L'Héritage, saison 2

Tu débordes d'imagination scénaristique. Tu as imaginé des histoires parallèles à celle de Naruto. Alors asseyons-nous autour d'un feu et raconte-nous ton histoire dans le monde des ninjas.

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Kanji
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L'Héritage, saison 2

Message par Kanji »

Bon, comme promis, après une certaine période d'attente, voici ma deuxième fic, l'Héritage. Elle se déroule 3 ans après NG, et comptera donc de nombreux spoils. Elle fait entrer un tout nouveau personnage à Konoha et suit sa carrière en tant que shinobi, au milieu des bouleversements que connaîtra son époque.

Les 6 premiers chapitres seront peut-être un peu décalés par rapport aux suivants : en effet, cette fic aussi est le résultat d'une collaboration entre moi et Asano Akodo, et ces 6 premiers chapitres avaient déjà été écrits avant que je ne participe à la fic. Après un certain temps passé à écrire les chapitres qui ont suivi, nous avons convenu de réécrire les premiers chapitres selon mon style. Ils ont donc été écrits après les chapitres suivants, et peuvent paraître légèrement décalés.

A noter que cette fic est assez liée à mon autre fic, le Passé blanc. Je ne vous dirais pas exactement en quoi pour ne pas spoiler, mais il est recommandé de lire le Passé blanc si vous voulez avoir une compréhension complète de l'Héritage.

Voici le sommaire :

Saison 1 : Un Nouveau à Konoha

Une funeste journée (prélude que vous trouverez dans ce post)

Arrivée à Konoha

Visite médicale

Une voie de plus

Un après midi à Konoha

Une « belle » journée

Un très sale quart d'heure

Vitesse supérieure

Deux monstres

Réunion au sommet

Qui ?

Les toits de Konoha

Dépression

Nuit d'orage

La demeure blanche

Bois et soleil

Neko-sennin

Saison 2 : Maître et élève

Les pierres du souvenir

L'exilé

De retour

Sang et larmes

Voici le prélude.

Une funeste journée

Cela faisait déjà plus d’un an. Une putain de mauvaise année. Et il espérait que la prochaine, celle qu’il s’apprêtait à entamer, serait différente. Bientôt, il allait tout laisser derrière. Tout. Tout ce qui avait été sa vie pendant 18 ans ; pas seulement cette putain de mauvaise année, mais aussi son enfance, son adolescence, le lieu de sa naissance, ses amis, ses parents. Ou du moins ce qu’il en restait. Et Akodo revenait sur tout. Sur ce qui lui était arrivé avant cette putain de mauvaise année. Depuis le début, avant même le début de ses 18 années.

Ca avait surtout commencé avec sa mère. Asano Mayumi, petite fille née dans un village, un petit village perdu dans les contreforts des montagnes au bord du pays. Un village qui n’aurait jamais connu de contact avec Konoha sans elle. Sans ses yeux. A sa naissance on a cru qu’elle était née aveugle. Pourtant elle y voyait probablement mieux que n’importe qui dans le village. Ses yeux n’étaient pas ceux d’un aveugle : aucun aveugle n’a les yeux entièrement blancs.

Un Byakugan parfait. Aussi parfait que celui d’un digne descendant de la plus prestigieuse famille du Pays du Feu. On a jamais su comment ça avait pu se passer. Enfin il l’avait su il y a peu, même si aujourd’hui encore il ne comprenait pas tout.

Le village était frontalier, donc un shinobi a fini par la remarquer en faisant halte, au cours d’une mission à l’étranger. De fil en aiguille, elle avait été emmenée à Konoha et confiée aux Hyûga. Dix ans plus tard, elle en revenait avec tout le bagage d’un bon shinobi, jyûken en guise de bonus. Le village était devenu un poste frontalier à part entière, et il comptait quelqu’un capable de le défendre en cas d’agression. Autant Konoha que le petit village y gagnaient.

Après son retour elle s’était mariée, assez rapidement. C’était une belle femme, chaleureuse et franche. Le père d’Akodo était un homme des montagnes, grand et baraqué, mais doux et patient quand il fallait. Et à la naissance du garçon, 2 ans après le retour de Mayumi, tout le village se demanda s’il allait hériter des yeux de ma mère. Mais non, il était normal, tout ce qu’il avait hérité d’elle c’était ses cheveux roux flamboyants.

Jusqu’à il y a un an, c’était un garçon très agréable, avec un talent incomparable pour se rapprocher des gens, pour se faire des amis. Il en était presque collant. Ce n’était par faiblesse, pas parce qu’il avait besoin d’être entouré. C’était dans sa nature, il pouvait se lier avec n’importe qui.

La seule chose un peu exceptionnelle à son propos, et cela sa mère l’avait remarquée, c’était son flux de chakra. Il était un peu différent, un peu anormal. Mais rien d’alarmant. C’était peut-être pour ça qu’elle avait décidé de le former en tant que ninja. Enfin « former » est un bien grand mot : il n’avait maîtrisé les bases qu’à 16 ans, et il était loin d’être une pointure. Mayumi n’était pas un professeur sévère, et son entraînement n’était pas à plein temps. Ca n’était pas grand-chose d’autre qu’un passe-temps ou un moyen comme un autre de garder la forme.

Son poing se serra tant que ses phalanges blanchirent, et son regard mordoré se durcit tandis que ses souvenirs remontaient. Il s’en souvenait comme s’il y était : il se rappelait chaque détail, la fraîcheur du matin et le timide soleil d’été qui s’éveillait et réchauffait la petite cour, où trois personnes s’activaient déjà. Il se rappelait le bruit irrégulier des shurikens se plantant dans le bois. C’était un passe-temps qui allait bientôt devenir sa vie.

Ce matin-là, il y a 1 an et 5 jours, était un matin comme les autres. Ordinaire et agréable comme peut l’être un matin dans la vie simple qu’il menait à cette époque. Et deux sons se faisaient entendre, deux aciers se plantant dans le bois : celui de la cognée d’une hache qu’un imposant homme faisait s’abattre sur des bûches, et celui de shurikens qu’un adolescent aux cheveux roux envoyait de la main droite sur une cible d’entraînement. Et un peu à l’écart, une femme rousse tendant du linge, aux étranges yeux blancs, qui semblaient contractés comme s’ils étaient pourvus de muscles, aux tempes parcourues de ce qui avait l’air de veines saillantes, et dont le front était orné d’un tatouage vert.
-Tu n’es pas assez précis aux shurikens, Akodo : à ton âge je pouvais en lancer 6 et ne rien rater, dit la femme de derrière un épais drap blanc.
-Je sais, maman, mais de toute façon je ne suis pas un ninja, alors arrête de m’en demander autant, lui rétorqua le jeune homme, et puis je te rappelle que tu es censée être aveugle.
-Et que tu n’es pas censée avoir ça sur le front, ajouta l’homme d’une voix à la fois bourrue et douce.

Mayumi soupira, ferma les yeux un instant et noua un bandeau de tissu autour de son front, reprenant un visage banal.
-Ca va, ça va, mais je ne pourrais plus surveiller les alentours.
L’homme rit doucement.
-Allons chérie, que veux-tu qu’il se passe ?
-Le pays n’est plus en guerre depuis ma naissance, maman, tu devrais arrêter de t’inquiéter.
Oui, c’était un matin comme les autres. Mais le souvenir de ce matin si tranquille amenait Akodo au bord des larmes, tant de tristesse que de rage. Car le souvenir de ce matin en appelait d’autres, d’autres souvenirs, des souvenirs moins heureux, comme si quelques minutes avaient suffit à transformer sa vie paisible en enfer vide de toute vie et de toute joie.

Il se souvenait encore des pas précipités qu’on entendit résonner dans la cour et du souffle court de l’homme qui arriva en appelant celle qui était chargée de protéger le village.
-Mayumi-san ! Mayumi-san ! Venez voir, vite !!
C’était un matin différent, teinté de panique et de mystère : Akodo n’avait pas encore compris à quel point c’était grave. Après tout peut-être n’était-ce qu’une nouvelle urgente. Mais sa mère ne s’y trompa pas : elle avait vu suffisamment d’hommes paniquer et tourner les talons, terrifiés. Elle avait vu assez de batailles et tué assez d’hommes pour reconnaître la peur dans leur voix et leurs yeux. Aussi ne perdit-elle pas de temps.

Elle sortit de la cour rapidement et n’eut qu’à plisser les yeux pour savoir où aller. Bientôt sa vitesse surhumaine avait dépassé celle de l’homme qui l’avait appelée, qui se contenta de guider son fils et son mari. Des gens s’étaient attroupés autour d’une charrette, à la sortie du village, et résumaient la situation par leurs cris d’effroi, leurs murmures de consternation et leurs pleurs. La foule s’écarta pour laisser passer Mayumi. Lorsqu’Akodo la rejoignit, il vit tout de suite à son visage que la situation était grave. Et il en eut la confirmation lorsqu’il vit ce qui était dans la charrette.

Il y a quelques heures, c’était très certainement un homme. Maintenant ce n’était qu’une statue de grès, avec l’expression d’un homme terrifié, les yeux exorbités, la bouche grande ouverte dans un hurlement silencieux, figée dans l’horreur du dernier instant, comme une grotesque caricature d’humain.

Comme tous ceux qui étaient présents, Mayumi arborait une expression horrifiée, mais qui était loin d’exprimer l’incompréhension. Elle fixa de son Byakugan le corps pendant quelques secondes, et ses soupçons reçurent confirmation. Son visage n’était plus marqué par la peur, mais par une résignation inquiète, comme si, contrairement à tous les autres, elle savait. Elle savait exactement ce que le village risquait et elle savait quoi faire. C’était sa responsabilité.

Elle se tourna vers son fils.
-Akodo, file à la volière et envoie notre oiseau le plus rapide à Konoha, avec le message : « Besoin d’aide et vite ! »
Le jeune homme ne se le fit pas dire deux fois et courut de toute la vitesse de ses jambes. Lui aussi avait compris, comme tous ceux qui étaient présents, ce que cette horreur signifiait.

La région était dangereuse. Tous les gens qui vivaient ici savaient qu’il ne fallait pas s’aventurer dehors la nuit et surtout qu’il ne fallait jamais franchir les contreforts des montagnes. Les légendes locales parlaient de temps de terreur et de mort avant la venue des shinobis, lorsque le pays du Feu était encore une terre sauvage. Les mythes abondaient, parlant de démons descendant des montagnes pour prélever leur dû en âmes. Et la plus effroyable de ces légendes parlait d’un être monstrueux, capable de dérober son âme à un mortel d’un regard, le pétrifiant dans l’instant. Peu importait que cette légende soit vrai ou pas : il y avait danger, et Akodo savait qu’il fallait prévenir Konoha au plus vite. Si Mayumi ne pouvait vaincre cette chose, quelle qu’elle soit, personne du village ne le pouvait.

Mais le destin n’attendit pas que les renforts arrivent. Un rugissement inhumain se fit entendre. De la forêt toute proche sortit une créature de cauchemar. Les arbres s’écartèrent pour engendrer un être ressemblant un humain démesuré, plus grand, plus large, aux muscles si hypertrophiés que son corps était grotesque et difforme. Sa tête semblait petite en comparaison, enfoncée qu’elle était entre ses larges épaules ; sa large mâchoire était armée de crocs et, presque indiscernables dans cette masse de muscles, deux petits yeux noirs et cruels scrutaient les environs avec une agitation qui confinait à l’hystérie.

La foule resta un moment interdite devant une telle monstruosité, puis un chasseur, habitué à réagir au danger, encocha une flèche dans son arc de corne et en transperça le bras du monstre. Fulminant, le démon se rapprocha du village à grands pas, et quelques instants plus tard leurs regards se croisèrent. Le cri horrifié du chasseur mourut dans sa gorge lorsqu’elle se pétrifia ; il s’effondra au sol, changé en statue de basalte.

La peur saisit de sa poigne glacée le cœur des villageois, mais Mayumi ne faiblit pas, et se mit en garde. Il n’y avait pas grand-chose à espérer face à cette chose : sa puissance physique pouvait le protéger même du jyûken, et le Byakugan ne serait d’aucun secours. Peu importe le moyen, voir ses yeux signifiait mourir.

Voyant la kunoichi tenant tête à la bête sans faillir, les villageois eurent honte de leur peur et empoignèrent en guise d’arme ce qui était à portée. La bête souffla avec mépris et chargea en poussant un hurlement tonitruant. Le combat serait rude…

Akodo avait l’impression que son cœur allait exploser tant il battait fort. Jamais la volière ne lui avait paru aussi éloignée. Lorsqu’il franchit le seuil, il se précipita et faillit faire basculer l’échelle, avant de parvenir au perchoir sur lequel un aigle l’observait de son regard d’ambre, si semblable au sien. Paniqué, Akodo écrivit le message convenu, jurant copieusement tandis que le tremblement de ses doigts faussait son écriture. Il attacha rapidement le petit parchemin à la patte de l’oiseau, enfila à son bras droit un épais gant de cuir qui était accroché sur le mur et fit se percher l’aigle sur son bras. Il parvint à réfréner sa hâte pour éviter d’affoler le messager, et une fois parvenu à la fenêtre, lui chuchota ces mots, d’une voix aussi calme que possible.
-A Konoha, aussi vite que tu peux !

D’un geste sec du bras il fit s’envoler l’espoir, qui fonça à tire d’ailes sur les vents. Akodo le regarda un instant s’éloigner, priant de toute son âme qu’il arrive à temps, puis redescendit l’échelle en trombe sans prendre le temps d’enlever le gant. Il mit en œuvre toutes les leçons et conseils de sa mère, et rassembla tout ce qu’il avait appris en 18 ans, et parvint à glisser sur les airs, de toit en toit, à la manière des ninja, d’un pas aérien inconnu des simples mortels, plus vite qu’il n’avait jamais été. Mais sa course, aussi spectaculaire soit-elle, lui semblait toujours trop lente : il avait un mauvais pressentiment. Il fallait qu’il arrive là-bas à temps. Il ne savait pas pourquoi, il ne savait ce que sa présence changerait au combat. Tout ce qu’il savait, c’était que ses tripes lui hurlaient de se presser, que quelque chose de terrible allait se passer s’il n’arrivait pas là-bas plus vite que ça, plus vite !!

Mayumi commença à s’inquiéter. Pour autant qu’elle pouvait en juger, elle n’aurait bientôt plus assez de chakra pour garder le rythme. Elle savait que ça allait être dur, mais pas à ce point-là : bon sang, cette horreur était rapide ! Malgré sa maîtrise du taijutsu, elle devait dépenser ses forces pour continuer à combattre efficacement : non seulement cette chose était un mélange parfait de force, de résistance et de rapidité, mais en plus le corps-à-corps était deux fois plus difficile face à ce satané regard. Mayumi était forcée d’abandonner le pouvoir de vigilance et de combattre en faisant constamment attention à la position de son visage. Si pour elle le combat était deux fois plus difficile, pour les villageois il n’y avait aucun espoir.

Elle tenta de se calmer et de faire le bilan de la situation. De la quinzaine de villageois qui avait commencé le combat à ses côtés, seul 3 restaient. Si elle n’était pas en pleine bataille, Mayumi aurait fait plus que de les pleurer, mais elle ne pouvait faiblir maintenant. La rue était jonchée de statues aux membres brisés, des visages pétrifiés ornés qui exprimaient une horreur grotesque, à présent éternelle, et de cadavres démembrés et déchiquetés. Le sol était rouge de sang. Mais malgré tous ces sacrifices courageux, le monstre tenait toujours debout. Elle ne pouvait pas faiblir : ils ne devaient pas être morts en vain. C’était à elle de protéger ceux qui étaient encore vivants. Les femmes et les enfants. Et son fils. C’était à elle de protéger ce village.

La bête boitait sur une jambe brisée, et un de ses bras était presque arraché. Mayumi décida d’en finir. Elle fit un signe de tête à son époux, qui tint sa hache prête. Elle ferma les yeux forma une courte série de sceaux, faisant en un éclair circuler son chakra dans ses poumons. Elle prit une grande inspiration tandis que la poussière s’envolait en tourbillons et formait de fugitifs symboles cabalistiques dans l’air. Les mains de Mayumi invoquèrent la puissance du Tigre...

Katon ! Karyûdan !!

Elle souffla de toutes ses forces et une longue ligne de feu flamboyant frappa le démon de plein fouet, l’envoyant s’écraser contre le mur d’une maison voisine. Mayumi poussa un soupir de soulagement tandis que son mari se précipitait, hache à la main, pour achever le monstre qui, semblait-il, ne bougeait plus.

Akodo acheva à cet instant ce qui lui avait semblé durer des heures, et parvint à la sortie du village, et il aurait pu se calmer si seulement il n’avait pas tant mis son cœur à l’épreuve de sa course effrénée. La vue d’un tel champ de ruines et de cadavres ne suffit pas à gâcher la joie qu’il avait de voir que ses parents étaient en vie, et que sa mère avait réussi, une fois de plus, à protéger le village.

Mais le destin se fit un plaisir de fouler sa joie jusqu’à ce que mort s’en suive. Dans un sursaut d’une rapidité inhumaine, le démon frappa le père d’Akodo de son long bras. Malgré le vacarme que firent la destruction de la maison et le rugissement de la bête, Akodo entendit avec une clarté abjecte le craquement d’arbre blessé que firent les os de son père.

Mayumi, horrifié, poussa un cri à peine audible, mais dans lequel on sentait son cœur se briser, tout comme le corps de son époux. Animé d’une vivacité terrifiante malgré ses blessures, le monstre se releva, la prit dans sa large main et la porta à ses yeux.

Le temps s’arrêta pour Akodo tandis qu’il voyait sa mère se débattre, de plus en plus faiblement tandis que le froid envahissait ses membres. Elle était de dos, mais le jeune homme put voir dans son âme son visage s’orner de cette expression d’horreur figée. Sans réfléchir, obéissant à son instinct qui voyait avec clarté sa main droit toujours gantée, il porta la main gauche à sa ceinture. Il était droitier, mais ce détail n’avait pas d’importance : il était totalement insignifiant face à l’urgence qui guidait son bras.

Les deux étoiles d’acier qu’il lança avec une précision parfaite finirent leur course dans les yeux maudits du démon. Mais il était déjà trop tard. Il recula en vacillant et laissa tomber une Mayumi pétrifiée, changée en statue immaculée. Akodo se rua vers elle, trop lentement pour l’empêcher de se briser sur le sol.

De la statue de sel qui avait été sa mère, il ne restait plus rien. Plus rien de sa mère. Rien d’autre que le souvenir d’elle, des 18 ans qu’elle avait passé à veiller sur lui et sur le village, le souvenir de son amour et de sa franchise. Il ne restait rien d’autre que tous ces souvenirs heureux, souillés par sa mort. Les pleurs d’Akodo se changèrent en hurlement rauque tandis qu’ils montaient le long de sa gorge. Il eut l’impression que son âme vieillissait de plusieurs siècles, jusqu’à se dessécher comme ce qui restait de son corps. Tous ces souvenirs lui semblaient être du mercure brûlant, coulant dans ses veines et consumant son corps, maintenant qu’ils n’étaient plus que souvenirs du deuil, de sa mort, de cette souffrance qui était tout ce qui restait d’elle. Les souvenirs n’étaient plus que des lames chauffés à blanc qui semblaient mutiler chaque partie de son corps et tracer de longues cicatrices dans son âme.

Et ce bruit, ce bruit qui lui vrillait les oreilles, ce sifflement entêtant et qui allait en s’amplifiant, qui aurait peut-être pu être le bruit de ses pleurs, s’il n’avait pas été celui de sa douleur changée en rage, en rancœur et en colère. Il sentait son corps se consumer dans le brasier de sa colère et en ressortir, puissant et terrible.

Une unique larme coula sur sa joue droite, et la douleur et la rage semblèrent la clouer sur sa peau. Une énergie formidable se déversa de son âme dans son corps, se frayant un chemin jusqu’à l’extérieur, l’enveloppant et l’enlaçant de son étreinte brutale. Quelques chose s’échappa du tas de sel, deux pierres jumelles qui tracèrent en un court instant deux balafres croisées sur sa joue droite, crucifiant la larme qui y restait figée.

Il sentit son être se déchirer, et cette douleur réclamait le remède. Le remède à sa souffrance… Lorsqu’il posa les yeux sur le démon, il sentit que son propre regard avait changé. Tout son corps et son âme brûlait d’une soif terrible, une soif de souffrance et de mort : seule la douleur de ce monstre pouvait apaiser la sienne.

Il entendit vaguement les villageois survivants hurler d’horreur, il les sentit tomber à terre, mais il ne s’en soucia pas. Il vit les statues se ternir et tomber en poussière autour de lui, il vit les arbres se racornir et l’air se troubler, devenir si flou qu’il semblait solide et soulever les pierres en tourbillons qui lui écorchaient le visage. Mais le monde pouvait mourir, il n’avait pas d’importance.

Tout ce qu’Akodo voyait, c’était le démon se tordre de douleur, suffoquer, tomber à terre dans des spasmes d’une souffrance infinie. Et tout ce qu’il entendit fut un rire réjoui, un rire cruel et sadique qu’il savait être le sien. Et tout ce qu’il sentit fut la vie quitter les alentours, quitter le corps du monstre, sa souffrance venir apaiser sa soif de mort. Mais ce qu’il ressentit par-dessus tout fut sa joie, une joie immense et délicieuse tandis que le monde semblait mourir autour de lui… et ce bruit, ce bruit qui était devenu son rire, son souffle, les battements même de son cœur, de sa vie…

Plus tard les shinobis de Konoha lui diraient que lorsqu’ils étaient arrivés au village, ils avaient su immédiatement qu’il était trop tard. Dans la rue à moitié dévastée, il ne restait que quelques rochers, des cadavres d’hommes desséchés, une colossale carcasse pourrissante, et au milieu de ce champ de désolation, il y avait un jeune garçon aux cheveux roux, inconscient. Mais sur son visage on pouvait voir une blessure en forme de croix, et à côté de lui, quelque chose brillait dans la poussière. Deux pierres jumelles, deux gemmes immaculés, deux lacs de nacre sans fond qui autrefois avaient été les yeux de sa mère. Et rien ne vivait aux alentours. Tout était mort.

Asano Akodo, 17 ans, orphelin.

L’année suivante avait été très différente. Sa vie avait changé. Le village avait changé. Cette journée était restée gravée dans leur mémoire, la cicatrice du souvenir. Et dans ce souvenir, il n’était plus le fils de celle que les avait protégé pendant près de 20 ans. Il était ce garçon étrange, cet être qui avait terrassé le démon. Mais il était surtout celui qui avait dévoré les quelques pauvres diables qui avaient survécu à cette bataille. Tout le village en avait parlé pendant des mois : il ne restait que de la poussière, et il était le seul à avoir survécu. Il n’y avait pas à chercher bien loin.

Mais si seulement il n’y avait eu que les soupçons et l’inquiétude. Le temps aurait pu y faire. Mais Akodo avait changé, bien plus que le village. Il semblait que la cicatrice de son souvenir était toujours blessure, qu’elle était trop profonde pour que la douleur disparaisse. Il s’était refermé sur sa douleur, dans son regret, et était devenu sombre et solitaire. Il vivait seul, et personne n’osait l’approcher. Mais plus encore, ses souvenirs étaient si vivaces, cette vieille blessure semblait si douloureuse qu’elle s’emparait de lui.

Son deuil ne s’était jamais vraiment achevé, et sa rancœur, sa rage ne s’était pas apaisée. Pas plus que la soif. Cette soif de mort et de souffrance, que le souvenir ranimait sans cesse. Elle se faisait parfois si pressante qu’il regardait les gens différemment, il les dévisageait avec les yeux les plus effrayants qu’ils aient jamais vu, des yeux qui n’étaient pas ceux d’un homme, mais d’un prédateur affamé.

La douleur était grande, et elle entretenait la soif comme du bois sec nourrit et fortifie un feu, tout comme la colère, la frustration et le regret. Et les soupçons des villageois, qui allaient croissants, n’arrangeaient rien.

Et un jour ce fut la crise. Un jour, il n’en put plus, et il céda. Les gens n’étaient plus des gens. Il n’avait plus d’amis, tous s’étaient éloignés de lui. Il ne lui restait que le souvenir de l’amitié. Et comme tous ses souvenirs, ils vieillissaient, devenaient racornis et rabougris, aigris et malsains. C’était un de ces jours où il avait l’impression qu’une bête abjecte était lovée dans ses entrailles, et qu’elle s’agitait, réclamait sa pitance d’une voix avide et amère. C’était un goût étrange dans sa bouche, un petit sifflement entêtant dans ses oreilles, sa vision devenue légèrement floue, c’était une légion de détails et de petits tracas, qui semblaient s’unir dans ses entrailles pour donner naissance à cette chose affamée, cette chose si proche de lui, qui l’appelait par son nom… il l’entendait réclamer dans son âme…

Partout, il ne voyait plus que des gorges et des cœurs qui battaient, qui étaient animés de toute cette vie, cette énergie si douce… une petite douceur pour apaiser cette douleur amère dans sa bouche et son ventre…

Il s’était senti partir, se perdre. Il avait bondi, il avait frappé, il avait agi, il l’avait fait. Et la soif s’était apaisée. C’était simple, et c’était délicieux. Mais la suite ne concernait que lui, maintenant que la bête dans ses entrailles s’était endormie, comblée, satisfaite d’une manière qui lui semblait abjecte à présent.

Il savait qu’ils allaient le tuer, le lyncher, le lapider, se débarrasser de ce nouveau démon, de ce monstre qui accablait leur village à son tour. Il était dégoûté de lui-même, de ce que cette chose lui avait fait faire. Mais il ne pouvait se résoudre à mourir.

Le chef du village était un homme sage. Aussi ne le tua-t-il pas tout de suite. Peut-être était-ce par pitié, peut-être était-ce parce qu’il avait trop peur de ce que ce démon pourrait faire si on s’en prenait à lui. Il devait l’envoyer ailleurs. Là où on saurait s’occuper de lui, d’une manière ou d’une autre, peu importe où, pourvu que ce soit loin. Avant qu’il ne tue, encore une fois.

Konoha. Après tout, Mayumi en était bien revenue meilleure. Ils savaient s’occuper des êtres de ce genre là-bas. Il se contenta de donner le choix à Akodo : soit il allait à Konoha, soit il mourrait ici. Sa vie ici n’avait aucun sens, pas plus que l’enfer. Il n’hésita pas.

C’était la dernière nuit qu’il passait ici. Ses affaires étaient prêtes. Sa vie ici était morte avec sa mère, avec ce qu’il était avant. Ne lui restait que le souvenir. Il espérait qu’il pourrait le rendre moins douloureux. Elle lui avait un peu parlé du village des ninjas, et en bien. Mais c’était il y a 20 ans. Il ne savait pas ce qu’il y trouverait, il espérait juste que ce serait différent d’ici : c’était son lieu de naissance, un petit village calme et hospitalier, là où il avait vécu toute sa vie, là où il avait appris à être heureux. Mais ce n’était maintenant que l’endroit qui lui avait appris la douleur, la haine et l’amertume. Il semblait que tout ce qui était son passé, tout le bonheur n’était qu’un souvenir perdu, dont le deuil engendrait toujours plus de souffrance.

Tout sauf peut-être une chose. Il porta la main à son cou, sous le ciel rempli d’étoiles, les étoiles éternelles et tellement belles, tout comme cette joie qui maintenant paraissait si loin. Il prit dans sa main la petite bourse de cuir qu’il portait en pendentif, et en sortit deux gemmes blanches. Ses yeux étaient morts avec sa mère, mais c’était là tout ce qui ne le faisait pas souffrir : c’était tout ce qui restait d’elle. Ils étaient si profonds, si purs, si morts qu’ils ne reflétaient plus rien, ni joie, ni souffrance.

Ce n’était que des pierres. Il espérait qu’elles pourraient redevenir des souvenirs avec le reste.
Dernière modification par Kanji le mar. 19 déc. 2006, 18:09, modifié 5 fois.
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Asano Akodo
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Message par Asano Akodo »

voici donc ma fic, enfin notre autre fic d'une idée originale de moi (le Passé Blanc étant une idée original de Kanjio).

Ca raconte en effet la vie d'un nouveau ninja (à savoir mon avatar dans le monde de Naruto).

Et je tien à préciser que l'effet "Star Wars" (les premiers réécrits avant les autres) n'est pas volontaire :grin:

sur ce bonne lecture
Sakamoto Julietta
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Message par Sakamoto Julietta »

Et bien et bien, une nouvelle fic du Hyuga... Et bien que dire...

Dans ta première fic, je trouvais que tu pechais par la lenteur du recit. Tandis que pour cette fic, c'est un peu le contraire, je touve ca un peu trop rapide. Je ne parle pas du combat du début, non. Je parle du moment où Akodo se retrouve orphelin. Je crois que tu y aurais gagné à décrire de manière plus marquante tout ces sentiments qui s'emparaient de lui. Cette impression est peut-être due au rythme aussi de ta fic...

Voilà, il y a juste ce petit point où j'ai tiqué parce qu'il nous permet pas de "plonger" dans le personnage autant qu'il le faudrait mais sinon pour le reste, je trouvais que c'était du bon chapitre...

Sinon je vois que tu nous fais un dark shinobi...Je te souhaite bonne chance car, par expérience, je sais que ce genre de perso ne sont pas faciles à gerer... :grin:
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Kanji
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Message par Kanji »

C'est aussi que c'est une réécriture, donc je ne pouvais pas distordre le rythme pour tout faire méthodiquement. Mais il faut savoir que les sentiments de deuil d'Akodo sont très subits et marquants lors du moment où il pète les plombs : c'est là qu'il ressent la perte de façon marquante. Ensuite ces sentiments se convertissent en rancoeur, notamment par rapport au village : l'idée derrière ce rythme est aussi qu'Akodo n'en peut plus de ce village, qu'il a envie d'aller de l'avant et de ne pas s'y attarder. Mais c'est vrai que la fic aurait peut-être pu gagner à prendre plus de temps pour la transition. Enfin...
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Kazekage le 3e
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Message par Kazekage le 3e »

Pas mal cet fic , je parie que cet orphelin est le petit fils de Naruto :-)
Il n'y a pas de mort , il y a la force.
Asano Akodo
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Message par Asano Akodo »

cet évènement avait été écrit en un seul court chapitre et il ne fallais pas trop le modifier
il se passe aussi un an avant la vrais chronologie de la fic, ce chapitre est un prélude nécéssaire pour comprendre la suite en fait, un peu comme si il ne faisait pas réellement partie de l'histoire pour ainsi dire (je n'irai quand même pas jusque à dire qu'il s'agit d'une formalité expédié)

Edit pour le troisième: y en a qui on de la suite dans les idées et peu d'analyse
Kanji
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Message par Kanji »

Oui...Kazekage dis donc...3 ans après NG, Naruto a dans les 19 ans, déjà grand père ? Vache précoce le petit gars...Si tu as lu le Passé blanc, tu devrais certainement te rappeler de Mayumi, l'amie de Kanjiro, l'extérieure au clan Hyûga qui a un Byakugan...elle avait plus de 20 ans à l'époque...2 ans avant sa naissance, Naruto déjà père d'une fille de plus de 20 ans...vraiment précoce le petit gars...
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Asano Akodo
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Message par Asano Akodo »

mais c'est pas grave le 3e on te pardonne n'empêche ça m'a fait bien rire
:grin:
Jainas
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Message par Jainas »

Que dire ?

Wow.

J'avais lu la première vesion, mais celle ci est clairement bien meilleure...
Envolé le côté "journal", bonjour la narration, et c'est ma fois très bien fait.
Jusqu'a quel chapitre avez vous réécrit ?
Kanji
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Message par Kanji »

Uniquement les chapitres écrits par Akodo, c'est à dire les 6 premiers. Content que tu apprécies.
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Kanji
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Message par Kanji »

Bon, dès le premier chap je fais un double post...hum...bref. Quelques commentaires de la part des autres habitués ? Je pense à Tayuya, Arakasi, lebibou...enfin j'insiste pas plus, je sais que vous ne pouvez pas venir lire et commenter sans cesse.

Arrivée à Konoha

Le voyage avait été difficile, c’était le moins qu’on puisse dire. Akodo n’était pas sûr de pouvoir en dire le plus : dire qu’il avait été un calvaire aurait été un peu en dessous de la vérité. C’était un peu de sa faute : c’était son choix, après tout, de ne jamais s’arrêter en un lieu habité, à moins d’une urgence absolue. Il y avait une excellente raison à cela : il le sentait de plus en plus, il s’affaiblissait avec le temps.

Peut-être que ça avait toujours été le cas, mais cela semblait flagrant maintenant qu’il avait quitté le village : il se vidait lentement de ses forces. Et il découvrit bien rapidement que la soif revenait, qu’elle se manifestait en le privant de sa vie. La plupart du temps, plantes et arbres suffisaient. Mais quelquefois « il » réclamait de plus grosses proies, et après trois jours de voyage, Akodo avait l’impression que la forêt elle-même, avec tous ses habitants, le craignait et le haïssait. Il avait bien trop peur de se mettre au contact de ses semblables : eux seraient bien moins tolérant que la forêt.

Les routes étaient dangereuses : à mesure qu’il s’éloignait de la frontière et qu’il s’enfonçait dans le Pays du Feu, les villages devenaient plus rares. Il se satisfaisait de rester en bordure de la civilisation, il préférait la solitude aux regards pleins de peur et de dégoût qui naîtraient sûrement sur son passage, mais cette solitude était parfois troublée par des obstacles. Des obstacles vivants. Vivants et délicieux.

Quelque part au fond de lui, il avait toujours peur. Il avait toujours mal : il savait bien qu’il devenait de jour en jour plus renfermé, plus avide, qu’il cédait de plus en plus facilement. Mais les regrets étaient bien vite consumés dans le feu de sa rancœur, un feu que les souvenirs de l’année passée alimentaient et avivaient. Il était dégoûté de lui-même par moments, mais tout le reste du temps c’était eux qui le dégoûtaient. Ils l’avaient rejeté, ils l’avaient traité comme ce monstre dont il les avait sauvés. Ces misérables l’auraient tué s’ils en avaient eu le courage. C’était bien eux les monstres : qui d’autre qu’eux étaient responsables de sa rancœur ? Quoi d’autre que leur stupide haine était responsable de ces meurtres ?

La bête dans son ventre lui murmurait ces choses : il n’avait pas à se sentir coupable. Ce n’était que justice, et ça en devenait même amusant : eux qui voulaient le tuer, voilà qu’ils entretenaient sa vie ! N’est-ce pas merveilleux ?

Il marchait sur le fil du rasoir. Le garçon affable et si sympathique était mort l’année passée, sacrifié sur le bûcher de sa peine. Et les cendres renfermaient tant bien que mal ce qui était né de la souffrance, de la colère, de la rancœur. S’il était si renfermé et solitaire, c’était aussi pour éviter de mêler les autres à ses problèmes. Il pouvait basculer à tout moment, il le savait : avec la société venaient les regards, les murmures, les insultes, et finalement les pierres.

Il était parfois très tenté de mêler les autres à ses problèmes. Et pas qu’un peu. De leur faire payer sa souffrance au prix fort : ses tripes lui disaient parfois que seule leur souffrance pouvait apaiser la sienne, qu’ils devaient la partager. Qu’il n’avait qu’à leur faire comprendre ce qu’il endurait, leur faire ressentir ça dans leur chair, et qu’il se sentirait bien mieux ensuite.

Ses pensées et ses pulsions lui donnaient le vertige, tandis que ses doutes résonnaient dans son crâne. Il fallait mettre fin à ça : qu’on le sauve ou qu’il plonge, pourvu qu’on en finisse !

Oui, le voyage avait été pour le moins difficile. Mais alors même que ce calvaire s’achevait, Akodo, pessimiste comme à l’accoutumée, avait bien peur qu’un nouveau ne commence. Il préférait ne pas attendre trop de Konoha ; moins on en attend, moins on est déçu. Après tout, c’était là des gens, comme tous les autres. Eux ne le connaissaient pas, mais s’il y restait, tôt ou tard ils le haïraient, et il devrait encore partir.

C’était toujours la même chose : il avait déjà expérimenté la même chose dans d’autres villages. Bien sûr tous ceux de la région le connaissaient déjà, mais ce n’était qu’une question de temps pour Konoha fasse de même. Il le savait : quelle communauté civilisée pouvait bien vouloir de quelqu’un comme lui ?

Il préféra abandonner ses pensées, de peur de sombrer à nouveau, et revint à la poussiéreuse lassitude de son voyage. Cela faisait 5 jours qu’il marchait sur le même chemin, à travers le Pays du Feu, un chemin qui se faisait tantôt sente obscure se perdant dans le sous-bois, tantôt large route en plein soleil : d’après sa mère, c’était la voie la plus rapide pour atteindre Konoha.

Akodo savait cependant qu’elle, comme tous les gens de sa profession, connaissait une voie bien plus rapide : lui avait mis plus de 4 jours, là où n’importe quel shinobi aurait mis à peine une demi-journée…il voyait mal ce qui pouvait pousser un village de ninjas à l’accepter.

Le printemps touchait à sa fin, mais les arbres étaient encore pleins de couleur, la forêt pleine de vie. Mais Akodo ne s’en souciait pas : il voyait bien le bleu parfait du ciel toujours vierge de nuées, les jeux espiègles de la lumière sur les feuilles, les épées dorées que traçait le soleil en perçant les frondaisons, les couleurs simples et fraiches des fleurs… mais il ne s’en souciait pas. Il ne voyait que la poussière à ses pieds, peut-être la seule chose qui n’occupait pas ses yeux, ses yeux qui préféraient regarder le vide.

Il avait perdu l’habitude de s’émerveiller devant le spectacle du monde. Depuis quelques mois, il avait l’impression que le bonheur et la beauté lui faisaient mal ; avant il aimait beaucoup regarder les étoiles, maintenant il avait l’impression de faire face à un miroir. Et le reflet lui déplaisait, il lui faisait mal au cœur parce qu’il lui montrait ce qu’il était en train de devenir. Et il savait très bien que la souffrance avait tendance à faire surgir des mauvais côtés, à aigrir et à rendre agressif. Avec lui plus encore qu’avec les autres.

Alors il détournait les yeux. C’était la meilleure réponse qu’il pouvait leur donner. Sinon il leur ferait du mal. Et au fond de lui il n’avait pas envie. Mais au fond de lui il sentait aussi s’agiter ce qui en avait envie, ce qui avait soif de leur vie, de leur sang et de leur souffrance pour apaiser la sienne.

Le voyage était difficile, et il était grand temps qu’il se termine : Akodo se méfiait trop de lui-même pour accepter d’y être livré. Une rumeur enfla à travers les arbres, un brouhaha salutaire qui attira bien vite son attention.

Alors que le sentier qu’il avait suivi sous la chevelure d’émeraude des arbres s’ouvrait sur une grande route, Akodo s’aperçut qu’il était probablement loin d’être le seul à quitter son lieu de naissance.

De la lisière de la forêt, du haut d’une petite colline, il pouvait voir serpenter une grande colonne humaine sur la bande beige de la route poussiéreuse. En contrebas, on voyait affluer des caravanes de voyageurs de toutes les origines, des montagnards du nord-est, venu de la bordure de Tsuchi no Kuni, des bergers des collines du nord, des fermiers des plaines de l’est et même des chasseurs venus des profondes forêts du sud.

Des quatre coins du Pays du Feu semblait venir des cohortes d’exilés, venant chercher abri. Akodo devinait ce qui les poussait ici : bien que chacun ait ses raisons de voyager, cet exode n’était pas commun. Malgré sa solitude, Akodo avait bien entendu, l’année passée, que le monde s’apprêtait à quitter les 5 années de paix qu’il avait connu depuis l’attaque menée sur Konoha par le traître Orochimaru.

Curieusement, les puissances étrangères avaient hésité à s’en prendre au Pays du Feu, bien que le revers qu’avait connu son village caché l’ait affaibli militairement. Mais il semblait qu’ils ne rechigneraient plus très longtemps à la guerre : sa mère devait régulièrement se rendre à Konoha pour y faire parvenir elle-même des rapports de plus en plus préoccupants. L’activité ninja sur la frontière de Tsuchi se faisait anormalement importante, et les rumeurs au sujet du grand conflit qui allait venir allaient bon train. Akodo se doutait qu’il devait en être de même pour toutes les frontières et pour tous les villages borduriers. Tous ces gens fuyaient donc vers les grandes villes du centre, afin d’éviter d’être frappés par la guerre lorsqu’elle éclaterait. Les frontières prendraient de plein fouet les conséquences des batailles.

Il n’y avait pas là foule colossale, mais l’exode devait concerner une bonne partie de la population frontalière. Le cœur du Pays du Feu était forêts profondes et sauvages, les mouvements de population aussi importants surpeuplaient les quelques grandes routes qui traversaient la forêt.

Akodo ne savait que penser devant ce spectacle. Il n’avait jamais connu la guerre : le dernier conflit mondial s’était arrêté peu de temps avant sa naissance, et il vivait bien trop loin de Konoha pour avoir été affecté par l’attaque d’Orochimaru. Sa mère lui avait souvent raconté des histoires de grande bataille mythique, du temps où le monde tel qu’il le connaissait était encore jeune et vacillant, et aussi des récits des batailles auxquelles elle avait elle-même participé. Mais Akodo n’avait jamais assisté à l’effet qu’a la guerre sur les gens du commun.

Le champ de bataille était le domaine des shinobis et des quelques fous qui s’obstinaient encore à pratiquer les rites antiques de la caste des guerriers, cela il le savait. Mais il n’avait jamais pensé dans l’autre sens : qu’était la guerre pour ceux qui ne la faisaient pas ? Il pouvait sentir la peur dans cette foule qui fuyait le feu, qui tentait par tous les moyens de sauver un peu de leur monde en abandonnant leurs maisons à la guerre. Ils étaient des exilés comme lui, des gens qui avaient choisi de laisser derrière eux naissance, maison, parfois famille.

Mais eux au moins conservaient quelque souvenir… Akodo aspirait plus que tout à la nostalgie. Il se détourna du spectacle de la foule et poursuivit sa route : lui ne se dirigeait pas vers une des grandes villes. Il allait par les chemins que ces gens ne connaissaient pas, ou évitaient.

Le soleil était déjà décroché de son zénith depuis près de 3 heures lorsqu’il franchit la lisière de la forêt et déboucha sur la route tranquille qui menait au village caché de Konoha. Sur le coup, Akodo se mit à douter du caractère « caché » de ce village.

Le spectacle était pour lui d’autant plus impressionnant qu’il s’agissait là de la première ville qu’il voyait. Pour un fils des montagnes qui n’avait jamais quitté son village, Konoha était irréel. A l’ombre des arbres en fleurs, les yeux mordorés d’Akodo balayèrent avec une attention balbutiante l’écrasante métropole qui s’étendait à ses pieds.

Son regard se porta immédiatement sur la falaise qui surplombait le village… il avait tant entendu parler de Konoha, et surtout des êtres mythiques qui avaient fondé et protégé cet endroit légendaire. Les visages de pierre des 5 Hokage semblaient veiller pour l’éternité sur l’arbre à qui ils avaient dédié leur vie. Akodo avait été friant de légendes et de mythes, et il connaissait l’histoire de chacun de ses shinobis légendaires : Shodai le fondateur, maître des forêts. Nidaime, son frère, celui qui avait sacrifié sa vie pour protéger le jeune village des affres de la guerre. Sandaime, sans aucun doute celui qui avait régné le plus longtemps, le sage, le Professeur, mort il y a 6 ans en défendant sa patrie contre Orochimaru. Yondaime, le héros, l’Eclair Jaune de Konoha, disparu aussi vite qu’il était apparu.

Akodo connaissait bien moins Godaime : après tout, sa mère n’avait connu que les quatre premiers, et elle ne lui avait dit que peu de choses au sujet de la dernière protectrice de Konoha. Il savait juste qu’il s’agissait d’une femme de 50 ans, experte en médecine. S’il s’y était un peu plus intéressé, il aurait pu faire le rapprochement, mais Akodo ne s’était jamais mêlé des affaires des ninjas. Les Hokages n’étaient que des légendes, des héros qui n’existaient que dans son imagination. Konoha lui-même n’était guère plus qu’une rumeur dans son esprit, comme un parent très éloigné, dont sa mère ne lui parlait que peu, comme si elle avait préféré ne plus s’en préoccuper, pour une raison ou pour une autre.

Sous le regard de roche de la falaise s’étendait la mosaïque anarchique du village, ses toits bariolés, et biscornus, de toutes les formes et de toutes les hauteurs, ses rues grouillantes d’activité et de couleurs, les quelques étendues vertes des parcs, et çà et là l’éclair soudain d’un ninja passant à la vitesse de l’éclair, foulant d’un pied éphémère toits et fils électriques.

Comme un somnambule, Akodo descendit le long de la route, sans cesser de laisser son regard estomaqué se perdre dans le dédale de cette ville cosmopolite et hétéroclite. Il y avait tant de détails que le vertige faillit le prendre : il lui semblait que le miroitement du soleil de printemps sur le zinc des toits créait des mirages et des faux-semblants. S’il n’avait pas été aussi captivé, il aurait pu s’amuser à compter les citernes et à démêler le réseau cryptique des fils électriques, mais son esprit était tout entier dévoré par l’étonnement. C’était un spectacle pire que nouveau pour lui. Il faisait timidement son entrée dans un monde nouveau, un monde dont le seul visage dépassait tout ce qu’il avait pu imaginer étant jeune.

Il franchit d’un pas lent la colossale porte du village, dont le seuil avait dû sentir les pas de milliards de voyageurs de son genre. Alors qu’il parcourrait les rues, ses sens étaient assaillis par l’ombre des hauts bâtiments, la légion de senteurs venant des échoppes et la rumeur de la foule, confuse et pleine de rires, et de paroles si nombreuses et entremêlées qu’elles se privaient de sens et de cohérence.

Perdu dans son admiration, Akodo laissa ses pieds le guider vers ce qui semblait être la meilleure destination : la falaise. Mais le parcours n’était pas aisé, à travers le labyrinthe des rues de Konoha. Et bien vite, une fois l’étonnement affaibli, Akodo ressentit de nouveau l’appel de ses entrailles. Ses forces ne lui étaient pas revenues, et la foule semblait si nombreuse, si pleine de vie. Elle lui offrait le réconfort. Il savait qu’il n’avait qu’à les toucher pour reprendre toute sa vivacité.

Mais il savait aussi qu’il serait ensuite tenté d’avoir plus, qu’ils le verraient et qu’ils auraient peur de lui. Qu’ils le haïraient. Il allait bientôt se retrouver au pied du mur, avec un choix simple. Ses forces ne reviendraient pas tant qu’il n’aurait pas obéi.

Ce n’était plus les sensations de la ville qui l’assaillaient maintenant, mais les échos de cette pensée effroyable qui menaçait de prendre le pas sur la sienne, de devenir la sienne.

Il titubait plus qu’il ne marchait à présent, et, même dans la confusion qui commençait à s’emparer de lui, il gardait suffisamment de bon sens pour se rendre compte qu’il fallait s’éloigner de la foule. Il se précipita dans une ruelle à l’écart, si vite qu’il ne regarda pas devant lui.

Grand mal lui en prit, car il s’aperçut bien vite que le taux de probabilité d’une collision inter-passants augmente drastiquement avec la baisse d’attention des intéressés.

Le choc ne fut pas véritablement rude. Akodo avait 18 ans, et à cet âge son héritage montagnard se ressentait déjà dans sa carrure solide. Et apparemment, son vis-à-vis n’avait pas les même dimensions, parce qu’il tomba à la renverse immédiatement. Mais Akodo fit de même, car celui qu’il avait heurté ne marchait pas tranquillement, mais courait à vive allure, comme s’il voulait s’envoler.

Le choc l’avait ramené à la réalité, mais son amertume n’était toujours pas apaisée, et elle menaçait de se libérer au premier prétexte venu. Il posa ses yeux maussades sur l’importun qui l’avait bousculé.

Devant lui était assis ce qui semblait être un shinobi de Konoha, au vu de son front qui portait le bandeau traditionnel. Ses cheveux noirs étaient ramenés tant bien que mal en arrière, sans trop de succès, de sorte que de la couronne de tissus bleutée semblait naître un buisson hirsute de mèches d’ébènes. Il portait une veste de toile grise solide et passée, un pantalon du même acabit et son visage hésitait entre les rondeurs de l’enfance et le sérieux de l’âge adulte. Mais le signe le plus évidemment distinctif était une longue écharpe d’un tissu indéfinissable qui enveloppait son cou et semblait assez longue pour descendre jusqu’au sol même lorsque ce gamin qui paraissait avoir 15 ans se tiendrait debout.

Ce qu’il ne fit pas tout de suite, se frottant douloureusement le front en maugréant de manière abondante et très imagée, ce qui n’était pas pour arranger l’humeur d’Akodo.
-Eh ben, si tous les ninjas de Konoha se mettent à pleurnicher au moindre choc…
La réaction ne se fit pas attendre. Le jeune homme sauta agilement sur ses pieds et se campa, la tête haute et le regard furieux. Akodo se tut un moment.

Ses vêtements, étrangement, semblaient être sans cesse en mouvement, et son écharpe flottait doucement derrière lui, comme enlacée par un très léger vent qui n’aurait soufflé que pour lui. Akodo crut un instant discerner un éclat de noblesse intimidant dans ses yeux noirs, mais il fut bien vite recouvert par une lueur d’insolence et de fierté démesurée.

Il se releva à son tour, dominant le jeune homme de toute sa hauteur, et mettant les mains dans ses poches, comme pour lui signifier à quel point il ne saurait lui être une menace.

Voyant que sa simple présence plus ou moins digne ne suffisait pas à faire fuir son ennemi, l’enfant se décida à parler.
-Tu sais au moins à qui tu as affaire ?
-À un sale gamin qui sait pas rester à sa place.
-Je suis Konohamaru, petit-fils de Sandaime, et t’as intérêt à retirer immédiatement ce que tu viens de dire si tu veux pas que je te botte les fesses sans autre forme de procès ! lança Konohamaru. Malgré la rapidité presque hystérique de son discours, à aucun moment sa voix ne s’était départie de ce ton fier et dur qui semblait si étrange dans la bouche d’un enfant tel que lui.

Akodo était de trop mauvaise humeur pour laisser transparaître le semblant de respect qu’il ressentait spontanément pour cet enfant, ni pour se montrer prudent.
-Et moi je te conseille d’arrêter de rêver : je vois pas comment Sandaime aurait pu avoir un descendant aussi bruyant et abruti.
Konohamaru sembla assimiler le reproche et répliqua d’une voix lente et à la limite du grondement, tandis que ses yeux se réduisaient à deux fentes farouches.
-Je ne le dirais pas deux fois : retire ce que tu as dit ou tu vas le sentir passer…
-J’aimerais bien voir ça.
-C’est tout vu.

Malgré la colère qui grondait toujours en lui, Akodo avait gardé une bonne partie de son bon sens. Il voyait bien que son adversaire n’avait que 15 ans tout au plus, et qu’au vu de son attitude il n’était que genin. Moralité il s’agissait sans trop de doute d’un raté. Malheureusement pour lui, ce fut à son corps d’encaisser les conséquences de sa méprise.

La silhouette de Konohamaru sembla se troubler lorsqu’il se précipita avec souplesse en avant, et Akodo ne put que sentir le coup de pied frapper sèchement son jarret, et lui faire immédiatement perdre l’équilibre. Ses genoux avaient à peine touché le sol qu’il vit arriver la seconde frappe vers son visage. Ses mains s’interposèrent, et attrapèrent la jambe de Konohamaru.

Le jeune genin sentit alors quelque chose qu’il n’avait ressenti que dans ses cauchemars. Le sang sembla se geler dans sa jambe et le froid remonta vers son torse, lui donnant la chair de poule, tandis qu’il sentait ses muscles se relâcher, comme privés de vie. Poussé par un élan de peur presque animale, il dégagea vivement sa jambe.

Akodo avait l’air désemparé, hésitant. Il semblait revenir à la réalité, comprenant qu’il avait cédé à la colère, que l’autre l’avait trompé, leurré pour le mener là où il le voulait. Il était paniqué, car il savait au fond de lui qu’il venait de détruire les maigres chances qu’il avait de passer inaperçu ici. Avec l’attention viendraient la méfiance, la haine et les pierres. Il s’était trahi, et ne serait bientôt plus qu’un paria.

Et le chuchotement sifflant revint dans ses oreilles. Il ne pouvait plus reculer, il avait fait son choix et il s’était engagé sur cette voie. Il ne pouvait plus reculer, maintenant il fallait aller jusqu’au bout. Tu n’as plus rien à perdre, alors avance ! Quelle importance a leur vie maintenant qu’ils veulent te tuer ? Prends-la, reste en vie, existe… le gosse, celui qui t’a frappé… il va te dénoncer, c’est par lui qu’ils te haïront…

TUE-LE !

Akodo se releva avec difficulté, le dos voûté, les bras ballants, comme s’il n’avait plus vraiment le contrôle de son corps. Il redressa lentement la tête, et Konohamaru put voir que ses yeux étaient étranges. On aurait dit qu’ils changeaient, insensiblement. Le jeune homme connaissait ses devoirs. Ce n’était plus seulement d’une dispute qu’il s’agissait : ce type était peut-être dangereux, il fallait le neutraliser.

D’un bond, il s’élança en arrière et porta la main à son fourre-tout. Il ne lui fallut qu’un instant pour se préparer. Avant même qu’Akodo ait put mettre assez d’ordre dans sa tête pour penser à agir, Konohamaru avait lancé un shuriken vers lui. D’un mouvement souple du poignet, le jeune homme usa du fil d’acier qui le reliait à son arme pour lui donner un effet. La petite étoile d’acier forma un tourbillon qui ligota vivement les mains d’Akodo, qui apparemment n’opposait aucune résistance.

Apparemment.

Il releva la tête et Konohamaru vit clairement que ses yeux, mordorés il y a quelques instants, avaient pris une étrange teinte, presque métallique… Akodo se libéra d’un geste du fil d’acier, et marcha vers son adversaire d’un pas lent et toujours hésitant. Il semblait avoir du mal à bouger, et ses traits semblaient eux aussi hésiter entre colère et frayeur. Mais avant tout, ils exprimaient un effort douloureux, comme s’il luttait contre lui-même.

Konohamaru avait essayé la manière douce. Il fallait essayer autre chose. Ses mains se joignirent rapidement et formèrent le sceau de la Chèvre, tandis que son visage s’ornait d’une froide détermination, si forte qu’elle sembla faire disparaître les quelques traces d’enfance dans ses traits. Il récita d’une voix calme ces syllabes qui avaient scandé des jours et des jours d’entraînement au fil des ans.
Gofuku Ninpô…

Il fut interrompu par un bruit caractéristique, ce bruit entre la feuille froissée, le souffle du vent et le chuintement de la lame, ce bruit si particulier que produit un ninja en fendant les airs. Deux personnages en costume gris étaient là, à ses côtés, l’un d’entre la main sur son épaule.
-Jeune maître…

Konohamaru n’avait pas besoin d’en entendre plus : il avait assez de jugeote pour comprendre que si Hagane Kotetsu et Kamizuki Izumo étaient venus, c’était sur ordre de l’Hokage. Et malgré toute sa fierté, il savait pertinemment que s’opposer aux ordres de Godaime n’était absolument pas en son pouvoir, et n’était sûrement pas ce que son aïeul lui aurait conseillé. Aussi baissa-t-il les bras avec calme, mais sans relâcher la tension de son regard, toujours braqué sur l’individu qu’il avait voulu neutraliser.

Izumo s’approcha rapidement d’Akodo, l’arrêta d’une légère secousse sur son épaule, et lui parla en détachant les syllabes, comme s’il tentait de se faire comprendre d’un étranger :
-Asano Akodo, est-ce que vous m’entendez ?
La voix d’Akodo était plus rauque qu’à l’accoutumée, mais il semblait avoir plus moins repris le contrôle de lui-même.
-Je… oui, mais qui…
-Tout d’abord prends ceci : ça t’aidera à te calmer.
Le chuunin tendit sa main, paume ouverte, et Akodo y prit la petite pilule brune.

Il hésita un instant.
-Fais-moi confiance : si je voulais te faire du mal, je n’aurais pas besoin de ça, dit Izumo, un sourire aux lèvres.

Akodo respirait lourdement. Il porta une main tremblante à sa bouche, croqua et avala. Il ferma les yeux, et lorsqu’il les rouvrit, ils avaient repris leur couleur mordorée habituelle. Sa respiration ralentit, ses muscles se relâchèrent : il lui semblait que toute la tension avait disparu en quelques secondes. Il n’y avait plus rien. C’était une sensation très étrange, d’autant plus que cette fois-ci toute cette rancœur, la soif, le sang, le sifflement dans son âme, tout cela s’était évanoui si soudainement, mais sans laisser la place aux cris, à l’odeur de la mort et à la honte. Pas cette fois-ci. Il n’y avait rien. Rien d’autre que la conscience de son corps libéré de la soif, et la rumeur de la ville revenant à ses oreilles. C’était un état nouveau.

Izumo lui demanda après quelques secondes, pour lui laisser le temps de reprendre ses esprits :
-Ca va ?
-Bien… dit Akodo avant d’ajouter, presque spontanément, merci.
-Bon. Et maintenant, si tu veux bien nous suivre, Godaime-sama voudrait te voir.
Konohamaru fit un pas pour affirmer sa présence avant de s’exprimer.
-Vous êtes bien sûrs que…
-Nous répondons de lui, jeune maître, fit Kotetsu.
Le jeune homme soupira et opina brièvement du chef.
-Bon, d’accord.

Il tourna les talons et se dirigea à pas tranquilles vers le bruissement cosmopolite de la rue. Mais Akodo pouvait sentir son regard plein de méfiance sur lui. Il préféra ne pas y prêter attention, et suivit volontiers les deux chuunin dans les rues de Konoha. Ce qui lui avait semblé être un labyrinthe inextricable lorsqu’il l’avait vu de la colline, n’était apparemment pour les deux shinobis qu’un parcours marqué par l’expérience, et aussi un ennui mêlé de tendresse. Akodo n’avait malgré son aigreur rien perdu de son intuition en ce qui concernait les sentiments, et il voyait bien que ces hommes aimaient leur village : c’était comme si leurs pas mêmes reflétaient leur dévotion, et comme si la pierre le leur rendait. Mais à cette époque, il avait cessé de comprendre ces choses.

Il arrivèrent au bout de quelques minutes au pied de la falaise aux visages de pierre. Se dressait devant Akodo un grand bâtiment circulaire aux toits rouges, dont le sommet, couronné de grands pylônes, formait une esplanade qui surplombait le village. Le kanji du Feu semblait l’observer de sa symbolique millénaire, et Akodo se rappela le respect qu’il avait cru ressentir pour les profondeurs des yeux de l’enfant, les légendes de son enfance, la sensation de petitesse qu’il avait éprouvée devant le spectacle de la métropole écrasante. Tout semblait se concentrer en ce symbole, sur ce bâtiment. C’était ici que s’entremêlaient légendes du passé et cités du présent, c’était dans ces pierres que battait le cœur du village. Il le sentait. Konoha semblait avoir éveillé en lui une présence, la conscience d’une chose plus grande que les hommes qui l’avaient édifié. Tout prenait une importance plus grande à l’ombre des mythes guerriers d’autrefois et sous le respect qu’ils inspiraient à tous.

Les portes s’ouvrirent et les escaliers défilèrent jusqu’au dernier étage, où l’attendait une large porte à double-battant. Ils s’arrêtèrent là et Kotetsu se tourna vers lui :
-Bon, avant d’entrer je dois te faire un petit topo au sujet de Godaime-sama. Tu as peut-être déjà entendu parler d’elle : il s’agit de Tsunade, l’un des Sannin.
Akodo eut envie de se frapper le front : ça paraissait tellement évident à présent.
-Elle est plutôt susceptible, donc je te conseille d’être poli et surtout de ne pas faire de remarque sur son apparence.

C’était tout de même étrange : Akodo connaissait bien les histoires qui circulaient au sujet des Sannin. Tsunade était réputée pour être un vrai pigeon, et elle changeait d’apparence pour échapper à ses créanciers. Mais d’un autre côté, qu’elle soit Hokage impliquait un comportement bien plus mature, et Akodo avait du mal à s’imaginer un être d’un tel rang modifier son apparence pour paraître plus jeune. En toute logique, puisqu’elle était Hokage depuis près de 6 ans déjà, elle devrait avoir l’apparence d’une femme d’un peu plus de 50 ans. Dans l’esprit d’Akodo c’était la solution la plus logique : pour lui, le meilleur exemple d’Hokage était Sandaime, et Sandaime n’avait jamais caché ni démenti son grand âge. Il ne voyait pas pourquoi sa disciple, une des respectables Sannin et qui plus est son héritière au poste d’Hokage, en ferait autrement. Moralité, il n’y aurait aucune remarque à faire sur son apparence.

Voyant qu’Akodo approuvait, Izumo ouvrit la porte et ils entrèrent. Cette grande pièce rond, suffisamment large pour accueillir une réunion majeure, paraissait d’autant plus étendue qu’elle n’était pas meublée de grand-chose : seules quelques étagères rasaient les murs, de sorte que le bureau qui faisait face à la porte semblait étrangement distant, d’autant plus que le zénith semblait s’infiltrer dans la pièce par la grande baie vitrée, troublant la vue d’Akodo.

En se rapprochant il put voir ceux qui l’attendaient. A la gauche du bureau, faisant face à la vitre, se tenait un shinobi portant l’uniforme complet de Konoha. Mais lorsqu’il se retourna pour voir ceux qui étaient entrés, Akodo vit qu’il était tout sauf ordinaire : la spirale sur le dos de sa veste était couverte par un long catogan de jais, et sous la plaque d’acier de son bandeau, son visage aux traits nobles s’ornait de deux yeux qui étaient tels des perles immaculées, semblables à celles qu’Akodo portait autour de son cou. Lorsqu’il aperçut le jeune homme, son visage prit une expression attristée et attendrie tout à la fois.

A la droite du bureau, une jeune femme aux cheveux mi-longs, vêtue d’un yukata noir, une liasse de documents dans les bras. Elle semblait être en pleine discussion avec la femme qui était au bureau.

A peine plus vieille que son interlocutrice, cette femme aux cheveux blonds se démarquait par l’étrange petit losange pourpre qui ornait son front et par ses yeux dans lesquels Akodo crut voir le même genre de fierté que dans ceux de Konohamaru. Mais apparemment, pas plus d’Hokage de 55 ans dans cette pièce que de politicien en paradis.

Kotetsu toussota et prit la parole :
-Hokage-sama ? Voici Asano Akodo.
Tsunade joignit les mains et fixa Akodo de son regard inquisiteur.
-Qu’est-il arrivé à ses mains ?
Instinctivement, Akodo leva ses mains et vit la trace rouge laissée sur ses poignets par le fil d’acier de Konohamaru.
-Oh, il a eu un accrochage avec Konohamaru, fit Izumo.
Tsunade haussa les sourcils.
-Il se fait remarquer dès son arrivée…

Akodo, pour sa part, arborait une expression de profond étonnement.
-C’est elle l’Hokage ? demanda-t-il à Izumo en pointant Tsunade du doigt.
Les fins sourcils de Godaime redescendirent de trois crans en une fraction de seconde tandis que son regard se faisait plus dur.
-Oui, c’est moi, pourquoi ?
-Parce que normalement vous devriez accuser la cinquantaine, répondit Akodo en toute franchise.

Malgré la distance, Akodo entendit clairement les poings de Tsunade se contracter et ses dents grincer en un bruit menaçant. Shizune ne s’y trompa pas et s’empressa d’apaiser l’atmosphère.
-Calmez-vous, Tsunade-sama ! dit-elle avec précipitation, avant de jeter un regard plein de reproches à Akodo.
Le jeune homme n’avait pas besoin d’un autre avertissement : il voyait bien maintenant que Tsunade, malgré son accession au poste d’Hokage, n’avait rien perdu de sa force, de son apparente jeunesse et surtout de sa susceptibilité légendaire.

Une fois Tsunade apaisée, Shizune fit un geste en direction du Hyûga qui était resté en retrait.
-Voici Hyûga Saito, membre de la Bunke et autrefois entraîné avec votre mère.
Saito traversa rapidement la salle, et plutôt que de s’incliner devant Akodo, il lui serra chaleureusement la main.
-Je suis désolé pour Mayumi. Je l’ai très bien connue…
Il se tut pendant un instant, fixant avec tristesse le visage d’Akodo, qui se sentit un peu gêné. Saito sembla se reprendre et conclut :
-Elle était mon amie. Je suis le tien.
-Je vais prendre le relais pour la suite Saito.

Tsunade avait parlé d’une voix étrange, le genre de voix qu’Akodo avait rarement entendue, une voix ferme mais sans dureté, ce qu’on appelait sûrement une voix de commandement.
-Tu te demandes sûrement pourquoi tu es ici.
Akodo approuva du chef.
-Je sais que Mayumi t’a formé aux bases, mais j’aimerais voir de quoi tu es capable, y compris du point de vue de ta…particularité. Si tu te montres satisfaisant, le titre de shinobi de Konoha te sera accordé. Donc n’aies pas peur de forcer, nous sommes trois médecins ici.
Akodo prit une grande inspiration : il avait une occasion de se tailler une place légitime dans ce monde nouveau. La seule solution à ses problèmes se trouvait à sa portée à présent, il ne fallait pas la laisser lui échapper.
-Je suis prêt.
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Tayuya
Gennin
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Message par Tayuya »

Ouais excuse, je suis en retard pour commenter cette fic mais je suis en période de partiels donc c'est un peu délicat de me tout lire surtout qu'elle est plutôt longue celle-ci ^^

Eh ben je dirais que c'est à l'image du Passé Blanc : presque impec. Je dis presque parce que les descriptions, des paysages ou des sentiments d'Akodo, trainent parfois en longueur disons. C'est très très bien écrit, là n'est pas la question mais on est parfois tenté de décrocher et de sauter des passages pour arriver à quelque chose de plus vif. Cela dit, pour cerner vraiment le personnage c'est sans doute nécessaire...

Il est space cet Akodo mais j'éprouve un certaine... sympathie pour lui, de la compassion. Il est plutôt attachant. Il me rappelle un peu Gaara. Son basculement psychologique est bien mené et cohérent. Je me demande si ya pas autre chose quand même que le choc de la mort de ses parents... On verra.

J'ai bien aimé aussi la façon dont tu décris Konoha. On découvre un point de vue différent, celui d'un étranger qui a jamais vu de village militaire, et pour qui Konoha parait immense. L'aura de légendes, de pouvoir, d'amour que tu exprimes à travers les yeux de Akodo quand il voit par exemple le kanji du Feu, c'est super.

Et enfin l'entrevue avec Tsunade est bien menée aussi. m'a fait sourire la façon dont tu as décris Tsunade "mais pas la moindre Hokage de 50 ans en vue" :lol:

Donc ben, très bonne fic en perspective. ;-) à part le coup des descriptions lol
Asano Akodo
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Message par Asano Akodo »

c'étais prévisible, la réflexion sur la longueur, mais bon comme je le dis on s'y attendait. Normalement il n'y a plus de grandes descriptions paysagères ou psychologique (ou juste dans les deux qui viennent mais pas grand chose de plus) de cet accabis dans les prochains chapitres
même si ce premier jet le laisse penser, cette fic est nettement moins euh... lente et contemplative que le Passé Blanc (bien que Kanji reste Kanji, et son style le sien) mais bon.

je tenais beaucoup à l'entrée dans Konoha, en fait une des bases de ma fic c'est que l'on suive un perso qui découvre selon son point de vue un monde qui nous est parfaitement connu.

bon je vous laisse à la lecture mais là je vais manger
Kazekage le 3e
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Message par Kazekage le 3e »

Asano Akodo a écrit :mais c'est pas grave le 3e on te pardonne n'empêche ça m'a fait bien rire
:grin:
Merde faut que j'arrete le sakè :lol: sinon je risque d'oublier le nom de ma femme :mrgreen: , et la c'est sure qu'elle va me transformer en marionette :mrgreen: ; en tout cas j'aime bien ta fic alors surtout continue et fait tourner tes meninges .
Je trouve ta fic assez original et je me pose plein de questions qui j'espere trouveront des rèponses dans la suite de ta fic.
Il n'y a pas de mort , il y a la force.
Kanji
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Message par Kanji »

J'en ai pas l'air, mais j'ai tout de même retenu vos remarques sur la longueur, et je m'essaie à quelque chose de plus concis. Néanmoins je ne peux pas dire que je me sois pressé pour ça non plus :lol: , donc je vous demande un peu de patience, sachant que cette fic a tout de même pour elle d'être plus active que le Passé blanc, à savoir qu'à priori le scénar', lui, ne va pas trop traîner en longueur, si toutefois vous savez repérer et apprécier les indices de son évolution (pas trop durs à repérer je vous rassure). L'embêtant c'est surtout que vous avez près de 19 chapitres déjà écrits pour cette fic, donc pour voir les changements de mon style d'écriture il faudra plus regarde du côté du Passé blanc.
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