inquiéter de l’expression et du regard sombre de l’Hokage. Mais en l’occurrence, même lui était forcé d’admettre que leur travail d’équipe avait été…‘efficace’. C’était un terme. ‘Putain d’impressionnant pour des ninjas ne s’étant pas battus côte à côte depuis trois ans’ en était un autre, sans doute.
Même avec la plus mauvaise volonté du monde, la Sannin au Limaces ne pourrait le nier… Enfin presque.
C’était la théorie pour un monde dans lequel la bonne volonté existait. S’il croyait en cela, autant se convertir tout de suite à l’orange, et attendre qu’Itachi vienne s’embrocher de lui-même sur son katana.
Mauvaise volonté ou pas, promesses de test ou non, la réalité était que la vieille femme était Hokage, et eusse-t-il uniquement s’agit de lui, Sasuke n’aurait pas été aussi certain de l’issue.
Mais il y avait Naruto, et aussi invraisemblable que cela paraisse, les désirs de l’Idiot semblaient avoir quelque poids sur les décisions de la femme la plus puissante du pays du Feu –un signe certain que Konoha était voué tôt ou tard à l’annihilation.

Tsunade pinça les lèvres, et les toisa tandis que leurs adversaires boitillants s’alignaient derrière eux. Sasuke retint sa réaction première de paranoïa qui le poussait à ne pas rester dans cette position une seconde de plus, et força son souffle à rester égal. Les chuunins ne feraient rien sans ordre de l’Hokage, mais avoir des ninjas dans son dos le rendait nerveux, d’autant plus lorsque lesdits ninjas pouvaient ajouter au grief légitime de la désertion le fait que le déserteur en question était de dix ans leur cadet et venait de leur ramasser la gueule.
« Kakashi, qu’en penses-tu ? C’est ton équipe après tout.»
Sasuke ne parvint même pas à être surpris quand le jounin se laissa tomber d’une branche pour atterrir aux côtés de l’Hokage, et peu importe qu’il n’ait pas un instant senti sa présence. Il avait probablement été là depuis le début.
Salaud.

« Joli katana, Sasuke. »
Il ne répondit pas, et continua à fixer un détail de l’écorce de l’arbre au-dessus de l’épaule gauche de l’Hokage.
Kakashi haussa les épaules, l’air dédaigneux malgré son masque.
« C’était passable. Sasuke, Sakura, il y a eu un instant de flottement quand vous avez échangé vos positions. Naruto, c’était une idée intéressante, mais après avoir supprimé tes clones tu te figes un instant pendant que tu assimiles leur expérience. Ton adversaire aurait été plus rapide, tu serais mort. »
À sa droite, l’Idiot ne répondit rien, ne fit même pas une grimace et Sasuke réalisa soudainement –mais non à vrai dire, il l’avait su depuis le calme anormal dans la chambre d’hôpital- que quels que soient les aspects de Naruto qui étaient restés les mêmes, stupide et intrusif, et si désespérément incapable d’accepter la défaite, il avait malgré tout changé, plus qu’il ne pouvait probablement l’imaginer.
Et il aurait voulu pouvoir s’en moquer, n’en n’avoir rien à faire, mais s’il voulait survivre dans ce village qui n’était plus le sien, il allait devoir découvrir un minimum les motivations et les leviers des gens qu’il côtoierait, qu’ils aient changés ou non, qu’il le veuille ou pas.
Kakashi se tourna vers Tsunade.
« Ils devraient faire l’affaire, Hokage-sama. »
La femme haussa les épaules.
« C’est bon alors. »

Et vraiment, Sasuke n’aurait pas dû se sentir si soulagé.

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« Et vous pensez qu’il sera entreposé là Seigneur ? »
Yume appuya son menton dans le creux de sa main droite, et se pencha de nouveau sur le parchemin presque illisible déroulé devant elle, et les descriptions qu’il contenait. Le vélin était usé, en certains endroits cloqué par l’humidité, et l’encre brunie des kanjis se mêlait parfois aux enluminures à l’encre verte qui illustrait le document.
À vrai dire, elle n’arrivait pas à lire ce qui était écrit. D’après Daisuke-sama, c’était une langue morte depuis plus d’un siècle, et si certains kanjis semblaient familiers, leur organisation globale et leur signification lui échappait totalement. Le seul symbole qu’elle reconnaissait avec certitude pour l’avoir déjà vu gravé dans la roche de temples dédiés à des sectes disparues était le kanji du renard, encadré des neufs spirales symbolisant les queues.
Son seigneur soupira, et interrompit son va-et-vient préoccupé d’un bout à l’autre de la pièce pour revenir s’asseoir dans le fauteuil qui lui faisait face de l’autre côté de la table basse.
« Si la Godaïme a laissé les choses telles qu’elles l’étaient sous le règne du Sandaïme, il devrait se trouver dans la Bibliothèque Interdite, à la tour de l’Hokage. La Bibliothèque n’a pas changé d’emplacement depuis le premier Hokage, et le rouleau y était la dernière fois que j’y ai pénétré... En théorie c’est donc là que tu le trouveras. Tu as vu les plans. »
« Oui, et Ô joie on ne peut y pénétrer que par le bureau de l’Hokage… »
Elle se mordilla nerveusement la lèvre, et étendit le bras pour frôler le parchemin du bout des doigts, avant de regarder de nouveau son maître.

« Je sais, » grogna-t-il en se laissant glisser un peu plus profondément dans son siège avec un mouvement défensif. « Je sais. Si tu y vas ce ne sera pas sans risque. Mais j’ai mes raisons de croire que tu bénéficieras d’une diversion de taille, pour peu que nous choisissions bien notre jour. Et puis Takeo t’accompagnera… »
Elle le fixa sans ciller, et il ouvrit les mains devant lui en signe d’impuissance.
« Tu sais que je ne te le demanderais pas si ce n’était pas de la plus haute importance Yume-chan. Tu le sais. Si seulement j’avais su à ce moment-là ce que contenait ce fichu rouleau… »
Elle haussa les épaules. Bien sûr que c’était important. Mais ce qu’il lui demandait de faire –leur demandait de faire- n’en risquait pas moins de les faire tuer tous les deux, sans aucune garantie de succès.
« Vous n’avez trouvé le parchemin qui décrivait le rouleau et son contenu que cet automne, » convint-elle finalement en croisant ses mains fines devant elle.
Il approuva distraitement.
« Et je n’aurais su qu’en faire à l’époque de toute manière. Ce n’est qu’à présent que les Neufs sont presque rassemblés qu’il prend toute sa valeur. Maintenant… le savoir qu’il contient est sans prix –ou du moins c’est ce que je ne peux que supposer, puisque je n’ai malheureusement jamais eu l’occasion de le consulter. Quelle pitié.»
Il rit.
« Et dire que ceux de la Feuille ignorent quel trésor ils laissent pourrir sur les étagères de leur bibliothèque … Un tel savoir, mais inutile sans le code… qui par le plus grand des hasards s’est finalement retrouvé est en la possession de mon humble personne...»

Deux coups légers frappés contre le chambranle l’interrompirent, et Takeo pénétra dans la pièce.
Après une courbette pour la forme, il se glissa de son pas silencieux jusqu’au centre du salon, où il s’immobilisa derrière le fauteuil qu’occupait Yume. Elle se retourna un instant, le temps de lui adresser un sourire, puis fit de nouveau face au Seigneur, tandis que les mains de Takeo trouvaient le chemin de ses épaules en une caresse légère, qui désamorça une partie de la tension qu’elle n’avait pas eu conscience de ressentir jusque-là.
« Vous aviez raison Seigneur, » annonça-t-il. « Ils bougent. »

Le sourire satisfait de Daisuke plissa les rides d’expression au coin de ses yeux, et ses mains s’immobilisèrent un instant sur ses genoux, avant de reprendre leur mouvement.
« Ahhh… Je le savais. Orochimaru-sama n’est certes pas homme à rester inactif lorsque l’on s’en prend à ce qui est sien… Il va falloir se dépêcher, si nous voulons en profiter. »
Il se leva soudain, surplombant Yume de toute sa taille. Elle dut lever la tête pour maintenir le contact visuel, et les doigts de Takeo glissés dans son col se crispèrent un instant contre ses épaules.
« Yume, Takeo. J’ai besoin de savoir si vous irez chercher le parchemin pour moi. »
Pas d’ordre, ni d’argument, juste la simple demande, sérieuse. Il savait tout aussi bien qu’eux ce que cela impliquait. Le pouce de Takeo effleura le creux de sa nuque en une caresse réconfortante quand elle se tourna de nouveau vers lui, pour chercher confirmation, et que leurs regards se croisèrent.
Elle regarda son Seigneur, l’homme auquel ils devaient tout, pour lequel ils étaient tous deux près à mourir si besoin était –parce qu’ils savaient que jamais il ne le leur ordonnerait-, et hocha la tête, une fois.
« Nous irons. »

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Dernière modification par Jainas le dim. 10 févr. 2008, 12:18, modifié 2 fois.
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