L'Héritage, saison 2

Tu débordes d'imagination scénaristique. Tu as imaginé des histoires parallèles à celle de Naruto. Alors asseyons-nous autour d'un feu et raconte-nous ton histoire dans le monde des ninjas.

Modérateur : Ero-modos

Tayuya
Gennin
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Message par Tayuya »

Ouah, m'y attendais pas à celle-là ^^ j'étais vraiment à 100 lieues de penser à lui...
C'est pas mal la façon dont tu décris ses pouvoirs bien qu'un peu lent. Un peu trop de description encore sur l'atmosphère ou les pensées d'Akodo sur sa progression en méditation.

Le passage où il visite la maison des Uchiwa (enfin j'imagine que c celle-là) ne m'a pas paru très utile. Bien écrit mais il n'apporte pas grand chose.

Par contre, j'ai beaucoup aimé comment Kakashi rembarre Akodo à propos des retards :grin: et pan! lol m'a un peu agacée le jeune homme sur ce coup (toutes façons, il a pas le droit de critiquer Kakashi :lol: )

J'espère que ça bouge un peu plus par la suite ^^
Asano Akodo
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Message par Asano Akodo »

on a voulu que cet épisode marque un peu le coup, c'est quand même le premier grand tournant de la fic, et l'officialisation de la liaison entre nos deux fics. et oui, c'est lui.

sinon je voulais replacer les fameuses deux phrases de Kakashi, et tant qu'à faire autant que ce soit Akodo qui en fasse les frais, ça lui apprendra (et oui on ne touche pas à Kakashi, c'est lui le plus mieux, enfin un des plus mieux), et je trouve que ça tombe pas trop mal là.

et non ça n'es pas une maison Uchiwa, les Uchiwa ont tout un quartier, ça c'est une petite maison paumée dans un parc de Konoha.

puis pour ce qui est de comment le style va évoluer, la guerre va rentrer de plein pied dans la fic dans quatre chapitres, avec viendront les premiers morts.

allez GET READY FOR SEASON 2!!!
aller va lire la charte va! tu sauras mettre une sign à la bonne taille comme ça!
Kanji
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Message par Kanji »

Les pierres du souvenir

Les épaules vêtues de noir d’Akodo se soulevaient irrégulièrement tandis que sa respiration puissante se faisait plus calme et que ses yeux métalliques scrutaient le visage impassible de l’ermite ; les traits émaciés n’étaient troublés que par une mèche au bout de laquelle pendait paresseusement un petit pinceau de calligraphie. Le souffle d’Akodo redevint totalement calme au moment où ses yeux se posèrent sur le front de Neko-sennin, qui était marqué du kanji « Blanc ».

Le silence régnait de nouveau dans la demeure de l’ermite, mais il semblait à la team 7 que ce silence était encore plus tendu qu’auparavant, comme si la voix furieuse d’Akodo continuait de résonner. Il ne s’était passé que quelques secondes, mais Naruto et Sakura avaient l’impression qu’ils se faisaient face depuis une éternité ; agenouillé, hiératique, l’ermite gardait ses yeux immaculés sur l’adolescent aux yeux d’airain, dont le sourire malsain s’était orné de satisfaction.

Au bout de quelques minutes, l’airain perdit de son éclat féroce et Akodo se rassit, un sourire plus calme aux lèvres. Le Byakugan garda fixé sur lui son regard à l’acuité inhumaine. Tout comme les yeux des deux jeune jônins restaient fixés sur lui, empli d’incrédulité. Mais Akodo ne les remarqua qu’au bout de quelques secondes.
-Quoi ?
-Tu te rends compte de ce que tu viens de faire ?
Sakura était incrédule et presque effrayée, mais Akodo ne s’en soucia pas.
-Oui.
-Et… ?
-Et rien. Je devais le faire.
Naruto ne put se retenir et haussa la voix.
-Mais merde qu’est-ce qui t’es passé par la tête ?! Il a tué pour moins que ça !
-Ca aurait pu être l’Hokage, je l’aurais fait quand même.
Akodo ne semblait pas le moins du monde affecté par ce qu’il venait de dire ; non content d’avoir insulté son hôte, il affichait un air à la fois satisfait et préoccupé, comme un stratège qui, après un succès, songe au coup suivant.

Kakashi posa sur lui un regard sévère.
-Tes débuts en tant que shinobi ne sont pas vraiment concluants…Tant pis, vous trois ramassez vos affaires…
-Ce n’est pas fini Kakashi.
Le ninja copieur jeta un cou d’œil inquiet en direction de l’ermite.
-Akodo et moi avons à parler.
Ce n’est qu’à moitié rassuré que Kakashi fit signe aux deux autres de se rassoir. Akodo souriait toujours : l’ermite avait relevé le gant.

Neko-sennin prit la parole en premier.
-Akodo-kun, ce que t’a dit Naruto-kun est au moins partiellement vrai.
-Si tu le dis.
Sakura et Naruto étaient toujours abasourdis par l’insolence dont Akodo faisait preuve devant un homme qui aurait pu le faire taire d’une pensée, et ce définitivement. Mais l’ermite se contenta de sourire, étrangement.
-Ta mère aurait probablement…
-Parle pas de ma mère comme si tu la connaissais.
Le sourire disparut. Akodo avait parlé d’une voix calme mais sèche. Kakashi attendit le prochain coup : un duel venait de se mettre en place, et l’issue semblait soudain incertaine. Car l’ermite gardait le silence.
-Et maintenant réponds : c’est oui ou c’est non ? demanda Akodo d’une voix calme et implacable.
Pas de réponse, seuls les yeux blancs qui le dévisageaient. Akodo se leva et remit ses sandales.

Kakashi était perplexe, mais ce fut Sakura qui brisa le silence.
-Akodo ?
-Désolé : je viens seulement de me rendre compte à quel point j’ai été stupide. Il vaut mieux que je parte.
-Heureuse que tu le reconnaisses.
-Ouais, même moi j’aurais pas osé…
Akodo se retourna vers les jeunes jônins : son visage ne montrait pas le moindre signe de repentir.
-Je parle de ce que je viens de lui demander : c’est stupide parce que j’en ai rien à foutre de la réponse. Je ne veux pas de ça pour sensei.
Sakura et Naruto retombèrent dans l’étonnement. Kakashi se contenta de secouer la tête. L’ermite resta agenouillé. Fude se faisait les griffes sur le tatami, comme pour briser le silence et compter les points.
-Vous voulez savoir pourquoi ?
Il se rapprocha de son adversaire.
-Je suis prêt à parier que vous voulez le savoir.
Silence. Neko-sennin n’avait rien à répondre. Akodo s’adressa à ses compagnons.
-Accepteriez vous le cadavre d’un traître menteur, peureux, insensible et aveugle comme sensei ?

Il n’attendit pas la réponse, ramassa son sac et sortit. Naruto et Sakura le suivirent avec précipitation. Kakashi haussa les épaules, adressa un signe de tête à l’ermite et sortit à son tour. Après plusieurs minutes, Fude vint se poser en face de son maître, qui avait refermé les yeux.
-Alors ? demanda-t-il de sa voix rauque.
-Il me laisse une impression étrange.
-Tu m’étonnes : ça fait 10 ans que tu n’a pas connu ça. Ca s’appelle la défaite.
Un sourire nostalgique orna son visage émacié. Il parla d’une voix fatiguée.
-Va les chercher, tu veux ?
Fude resta assis et fit une petite moue.
-S’il te plaît.
Il y eut un éclair blanc et Fude ne fut soudain plus là.

A l’extérieur, Akodo s’était assis sur le roc colossal qui trônait au milieu de la carrière ; il attendait. Kakashi attendait, adossé tranquillement à ce même rocher, comme s’il savait ce qu’il fallait attendre. Mais Naruto et Sakura ne comprenaient pas vraiment.
-Eh ben alors, qu’est-ce qu’on fait finalement ? On se barre où on reste ? demanda Naruto, qui commençait à en avoir assez de toutes ces stratégies.
-Laisse tomber, Naruto…Sakura, pour sa part, commençait à en avoir assez d’entendre Naruto se plaindre.
-Taisez-vous, tous les deux, fit Kakashi. Il y a encore une chance pour que ces deux là s’acceptent. Mais il faut attendre.
-D’accord, mais pourquoi est-ce que tu t’es mis à déblatérer ces conneries ?
Akodo ferma les yeux, et après réflexion, consentit à exposer ses raisons.
-Je connais ce type. Enfin, ma mère le connaissait : elle m’en a souvent parlé comme un de ses meilleurs amis. D’après elle, c’était un des seuls « atypiques » du clan, comme elle, un des seuls qui ait vraiment de la personnalité, et surtout de la franchise.
-Là c’est sûr qu’il a changé…T’es bien sûr que c’est celui que tu crois ?
-Non. C’est pas celui que ma mère a connu.
Même Naruto avait parfaitement compris ce qu’il voulait dire par là.

Le vent souffla, enlaçant le rocher de son étreinte éphémère et soulevant les feuilles en tourbillons, tandis qu’Akodo, les yeux fermés, se remémorait les paroles de sa mère au sujet de Kanjiro.
-Ma mère m’a dit un jour que les gens tels que lui ont une façon personnelle d’aborder la voie du ninja.
Naruto sourit légèrement.
-Lui avait décidé de se conformer aux coutumes du clan, juste pour parvenir à sa tête. Il était l’héritier de la Sôke, et il pouvait devenir patriarche, si les anciens du clan l’acceptaient. Il a fait ça parce qu’il voulait changer le clan, et le tirer de son insensibilité.
La voix d’Akodo était bien moins ferme qu’auparavant, et Sakura compris que Kanjiro était pour lui bien plus qu’une lointaine connaissance de sa mère : c’était la tristesse et la nostalgie qui faisaient trembler sa voix alors qu’il parlait de l’homme qu’il avait autrefois admiré.
-Il avait consacré sa vie entière à ça : il voulait changer cette froideur et faire sortir le clan de son immobilisme. Et voilà ce qu’il est devenu. C’est un traître à son nindô et à son clan : il les a abandonnés et a laissé sa famille inchangée. Vous avez bien vu son yukata : droit sur gauche, comme les morts. Ce mec a eu peur de quelque chose, il a reculé devant les épreuves que sa voie lui réservait et il a préféré mourir. Y a qu’à le voir pour comprendre : sa maison ressemble à une tombe, il s’habille comme un mort…
-C’est vrai que j’ai jamais vu quelqu’un d’aussi sinistre…enfin je crois.
Naruto avait vu pas mal de personnes sinistres dans sa vie, mais Neko-sennin l’avait vraiment impressionné.
-Akodo…tu ne crois pas que tu t’avances un peu trop ? Après tout tu ne sais pas ce qui lui est arrivé depuis que ta mère l’a rencontré.
Comme d’habitude, Sakura posait les bonnes questions.
-Je dis ce qui me vient à l’esprit en le voyant : s’il peut voir tout en gardant les yeux fermés, c’est qu’il garde en permanence son Byakugan actif.
Elle sembla prendre l’ampleur de ces paroles.
-C’est à peine croyable…la seule personne que je connaisse qui puisse maintenir un dôjutsu de la sorte, c’est…
-Uchiha Itachi, compléta Naruto.
-Il y a une vieille légende qui prétend qu’un Byakugan ne peut pas pleurer ; mais la vérité c’est qu’il ne le peut pas tant qu’il est actif. Il a peur d’être trompé…
Si le Byakugan guidait sans cesse ses yeux, alors Neko-sennin ne voyait que la vérité…évidente et implacable. Il ne serait même pas capable de voir que les cheveux d’Akodo étaient roux…Le jeune genin en était sûr : ce n’était pas Kanjiro, ce n’était que son cadavre. Malgré ses yeux, cet ermite ne savait rien, il était insensible et froid.
-Neko-sennin refusera de m’avoir comme élève, et je le refuserais comme sensei. Mais s’il me présente ses excuses…c’est Kanjiro que je veux pour sensei, pas ça.
Kakashi secoua de nouveau la tête. Akodo n’y prêta pas attention : il était confiant. Il se savait avoir raison, et il en était certain, Neko-sennin ne méritait pas un instant son attention : cet homme qu’il avait devant lui était un lâche, rien de plus. Qu’il s’excuse et Akodo accepterait son enseignement.

Une petite tache blanche franchit rapidement le seuil de la maison et ralentit à mesure qu’elle s’approchait d’eux. Fude s’arrêta à quelques mètres du rocher. Akodo était sûr qu’il souriait à présent.
-Cette vieille bourrique vous invite à rester pour la nuit.
Kakashi se décolla du rocher.
-Je pense qu’on va accepter, n’est-ce pas Akodo ?
D’un seul coup, l’autorité que le genin semblait avoir pris sur les décisions de la team s’évanouit. Il n’y avait pas besoin d’en dire plus.

Le reste de la journée se déroula tranquillement, en discussions pour les vieux et en séances d’entraînement pour les jeunes. A défaut d’être sensible, Neko-sennin faisait un thé excellent, et Fude pouvait détendre l’atmosphère en un clin d’œil, que ce soit par une remarque caustique ou par un comportement qui tenait largement plus du chat que de l’être intelligent. Somme toute, la journée passa paresseusement. Mais la question restait en suspens dans l’air, et pesait d’autant plus que Neko-sennin ne semblait pas avoir changé d’avis : rien ne venait troubler son visage, rien ne détournait ses yeux fermés des profondeurs amères du thé, et rien ne faisait trembler sa main. Il restait de marbre, même lorsque Fude sautait brusquement sur ses genoux et lui offrait son ventre en ronronnant. Après le dîner, Akodo se coucha avec le reste de sa team, mais il ne s’endormit pas : sa confiance s’effritait au fur et à mesure, et révélait l’angoisse de l’échec. L’ermite ne semblait pas décider à changer d’avis, et restait totalement insensible ; Akodo ne savait soudain plus quoi faire : il n’avait pas véritablement envisagé l’échec. Mais avec cette angoisse venait aussi l’amertume : comme de juste, l’ermite était bien ce qu’Akodo avait imaginé. Le mépris du genin grandit avec les heures : ce duel qu’ils avaient engagé se terminait par un forfait. Pour Akodo, Neko-sennin capitulait ; mais c’était une victoire amère, car elle n’engendrerait probablement rien.

Tandis que la nuit endormait peu à peu ses pensées, Akodo s’efforça de se calmer ; et il tenta à nouveau de méditer, même s’il s’en savait incapable. Il ferma les yeux et laissa ses sens glisser le long de la nuit, espérant que son sommeil en serait plus doux. Mais lorsqu’il tendit l’oreille, il entendit une chose à laquelle il ne s’attendait pas. Il entendit des voix.

Il se leva rapidement et constata que Kakashi et Neko-sennin n’étaient pas couchés. Ils n’étaient d’ailleurs pas là du tout. Mais il entendait leurs voix. Suivant son oreille, il sortit de la maison et balaya la carrière du regard.

La pleine lune avait posé son regard sur ce lieu et l’éclairait de sa lueur diaphane ; le temps semblait suspendu, alors que cette lumière pâle frappait le mur de la maison, avec tant de force qu’on aurait cru que la bicoque allait s’écrouler. Le regard d’Akodo s’arrêta sur la cascade et la rivière : la lumière caressait l’eau mouvante, jouait sur sa surface fuyante pour créer un insignifiant ballet qui pourtant captivait l’attention. Akodo aurait pu regarder pendant des heures les jeux complexes de la lune sur l’eau, mais les voix qui résonnaient doucement dans la clairière le rappelèrent à la réalité. Kakashi et l’ermite étaient, semblait-il, de l’autre côté du rocher. Akodo resta là où il était et écouta.
-…effectivement, on dirait que ses pouvoirs restent en bonne partie inconnus.
-Même Saito-san n’est pas sûr des possibilités qu’il a.
-Je comprends maintenant pourquoi Tsunade-sama a voulu faire appel à moi, mais n’importe quel Hyûga un tant soit peu compétent suffirait : de ce point de vue, Saito-san est bien mieux placé que moi. Je ne connais pas assez Akodo.
-Pourquoi t’aurait-il demandé ton avis, dans ce cas ?
-Parce qu’il croit que nous sommes égaux sur ce plan ; mais il n’a jamais eu vraiment confiance en lui.
-En parlant de ça, tu as pu l’examiner ?
-9 majeurs.
-…Donc Saito-san avait raison.
-Comme tu peux le voir, Kakashi, je ne suis pas le mieux placé pour m’occuper d’Akodo.
-Tu oublies les crises. Il viendra forcément un moment où Saito-san ne sera plus assez puissant pour neutraliser Akodo.
-Même si cela arrivait, Konoha compte nombre de shinobis qui en seraient capables. A moins que tu te sois ramolli avec l’âge, Kakashi.
-Toi et moi ne sommes pas si vieux.

Akodo était un peu surpris, notamment par l’ermite : il était bien moins froid qu’auparavant. Mais, après tout, ces deux là s’étaient connus il y a bien longtemps : Akodo n’avait jamais vraiment prêté attention à leurs conversations, et il voyait maintenant que l’ermite se déridait un peu lorsqu’il parlait avec Kakashi. Il avait même cru l’entendre rire lorsque Kakashi avait évoqué leur âge…le jeune genin ne voyait pas vraiment ce dont il fallait rire.
-Et que te dit Saito-san sur le clan ?
-Apparemment Hiashi-sama songe à désigner son remplaçant : lui se fait effectivement vieux.
-Et à qui songe-t-il ?
-Impossible de savoir. Il y a tellement de tractations et de convenances qu’envisager quelqu’un à haute voix est imprudent.
-Ca n’a pas tellement changé, pas vrai ?
Il y eut soudain un silence.
-Je n’ai pas besoin de toi pour être nostalgique, Kakashi. Je suis content que nous puissions un peu discuter de tout ça, mais il est inutile de tenter de me faire plier en m’agitant la situation du clan sous le nez.
-Je suis ici pour ça, Kanjiro.

Le doute envahit lentement Akodo : s’il était si insensible, pourquoi l’ermite se tiendrait-il au courant de tout ça ? Toute cette discussion compromettait tout ce qu’il avait pensé au sujet de Neko-sennin…
-Alors, gamin, on arrive pas à dormir ?
Akodo tomba à la renverse : sentir subitement la voix et les moustaches de Fude lui effleurer l’oreille était pour le moins surprenant. Il tenta de balbutier un semblant d’excuse.
-Tu pensais vraiment pouvoir te cacher ?
Neko-sennin était adossé au mur, le visage baissé vers Akodo.
-Apparemment t’as pas autant de jugeote que je ne le pensais, fit Fude avant de sauter prestement sur l’épaule de l’ermite.
-Va te coucher, Akodo-kun. Vous avez une longue route à faire demain.
Akodo fulminait intérieurement d’être aussi ridicule. Les doutes avaient disparu. Il sauta sur ses jambes.
-Si ça ne tenait qu’à moi, je passerais pas une minute de plus ici !
L’ermite se retourna doucement vers lui.
-La porte est ouverte.

Akodo sentit son monde céder sous une menace terrible, cette pression qui l’avait empêché d’entrer ; mais elle écrasait maintenant tout son corps, comme si l’air lui-même l’accablait de toute sa force. Mais bien vite tout cela n’eut plus d’importance : Akodo sentit son souffle lui échapper tandis que Neko-sennin fronçait légèrement les sourcils. Ce changement, si insignifiant, prenait maintenant une symbolique dantesque : la pression qui se dégageait du chakra de l’ermite était telle que le monde entier semblait suspendu à sa volonté, comme si le moindre frémissement de son âme pouvait engendrer le plus grand des cataclysmes. Et ces yeux, ces yeux invisibles mais si horriblement présents…ces yeux qui semblaient voir jusqu’aux tréfonds de son âme…

Akodo tomba à genoux devant la silhouette hiératique de l’ermite, qui sembla scintiller dans la lumière de la lune.
-Ca suffit, Kanjiro !
La voix de Kakashi sembla briser la terrible pression qui menaçait d’écraser le jeune genin. Mais Akodo ne put se relever : sa respiration était lourde et il n’osait pas lever les yeux. Il trembla de plus belle en entendant la voix froide et parfaitement calme de l’ermite.
-Je peux comprendre que tu ne m’apprécie pas. Mais il y a des limites à l’impolitesse.
Il n’y avait pas le moindre signe de colère chez Neko-sennin, pas le moindre tremblement dans sa voix.
-Avant de penser avoir gagné, souviens-toi que tu n’es rien, car la mort est ton maître.
La vérité frappa Akodo avec violence : peu importe son insolence, peu importe les mots ; à la fin, il était autant, face à Neko-sennin, qu’une souris face à un tigre. Peu importait que l’ermite ne réponde pas à ses provocations : il n’en tenait pas moins la vie du genin entre ses mains.
-Va te coucher.

Il fallut plusieurs minutes à Akodo pour reprendre complètement son souffle. Il n’avait même plus la force de maudire l’ermite, même dans son esprit. Il suivit Kakashi dans la maison et se glissa sous la couverture ; il aurait bien voulu ruminer de sombres pensées, mais il était si exténué qu’il s’endormit tout de suite.

Aussitôt qu’il eut sombré dans les brumes réparatrices du sommeil, elles s’animèrent et prirent forme pour le plonger dans un rêve. Lorsque le brouillard se dissipa, il se retrouva dans la grand rue d’un petit village. Et, alors que son corps prenait la mesure de son existence dans ce monde issu des profondeurs de son esprit, Akodo frissonna de tout son être : ce village était le sien. Il s’avança avec hésitation, fendant la couche de brouillard qui lui arrivait aux genoux ; ses yeux s’efforcèrent de distinguer quelque chose à travers la brume, mais son âme espérait de toute sa force qu’il n’y avait rien à voir. Car elle savait la nature de ce qui pouvait se trouver dans ce rêve.

Et son espoir tomba en poussière lorsqu’elle vit. Les maisons n’étaient peuplées que de statues, toutes de pierres différentes : parodies de basalte, de granit, d’ardoise…tous figés dans des positions grotesques, le visage déformé par un hurlement silencieux qui exprimait la terreur qu’ils avaient ressentie avant de…Akodo détourna le regard, courant tout en fermant les yeux : il ne pouvait supporter le spectacle de ces pitoyables et terrifiantes caricatures de vie, ces images pétrifiées qui le ramenaient à cette journée où il avait tout perdu.

Mais alors qu’il descendait la grand rue de toute la vitesse que le peur lui donnait, le paysage changea. Akodo était sorti du village, et était entré dans la forêt avoisinante. Mais elle était silencieuse : aucun oiseau ne faisait entendre son chant, pas même l’éther insaisissable… seul un bruit de cascade se manifestait, avec un calme étrange, comme si tout ici devait être silencieux, affaibli. Alors qu’il prêtait attention au silence, il entra dans une clairière…une clairière qu’il connaissait, plutôt une ancienne carrière, au centre de laquelle trônait une petite bicoque. Et pourtant rien dans l’immensité des roches ou l’immobilité des arbres n’égalait cette maison…

Et Akodo ressentit cette même impression d’être observé…mais elle était différente, bien plus oppressante. Il ne voulait pas continuer, il voulait se réveiller à tout prix, plutôt que de sentir à nouveau la menace terrible des yeux de l’ermite peser sur sa tête. Mais son corps ne semblait plus lui obéir : ses jambes voulaient avancer, comme si cette maison était le remède à tout les maux de la terre.

Et il ouvrit la porte, franchit le seuil, enleva ses sandales et entra. La maison était plongée dans l’obscurité, et cette silhouette malingre qui lui tournait le dos…mais Akodo vit avec une clarté surprenante qu’elle était plus petit qu’auparavant. Ses membres tremblaient tandis qu’il s’efforçait en vain de convaincre ses jambes de le faire sortir, tandis que l’ombre de l’ermite emplissait toute la pièce, jusqu’à toucher celle d’Akodo, et à en épouser les contours, avec une perfection troublante.

Et les yeux d’Akodo, semblant désobéir à leur propriétaire, se firent plus précis, jusqu’à percer les ténèbres. Et ils virent ce que le jeune homme n’aurait jamais voulu voir. A la place d’un catogan d’ébène, ils virent une masse de cheveux roux. Et Akodo sentit de nouveau ce regard terrible ; mais il ne venait pas de cette silhouette. Il venait de la bourse pendue à son cou. Le spectre de Mayumi se retourna lentement, comme pour laisser à Akodo tout le temps d’apprécier la terreur et l’appréhension qui se répandaient dans tous ses membres, comme si le sang de ses veines s’était fait glace.

Lentement, méthodiquement, les yeux fermés du fantôme s’ouvrirent, tandis que sa peau blanchissait, prenait un aspect poreux et s’effritait avec de plus en plus de rapidité. Lorsqu’elle ouvrit complètement les yeux, la statue de sel s’était réduite à un visage qui s’orna soudain de deux gouffres noirs. Akodo voulut hurler, mais il ne sentit que sa bouche se tordre et le froid se répandre un peu plus dans ses membres. Il ne pouvait plus bouger, figé dans une position grotesque, le visage déformé par un hurlement silencieux qui exprimait la terreur qu’il ressentait avec une acuité qui se faisait monstrueuse…et il se sentit aspiré peu à peu par ces abîmes de noirceurs infinis, tandis que ses yeux le brûlaient comme s’ils n’étaient plus que des braises rougeoyantes sur son visage, et qu’un son enflait dans son âme, un sifflement qui lui vrillait l’esprit…

Akodo se releva en sueur ; il croyait hurler, mais aucun son ne sortait de sa bouche ouverte. Tout ce qu’il entendait, c’était ce sifflement insupportable…il se reprit immédiatement et focalisa son regard sur les dernières braises qui mouraient dans l’âtre. Peu à peu, par un effort surhumain, il parvint à réprimer la crise, et sa respiration se ralentit.

Il ne voulait pas essayer de comprendre ce cauchemar. Il ne voulait pas y penser, et revoir encore une fois cette journée…rien que le fait de se trouver dans cette maison semblait raviver des souvenirs douloureux. Il était de nouveau à vif et sentait bien que cette minuscule demeure était envahie par la nostalgie, à tel point qu’il sentit sa tête tourner : il y avait tant de souvenirs dans cette maison…tellement qu’il était impossible de les distinguer. Mais tous étaient douloureux, tristes…

Akodo réalisa d’un coup à quel point cet endroit ruisselait de tristesse. Il avait cru que l’ermite s’était réfugié dans la mort pour échapper à ses responsabilités, par lâcheté, mais il pouvait presque sentir maintenant à quel point le courage était difficile à préserver.

Des voix résonnaient de nouveau dans la carrière. Les sens éprouvés d’Akodo purent distinguer la voix rauque et le ton mi-cynique mi-paternel de Fude.
-Ca doit bien faire 6 ans que je ne t’ai pas vu avec des yeux normaux…
Des yeux normaux…sans le Byakugan ? Il était difficile d’imaginer Neko-sennin ayant perdu son omniscience…Fude poursuivit.
-Il doit vraiment t’avoir chamboulé…

Akodo osa sortir : si le Byakugan était désactivé, il avait une chance de se cacher. Et l’ermite l’intriguait de plus en plus…La lune n’avait pas cessé d’éclairer la carrière, et l’ermite était assis sur le rocher. Mais il n’était pas agenouillé…Akodo plissa les yeux et vit qu’il était assis en tailleur, le dos voûté. La différence était saisissante : Akodo ne l’avait jamais vu que sur ses genoux, droit et inflexible. Ainsi voûté, dans une position plus relâchée, son aspect changeait totalement, comme s’il avait subitement abandonné sa froideur en même temps que son omniscience…la voix de l’ermite résonna, bien plus douce, mais aussi teintée d’une lassitude infinie.
-Il ressemble trop à sa mère…
-Saito-kun a remarqué ça, tout comme la majorité du clan.
-La majorité du clan ne sait rien…c’est pas à cause de ses cheveux qu’il lui ressemble tant…ils ne l’ont vu que faisant des courbettes pour s’excuser, pas leur disant leurs quatre vérités sans retenue et sans convenances.
-Je me suis toujours demandé si c’était la jalousie qui te la rendait si sympathique…
-Non…ma jalousie allait autre part…

Le jeune homme fut frappé par la justesse des propos de l’ermite : ce n’était pas lui quand il s’excusait volontairement devant Hiashi-sama. Quand il envoyait son ressentiment à la face de Neko-sennin sans se préoccuper des convenances, ça c’était lui…et c’était sa mère. Mais ce lui était devenu dangereux depuis un an…

Akodo ne comprenait pas pourquoi l’ermite aurait dû être jaloux de sa mère. L’ermite fut soudain prit d’une violente quinte de toux ; la lumière de la lune soulignait les contours de sa silhouette malingre.
-Quand je te parlais de défaite…le gamin a au moins partiellement raison, Kanji : t’es pas encore mort, mais ça va pas tarder…
Akodo, si prompt à pointer le côté macabre de Neko-sennin, ne sut que penser de cette nouvelle.
-Et à ton avis qu’est-ce que j’essayais de faire ces 10 dernières années, Fude…
-De toute façon tu as l’habitude…
L’étrange chat ne ménageait pas son maître…mais s’agissait-il de son maître ? Fude semblait lui faire doucement la leçon…
-Et pourquoi ça te bouleverse tant qu’il ressemble à sa mère ?
La question semblait presque rhétorique.
-…Il y a un an, quand j’ai appris la mort de Mayumi…Je n’ai pas pensé un seul instant à Akodo. Et je sais que j’ai eu tort.
-Je doute que tu aurais pu penser à quoi que ce soit d’autre qu’à elle, Kanji.
-Ce n’est pas une excuse…ça faisait six ans que tout ça était passé, que j’avais appris…
Il ne put finir sa phrase.
-Tout ça était si terriblement familier…ce genre de choses est bien plus fort si tu l’a déjà connu : le deuil n’est pas fait pour être familier.
Il leva la tête vers le ciel.
-Mais je crois que le pire a été ensuite…quand j’ai réalisé…
Un rire sans joie résonna doucement.
-…quand j’ai réalisé que j’aurais pu la sauver.
Fude rit à son tour.
-Comme tu dis, ce genre de choses n’est pas fait pour être familier…

Plusieurs minutes s’écoulèrent.
-Akodo-kun a raison finalement, Kanji…mais on le savait tous les deux.
-Je crois bien que je ne m’en suis jamais remis…depuis le début, je savais que c’était fini. Malgré tout ce qu’il me restait à faire, il n’y avait plus rien…je ne voyait plus rien d’autre. Il n’y a eu que le deuil…pendant 4 ans. Que pouvais-je faire d’autre ensuite ?
-Je ne vais pas te faire la morale Kanji : non seulement je ne suis pas là pour ça, mais je crois surtout que personne n’a le droit de te faire la morale.
-Mais Akodo-kun a sans doute raison…peut-être que j’ai vraiment eu peur de ne pas pouvoir tenir…peut-être que je n’ai pas été assez courageux. Mais j’ai bien peur de ne plus pouvoir revenir en arrière. Finalement, raison ou pas, il ne me reste rien d’autre…tout ce que je peux faire c’est rester ici…entasser les souvenirs comme des petites pierres…en attendant qu’elle vienne me prendre.
-C’est sur le bord du chemin qu’on entasse des pierres Kanji…tu n’a pas envie de te remettre à marcher ?
-Tu as entendu Akodo-kun…il ne veut pas d’une vieille bourrique comme moi. Et je pense qu’après la réponse que je lui ait faite, il n’y aura pas de négociations avec lui.
-Oh, pas besoin de négociations. J’ai probablement oublié de te le dire, mais il nous écoute depuis dix minutes.
Akodo était sûr que Fude souriait de toutes ses dents…et il le remercia du fond du cœur pour ce qu’il venait de faire.

Kanjiro se baissa avec une vivacité incroyable et, en moins d’une seconde, Fude se trouva suspendu dans ses mains.
-Fude, tu…
-Haha…je vous ai bien eu tout les deux, pas vrai ?
Kanjiro poussa un énorme soupir de lassitude.
-Oh…baka neko…
Il jeta le chat sans ménagement. Fude se réceptionna sans difficulté, comme s’il était plus léger qu’une feuille morte.
-Bon, eh ben je vais vous laisser discuter.
Il gambada gaiement vers la maison, avec un ridicule totalement assumé. En passant près d’Akodo, ce dernier crut voir le chat lui adresser un clin d’œil. Le jeune homme prit son courage à deux mains et s’approcha de la rivière, dont le doux chant se fit plus distinct, sans perdre de sa sérénité.

Kanjiro resta assis en tailleur sur le rocher, plus affalé qu’auparavant, l’air un peu embarrassé. C’était un autre homme. Tous deux contemplèrent la lune danser avec légèreté sur la surface de l’eau, pendant plusieurs minutes, des minutes qui semblèrent durer des jours…
-Tu sais…quand ta mère m’a annoncé qu’elle était enceinte de toi…je me suis tout de suite demandé ce que tu hériterais d’elle.
Il rit avec nostalgie.
-Et je me rappelle très bien que lorsque j’ai envisagé que tu hérites de son franc-parler, je me suis demandé comment je me débrouillerais face à un neveu pareil.
Akodo ne détourna pas les yeux de la lune tremblante de la rivière, mais il sourit aussi.
-Mayumi était une sœur pour moi. J’ai été complètement anéanti quand j’ai appris sa mort…et je n’ai pas songé un seul instant à ce qui allait t’arriver, alors que j’étais ton parrain…j’imagine qu’elle te l’a toujours caché.
-Oui…mais je ne sais pas pourquoi.
-Au début, elle s’est sans doute dit qu’il n’y avait pas besoin de s’en faire…mais le jour de tes 8 ans, elle a su que tu n’avais plus de parrain : c’était le jour où j’ai quitté Konoha et où le clan m’a banni.
Akodo se rappela ses paroles : « Personne ici ne porte ce nom. »

Un nuage voila la lune. Mais ils n’avaient plus besoin de la regarder.
-Comme Fude l’a dit, j’ai envie de me remettre à marcher…et c’est surtout grâce à toi.
Akodo rit doucement et s’assit sur l’herbe.
-Sensei, parrain, oncle…ça va te faire beaucoup de boulot.
-Oh oui…rentrer au village va me faire beaucoup plus de boulot que tu n’imagines.
-C’est bizarre…vous changez très facilement, Kanjiro-sensei.
-C’est peut-être que j’en avais envie depuis très longtemps…
Il sauta nonchalamment du rocher et s’étira.
-Aaaah…je sens qu’avec autant de travail, les bonnes vieilles habitudes vont me revenir tout de suite.
-Quelles habitudes ?
-Tu verras bien…
Kanjiro bailla largement, puis posa une main paternelle sur les cheveux roux d’Akodo.
-En parlant de ça…va te coucher, on a une longue route à faire demain.

Akodo eut un peu de mal à appréhender la situation, étant donné que ça faisait déjà presque deux ans qu’il vivait seul.
-S’il faut travailler, autant s’y mettre tout de suite : je suis ton sensei, ton parrain et ton oncle, ça te fait trois excellentes raisons de m’obéir sans perdre une seconde. Allez debout !
Il hésita encore quelques secondes : redevenir obéissant, plus le changement subit et radical de Kanjiro, ça faisait beaucoup. Il y eut un éclair blanc et Fude apparut sur l’épaule de Kanjiro.
-Obéis petit…sinon il te fera marcher lui-même.
Akodo se leva prestement et commença à marcher vers la maison, en bougonnant un peu.
-Quand tu auras passé ton examen chuunin, on reparlera de ta majorité.
Le jeune homme avait l’impression que la vie n’allait pas être facile…

Une fois rentré, il se glissa sous la couverture, pour la troisième fois depuis le début de la nuit. Mais Kanjiro ne se coucha pas et ne s’endormit pas. Il resta assis tout le reste de la nuit, les pupilles spectrales de ses yeux blancs plongées dans la lueur infime de l’âtre. Ses paupières s’étaient refermées : il s’était décidé à marcher à nouveau…mais les petites pierres entassées sur le bord du chemin ne disparaîtraient jamais.
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tiranor
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Message par tiranor »

bon que dire...

j'aime bien ta facon de decrire les sentiments et attitudes, concise et plutot bien etoffée, on en connait beaucoup plus sur le personnage de kanjiro.

J'ai juste une petite deception, mais c'est surtout un avis subjectif sur la situation et non une critique objective du texte, je trouve que le comportement insolent de akodo est passé trop comme une lettre a la poste, il a eu une petite remontrance, mais ca m'a paru trop léger ;-)

Je me languis encore plus de la suite que lors de min précedent post ;-)
Kanji
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Message par Kanji »

Bon...

Je sais que ça fait des siècles que je ne poste plus, et que cette fic n'intéresse peut-être plus personne, mais je vais tout de même poster un chapitre, histoire de vous liver au moins le reste de ce que j'ai écrit. Manifestez-vous si vous voulez la suite, j'ai l'intention de me remettre à écrire. D'ici à quelques semaines, le temps que je récupère une connexion décente et que je me remette les idées en place. Le Passé blanc devrait en bénéficier aussi.

L’exilé

Akodo ne comprenait pas. Le reste de la team non plus, mais ce n’était pas la même chose. Tous s’étaient levés de bon matin, même lui, malgré la nuit assez irrégulière qu’il avait passé, et il s’était attendu à ce que Kanjiro annonce à Kakashi qu’il avait changé d’avis. Mais non, rien. Il n’avait rien dit, rien fait, il était resté assis et leur avait adressé un vague signe de la main.

Akodo avait voulu attendre, ne sachant que faire, mais maintenant Naruto et les autres commençaient à s’impatienter :
-Bon alors, on y va, oui ou m…
-Naruto ! Surveille ton langage ou je m’occupe personnellement de ta mâchoire.
-Ouais, bon ça va, mais n’empêche, je comprends pas pourquoi on traîne.
-Parce qu’Akodo n’est pas encore prêt à partir.
-Je croyais que tu pouvais pas le blairer ce mec, pourquoi ça te ferait bizarre de te barrer ?
Akodo ne lui répondit pas : pour que Naruto et les autres comprennent, il faudrait leur raconter tout ce qu’ils n’avaient pas vu et entendu, ce que lui et Kanjiro avaient échangé la nuit dernière. Mais il ne comprenait pas ce qui se passait.

Après quelques secondes de réflexion, il entra à grands pas dans la cabane, sans même prendre la peine d’enlever ses sandales. Kanjiro était assis en tailleur à côté de l’âtre, dans une parfaite immobilité : Akodo ne voyait même pas ses épaules se soulever. Inquiet, il s’approcha, mais s’arrêta lorsqu’il constata une différence stupéfiante : les fenêtres n’étaient plus condamnées, et l’ermite baignait dans la lumière blanche matinale. Le blanc pur de son vêtement se fondait dans les lueurs spectrales de l’aube, et sa constitution malingre ne faisait que renforcer son apparence irréelle.

Le jeune homme n’osa pas troubler le silence, ce fut donc l’ermite qui parla, quelques secondes après que le genin fût entré.
-Qu’y a-t-il ?
-Pourquoi ce retard, sensei ? Tu as changé d’avis ?
-Dieu merci, non.
-Alors quoi ?
-Tu as déjà dit au revoir à une vie, Akodo-kun ?
Il y eut un silence gêné.
-Non, je suis probablement trop jeune…dit Akodo d’une voix mi-gênée,
mi-boudeuse.
-J’ai eu tout le reste de la nuit pour le faire, et je viens de terminer.
-Alors on peut y aller ?
-Il me reste deux choses à faire avant de partir.

Et sans plus de cérémonie, l’ermite porta sa main droite à sa bouche et se mordit le pouce, d’où coula un mince filet écarlate. Il en imprégna neuf de ses doigts, qu’il posa ensuite sur le tatami. Sa voix s’éleva alors, chuintante et sifflante, entre le feulement félin et le ronflement des flammes.
Ninpô Kuchiyose Katon Kyûkaneko no Jutsu (Invocation Ninpô Technique des Neuf Chats de Feu)

Il leva la main et les neuf petites taches pourpres rougeoyèrent et enflèrent, avant de prendre la forme de chatons dont le pelage roux semblait onduler. Ils commencèrent à s’ébattre dans la maison, et tandis que Kanjiro se levait, Akodo en prit un dans ses mains. La petite créature se pelotonna dans ses bras : en y regardant de plus près, le jeune homme s’aperçut que son pelage était fait de flammes. Elles ne semblaient pas s’en prendre à ses habits, mais réchauffaient doucement sa poitrine.
-C’est…marrant.
-Tu ferais mieux de le lâcher.
-Pourquoi ?
-Parce qu’il faut qu’il travaille.

Akodo déposa le chaton par terre, et l’ermite fit un léger signe de la main. Les chétives créatures grandirent tandis que les flammes enflaient en rugissant sur leur dos ; lorsqu’elles eurent atteint la taille d’un gros chat, elles coururent partout dans la maison, et partout où elles passaient, des flammes montaient en ronflant, et bientôt ce fut l’incendie.

Mais pourtant, alors qu’Akodo se tenait sur le seuil, l’ermite ne semblait pas décidé à sortir. A genoux, il s’approcha d’un shôji du fond et l’ouvrit. Avec des gestes lents et précautionneux, il en sortit les deux tablettes funéraires, les posa sur le tatami, et s’inclina devant elles. Puis il se leva et fit glisser son yukata de ses épaules.

L’air était troublé par la chaleur des flammes et Akodo ne put voir qu’une silhouette svelte, aux muscles fermes malgré son apparence toujours malingre. Avec des gestes précis et déférents, il prit dans le placard la masse aplatie qu’Akodo y avait aperçu la veille, et s’en revêtit. Puis il prit les tablettes funéraires ainsi qu’un dernier objet sorti du placard, et les plaça dans ses vêtements, contre son cœur.

La silhouette parut soudain haute et altière, et tandis qu’il se retournait lentement, Akodo ressentit de nouveau cette impression de force contenue, une présence qui semblait emplir la pièce, comme si cet homme était bien plus grand que ce que son corps laissait croire. D’un geste, Kanjiro écarta les flammes et passa le seuil, le feu sur ses talons.

Devant la team 7 se tenait un homme aussi grand que Kakashi, vêtu d’un pantalon et d’une veste blancs, mais usés et passés, comme des vestiges d’un temps lointain, qui auraient décidé de revenir à la vie. Ses manches amples cachaient ses mains, et les pans de sa veste étaient croisés gauche sur droit. Son front, toujours frappé du kanji « Blanc », s’était allégé de bien des rides de souci qui ne devaient plus reparaître. Ses yeux étaient fermés, son visage paisible et marqué d’un léger sourire, alors que le vent soufflait librement dans ses cheveux de jais. Et tandis qu’il foulait le sol de la carrière, Akodo vit qu’il allait pieds nus, et que Fude s’était de nouveau placé sur son épaule.
-Mieux, fit le genin.

Naruto affichait une mine tout aussi abasourdie que Sakura. Quant à Kakashi, il avait l’air agréablement surpris. Tous tournèrent le regard vers Akodo, qui se contenta de hausser les épaules en souriant.
-On ferait mieux de partir, fit Kanjiro, je n’ai pas envie que Tsunade-sama s’impatiente.
Et sans laisser le temps aux autres de parler, il s’élança avec légèreté vers les arbres, bientôt suivi par son disciple et le reste de la team.

Akodo ne s’était jamais mieux senti que dans les airs, volant entre les arbres comme une bourrasque, là où tout ce qui restait au sol n’était plus là pour l’accabler, comme si tous ses soucis étaient trop lourds pour le suivre. C’était un sentiment d’euphorie toute simple, mais qui était issu du plus profond de ses entrailles, là où résidait la part la plus primitive, la plus intense de son être. Et tandis que le vent fouettait son visage et qu’il sentait, l’espace d’une seconde, la branche vibrer sous son pied, il n’y avait plus rien d’autre que cette joie légère.

C’était une expérience nouvelle pour lui, mais pour ceux qui l’entouraient, cette activité était devenue banale. Seul Kanjiro semblait vraiment y accorder de l’importance, un peu comme à l’émerveillement studieux et nostalgique qui anime l’âme lorsqu’elle redécouvre ce qu’elle avait oublié. Akodo pouvait sentir sa joie nouvelle se libérer de ses années d’isolement.

Quelques minutes après leur départ, il se décida à satisfaire une partie de sa curiosité :
-On va faire quoi quand on sera rentrés ?
-Eh bien, commença Kakashi, d’abord nous allons tous faire notre rapport à Tsunade-sama, histoire de lui prouver les vertus de l’optimisme. Et ensuite ce sera à Kanjiro de décider de ce que vous ferez. A priori il a beaucoup à voir et à faire, puisqu’il a décidé de revenir.
-Et tu va m’emmener voir et faire quoi ?
-D’abord je vais te demander de me vouvoyer et de m’appeler sensei, si c’était un effet de ta bonté, dit-il sans trop de conviction, comme s’il s’acquittait d’une formalité ennuyeuse.
-Je vais faire ce que je peux, répondit Akodo avec un large sourire.

Kanjiro lui rendit son sourire : s’il tenait autant de sa mère, Akodo aurait du mal à se tenir au vouvoiement. Il était de plus évident que son bonheur de retrouver enfin de la famille allait l’empêcher de voir Kanjiro autrement que parrain, oncle, grand frère, cousin.
-Tu verras bien ce que nous ferons ensuite : moi-même je ne sais pas vraiment par quoi commencer.
-Si nous allons voir le clan, je saurais me tenir…sensei.
Le sourire de Kanjiro resta, mais il se fit moins large, plus étrange : il y avait là un sentiment qu’Akodo ne connaissait pas vraiment.

Le voyage fut assez rapide, étant donné que les shinobis vivent probablement 2 fois plus vite que le commun des mortels, que ce soit du point de vue des mouvements, de l’esprit et aussi, malheureusement, de l’espérance de vie. Alors qu’ils approchaient du village, Akodo voyait Kanjiro s’agiter de plus en plus…en fait il ne s’agitait pas, il semblait même que le mot agitation lui était étranger, mais Akodo sentait que son sensei devenait plus fébrile, plus vivant.

A un moment, presque par un mouvement inconscient, Kanjiro baissa la tête et regarda la route qui serpentait entre les arbres, vers le village, qui n’était maintenant plus qu’à quelques heures. Il semblait étrangement intrigué par cette route, comme s’il y cherchait quelque chose qu’il ne trouvait pas. Fude frotta un instant sa joue contre la sienne et lui dit de sa voix rauque et si curieusement affectueuse :
-Pas au printemps.
-Et à priori jamais plus…

Avant qu’Akodo ait eu le temps de demander des explications, un bruit caractéristique fit s’arrêter toute la team sur place. Ce n’était qu’un bruit infime, un léger frémissement, qui aurait très bien pu être celui des feuilles dans le vent. Mais ce ne l’était pas, et un shinobi confirmé ne s’y trompait pas. Et surtout, ce bruit enflait de plus en plus, jusqu’à s’étendre à tout le bosquet.

4 des 5 voyageurs connaissaient ce bruit et avaient appris à le craindre : un léger frémissement, puis un crissement et enfin un bourdonnement sourd et innombrable, comme celui d’une légion d’insectes.

La même légion qui les encerclait à présent, comme un nuage de charbon grouillant de vie et de bruit. Akodo sut alors à quoi s’en tenir, et il n’osa plus bouger d’un pouce : le clan Aburame était connu dans tous le pays du Feu, et il avait sufisamment de jugeote pour constater que seul un expert pouvait contrôler une telle horde, et donc qu’il n’y avait pas grand-chose que lui, pauvre genin, pouvait faire.

Tout ce qu’il fit fut de ne plus bouger, à part le léger tremblement qui animait chacun de ses membres. Un seul contact suffisait pour qu’il se retrouve dans le même état que les infortunés cadavres que ses crises laissaient. Mais par delà la peur profonde, qu’il comprenait d’autant plus qu’il l’avait souvent vue dans les yeux de ses victimes, son cœur gardait une petite lueur d’espoir, sachant qu’il avait pour alliés deux des plus puissants shinobi que Konoha ait jamais engendré.

Le reste de la team ne bougea pas non plus, partagée entre la tension et l’incompréhension. Les deux semblèrent disparaître de leur visage lorsqu’une silhouette émergea du nuage.

Une silhouette qui pourtant n’avait rien de rassurant : elle était peine aussi grande que Naruto, mais pourtant elle semblait bien plus imposante. Peut-être était-ce dû à l’essaim bourdonnant et menaçant qui l’enlaçait comme un nimbe, ou peut-être était-ce dû à sa simple apparence : son corps était probablement recouvert de l’habituelle résille légère des shinobis et du pantalon mi-ample de Konoha, mais il était difficile de distinguer quoi que ce soit sous l’épaisse veste noire qui lui descendait jusqu’à ses genoux et encore plus en dessous du blouson couleur craie dont la capuche couvrait sa tête et plongeait dans l’ombre son visage orné d’impénétrables lunettes noires.

Pendant un instant, Akodo resta dans la tension et l’attente, car il semblait impossible de deviner ce que cet être étrange avait en tête. Mais il se détendit presque brusquement lorsque retentit la voix de Naruto, au volume aussi élevé qu’à l’accoutumée lorsqu’il était scandalisé :
-Shino !! T’as besoin de faire ça à chaque fois ?!
Ainsi c’était donc le rejeton que le clan Aburame avait confié à la même génération que Naruto et Sakura. Il avait pour le moins hérité de ses pères.

Après un soupir de soulagement, Sakura prit la parole :
-Naruto a raison, Shino-san, nous ne sommes pas des ennemis tout de même !
Shino ne bougea pas d’un pouce, et sa voix monocorde domina sans peine le bourdonnement sourd de l’essaim, qui n’avait pas l’air décidé à se retirer.
-Ce n’est pas à vous que je faisais attention, il y avait quelqu’un d’autre…
-Ah tu dois parler de…commença Naruto avant de se rendre compte que la personne en question n’était plus là.

Une voix d’un calme caractéristique feutra dans le bosquet.
-C’est bien de moi qu’il parle, Naruto-kun.
La masse sombre s’écarta en frémissant, laissant un espace libre dans lequel se découpa une silhouette légèrement auréolée de bleu.
-Mais je pense qu’il ne m’avait pas reconnu, sinon il ne se serait pas aventuré à me menacer, continua Kanjiro. Dis-moi, Shino-kun, pourquoi un shinobi de ta stature est-il cantonné à un rôle de sentinelle ?
-Je n’avais pas vu le chat, objecta Shino sans bouger d’un pouce. Mais Akodo ne sut pas si c’était parce qu’il ne voulait pas ou parce qu’il ne pouvait pas. Et pour répondre à votre question, la situation commence à demander plus que des chuunins en surveillance.
-Alors les choses ont changé très vite.
-Effectivement.

Akodo, tout comme Naruto, arborait une expression proche à la fois de l’ennui et de l’incompréhension : non seulement ces deux-là discutaient le plus calmement du monde, alors que quelques secondes auparavant on les sentait prêts à s’entretuer, mais en plus ils semblaient parler un langage codé fait de sous-entendus et de références cryptiques.

Naruto tenta du mieux qu’il put de faire tourner la conversation à son entendement :
-De quoi tu parles Shino, « il faut plus que des chuunins » ? A ce que je sais ton grade n’a pas changé ?
Kanjiro recula d’un pas et les insectes se replièrent prestement dans les vêtements du jeune Aburame, qui regarda Naruto avec un flegme presque inhumain.
-Tu devrais apprendre à connaître les gens avant de leur parler ainsi, Naruto, sinon tu pourrais facilement vexer ton interlocuteur.

Le jeune jônin arbora une expression ennuyée et énervée, comme s’il se remémorait quelque chose de désagréable :
-Tu pourrais être plus clair peut-être ?
-Je suis jônin depuis 3 mois déjà.
-Quoi ?!

Sans prêter trop d’attention à la surprise de Naruto, Kanjiro réapparut au milieu de la team en un éclair et adressa la parole à Kakashi :
-Tu m’avais pourtant dit que les choses étaient tranquilles de ce côté Kakashi.
-C’est encore quelque chose qu’il faudra demander à Tsunade-sama.
-Bon, alors continuons, si le jeune Aburame n’y vois pas d’objection.
-Si Kakashi-san répond de vous…
-J’en réponds. Allons-y !
Après quelques salutations d’usage, la team repartit, laissant derrière elle la sombre silhouette de Shino se fondre dans les arbres, et emmenant avec elle un Akodo qui se sentait à nouveau dépassé par les évènements.

Les ombres fendirent les frondaisons avec rapidité avant de strier le ciel de leur trajectoire si rapide qu’elle était la seule trace de leur présence, foulant enfin les toits de Konoha avant de se poser légèrement devant le bâtiment de l’Hokage.

Ils gravirent les escaliers rapidement et Kakashi frappa trois coups à la porte à double battant.
-Entrez, fit une voix distraite à moitié couverte par des bruits de papier.
La team 7 obtempéra et vint se poster devant une Tsunade qui semblait très absorbée par l’origami qu’elle bricolait au moyen de papiers vraisemblablement administratifs et d’une importance capitale.

Elle leva un regard légèrement fatigué, qui s’illumina vite d’une lueur d’intérêt lorsqu’elle vit qui étaient ses visiteurs. Mais cette lueur fut bien vite remplacée par l’éclat terne de la déception, et Akodo en fut surpris.
-Bon, ben ça valait toujours le coup d’essayer, n’est-ce pas ? demanda-t-elle assez tristement.
-De quoi vous parlez, Tsunade-sama ? demanda le genin.
-Je ne suis pas aveugle, Akodo, je vois bien que vous ne l’avez pas ramené.
-Comment ?

Naruto, Sakura et Akodo se retournèrent et virent que Kanjiro n’était plus derrière eux, et que Kakashi avait du mal à contenir son hilarité, enfin du moins ce qui passait chez lui pour de l’hilarité : son œil droit était à moitié fermé et ses épaules tremblaient avec entrain.
-Bon sang mais où est passé ce vieux…commença Naruto.
-Quelqu’un que je connais ? fit la voix rauque, et les jeunes gens se retournèrent vivement vers le bureau de Tsunade.

Le chat toujours sur l’épaule, Kanjiro venait de faire une apparition typique du jônin, dite du « coup de vent ». Pour être plus précis, il se tenait accroupi sur le rebord de la fenêtre du bureau et le vent l’enveloppait en faisant voler quelques feuilles autour de lui, en un effet plutôt impressionnant pour un non-shinobi.


Ce qui était bien plus impressionnant, c’était le fait qu’il avait dû s’éclipser avant même qu’ils entrent dans le bâtiment, et que seul Kakashi s’en était rendu compte.

Tsunade ne se retourna pas, mais fronça dangereusement les sourcils ; Naruto et Sakura reculèrent par réflexe : Godaime avait horreur qu’on entre de cette façon dans son bureau.
-Kanji-kun…fit-elle, et on eut l’impression que d’un instant à l’autre le bureau serait fracassé.
-Ca fait 20 ans que j’avais envie de faire ça, répliqua-t-il tout sourire.

Le siège de l’Hokage se retourna et Tsunade fit face à l’ex-exilé.
-Alors qu’est-ce qui t’a convaincu de revenir ?
Pour toute réponse, Kanjiro gratta doucement la tête de Fude, qui semblait nager en plein bonheur félin primaire, avant de descendre paresseusement du rebord.
-Bref, heureuse te revoir.
-Et moi donc, Tsunade-sama. Ca fait tout de même 18 ans que nous ne nous sommes plus vus.

Il arborait un sourire soulagé, comme il retrouvait enfin tout ce qu’il avait laissé derrière lui.
-J’imagine que tu as une foule de choses à faire avant de pouvoir simplement songer à travailler ?
-Oh oui, j’en suis déjà fatigué, dit-il avant de bâiller largement, au mépris de la déférence dont tous faisaient preuve devant l’Hokage.

Elle rit doucement.
-Je suis soulagée de voir que tu n’as pas trop changé.
-Je n’aurais pas voulu décevoir tant de monde à mon retour. Mais j’imagine que le travail se fait déjà assez pressant, et de tous les côtés.
-Plutôt…Hiashi veut te voir dès que possible.
-Ce n’est pas vraiment de ça que je parlais.

Nous-y voilà, se dit Akodo.
-De quel côté ?
-Les frontières nord et est surtout, mais ça ira probablement en s’étendant par la suite.
-Aucune transgression ouverte pour l’instant ?
-Non, et j’espère qu’ils se tiendront tranquilles le temps que nous assemblions le reste des troupes, en prévision.
-On dirait que je suis revenu au bon moment.
-On dirait.

Il fit quelque pas vers le bureau et constata la montagne de paperasses qui s’y entassait.
-Vous en avez bien plus qu’avant.
-Chef des urgences et Hokage, ce n’est pas la même chose.

Il ouvrit les yeux, et même dans les gouffres blancs du Byakugan se lisait un bonheur sincère.
-C’est bon d’être de retour.
Pendant un instant, le visage de Tsunade s’orna d’un sourire presque attendri, mais il redevint vite sérieux, et elle toussota de manière autoritaire.

Kanjiro eut soudain l’air bien moins calme.
-Heu…oui…effectivement.
Il se raidit et referma les yeux, avant de demander d’un ton solennel :
-Tsunade-sama, je sollicite une requête.
-Laquelle ?
-Je souhaiterais que vous annuliez mon statut de nukenin et que vous me rendiez mon statut de ninja de Konoha.
-Requête accordée.

De sa veste, il sortit un vieux bandeau de Konoha, tout élimé et dont la plaque bosselée et rayée montrait sa longévité. Cérémonieusement, il s’en ceint le front et la feuille d’acier recouvrit le blanc d’encre.

Puis il s’évanouit dans les airs pour réapparaître devant le bureau, un genou et un poing en terre, comme tout ninja attendant les instructions.
-Réception des ordres en attente, Hokage-sama.
-Kakashi ? Le rapport est prêt ?
Le Ninja Copieur sortit un parchemin de sa veste et le tendit à Godaime.

Après l’avoir lu, elle abattit son poing sur le bureau, et la pièce ainsi que 3 de ses occupants tremblèrent.
-Kanjiro, jônin de Konoha ! Tu es dès à présent désigné comme tuteur officiel d’Asano Akodo, genin de Konoha ici présent. Ce sera ta seule et unique mission jusqu’à nouvel ordre. Tu es chargé de son entraînement et de sa protection : je compte sur toi pour l’aider à développer et à contrôler ses capacités aux mieux. Et lorsque je dis « protection », je veux dire aussi bien contre l’extérieur que contre lui-même.
-A vos ordres.
-Les modalités sont laissées à ta discrétion : Hyûga Saito te confiera le reste des détails.

Elle resta silencieuse quelques secondes, puis lui accorda une note de sympathie.
-Contents de te revoir parmi nous. Ce sera tout. Rompez.
Il se leva et s’inclina profondément.
-Hokage-sama.

Akodo était pour le moins décontenancé, en voyant Kanjiro passer avec un talent incroyable d’un comportement à l’autre, tantôt froid, tantôt caustique, tantôt mystérieux, tantôt respectueux et tantôt feignasse. Et à ce moment il se dit que la vie devait effectivement l’avoir bien travaillé et enrichi, pour qu’il soit capable de tant de choses. Mais il se demanda aussi lequel de tous ces visages était le vrai, et s’aperçut qu’il en savait finalement très peu sur cet homme.

Alors que Kanjiro sortait, précédé par la team 7, Akodo leur emboîta le pas, l’air pensif, même si en réalité il ne savait ce qu’il devait penser, ce qu’il devait essayer de deviner, ce qu’il devait laisser dans l’ombre et ce dont il devait avoir peur, sentant pertinemment que son sensei rassemblait une multitude de ces choses.

Mais en passant à côté de Kanjiro, il vit Fude lui adresser un sourire plein de moustaches, et, se remémorant soudain combien le chat avait eu du mal à rester sur l’épaule de Kanjiro pendant tout ce cérémonial, il se fendit d’un éclat de rire salutaire, alors que le soleil de printemps réchauffait sa nuque derrière le rideau de sa crinière rousse.
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Quiyes
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Message par Quiyes »

Courage ! Quand il n’y a pas de review, ce n’est pas forcément que ça ne plait pas, c’est parfois simplement que le chapitre est passé comme une lettre à la poste, ce qui est plutôt une bonne chose, ou alors qu’on n’ose pas poster simplement pour demander la suite, ce qui revient au même…




Sinon, pour être plus constructif :

- Il me semble parfois qu’il y a un peu trop de commentaires, ou de pensées ; j’aime bien le principe de partir d’un objet que le héros regarde, ou d’une action qu’il fait, pour commencer à le faire réfléchir, et d’ailleurs j’aime bien ces commentaires, mais je trouve qu’ils sont parfois un peu trop fréquents, ou mal placés.

Je pense qu’il vaudrait mieux carrément faire 1 fois un bon paragraphe de pensées et reprendre la suite sans interruptions de commentaires, car sinon ça casse un peu le rythme du récit. L’autre option consisterait à carrément supprimer 2 lignes de commentaires qui ne sont pas indispensables et à les garder pour plus tard, ce qui peut éviter d’avoir, plus tard, à faire du verbiage si jamais les idées manquent.

Pour faire plus simple, je pense que c’est juste une question de structure, où il me semble avoir remarqué une tendance à se laisser aller à faire de jolies phrases ; néanmoins, je dirais que cette tendance est moins présente dans les derniers chapitres, et moins présente dans l’héritage que dans le passé blanc.

A part ça, je ne ferai aucune critique au niveau de l’écriture car l’expression est agréable, toutes les phrases clairement compréhensibles il me semble, et puis je suis bien le dernier à pouvoir donner des conseils à ce niveau. Pour l’orthographe non plus, rien à redire.


- Ensuite, il y a un truc qui m’a frappé, ce sont les rencontres avec les personnages que l’on connaît. Je suis conscient que ça permet de mieux intégrer son personnage principal dans le monde de naruto, néanmoins, je trouve que ces rencontres sont parfois un peu trop fréquentes, ou alors, disons que la façon dont elles se déroulent est bizarre. Ca fait souvent un peu trop « tiens, comme par hasard, on tombe sur lui ! Et juste au bon moment, en plus! ». (Il me semble avoir lu que le scénario de cette fic était basé sur un scénar de jeu de rôle, ça vient peut-être de là?)
Je me rappelle de la rencontre avec asuma et kurenai dans le passé blanc, c’est sympa, mais pourquoi est-ce que le héros ne rencontre pas d’autres ninjas ? Ou alors pourquoi est-ce qu’il n’y a que les rencontres avec les ninjas déjà connus qui sont racontées ? Je me doute bien que ça ne servirait pas à grand-chose de décrire une rencontre avec un parfait inconnu, mais les coups de chance sont, vu le nombre de ninjas à konoha, un peu trop fréquents je trouve : par exemple dès qu’akodo arrive à konoha, paf ! Il tombe sur konohamaru…
Je suis conscient aussi qu’il est sans doute parfois difficile de résister à l’envie d’imaginer et de raconter ces rencontres, d’autant plus que comme je l’ai dit, ça permet d’intégrer son personnage, mais bon…

Autre exemple, dans le passé blanc, j’aime beaucoup la ‘rencontre’ avec yondaime, car ça se fait juste en 1 ligne, c’est une rencontre comme une autre (ou presque) et ça prend donc juste la place que ça doit prendre. J’aime bien aussi le commentaire que fait l’un des genins à ce moment-là, car ça s’intègre bien, mais par contre, le fait que yondaime soit comme par hasard en train découvrir et d’examiner un kunaï à 3 piques, (un des seuls trucs qu’on connaît sur lui), c’est de trop (pour moi), surtout qu’on n’avait pas besoin de ça pour le reconnaître.

Dans ce chapitre (l’exilé), la rencontre avec shino est sympa, mais je pense que je l’aurais plus appréciée s’il on n’avait pas déjà eu plusieurs rencontres ’chanceuses’ auparavant, avec des persos connus de l’univers de naruto.

Pour résumer, je dirais qu’il y a parfois une tendance à vouloir rendre les gens, ou ce qui se passe, un peu trop exceptionnel, alors que ce n’est pas indispensable……argh.. Je voudrais bien m’expliquer un peu plus, et donner des exemples, mais je ne me souviens que de ce commentaire qui m’était venu à l’esprit…J’essaierai de re-reviewer quand je reprendrai la fic au début, certainement quand je lirai les nouveaux chaps (bientôt la saison 2 ? :grin: ).


- pour finir, des détails : de mémoire, les chapitres dépression et nuit d’orage auraient peut-être pu être regroupés ; j’aime bien les dialogues, les répliques sont plutôt bien choisies en général ; et… c’est tout.

Non ! Il y a un truc qui pourrait être amélioré au niveau de la présentation, ce n’est pas le cas de tous les chapitres, mais pour le dernier en tous cas, ça l’est : il y a un peu trop de sauts de lignes, c’est mieux de lire ça que de lire des pavés de 100 lignes, mais trop sauter de lignes (1 saut de ligne toutes les 3 lignes dans ce chap) n’est pas non plus très agréable car on s’y perd un peu. Je ne pense pas qu’une dizaine de lignes à la suite soit désagréable à lire, au contraire, ça forme un paragraphe et ça permet ainsi de se repérer, de savoir que dans le paragraphe le thème va rester à peu près le même.




Voilà, j’espère que tout ce que je dis ne parait pas trop négatif, car au final, cette fic est sympa et pour moi, ces détails n’altèrent pas du tout l’envie de lire la suite.
De plus, je note que faire une fic dans un univers existant en insérant son personnage en tant que personnage principal, c’est un exercice très ardu, et je trouve que tu t’en sors bien.

En ce qui me concerne, j’ai déjà lu la suite (enfin, juste ce qui est parut ailleurs), mais je vais le dire quand même, à quand la suite ? :grin:
Jainas
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Message par Jainas »

heu... bis ?

J'avais déjà lu et apprécié ce chapitre (mais je ne sais plus si j'avais reviewé... Si ce n'est pas le cas pardonne moi de ne pas le faire ce soir, je suis naze...)

Les commentaires de Quiyes me semble toutefois globalement plutôt pertinants.
Kanji
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Message par Kanji »

Bon, étant donné que je viens juste de me remettre à écrire, je vous sors d'une traite les chapitres déjà écrits que vous n'avez pas encore eus. Ainsi le forum de NMT est enfin à jour, tout comme celui de Mirage Team. Je suis pour l'instant sur le chap du Passé blanc, mais celui de l'Héritage suivra ce dernier de près.

De retour

Lorsque Kanjiro et Akodo se séparèrent de Naruto, Kakashi et Sakura, au pied de la demeure de l’Hokage, le jeune homme s’était décidé à ne pas trop lâcher son intrigant sensei des yeux. Il espérait déceler dans ses réactions quelques indices de sa vraie personnalité, celle qu’il semblait sans cesse cacher sous un masque changeant.

Mais pour l’instant, le Neko-Sennin était occupé à chuchoter à l’oreille de Fude. Et la seule chose qu’Akodo put remarquer fut que ces messes basses semblaient fournir à chacun des interlocuteurs leur quota de chatouilles, l’oreille de Fude étant poilue et sensible.

Après avoir salué les deux jeunes jônin de la main, Akodo revint au niveau de Kanjiro, et ne parvint qu’à entendre la fin de sa conversation avec le…disons le chat (voilà bien longtemps qu’il avait de sérieux doutes sur la vraie nature de Fude).
-…s’il pouvait avoir fini d’ici la fin de l’après-midi…et dis-lui que je lui rendrai visite le plus tôt possible, d’ici un ou deux jours.
Le matou aquiesca et quitta l’épaule du jônin comme à son habitude, comme si un calligraphe avait zébré l’air d’un vigoureux coup de pinceau, ne laissant qu’une éphémère trace blanche.

Sans se retourner, Kanjiro s’adressa à son disciple.
-Je l’ai envoyé porter un message de ma part.
Akodo failli être surpris, mais il se rappela rapidement que Kanjiro n’avait pas besoin de tourner la tête pour remarquer l’air pensif et intéressé qu’arborait le genin.
-A qui s’adresse ce message ?
-A un vieil ami.
-Tu as beaucoup de vieux amis ici pas vrai ?
-Un nombre pas croyable.
Akodo avait tout de suite compris que Kanjiro ne lui donnerait pas le nom de cet ami. Il ne s’en formalisa pas. Du moins pas encore.
-Et pourquoi tu ne vas pas lui rendre visite maintenant ?
-Parce que sur le long terme j’ai plus urgent. Et sur le court terme, nous avons bien plus urgent.
-C'est-à-dire ?
-Manger, parce que tu as faim.

Akodo fut véritablement surpris. Il avait déjà eu l’occasion de vérifier les rumeurs sur l’omniscience de Neko-Sennin, mais il n’avait jamais imaginé que ça pouvait aller jusque là.
-Tu peux deviner l’état de mon corps avec le Byakugan ?
-Tu serais surpris du nombre de choses que je peux faire.
-Bien vu, fit Akodo en essayant d’atténuer sa surprise.

Il espérait que ça ne deviendrait pas une manie. L’idée de ne rien pouvoir cacher à son tuteur était assez dérangeante. Un gargouillis relativement sonore se fit alors entendre. Mais il ne sortait pas du ventre d’Akodo.
-Toi aussi tu as faim, fit le jeune homme.
-Bien entendu, répondit le jônin du tac au tac.
L’atmosphère se détendit rapidement et ils s’enfoncèrent dans la ville, sans vraiment se demander où ils allaient.

Quelques minutes plus tard, après avoir profité du soleil et de l’activité fébrile de Konoha, Akodo commença à se poser la question de la destination. Mais lorsqu’il se retourna pour poser la même question à son maître, il s’aperçut que ce dernier était figé, dans une posture pour le moins étrange, comme stoppé en pleine marche. Au dessus de ses yeux toujours fermés, ses sourcils étaient froncés dangereusement.
-Toi, t’es mort, fit-il d’une voix sinistre.
Akodo se raidit : il ne comprenait pas, mais le ton de Kanjiro était tel qu’il semblait avoir déposé une chape de plomb sur la scène. Quelque chose accrocha le regard du jeune Asano, comme un fil d’un noir d’encre qui partait de l’ombre de Kanjiro pour rejoindre celle d’un autre, un autre qui était facilement reconnaissable à son gabarit et à son attirail. Chose surprenante, malgré tout le métal qu’il trimballait, il avait exécuté sa technique dans un parfait silence.

Brusquement, Kanjiro ouvrit les yeux, et l’espace d’un instant Akodo eut l’impression que la terre tremblait et que l’air était troublé, comme de l’eau dans laquelle on aurait jeté une pierre. Un claquement irréel retentit, issu de nulle part, et le fil d’ombre se brisa instantanément. Le temps qu’Akodo cligne des yeux, Kanjiro avait disparu. Il réapparut rapidement sur le dos de ce qui semblait être son adversaire, ses jambes encerclant difficilement son torse, sa main gauche s’agrippant à son col et sa main droite lui faisant un vigoureux shampoing.
-Alors qui c’est le plus fort, HEIN ? fit-il en ricanant triomphalement, alors que le Nara affichait une mine plus exaspérée que piteuse.

La différence de gabarit entre Kanjiro et Honshû tenait presque du demi-mètre, et même en s’activant de tout son poids, l’ex-exilé ne semblait pas gêner le colosse outre-mesure. Akodo, lui, affichait une mine véritablement piteuse, ou plutôt consternée, en voyant son maître se livrer à un règlement de compte tenant de la pire des cours de récré.

Honshû salua le jeune homme de la main, avant d’étendre son long bras pour attraper Kanjiro par le col. Il maintint le jônin au niveau de son visage, c'est-à-dire que les pieds du jônin en question étaient à quelque dizaines de centimètre au dessus du sol. Mais malgré sa position, Kanjiro avait les bras croisés, l’air tranquille et une expression entre l’amusement, le sarcasme et le soulagement.
-Alors on sèche les combats sur le front nord ?
-Disons plutôt qu’un chat m’a dit qu’Akodo te rendait visite plus tôt que prévu, que j’ai réussi à convaincre Tsunade-sama de me laisser attendre son retour, et que quelque chose me disait que tu allais réussir à me le ramener, fit Honshû en adressant un clin d’œil complice à Akodo.
Kanjiro sourit à son tour.
-Tu m’as manqué, abruti, fit Honshû, une fausse lueur de reproche dans le regard. Cela devait bien faire 6 ans qu’ils ne s’étaient plus parlés de cette façon.
-Toi c’est ta politesse qui m’a manqué…et elle me manque encore, dit Kanjiro comme s’il dissertait sur la physique quantique.

Le Nara secoua la tête d’un air exaspéré, sans lâcher son vis-à-vis, qui pour sa part ne se plaignait pas, comme s’il était dans une position tout à fait confortable. Et Akodo n’était pas vraiment surpris : il y avait quelque chose de rassurant dans la présence imposante et tranquille de Honshû, que rien ne semblait pouvoir déstabiliser.
-Bon, dit le Nara, il se fait midi bien culbuté, alors je vous paye quelques râmen chez Ichiraku.
Akodo commençait à se demander s’il y avait un autre endroit où manger à Konoha. Il emboîta le pas à Honshû, mais ils furent interrompus par la voix hésitante de Kanjiro.
-Heu…Honshû…
-Oui, Kanji ?
-Je crois que tu peux me reposer maintenant.

Lorsqu’ils arrivèrent devant l’échoppe, Akodo ne fut pas surpris de voir Naruto au comptoir. En les voyant s’installer, il prit cette fois-ci le temps d’avaler avant de commenter :
-Pas moyen de manger en paix ici ?
-Me regarde pas comme ça, je suis invité, répondit Akodo.
Naruto hocha la tête et approuva en grommelant : lui non plus n’aurait pas résisté à un repas gratuit. Pendant quelques secondes, le vieux tenancier parut surpris et dévisagea Kanjiro. Puis il sourit avec douceur avant de revenir à ses fourneaux. Quelques minutes plus tard il apportait un bol de râmen au miso et un au porc avec du daikon, qu’il déposa devant Kanjiro et Honshû. Tous deux lui rendirent son sourire. L’air était empli d’une douce nostalgie…puis Naruto attaqua bruyamment son 3e bol. Le reste de l’assistance ne tarda pas à l’imiter.

Akodo mangea deux fois plus lentement que les autres, occupé qu’il était à suivre attentivement la conversation que Kanjiro et Honshû tenaient. Mais le contenu était finalement assez banal, Honshû lui donnant des nouvelles du village, entre son neveu dont la paresse ne disparaissait pas (Akodo ne comprit d’ailleurs pas vraiment pourquoi Kanjiro trouvait cette nouvelle si marrante), son frère dont la femme ne changeait pas, Tsunade-sama qui avait finalement décidé de confier les finances à Shizune après des années d’origami (là encore Akodo ne comprit pas vraiment l’allusion)…bref essentiellement des banalités assez ennuyeuses, d’autant plus que le pauvre Akodo n’en comprenait pas la moitié du quart. Toujours est-il que Kanjiro avait perdu son sérieux ; on l’aurait vraiment pris pour une personne ordinaire.

Puis il toussota une ou deux fois, aspira bruyamment la dernière nouille, ne laissant que le bouillon, et reprit un air plus sérieux.
-Et…concernant les affaires ?
Akodo cessa de manger et tendit l’oreille. Et curieusement, Naruto l’avait devancé.
-Pour l’instant c’est le calme plat. Quelques attaques sur le front nord, mais c’est normal vu qu’on a massé pas mal de troupes sur leur frontière. Kiri se tient à carreau, d’après les renseignements. Suna nous dit que Tsuchi fait de même.
­-Mais ?
-Mais à priori, et d’après le peu d’espions qui sont revenus vivants, dans chaque pays ou presque, c’est le grand rassemblement : ils rappellent leurs troupes dispersées au village pour les réassigner.
-Bref tout le monde se prépare. Ca prendra combien de temps ?
-Je dirais quelques mois. Ensuite on aura plus qu’à attendre l’étincelle qui mettra le feu aux poudres.
Kanjiro eut un soupir désabusé.
-Tout ça se jouera surtout sur le plan politique.
­-En parlant de ça, tu comptes faire quoi dans l’immédiat ?
-Rien. Il ne faut pas que la nouvelle de mon retour sorte de Konoha.
-Pourquoi ça ? Pourtant tu as de quoi peser dans la balance.
-Si jamais on apprend que je suis revenu, je n’aurais plus une minute à moi. Et même si je compte m’y mettre, pour l’instant j’ai des choses bien plus importantes à faire.

Honshû sourit et posa sa large main sur l’épaule vêtue de blanc. Kanjiro soupira et s’affaissa un peu plus sur son tabouret.
-Heu…Kanji…
-Oui, Honshû ?
-Je crois que tu peux…
Le Nara montra ses yeux et haussa les épaules en souriant. Kanjiro sourit avec sincérité. Ses yeux s’ouvrirent, et restèrent ouverts.
-Oui je pense que je peux…
-Oui tu peux…
-Voilà quoi.
-Ouais.
Naruto se reconcentra sur son 6e bol. Il y eut un bruit entre le velours et le ronronnement et Fude apparut sur le bar. Il ne tarda pas à laper le reste de bouillon dans le bol de Kanjiro, qui lui caressa doucement la tête en soupirant.
-Tu comptes faire quoi ? demanda Honshû.
-Rattraper le temps perdu. Et essayer de vivre tranquille encore un peu.
Comme souvent en entendant Kanjiro parler, Akodo eut un doute : il n’avait pas l’impression d’être à côté d’un shinobi. Qu’il le veuille ou non, il ne parvenait pas à cerner le moindre aspect de son maître : il était insaisissable et indéfinissable.

Lorsqu’ils se levèrent, Naruto avait déjà payé sa commande et était parti en marmonnant qu’il avait du travail : il ne savait vraiment pas mentir, ni être poli d’ailleurs. Akodo se dit à cet instant que les deux se ressemblaient souvent. Les deux jônin se séparèrent comme si de rien n’était, et le jeune homme fut heureux de voir que le quotidien de son maître se remettait en place facilement. Il pouvait effleurer de son intuition les années d’amitié qui se cachaient derrière les banalités, et cela le réconfortait. Il sentit quelque chose frémir dans son ventre, et préféra se dire que c’était les râmen qui passaient mal.

Une fois relancé dans leur errance à travers l’océan cosmopolite, à l’ombre des immeubles en fleur, Akodo ne tarda pas à poser la question fatidique.
-Et maintenant ?
-Maintenant on va te déménager.
-Ca va nous prendre du temps…
-Pas du tout.
Sans lui laisser le temps de répliquer, Kanjiro s’élança, et bientôt sa silhouette malingre ne fut plus qu’une déchirure dans l’espace au-dessus des toits. Akodo le suivit rapidement en faisant la moue : son maître savait bien qu’une fois en l’air, Akodo n’aurait plus envie de parler. Il aimait trop courir sur les vents pour gâcher le voyage avec des considérations terrestres.

En arrivant Akodo remarqua que la fenêtre qu’il avait brisée avait été changée. Dommage. Il n’avait plus qu’à espérer qu’un nouveau locataire en aurait rapidement l’usage. Le jeune homme s’arrêta devant sa porte et fit un pas de côté, tendant l’oreille, espérant entendre un signe tonitruant de la présence de Naruto. Mais rien ne venait troubler de manière flagrante la tranquillité de ce début d’après-midi, et avant qu’Akodo ait pu aller frapper à la porte de son ami, Kanjiro l’avait rappelé à l’ordre d’un toussotement discret. Le genin fouilla dans sa poche pour trouver ses clés, mais le temps qu’il sente leur métal sur ses doigts, le jônin avait déjà posé la main sur la poignée et semblait se concentrer. Avec un cliquetis caractéristique, la serrure s’ouvrit comme si de rien n’était.

Quelques minutes et beaucoup d’efforts plus tard, ils avaient rassemblés les quelques meubles de l’appartement qu’Akodo avait acheté après avoir emménagé.
-Et maintenant ? demanda le genin.
-On attend Fude.
-Je suis curieux de voir ça.
-J’espère bien : je veux que tu apprennes à le connaître. C’est pour ça que je t’ai amené ici, sinon Fude aurait pu s’en charger seul.
Plus Akodo découvrait les pouvoirs et particularités de Kanjiro, plus il s’apercevait à quel point son maître s’écartait des sentiers battus du nindô.

Fude se faisant attendre, Kanjiro s’assit et se plongea dans ses pensées et sensations. Akodo n’était pas aussi indépendant dans ses passe-temps, et décida d’aller vérifier si oui ou non Naruto était là, même s’il n’avait que peu d’espoir étant donné le silence, chose plus que contraire à une personne comme le jeune jônin. Il frappa donc à la porte sans trop de conviction, et fut surpris lorsqu’il la vit s’ouvrir pour révéler le visage de Naruto. Mais ce n’était pas un visage qu’il connaissait. C’était un visage sérieux, aux yeux perçants et à la mine presque soucieuse, pas celle d’un jeune homme insouciant, étourdi et démonstratif.

Naruto reprit instantanément son expression habituelle et sourit largement, se grattant l’arrière du crâne en riant presque nerveusement.
-Ah tiens salut Akodo…
-Salut Naruto, je vais déménager d’une minute à l’autre mais le…disons déménageur est en retard alors je me demandais…
-Ah ouais…mais je suis un peu comme qui dirait occupé là…
Akodo jeta un coup d’œil dans l’appartement, et y vit d’abord une table couverte des cartes stratégiques et politiques de la région. Puis il vit ceux qui la surplombaient.

Il y avait là un jeune homme de la taille et de l’âge de Naruto, aux cheveux d’un noir de jais qui lui tombaient jusque sur les épaules, le front ceint du bandeau traditionnel, une veste noire laissant son ventre nu, un pantalon ample de la même couleur et une expression étrange sur le visage, entre une neutralité dérangeante et une curiosité détachée. Un sourire s’afficha immédiatement sur ce visage, un sourire sincère et cordial qui aurait pu convaincre Akodo si son intuition ne l’avait pas averti : quelque chose n’allait pas avec ce sourire, il en était sûr. Ce n’était pas inquiétant, juste inhabituel.

De l’autre côté de la table, les mains croisées dans son dos, se tenait un homme qui devait approcher la trentaine, aux cheveux noirs coupés courts. Une sorte de casque, portant le symbole de Konoha, encadrait un visage orné par des yeux en amande, au regard ni trop vague ni trop perçant, et portant une expression douce, confiante et flexible, marque de la sérénité du vétéran.

Le visage de Naruto perdit un peu de son naturel.
-On prépare notre prochaine mission, dit-il.
-Ah ok…je te laisse alors.
-A plus.
Décidément tout le monde semblait avoir quelque chose à cacher.

Akodo revint dans son appartement, légèrement soucieux, et constata que Fude venait d’arriver. Le matou, voyant que le jeune homme était présent, vint se placer près des meubles et ferma les yeux quelques instants. Lorsqu’il les rouvrit, ils abritaient une lueur qu’Akodo n’y avait jamais vu, et qui fit couler malgré lui un frisson le long de son dos. Fude parla d’une voix rauque et puissante qui sembla résonner dans l’espace même.

Fude Fuuin (Sceaux de Fude)

Lorsque la lumière du soleil se mit à jouer sur bout de la queue et des pattes de Fude, Akodo crut qu’il étaient couverts d’encre luisante. Le chat fit alors le tour du tas de meubles, bougeant de manière étrange, s’arrêtant par moments comme s’il examinait le sol. Sur son passage, un complexe agencement de symboles mystiques apparaissait, traçant au fur et à mesure un cercle parfait. Kanjiro fit signe à Akodo, et tout deux entrèrent dans le cercle. Fude vint se placer à leurs côtés et sa voix s’éleva de nouveau.

Shunshin (Vacillement du corps)

Chaque caractère scintilla d’une lumière qui se fit rapidement aveuglante. Akodo vit sa vue se troubler et les images du monde vaciller devant ses yeux, tandis qu’il sentait son esprit se faire de plus en plus léger, comme s’il perdait conscience. Bientôt les sensations disparurent et Akodo sut qu’il avait glissé dans un état au-delà de son corps. Moins d’un instant après, il reprenait corps, et le cercle diminuait avant de disparaître.

Il se trouvait sous les arbres, dans le parc près du mur d’enceinte, devant cette même maison qui avait vu sa conversation avec Naruto et la première fois qu’il avait entendu Fude parler. Mais la maison était différente. Si auparavant elle était vieille et délabrée, elle était à présent flambant neuve, presque entièrement régénérée. Elle n’attendait plus qu’une chose.

Kanjiro soupira de nouveau.
-L’endroit n’a pas changé.
-C’était plus que différent il y a quelques jours.
-Je sais…
-Tu as été absent trop longtemps.
Kanjiro ne dit rien. Il s’avança entre les arbres. Akodo, voyant que le chemin vers la maison était fait de gravier, voulut prévenir son maître. Mais il renonça en voyant qu’une fine pellicule de chakra enveloppait les pieds nus du jônin. Il en était sans doute ainsi en permanence.

Kanjiro posa le pied sur le seuil et marqua une pause, appréciant chaque sensation, du craquement du bois à la faible odeur de thé qui avait survécu aux années, en passant par l’étrange douceur rugueuse des tatami. Son sourire s’emplit de douceur et sa respiration se fit profonde, émue.
-Je suis rentré.

Akodo s’avança à sa suite. La maison avait achevé sa renaissance, et le deuil s’était affaibli. Il n’avait pas totalement disparu, mais il s’était réduit à un souvenir, une faible trace persistance, comme une fragrance tenace de nostalgie.
-Juste une question, tu vas reprendre ta chambre ? demanda Akodo en ramenant une théière de service dans la salle principale.
-Non, celle-ci est pour toi.
-Alors tu vas prendre celle de ton père ?
-Non…
-Pourquoi ?
-Je ne dors jamais…et nous devons garder de la place.
-Fude a besoin de tant de place ? Ou tu envisages d’accueillir une troisième personne ?
-Je ne sais pas encore. Nous verrons bien.
Il sortit et s’étira devant le tas de meubles, déclenchant quantité de craquements venant d’à peu près tous les os de son corps.
-Bon…au boulot.
-On va déplacer tout ça nous-mêmes ?
-Bien sûr que oui…tu t’attendais à quoi ?
-Ben, avec ce qu’on a fait pour les déplacer…je sais pas…tu pourrais pas tous les déplacer tout seul ?
-Si, mais j’ai besoin de me dérouiller, et tu as besoin de faire de l’exercice.
La maison étant presque entièrement vide de tout mobilier, le déménagement eut un effet salutaire.

Akodo monta dans sa chambre et s’affala sur le lit, faisant le point. La dernière fois qu’il était venu il n’avait pas pu déceler les secrets de cette pièce, et maintenant que la maison était revenue à elle-même, il n’y avait plus grande chance que son intuition trouve quoi que ce soit. La chambre était plus étroite que son appartement, mais elle n’avait pas la même valeur : en s’installant ici, Akodo avait l’impression de reprendre ce qui ressemblait à une vie de famille. Son appartement avait déjà été occupé et serait occupé après lui : ce n’était guère qu’un logement fonctionnel, où les gens passaient et se suivaient.

La maison, au contraire, n’était pas si impersonnelle : elle était pleine de souvenirs, de particularités et de détails qui allaient progressivement devenir familiers. C’était un endroit auquel il pouvait accorder de l’importance, qu’il apprendrait à aimer : c’était plus qu’un toit abritant de quoi subsister. C’était un endroit qu’il connaissait déjà un peu, qu’il voulait connaître plus, et qui allait lui apporter ce que les habitants de Konoha avaient déjà : un endroit à parcourir avec une tendresse que l’habitude ne faisait que renforcer. A présent ni lui ni la maison n’étaient orphelins.

La voix de Kanjiro le tira de sa réflexion.
-Akodo, descends.
En arrivant au rez-de-chaussée, le jeune homme vit que son maître avait préparé du thé. D’un signe de la main, il l’invita à s’asseoir et lui tendit une tasse.
-On va commencer ton entraînement.
-Bon. Et on commence par quoi ?
-De la méditation.
-Pardon ?
Le jônin lui fit de nouveau signe de s’asseoir. Akodo obéit sans trop de conviction.
-Actuellement, avant même de songer à te lâcher en situation de combat ou même hors de l’enceinte du village, nous avons deux problèmes à régler : les pertes de chakra intempestives et les crises. Et dans un cas comme dans l’autre, la solution passe par la maîtrise de ton esprit et donc de ton chakra et de tes émotions. Et pour y parvenir, je ne vois pas mieux que la méditation.
-J’ai déjà essayé la méditation, je me suis toujours planté.
-Oui, mais j’étais pas là à ces moments, pas vrai ?
Akodo soupira.
-Quoi ? Tu n’as pas confiance en moi ?
-Ben…
-Si tu penses que tu n’en sais pas assez, tu n’auras qu’à me poser des questions après l’entraînement. Je veux commencer aussi tôt que possible.
-Pourquoi c’est si pressé ?

Kanjiro secoua la tête, posa sa tasse de thé et commença à compter ses arguments sur les doigts de la main.
-Premièrement parce que j’aimerais autant que tu passes chuunin avant que la guerre ne démarre. Deuxièmement parce que tu es dangereux en ce moment, et que j’aimerais autant ne pas avoir à te maîtriser, d’autant plus que je ne me suis pas battu depuis 6 ans.
-Tu as peur de ne pas réussir ?
-J’ai peur de trop bien réussir. Et troisièmement…parce que j’ai autre chose à faire que de m’occuper de toi, et donc j’aimerais autant que possible en finir vite et bien avec ta formation.
Akodo haussa les sourcils d’un air à moitié surpris.
-Comment ça tu as autre chose à faire ? Tsunade-sama a dit que ta seule mission était de m’entraîner.
-En tant que shinobi, c’est la seule chose que j’ai à faire. Mais je ne suis pas un shinobi.
Le jeune homme comprenait de moins en moins.
-Qu’est-ce que tu racontes ?
-Si je suis sorti de ma retraite c’est parce que je devais prendre soin de toi, mais aussi parce que j’avais des choses à achever, et parce que je sentais que Konoha allait avoir besoin de moi au cours de la guerre. Mais toutes ces choses que j’ai à faire vont bien au-delà du devoir d’un shinobi, et je n’en suis pas un : je n’en suis plus un depuis 10 ans, et même si j’ai récupéré le grade de jônin je ne compte pas m’y limiter.

Kanjiro cessa de parler et prit une gorgée de thé.
-Bon, on s’y met ?
-Ok.
-Bon. Alors je suppose que Mayumi t’as déjà expliqué la méthode.
-Oui, essayer de se vider l’esprit en se focalisant sur les sensations.
-En gros. Ce n’est que la première étape, mais ce sera suffisant pour réfréner les crises, et pour améliorer ton contrôle spirituel.
-Ok…alors comment je fais ?
-Bon deux éléments importants : premièrement, trouver une position confortable, dans laquelle tu puisses rester très longtemps sans problèmes. Deuxièmement, un élément qui t’aide à entrer en méditation.

Pour toute réponse au regard interrogateur d’Akodo, Kanjiro prit une gorgée de thé.
-Idéalement ce doit être quelque chose dont tu as l’habitude, qui ait une influence sur tes sens et dont tu puisses apprécier l’influence.
-Toi c’est le thé ?
-Oui.
-Tu m’as l’air assez…académique.
-Tu m’as l’air totalement…ignare en la matière, Akodo.
Le jeune homme se passa de commentaires supplémentaires. Il s’assit et essaya de trouver cette fameuse position confortable. Ce ne fut pas facile : si Kanjiro s’était spontanément assis en tailleur, Akodo se doutait que c’était par habitude, et que ses articulations étaient sans doute plus qu’habituées à cette posture. Lui n’avait pas pratiqué la méditation à ce point, et n’était pas non plus habitué à rester dans la même position pendant des heures.

Pendant que son maître s’était déjà plongé en contemplation, Akodo chercha consciencieusement LA position. La plupart du temps, il se sentait bien, jusqu’à ce que sa cheville, son épaule, son dos ou une autre partie de son corps se mette à se plaindre, et il ne pouvait pas vider son esprit s’il résonnait des protestations de son corps. Au bout d’un moment, il réussit, en s’adossant de manière plus ou moins informe à un mur. Il essaya de se concentrer sur les sensations environnantes, le vent contre les murs, le soleil passant à travers les shôji, et le ronronnement content de Fude, qui peu à peu passa en bruit de fond…jusqu’à former un second silence qui tapissait les sens d’Akodo, comme si le son devenait vision, senteur, saveur, sensation globale.

Kanjiro ne méditait pas véritablement. Il ne faisait que se plonger dans ses pensées et réflexions, sans se préoccuper du reste du monde, ce qui était bien suffisant pour le placer en état second. S’il s’était laissé glisser dans ses sensations, il n’aurait pas tardé à atteindre l’esprit vide et peut-être même à se projeter au-delà des royaumes mortels. Il ne l’avait pas fait depuis assez longtemps, et il n’en avait pas le temps. Mais lorsqu’il entendit ce qui résonna dans la petite pièce, il se dit que même s’il s’était trouvé au fin fond du purgatoire, il se serait éveillé dans l’instant.

Il avait souvent eu affaire à des morts. Il les connaissait mieux que n’importe quel homme en vie, et d’une certaine manière il les connaissait mieux qu’il ne connaissait les vivants. Mais les morts restaient là où ils étaient, et ne venaient que très rarement dans le monde des vivants. Pourtant, il ne rêvait pas : il connaissait cette chanson, et il connaissait la voix qui la chantait.

Il ouvrit les yeux instantanément.
-Mayumi ? murmura-t-il d’une voix incrédule.
Mais il n’y avait qu’Akodo, les yeux fermés, le visage serein. La voix qui sortait de sa gorge n’était pas la sienne, mais bien celle de sa mère, douce et simple, s’élevant dans l’air frais du soir qui approchait à pas feutrés. Après un temps de surprise, Kanjiro se pencha et appuya son menton sur ses mains jointes, les yeux plissés : ce jeune homme était plein de promesses.

La chanson prit fin et Akodo ouvrit les yeux.
-Alors ?
Sa voix lui était revenue.
-Je pense que nous avons trouvé ton élément auxiliaire, répondit Kanjiro en souriant.
Akodo opina de la tête. Il s’était rendu compte de l’utilité du chant, alors mêmes que ses sens étaient engourdis : son esprit était clair et serein, et la compréhension faisait la lumière sur chaque chose. Tout paraissait tellement plus limpide lorsque l’esprit était placé en état second : une fois sorti de la méditation, la conscience était débarrassée de toutes les pensées superflues et pouvait voir clairement les éléments en place.
-Tu sais maintenant comment essayer de procéder la prochaine fois qu’une crise s’annoncera. Essaye de méditer chaque fois que tu te sens confus ou stressé, chaque fois que ton esprit a besoin de se calmer : tu constateras que c’est extrêmement utile dans ta profession.
Curieusement, Akodo ne ressentit pas d’inquiétude.

La soirée se passa doucement, tranquillement. Chaque élément était savouré puis disparaissait, sans laisser de traces ou de regrets. Puis, une fois la fatigue arrivée, alors que Kanjiro observait le feu sans rien dire, Akodo sentit revenir les doutes et les questions.
-Sensei…
Kanjiro ne répondit pas.
-Je voudrais te poser quelques questions.
-Je t’écoute.
Akodo se sentit rassuré par sa voix pleine d’aisance.
-Tu m’as dit tout à l’heure que tu ne dormais jamais.
Kanjiro rit doucement en fermant les yeux. Il s’étira en baillant.
-Comme tu le sais sans doute, mon Byakugan est activé en permanence. Je me suis entraîné pendant 4 ans pour y parvenir : à l’époque j’étais obsédé par l’idée de progresser, et j’ai cherché le moyen de ne jamais être pris au dépourvu.
-Sakura et Naruto t’ont comparé à Uchiha Itachi, avança Akodo.
Un éclat de rire s’échappa de la bouche de Kanjiro.
-La comparaison est assez juste : lui et moi sommes considérés comme les meilleurs de nos clans respectifs.
-Alors tu es le plus puissant dans toute l’histoire des Hyûga ? Shizune-san m’a dit que Saito-san avait le meilleur Byakugan toutes époques confondues.
-Oh tu sais…c’est aussi une question de réputation. Et cela fait 6 ans que je me suis retiré des affaires de la guerre.
Akodo opina du chef, sans trop savoir quoi penser. Il n’avait pas vraiment envie de faire des comparaisons, ou même de penser à la guerre.
-Et donc, il se trouve que désactiver mon Byakugan me fait un mal de chien, un peu comme si je devais me déboîter et me remboîter l’épaule sans arrêt. Donc je ne peux pas le désactiver, et je ne peux pas dormir.
-Et comment tu fais pour te reposer ?
-Je médite pendant 4 heures. L’avantage est que comme ça je ne prends pas de place et je réduis le temps de repos nécessaire.

Fort à propos, Fude apparut et s’approcha d’Akodo, qui spontanément, sans même savoir pourquoi, s’assit en tailleur pour que le chat puisse se rouler en boule sur ses jambes. Akodo n’eut même pas besoin de poser la question.
-Je devine que tu te demandes ce qu’est exactement Fude.
-Il devrait plutôt se demander qui…marmonna le chat.
-Cette feignasse doublée d’une boule de poils…commença Kanjiro.
-Un chat, quoi, abrégea l’intéressé, très occupé à se contorsionner pour trouver la bonne position.
-…est un nekomata.
-Un nekomata ? Je croyais qu’il n’y avait qu’un Nekomata.
-Tout chat qui dépasse dix ans devient un nekomata, ce qui signifie l’accession à une conscience largement supérieure à celle d’un animal ordinaire et une deuxième queue lui conférant un pouvoir sur la mort qui grandira avec son avancée en âge.
-Mais alors…Nekomata, c’est qui ?
-Leur seigneur, tout simplement. Le roi des chats, si tu préfères. Celui qui possède la plus grande puissance et le lien le plus étroit avec la mort. Celui qui est en place est le premier nekomata à avoir jamais existé et le premier à avoir porté le titre de Nekomata.
Akodo commençait à regarder Fude d’un air bizarre, assez intrigué.
-Et Fude dans tout ça ?
-Fude est le scribe personnel de Nekomata. Son page. Son secrétaire, en somme. C’est aussi son bras droit, et donc son second : il n’a à répondre qu’à lui, et à part Nekomata aucun chat ne peut se targuer de lui être supérieur.
Akodo se rappela la réunion, l'attitude de Fude et la difficulté qu'il avait eu à bouger : le nekomata avait probablement posé un sceau pour le protéger...ou pour protéger l'assemblée.
-Et pourquoi…
Fude et Kanjiro rirent franchement.
-Il a l’air d’un chat normal ? Il adore ça. En fait je pense qu’il déteste son boulot et qu’il préfère largement glander et passer son temps à jouer et à ronronner, comme n’importe quel chat un tant soit peu normal.
-Dis-donc, pour ce qui est du glandage, tu peux parler…fit Fude.
-Bref, donc évite d’être trop intimidé, et traite-le comme un chat normal. Il sera ta balle anti-stress, ton oncle, ta nounou, ton meilleur ami…pourvu que tu sois son coussin masseur.
Akodo regarda Fude, et ne vit rien dans son apparence ou son comportement qui indiquait quoi que ce soit d’autre qu’un chat d’appartement désespérément ordinaire. Après tout mieux valait, comme Kanjiro le suggérait, le considérer comme un chat ordinaire. Il se dit que lui gratter la tête serait un bon début. Et vu le son digne d’une tronçonneuse que fit entendre la boule de poils, c’était un bon début.

Kanjiro bailla à nouveau.
-Bon…je pense qu’il serait temps de…
-J’ai encore une question.
Kanjiro cessa de feindre la fatigue.
-Hier, pourquoi Fude a dit que tu étais mourant ?
L’ermite (car comme il l’avait dit, c’était encore le meilleur terme pour le définir) tourna ses yeux vers Akodo. Il le dévisagea pendant un long instant, un instant qui sembla suspendu.

Puis il porta sa main à son front. Le nœud de son bandeau se défit dans un chuintement de tissu, seul, par la simple volonté de son porteur. L’éclat du feu illumina son front nu, et la marque qu’il portait : le kanji « Blanc ».
-Ceci est un sceau du serment. Il est conçu pour forcer une personne à tenir parole. Lorsqu’il est posé, celui qui le porte prête un serment : s’il ne le tient pas, le sceau le mènera lentement à la mort.
Il soupira et se versa une tasse de thé. Akodo n’osait pas parler : la pièce, cernée par les ombres que faisaient danser le feu, semblait vaciller au gré des paroles de l’ermite, et Akodo ne la comprenait que trop bien.
-Lorsque j’ai passé mon pacte avec Nekomata, j’ai demandé à Fude de poser ce sceau sur moi.
Le thé descendit le long de sa gorge, sa course presque ralentie par la tension ambiante.
-Quant au serment que j’ai prêté…Je devais honorer la mémoire de quelqu’un. Sous peine de mourir à petit feu. Cette personne était mon maître…mon père. En refusant de servir Konoha, de tenir mes engagements envers ta mère et toi, et en abandonnant mon rêve, j’ai trahi ce qu’il m’avait appris.
Akodo poussa un soupir soulagé.
-Alors…
-Alors non, je ne suis plus mourant, ne t’en fais pas. J’ai bien l’intention de faire ce que j’ai à faire et de ne pas mourir avant de l’avoir achevé.
Kanjiro finit le thé et regarda une dernière fois la danse chaotique des flammes avec des yeux emplis de mélancolie. C’était là une histoire issue d’un passé douloureux, une époque de sa vie dont il n’était pas fier. Akodo savait bien qu’il y avait une raison à son exil, il y a 10 ans. Mais il n’eut pas le cœur de lui poser la question.
-Si tu n’as pas d’autres questions, je crois qu’il serait temps que tu ailles te coucher.
Akodo acquiesça et gravit les marches une à une, ses pas alourdis par la fatigue et les quelques traces de soucis qui subsistaient.

Au moment de se coucher, il continua de réfléchir à tous les aspects de l’existence et du pouvoir de son maître qu’il ignorait encore. C’était très dérangeant de penser qu’il en savait encore peu sur celui qui était devenu son maître et son tuteur, comme si celui qu’il connaissait n’était pas le vrai Kanjiro. Il en ignorait encore beaucoup à son sujet, mais il n’avait pas le cœur de lui demander : il pouvait sentir que ce qu’il ne lui disait pas était douloureux, difficile à évoquer pour lui.

La porte de sa chambre s’ouvrit lentement et Fude entra, silencieusement. Sans se presser, il sauta sur le lit et se pelotonna sur le ventre d’Akodo. Le jeune homme se rappela ce qu’avait dit Kanjiro et sentit qu’il pouvait confier ses inquiétudes à Fude, comme si le chat formait un lien entre lui et ce que Kanjiro ne pouvait lui dire.
-Fude…qui est-il réellement ?
-De quoi tu parles ?
Le chat n’éludait pas la question, il ne faisait que demander plus de précision.
-Il n’est jamais le même, j’ai l’impression qu’à chaque instant il change de comportement et de visage. Qu’est-ce que ça veut dire ? De tout ce que j’ai vu de lui, quel aspect est le vrai ?
Fude bailla largement.
-On pourrait te dire qu’il en est ainsi des hommes brisés : il leur reste si peu de forces qu’il ne peuvent s’affirmer face au monde, et ils acceptent tout sans rechigner.

C’était trop forcer le trait : Akodo sentait bien que, malgré son apparence fragile et son comportement insouciant, Kanjiro cachait une force insoupçonnée, qu’il préférait même ne pas scruter.
-Kanji est différent. Il était déjà comme ça avant que je ne le rencontre : à la vérité, si tu as toujours l’impression de le voir changer, c’est qu’il s’adapte. Face à chaque situation, il sait ce qu’il veut obtenir, et il sait comment agir pour réussir. C’est aussi con que ça ; il sait comment faire.
-Il y arrive toujours ?
-En tout cas il a repris du poil de la bête depuis que je l’ai rencontré.
-En fait il manœuvre sans arrêt…dit Akodo avec une pointe d’amertume dans la voix.
-Ca te semble sournois ? demanda Fude. Akodo était sûr qu’il souriait.
-Un peu…
-Il vient d’un monde où il ne fait pas bon être sincère. Et tu ferais mieux de t’y habituer : tu y es entré il y a pas longtemps. T’es un shinobi maintenant, il faut te faire une raison.
Akodo préféra dormir plutôt que de continuer à réfléchir : il ne se sentait pas prêt à abriter autant de pensées sous son crâne. Mieux valait aborder le lendemain sans trop de soucis.

Mais au moment de s’assoupir, Akodo se rendit compte que Kanjiro était sorti. Il était dehors, juste devant la maison. Et il n’était pas seul. Il y avait un autre shinobi avec lui, un shinobi avec lequel il échangeait des mots de nostalgie et de bienvenue, comme deux amis retrouvant des habitudes perdues depuis bien longtemps. Puis ils partirent chacun de leur côté, disparaissant dans un souffle, comme s’ils n’étaient rien de plus que des courants d’air.

Le jeune homme patienta. Il savait que son maître reviendrait, et il voulait déceler, à ce moment, des indices sur les raisons de sa sortie nocturne. Cela prit du temps. Bien plus qu’Akodo ne saurait dire. Des heures peut-être. Mais Kanjiro finit par revenir. Il n’avait pas quitté le village, cela Akodo en était sûr, mais quoi qu’il ait fait, il avait pris son temps.

L’ermite resta un long moment prostré devant l’entrée, comme s’il ne savait comment vivre et agir. La nuit resta silencieuse, comme dépendante de lui, alors qu’Akodo attendait. Puis il se rendit compte qu’il pleurait. C’était un son doux et à peine perceptible, un peu comme le chant d’un grillon, un bruit lent et ininterrompu qui semblait caresser le velours silencieux de la nuit.
-…il ne me dit pas tout, fit Akodo, croyant parler tout seul.
-Si tu ne lui as pas demandé, c’est que tu n’es pas prêt, lui répondit Fude, comme si le chat lui tenait lieu de conscience. Il te dira…lorsque vous serez prêts, lui et toi.

Sang et larmes

Naruto eut un très léger soupir et referma la porte. Il aurait bien voulu s’excuser auprès d’Akodo, lui expliquer qu’il préparait une mission capitale et qu’il n’avait pas de temps pour un ami. Mais c’aurait été lui montrer une part de lui-même qu’il n’aimait pas, et qu’il ne voulait pas montrer au grand jour. Pas encore, du moins. Il se retourna, marcha vers la table et s’y appuya des deux mains.
-Tu es déprimé, fit la voix monocorde de Sai. Ca risque de te déconcentrer pour la mission.
Comme toujours, il ne faisait que constater le fait.
-Je sais, répondit Naruto, une note d’impatience dans la voix.
Il avait eu tout le temps qu’il lui fallait pour apprendre : aujourd’hui, il ne sautait plus à la gorge de Sai. Mais il n’arrivait toujours pas à l’apprécier vraiment.
-Bon, fit leur leader avec un sourire. Cessons de nous inquiéter des émotions des uns ou des déménagements des autres, et revenons à nos missions, si vous le voulez bien, messieurs.
Naruto rit un peu, Tenzô sourit et Sai regarda la carte fixement.

Des profondeurs de son sommeil, Akodo sentit quelque chose de doux lui caresser le visage. L’image de deux yeux blancs emplit son esprit, et il laissa échapper un petit gémissement de contentement alors qu’il s’étirait. Avant de se rendre compte que ce qu’il croyait être une main était en fait un bel assortiment de moustaches.
-Fude !
-Juste au cas où ça t’intéresserait, il va partir.
­Le jeune homme se redressa et écarta une mèche rousse de son visage. Les yeux de Fude lui indiquèrent que le nekomata n’avait pas envie de plaisanter.
-Où ?
-Va lui demander toi-même.
Akodo soupira et se leva rapidement, avant de descendre l’escalier quatre à quatre. Kanjiro était là, assis devant le feu comme si la nuit ne l’avait en rien affecté.
-Kanji ? demanda Akodo, incertain.
L’ermite eut un petit sursaut, et émergea, regardant sa tasse d’un air perplexe.
-Oh ! fit-il soudain, Mon thé est froid.
Akodo eut à son tour l’air perplexe, puis Kanjiro se leva.
-Ah bonjour, Akodo. Passé une bonne nuit ?
-Heu…
-Tant mieux.
Fude descendit l’escalier sans se presser et sauta dans les bras de son maître, qui lui caressa le ventre d’un air absent.
-Ah oui…c’est vrai…
-Arrête de faire l’innocent, Kanji.
-De quoi il parle ? demanda Akodo, enfin sorti des abîmes de sa perplexité.
-J’ai…un rendez-vous.
-Ah…et avec qui ?
-Si je te dis qu’il va dans un cimetière, ça répond à ta question ? fit le chat à la place de Kanjiro.
Akodo hocha lentement la tête. La fatigue et l’enthousiasme disparurent lentement, comme si un voile de plomb les écrasait.
-Et donc…je me demandais si tu voulais venir, demanda l’ermite.
Perplexité, encore.
-Tu voulais me connaître, non ? Je vais devoir rendre visite à pas mal de vieilles connaissances dans les jours à venir, et je pense que tu devrais m’accompagner.
-Oh, après tout pourquoi pas…j’ai jamais parlé à un mort, ça peut être marrant.
Kanjiro et Fude lui lancèrent un regard étrange. Akodo se sentit comme un acteur de kabuki qui aurait débarqué à une veillée funèbre.

Tenzô indiquait les différents points de la carte alors qu’il parlait, d’une voix qui semblait forcer ses coéquipiers à l’écouter. Même Naruto, qui il y a cinq minutes semblait très occupé à se rafraîchir à l’aide d’une canette de bière, était tout ouïe.
-Il y a des mois déjà, nous avons reçu des rapports indiquant une activité frontalière croissante, de la part d’à peu près tout les pays, ce qui augure d’un conflit. Le vrai problème c’est que tous les pays étrangers, à l’exception de Kusa et Suna, concentrent ces activités sur nos frontières.
-Ce qui veut dire qu’on sera la cible, on sait. La suite, capitaine, dit Naruto. Tenzô sourit : il avait pris de l’autorité, mais le jeune homme restait un impatient dans l’âme.
-Logiquement, les postes frontaliers ont été renforcés, et des espions ont été envoyés pour savoir exactement ce qui se préparait. Jusqu’à présent, rien que de très ordinaire : établissement de bases, envoi de troupes, incursions visant à tester nos défenses…Jusqu’à présent, nous n’avons fait que nous jauger.
-Et à présent un des protagonistes s’est engagé dans une action plus décisive, dit Sai comme s’il récitait, avant de poursuivre, Le taux de mortalité des espions de Konoha a anormalement augmenté sur la frontière de Tsuchi.
Naruto grinça légèrement des dents. On ne parlait pas de ses compatriotes de cette façon, même en temps de guerre.
-Ce qui signifie qu’Iwa veut éviter que l’on découvre ce qui se prépare là-bas. Notre équipe a été choisie pour partir enquêter : notre priorité est de ramener l’information à Konoha. Nous ne devons pas tenter d’intervenir, précisa Tenzô en lançant un regard appuyé à Naruto.
-Je sais, répondit ce dernier. Si on intervient, Iwa prend ça comme une déclaration de guerre, on crève, et Konoha se fait attaquer par surprise. Je ne suis pas stupide.
Il y eut un court moment de silence.
-Plus maintenant, ajouta le jeune jônin.
-L’activité en question se concentre au nord-ouest, au-dessus de Kusa. Notre tâche est donc de nous y rendre, d’observer et de permettre à au moins un d’entre nous de ramener l’info à Konoha. S’il s’agit bien de l’offensive de Tsuchi qui se prépare, nous devons à tout prix réussir, où le village aura une excellente raison de perdre la guerre.
Il y eut un léger craquement. Naruto desserra le poing et jeta nonchalamment la canette broyée.
-Qu’est-ce qu’on attend ?

Le ciel était gris, mais Akodo ne savait pas si c’était le temps qui assombrissait l’humeur de son maître, ou l’inverse ; le monde semblait parfois refléter ses pensées. Ils marchèrent à travers le village pendant de longues minutes, mais jamais Akodo n’osa briser le silence qui accompagnait Kanjiro. Il en vint à se demander s’il aurait dû venir. L’ermite semblait à présent vieux et fatigué, tandis qu’ils approchaient d’une partie du village que le jeune homme ne connaissait pas. Il n’y avait pas âme qui vive aux alentours. Un torii gardait l’entrée, un de ces portails anciens qu’on ne voyait plus que dans les temples et les vieilles demeures de la noblesse. Et sur ce portail, un éventail, symbole des Uchiha. Akodo frissonna : sa mère lui avait appris, il y a maintenant déjà 10 ans, que ce clan légendaire, fleuron du village, avait disparu en une nuit, tous ses membres massacrés par le fils aîné du patriarche. C’était aussi à cette date que Kanjiro avait quitté le village. Ils franchirent l’entrée et il sembla à Akodo que l’ermite se voûtait un peu plus à chaque pas. Lui-même sentait la tristesse de ce lieu le gagner peu à peu. Il avait l’impression de marcher dans un squelette. Les maisons étaient intactes et entretenues, mais elles restaient vides et silencieuses, comme des ossements polis par le temps. Cela faisait dix ans, mais il pouvait sentir des relents de chakra émaner de chaque pierre ; il eut peur de les examiner de plus près. C’était véritablement une ville-fantôme, un mémorial à l’échelle de la tragédie qui s’y était déroulée. Sans surprise, la pluie se mit à les accabler. Ce n’était que de la pluie, mais chaque goutte semblait être une larme de plomb.

Naruto vérifia une dernière fois son équipement, le plus rapidement possible pour ne pas faire attendre son équipe. Le capitaine et Sai ne l’imitaient pas : Tenzô était prêt en permanence, quant à l’ex-membre de la Racine…il ne savait plus ce qu’était le doute, il était donc au-delà de ce genre de préoccupations. Le jeune Uzumaki boucla son sac et s’assit en tailleur, prenant la position du lotus.
-J’aurais cru que ce détail aurait déjà été réglé, fit Tenzô.
Naruto n’entendait déjà plus rien. Il allait dans le couloir sombre, là où nul ne l’avait jamais suivi, à l’exception peut-être de Sasuke. La sensation qui courrait le long de ses chevilles était si familière qu’elle était devenue banale ; il marcha dans le corridor au sol recouvert d’eau (enfin était-ce de l’eau ? il se souvenait distinctement qu’il avait un jour marché dans du sang) et passa le linteau étroit qui menait dans les ténèbres. Vers ses ténèbres. La grille était si grande que ses dimensions se perdaient dans les ombres. Derrière les barreaux, on croyait distinguer une forme plus grande encore, si grande que sa simple nature défiait la raison. Et ces yeux…ces yeux au cœur desquels grondait la destruction totale.
-Il fut un temps où tu avais peur de moi, fit la voix de Kyûbi qui n’était en vérité qu’un grondement étouffé, toujours prêt à devenir tonnerre assourdissant.
-Il fut un temps où j’étais un enfant stupide.
-Et ce temps reviendra, mon enfant.
Il rit, et Naruto frissonna à l’idée de ce qu’il pourrait faire de ce rire. A l’idée de sa propre puissance. Car même s’il haïssait cette vérité, Kyûbi et lui étaient plus que liés.
-Je pars en guerre.
-Ah, la guerre…la plus belle invention depuis la mortalité.
-Ferme-la. Quand j’aurais envie d’entendre des blagues, j’irais voir Kiba.
-Commande, enfant, commande, si cela peut te convaincre que je t’obéis…
Naruto en avait déjà assez. Il se rapprocha de la porte. Autrefois il n’y avait qu’un seul sceau, mais aujourd’hui trois autres l’encadraient.
-Tu vois ça ? Ca veut dire que sans ma colère, tu ne peux rien faire. Rien du tout. Que ça te plaises ou non, sac à puces, tu n’as plus aucune prise sur moi.
-Je le sais. Etrange que tu te sentes un tel besoin de le répéter…
Il rit encore. Naruto se répéta qu’il le contrôlait, qu’il n’était plus son esclave, qu’il n’avait plus besoin de lui…
-…Peut-être est-ce parce que tu sais que tu auras besoin de moi…Quand on part en guerre, on a toujours besoin que la mort marche à ses côtés.
-Je sais que j’aurais besoin de ta force. Mais il y a une chose que je vais t’enfoncer dans ton crâne poilu.
Le grondement se tut.
-C’est toi qui as besoin de moi. Sans moi tu es mort. Et maintenant que je contrôle ma colère, je te contrôle toi : je n’ai qu’à me retenir, et plus jamais tu ne pourras goûter au sang. Et si jamais tu essaies encore de me dominer, je te jure que je te tuerai de mes propres mains.
-Me tuer ? Tu ne peux y arriver sans te tuer, enfant.
-Toi et moi savons qu’il n’y aura pas de différence à ce moment. Je sais ce que tu es. Je sais ce que je suis.
­-Jamais tu n’en auras la volonté. Je ne pense pas que tu sois prêt à rejeter si vite ton précieux rêve, et la sécurité de ton village : sans moi, jamais vous ne gagnerez cette guerre.
-Tu veux voir l’étendue de ma volonté ?
Le silence se fit. Naruto sourit.
-Nous avons besoin l’un de l’autre.
-Jamais tu ne seras en sûreté.
-Je ne veux pas l’être. Nous verrons bien si tu auras assez de volonté pour renoncer au sang. Quand le jour viendra, nous verrons, mon gros.
Naruto rouvrit les yeux. Il avait connu le démon bien plus agressif. D’aucuns croiraient qu’il était devenu inoffensif, mais c’était faux : il était la destruction en personne, comment aurait-il pu être inoffensif ? Il pouvait être patient. Horriblement patient. Mais Naruto serait prêt.
-Il est temps de partir, observa Sai.

L’endroit était terrifiant. Horrible. Akodo se demandait comment il faisait pour ne pas tourner les talons. Il s’était imaginé que le cimetière du clan serait un lieu de repos, là où tous les morts auraient trouvé la paix. Mais alors qu’il s’efforçait de comprendre et d’apprendre, il s’était trouvé frappé par un terrible désir de vengeance. Partout, il pouvait sentir jusque dans les maigres arbres la soif de justice de centaines d’âmes. Toutes criaient et demandaient le sang d’une seule personne. Un être qu’à présent nul ne pouvait atteindre : leur meurtrier. La main de Kanjiro se posa sur sa tête et caressa doucement ses cheveux.
-Calme-toi, Akodo. Ce n’est pas ta vie qu’ils réclament.
Le jeune homme reprit son souffle.
-Laisse les morts à leurs affaires. Tu n’es pas encore assez pour t’en mêler.
-Assez quoi ? demanda-t-il en haletant.
-Toute l’existence est en cause face à la mort. Tu l’apprendras plus tard.
Il ne laissa pas à Akodo le temps de répondre. Devant eux se dressait une stèle couverte de prénoms.
-Par cette stèle on garde le souvenir de ceux dont les corps n’ont pas été retrouvés après le massacre.
Il caressa du doigt la stèle et murmura des mots de réconfort. Akodo se rapprocha et vit qu’il regardait le nom d’Uchiha Mutsumi alors qu’il prononçait le dernier mot.
-Merci…
Puis il s’écarta du chemin et s’avança entre les tombes. Malgré ses yeux omniscients, il semblait chercher quelque chose du regard. Puis il s’arrêta d’un coup, comme frappé de stupeur. Il s’agenouilla doucement et passa une main tremblante sur la pierre qui lui faisait face. Akodo y lut un nom : Uchiha Setsuko.

Les arbres ne tremblaient même plus alors que les trois ninja les foulaient à la vitesse de l’éclair. La journée s’était passée silencieusement, et ils étaient à présent arrivés à leur première étape, un village en plein cœur de la forêt, à mi-chemin de la frontière avec Kusa. Ils y passeraient la nuit et repartiraient tôt le matin, sans que personne ne se souvienne vraiment de leur visage : les gens du commun évitaient de regarder les shinobi en face, comme ils évitaient de sortir une fois la nuit tombée. Tenzô leva la main et tous s’arrêtèrent comme un seul homme.
-Vous sentez ?
-Il y a des intrus au village, constata Sai.
Naruto se tourna vers son capitaine, qui dit un seul mot.
-Zanshin (Vigilance absolue).
Naruto et Sai se placèrent sur une branche. Le premier s’assit en tailleur, adoptant à nouveau la position du lotus. Le deuxième s’agenouilla, sortit un flacon d’encre de son fourre-tout le plaça devant son coéquipier. Tenzô attendit. Naruto prit cette fois le chemin inverse : dissipant son attention au sein des sensations environnantes, il la projeta peu à peu au-delà de ses sens. Lorsqu’il ouvrit les yeux, son regard était vide. Sai passa doucement ses bras autour de son cou et ferma ses propres yeux. Une minute plus tard, les deux jônin étaient totalement figés. Mais l’encre commença à bouillonner, jusqu’à sortir du flacon pour former un globe flottant et luisant, dont la surface était troublée par le souffle léger de la brise. Il prit soudain la forme d’un bâtiment, au sein duquel six silhouettes imprécises se mouvaient. Tenzô sourit et forma le sceau du serpent. De longs filaments noirs surgirent sous les pieds des petits personnages, qui s’agitèrent en un élan de panique alors qu’ils étaient enserrés impitoyablement. Le capitaine grinça des dents. Son visage prit une expression terrible. Les six silhouettes minuscules furent déchiquetées et leur sang noir gicla sur les murs liquides. L’encre se résorba peu à peu en un globe et retourna dans le flacon. Naruto et Sai reprirent leurs esprits. Le jeune Uzumaki regarda d’un air exaspéré les bras de Sai, qui les retira lentement.
-Poser une main sur mon épaule suffirait, tu sais.
-Je sais.
-Nous dormirons tranquilles ce soir, fit Tenzô, toujours le sourire aux lèvres.

Kanjiro se mordit le pouce.
-Recule un peu, fit Fude.
Il sauta sur l’épaule d’Akodo, et sa présence rassura le jeune homme alors que l’atmosphère prenait un tour de plus en plus étrange. L’ermite traça une ligne de sang sur le nom, ferma les yeux et forma les sceaux de l’invocation. Les lettres semblèrent absorber l’offrande et brillèrent d’un éclat écarlate qui pulsa comme un cœur. Il y eut une grande lumière et le rituel s’acheva. Akodo pouvait sentir une présence près de la tombe, mais il ne voyait ni n’entendait rien. Kanjiro se leva et tendit une main ouverte à hauteur de visage.
-Salut, ma grande.
Il y eut un temps de silence. Il rit.
-Je sais…je suis un peu plus maigre.
Son sourire s’adoucit.
-Ne t’en fais pas, je vais bien.
Ses sourcils se haussèrent et il rit de nouveau.
-La crevette ? C’est mon filleul, Asano Akodo…Oui, le fils de Mayumi.
L’ermite se tourna vers lui.
-Elle te salue et te demande si tu es libre.
-Elle a quel âge ?
-En apparence 22 ans, en réalité 32.
-Eh ben tu lui diras que ma religion m’interdit de sortir avec des Uchiha mortes de 32 ans.
Kanjiro rit un peu plus. Setsuko aussi, a priori. Ils reprirent vite leur discussion.
-Non, je ne l’ai toujours pas tué. Désolé. Je suis un peu occupé en ce moment.
Il écouta quelques instants.
-La guerre approche. Ca devrait répondre à tes questions. Si tout se passe selon mon plan, j’aurais réussi avant même la fin du conflit.
Il prit un moment pour réfléchir, et eut l’air gêné de demander :
-Est-ce qu’il m’en veut toujours ?
La surprise se peignit progressivement sur son visage.
-Tu ne l’as pas vu ? Il est mort pourtant…Après tout l’au-delà est vaste. Je pourrais sans doute t’aider à le trouver, si tu veux.
L’air devint triste. Il tendit de nouveau sa main, comme pour caresser un visage.
-Tu me manques tellement…
Il ouvrit la bouche et sembla hésiter un instant. Son visage s’avança, puis s’arrêta.
-Je sais. Je sais…
Sa voix n’était plus qu’un murmure dolent et nostalgique. Il semblait plus vieux et fragile que jamais, et le cœur d’Akodo en fut empli de détresse. Ce moment pesa encore sur eux pendant de longs instants, alors que la conversation touchait à sa fin.
-Je viendrai te voir autant que possible.
Encore un rire, plus triste cette fois, alors que le moment se rappelait à lui.
-Oui, oui, sans négliger mon boulot…Même dans la tombe, il faut encore que tu me fliques…
Il y eut un silence.
-Compte sur moi.
Quelques gestes hésitants, puis il la prit dans ses bras. La vision serrait le coeur : chaque muscle de son corps prenait vie pour saisir ce qui n’était qu’un souvenir éphémère, irréel. L’effort de toute une âme, en vain. Une larme roula sur la joue d’Akodo alors que le deuil emplissait doucement l’atmosphère comme un gémissement étouffé.
-Moi aussi, murmura Kanjiro.
La pluie s’était arrêtée.

Il y a des années, Naruto aurait senti un feu brûler dans ses entrailles. Aujourd’hui, ce n’était pas ce qu’il avait dans le ventre mais dans la tête qui enrageait, et c’était bien plus inquiétant. Aussitôt qu’ils étaient arrivés au village, Tenzô s’était empressé de rassurer les villageois, de leur dire que Konoha veillait toujours sur eux. Mais le village ne voulait pas être rassuré. Le premier homme qu’ils avaient rencontré avait immédiatement reculé d’un pas. A voir son visage, on aurait cru qu’il venait de découvrir un nid de frelons, dans toute sa répugnante dangerosité.
-Je sais ce que vous êtes, ninja : des messagers de guerre et de mort.
-Notre fonction est de combattre ceux qui menacent notre pays et ses habitants, récita Sai.
-En gros on vous protège, le coupa Naruto. Donc soyez plus polis.
Son ton devenait froid et dur. L’homme ne répondit pas, mais continua de reculer. Alors qu’ils descendaient la grand-rue, les enfants fuyaient, les volets se fermaient et on entendait des gens murmurer que la guerre était à leur porte, que bientôt leurs maisons allaient brûler…Meurtre, destruction, viols…Toutes les horreurs imaginables leur étaient mises sur le dos. Finalement, l’équipe fut forcée de passer la nuit dans une maison créée par Tenzô à partir du sol de la forêt. Et l’inquiétude de Naruto allait croissante. Le capitaine le remarqua bien assez vite.
-Les villages comme celui-ci ont beaucoup souffert de la guerre ; il suffisait d’une escarmouche pour en raser un. Ils haïssent l’idée de la guerre, ce n’est pas surprenant qu’ils en viennent à haïr ceux qui la font, expliqua-t-il avec son éternelle franchise. D’habitude elle mettait Naruto de bonne humeur, mais aujourd’hui elle ne pouvait pas lui faire oublier les faits. Il entendait de moins en moins son capitaine.
-Quelle bande de cons…c’est pour eux qu’on passe notre vie à tuer et à risquer notre peau…S’ils croient que c’est facile…
Mais ce serait si facile de tout changer. De mettre fin aux reproches, de forcer leur respect.
-Nous sommes un mal nécessaire pour eux. Si ça se trouve, ils s’imaginaient qu’avec la fin de la caste des guerriers, la guerre allait disparaître.
De mettre fin aux guerres, d’anéantir tous ceux qui voulaient s’en prendre à Konoha.
-C’est intéressant…Autrefois, on haïssait les ninja parce qu’ils faisaient le boulot déshonorable. Maintenant on les hait parce qu’ils font la guerre, nota Sai d’un air si détaché qu’il en devenait insupportable.
De faire table rase et de changer les règles. De faire de la guerre une chose bonne. Il suffit de s’en donner les moyens. De détruire tous ceux qui s’opposeraient. Une voix profonde résonna dans son esprit : « Je vis pour détruire. Tu vis pour la guerre. » Naruto sursauta : il s’était laissé aller, et cela faisait tellement longtemps qu’il ne s’était pas mis en colère…
-Naruto ? Tu m’écoutes ?
Le jeune jônin passa sa main sur son front. Il devait être plus vigilant.
-Oui, je vous écoute.
-Evite de trop penser à tout ça : tu es un ninja de Konoha, et le sort de ton village repose sur tes épaules. C’est aussi simple que ça.
-Un shinobi opère dans les ombres. Il doit être craint pour être efficace. Et il n’a pas à être vulnérable : que ce soit à ses craintes ou à celles des autres, conclut Sai.
Naruto respira profondément. Il ne devait pas échouer. Il ne devait pas avoir de faiblesses. Bien trop reposait sur lui : en tant que gardien du Kyûbi, il n’avait pas le droit à la colère. En tant que prétendant au titre d’Hokage, il n’avait pas le droit à l’erreur.

Akodo était plus que déprimé. Il avait voulu savoir ce que lui cachait son maître, connaître son passé et essayer de le comprendre. Mais à présent il se disait qu’il aurait dû se mêler de ses propres affaires. Il n’était pas encore…assez pour ce genre de choses. Et par-dessus tout, il était effrayé de voir à quel point l’ermite était vulnérable. Au fond de son cœur, il avait espéré que ce qu’il cachait serait une puissance terrible et infaillible. Mais il était finalement plein de failles. Même s’il était rassurant de voir qu’il était toujours humain, il était inquiétant de savoir que celui à qui on avait confié son destin était si vieux et fragile. Kanjiro marchait toujours voûté, le poids de la tristesse pesant lourd sur ses frêles épaules. Et Akodo sentait bien qu’il était au-delà de sa portée : le jeune homme ne pouvait espérer le consoler. D’un coup, l’ermite s’arrêta, auprès d’une échoppe. Il se tourna vers Akodo et sourit.
-Tu ne bouges pas, tu ne parles pas, tu ne respires pas.
Il s’approcha tranquillement du banc à l’ombre des arbres en fleurs, mais ses pas nonchalants ne faisaient aucun bruit sur le gravier. Il y avait là une silhouette imprécise enveloppée dans un manteau beige, penchée en avant. A côté d’elle un plateau sur lequel étaient posés trois brochettes de dango. Kanjiro approcha la main des friandises. Plus vive que l’éclair, la main gauche de la jeune femme saisit son poignet et se retourna, une expression furieuse sur le visage et la bouche encore pleine. Elle fut soudain frappée de stupeur.
-Salut, Anko-chan, fit Kanjiro d’une voix douce.
Elle lui sauta au cou sans ménagement.
-Kanji-kun ! dit-elle en riant après avoir avalé précipitamment.
-Houlà doucement…tu as pris du poids dis donc.
Après quelques secondes de chaudes embrassades, elle le lâcha et se mit à l’étudier sous toutes les coutures.
-Et toi tu as pris ton temps. 10 ans, Kanji-kun, 10 ans ! Qu’est-ce qui a bien pu te prendre autant d’années ?
-Oh tu sais…plus on avance, et plus on a du mal à se rappeler de son point de départ.
Sa voix ne s’était pas tout à fait débarrassée de sa mélancolie.
-Tutututut, je ne veux plus t’entendre parler de ça : tu es rentré, tu as du boulot. Alors tu vas me faire le plaisir de te remonter le moral fissa, fainéantise ou pas !
-Je ne dors plus, Anko-chan, plus du tout, fit-il en secouant la tête.
-Tant mieux, comme ça tu pourras travailler plus.
Il rit franchement et elle salua Akodo d’un signe de la main.
-Et comment avance l’entraînement ?
-Eh ben à vrai dire…commença le jeune homme.
-Oh à merveille ! le coupa Kanjiro. En parlant de ça, le prochain examen chuunin, c’est pour quand ?
-Quelques mois, je crois. Mais me demande pas ça, je ne m’en occupe pas cette année !
-Pourquoi ça ?
-Parce qu’il se passe à Suna, abruti ! Mais où tu étais l’année dernière ?
-Ah désolé, je suis pas censé en parler.
Elle fit la moue et se mit à rire.
-D’accord, gros malin. Je file, j’ai un briefing il y a 10 minutes !
-Les dango finiront par te tuer…par Hokage interposée. A plus !
-C’est ça, à toute ! cria-t-elle en disparaissant derrière les toits.
Akodo, comme toujours, était légèrement consterné.
-C’était…
-Mitarashi Anko, ex-disciple d’Orochimaru.
-Ca, c’est un disciple d’Orochimaru ?
-Oui…dit-il d’un air songeur. Elle ne se laisse pas abattre.
-Au fait…commença Akodo.
-Oui ?
-Qui était ce type à qui tu as parlé hier soir ?
-Shiranui Genma. Il était de ronde quand je faisais le mur, il y a une éternité.
-Ah. Encore un ami ?
-Mes amis ne sont pas tous dans des cimetières, au cas ou tu n’aurais pas remarqué.
Ils sourirent à l’unisson et poursuivirent leur chemin. La pluie n’avait laissé qu’un ciel bleu et une douce senteur nostalgique.
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tiranor
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Message par tiranor »

désolé si ma review va te paraitre courte, mais je n'ai pas grand chose a dire mis a part que comme je te l'avais déjà dit, tes descriptions sont vraiment efficaces, la morosité autour de la rencontre avec setsuko est tres bien rendue. Les reflexions que tu as faites sur le monde ninja et l'attitude de naruto sont interessantes, ca donne vraiment envie de voir l'évolution future que tu vas donner à naruto.

J'ai juste une question, lorsque tu parle de tsuchi, tu parles du village de iwa (siege du tsuchikage), ou alors du pays?
Kanji
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Message par Kanji »

Dans ces chapitres je ne fais pas vraiment de distinctions : Iwa n'est que la force militaire du pays de Tsuchi. En substance, je parle de la puissance politique, pas du lieu, donc je ne sens pas le besoin de faire constamment la différence. Mais Tsuchi désigne bien le pays, et Iwa le village ninja.
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Kydash
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Message par Kydash »

review no jutsu. (depuis le temps que je te l'avais promis ;) )

La fic l'héritage est l'une de mes préférés et j'avais lu la version précédente d'akado. (je ne la trouvais pas si mauvaise que ça).
L'histoire avance plus vite et il y a maintenant un soucis de l'intrigue un peu moins rare distillé plus souvent au gré de la fic.

le nom de Genma shiranui m'a fait pensé à ces bon vieux jeux snk. Je sais pas si tu connais mais ca ma fait plaisir de le voir apparaitre dans une fic naruto.
Les guest sont respectés et bien mélés à la fic.

Peut être je dirais pour ma part comme point un peu negatif, ca serait un petit manque d'action.

Bonne continuation.
Tinton2
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Message par Tinton2 »

Alors comme promis, j’ai lu ta fic et je vais m’atteler à la commenter mais avant tout j’aimerais pousser un coup de gueule !

Ecrire une fic est une activité non lucrative, ici il n’y a que des auteurs qui essaient de coucher sur papier leurs idées et l’histoire qu’ils ont imaginée pour divertir d’autres internautes…

En aucun cas quelqu’un écrit pour se faire lyncher de la sorte par qui que ce soit… J’étais partisan d’essayer de restreindre l’accès à ceux qui écrivent en sms des fics complètement débiles mais là je ne comprends vraiment pas…

Je félicite Kanji d’avoir su garder son calme après avoir lu certains commentaires, je n’aurais pas pu à sa place…

Je ne vais en citer qu’un, une sorte de commentaire qui n'a que pour buts de passer les nerfs de son auteur, d'en descendre un autre et enfin d'étaler sa science et sa culture pour dénigrer l'oeuvre d'autrui et ainsi se sentir supérieur...

Quelques exemples à la volée :
- "l'Hokage" : on ne contracte pas un le/la devant un H.
Bien sûr, quand on est blessé on est transporté à le hôpital.
Un moyen classe de se déplacer c'est de prendre le hélico...

La différence entre H muet et aspiré a dû échapper à l'omniscience de cette personne et je ne pense pas que l'académie française ait classifié le terme "hokage" pour savoir si son "h" est muet ou aspiré...

Mais bon passons... Attention à vos ptites myrettes les amis, vous allez être éblouis par du savoir à l'état pur !!!
- "Saito" est plus souvent utilisé comme nom de famille. D'ailleurs, y'en a pas mal, des Saito ... Lorsque le bas peuple a pu prendre des noms de famille (alors réservés à la noblesse et aux guerriers), ils ont généralement repris les noms qu'ils connaissaient, surtout ceux des seigneurs locaux. ça fait bizarre de voir "Saito" en prénom, c'est tout
- Il ne me semble pas que "jyûken" s'écrive ainsi. Certes, on utilise ji+yu mais ça nous donne ju. Déjà que ji est obtenu en mettant les nigori tenten à shi ... ça complique vachement la chose ... Ah, un exemple. Pour écrire chan (que Naruto sort à Sakura au moins toutes les deux pages), on marque en hiragana chi+ya+n qu'on lit "chan". En partant de là, jyûken prend alors en français la forme jûken, et j'aurai tendance à écrire juuken parce qu'on a en japonais ju+u (le u n'est là que pour ralonger le son). Mais jûken est plus correct d'un point de vue romanjii puisqu'on rallonge les sons o et u par des accents circonflexes.
- Un parchemin est un support que l'on obtient en tannant de la peau animale. Au contraire, les rouleaux japonais et chinois sont d'origine végétale. Alors si on pouvait arrêter de confondre rouleau et parchemin une bonne fois pour toutes, ce serait bien. Je ne dis pas ça que pour cette fic, j'ai aussi fait la faute assez régulièrement avant de réfléchir à mes bêtises.
nb : Remarquez comme, dans sa grande mansuétude, l'auteure de cette merveilleuse critique nous montre qu'elle aussi n'est pas parfaite et que, à une époque bien lointaine, elle faisait les mêmes fautes que nous, mortels...
- On peut contracter tous les muscles en même temps ... lors d'une crise d'épilepsie.
- T'as décrit une crise d'épilepsie ... Je pourrais rajouter que cela a été provoqué par la synchronisation des signaux électriques des neurones XD C'est beau la biologie ...
- Pour briser une vitre en verre, à plus forte raison du double vitrage, il est préférable d'utiliser des hautes fréquences. Les sons sourds, ou basses fréquences, les feront trembler mais pas se briser. C'est beau la physique ...
- Faire blanchir les phalanges, c'est facile ... Enfin, j'ai souvent lu chez beaucoup de gens que c'était un signe de colère, rage, voire force, mais vu la structure d'un doigt, les phalanges ne peuvent que blanchir quand on sert le poing ! C'est plein de ligaments avec un peu de peau par dessus ...
- Toutes les évolutions génétiques sont des hasards totaux ... L'apparition de l'os après le cartilage a été une révolution dans les océans primaires et rien ne prédisposait les bestioles de l'époque à en avoir. Et puis il faut cumuler les mutations génétiques pour arriver à quelque chose ! Par exemple, la couleur de vos yeux est dictée par plus d'une vingtaine de gènes répartis sur au moins cinq chromosomes ! En génétique, on utilise forcément des statistiques, mais à un certain niveau, il faut aussi avoir une sacrée chance pour arriver à avoir le bon résultat (même sur les mouches du vinaigre, ou drosophiles, le résultat a une marge d'erreur impressionnante alors que c'est une espèce simple au niveau code génétique).
- Des fleurs des cimes ... Pourquoi ne pas avoir écrit edelweiss ? Enfin, je dois avouer que j'ai eu recourt à Google@home pour avoir l'orthographe XD Vous n'avez pas compris le jeu de mot ? Tant pis.
nb : Ah... L'humour ne fait pas défaut à notre auteure non plus...
- L'air froid n'a jamais déformé quoi que ce soit. C'est l'air chaud qui agit comme une lentille convexe (qui disperce les rayons). L'air froid n'a qu'une propriété dans le domaine de l'optique : il est moins chargé de poussière et de tout ce qui peut géner l'observation. C'est d'ailleurs, l'un des raisons qui poussent les télescopes à être en hauteur (en plus du peu d'atmosphère à traverser).
Voici un échantillon (subjectif mais assez représentatif tout de même) que dis je, un florilège des remarques de notre commentatrice préférée...

Alors vous, jeunes inconscients, qui croyiez comme moi que pour faire une fic il fallait juste créer une histoire cohérente, intigrante etc... en essayant d'écrire le mieux possible, je vous l'affirme, vous vous fourvoyiez.

Pour écrire une histoire il faut exceller en biologie, physique, génétique, histoire du japon, japonais. Alors, à tous, au boulot !!!

Tiens, je viens d'y penser, il faut s'y connaître dans les mêmes domaines que cette commentatrice pour faire une fic valable... Qui a dit ne pas croire aux coïncidences... ah oui, c'est elle...

Pour une redresseuse de torts et d'orthographe, écrire deux fois dans son commentaire "je paris", c'est assez drôle quand même (plus que ses tentatives de blague en tout cas...).

Je ne pousse un coup de gueule qu'à demi mots sinon elle va encore se plaindre à un modo en disant "oui, le type là bas il dit des trucs méchants sur moi même s'il est encore loin de la vérité, bouh il est vilain !" comme elle l'avait fait dans le dernier topic de fanfic de ce cher Iko (que je ne vous incite pas à aller voir car sinon ça voudrait dire que je cautionne toujours la virulence de mes propos... C'est pas mon genre... Ce n'était qu'un accès de colère...)

...

Ce que je ne comprends pas, c'est que je sois le seul à gueuler contre ce genre de mépris ! Tout au plus j'ai pu lire quelques "tu es un peu dure...". Réveillez vous, il y a un peu plus d'un an, une merveilleuse ambiance régnait dans ce forum mais plus maintenant, on se croirait dans le temple de la compétition...

Rebellons nous contre cet état de fait et envoyons la tous chier et retourner avec sa colloc' !!! Par respect pour les auteurs, il faut cesser d'être indulgent avec des personnes comme ça, ça doit être un devoir de rembarrer ce genre de personnes.

Quelques commentaires après, elle revient à la charge en affirmant qu'elle avait oublié de donner des conseils, à mon avis elle avait plutôt oublié de fermer sa grande ...... (on fait un pendu ?) :razz: :razz:

Je m'excuse cher Kanji d'avoir monopolisé ton topic pour ce coup de gueule mais c'est pour "que plus jamais ça n'arrive". Viendons en au commentaire de ta fic.

Je suis un peu d'accord avec la majorité, au début c'est un peu long, le fait d'envoyer valdinguer Naruto comme si de rien n'était est abusé etc... Mais je trouve que ça se bonnifie grandement avec l'arrivée de Kanjiro.

Tu as su faire quelque chose que très peu d'entre nous savons faire, nous surprendre littéralement. Quand j'ai entendu parler du neko sennin je me suis dit que rajouter des personnages légendaires, c'était moyen, mais tu m'as mis sur le cul, je ne m'y attendais pas du tout, bravo.

Pareil pour la maison endeuillée, comment se douter que c'était l'ancienne demeure de Keitaro. Le moment avec Setsuko était poignant, rares sont les fics qui m'ont fait ressentir de la tristesse, et la tienne compte parmi elles.

Après, beaucoup critiquent la lenteur de ton scénario et le manque d'action mais ça passerait avec un rythme de parution assez soutenu et puis c'est ton style, donc prend en considération les conseils pour l'améliorer et non pour aller à son encontre, ça ne donnerait rien de bon...

Enfin je trouve que tu as un très joli style d'écriture, que certains de tes dialogues sont ponctués d'expressions (midi bien culbuté) ou de répliques que j'ai adorées.

Donc je te félicite et attends la suite avec impatience !
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Kanji
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Message par Kanji »

Tinton, tu es tout excusé d'avoir poussé ce coup de gueule, qui était selon moi au moins partiellement justifié (mais je n'ai pas le bonheur d'être quelqu'un de direct), d'autant plus que cela faisait longtemps que je n'avais pas eu de review sur cette fic, et de review positive en plus. Donc finalement non seulement tu es tout excusé, mais en plus tu es remercié. Si c'est pas bô ça...Alors essayons tous de suivre le bon exemple de Tinton, et de poster quelques reviews de temps en temps (Jainas, Arakasi, lebibou, c'est à vous que je m'adresse), s'il vous plaît, bien entendu.

Sinon sachez tous que vous avez été entendu, et que l'action a décidé de pointer le bout de son nez dans la fic. En effet, comme vous avez pu le constater, dans le dernier chapitre, si d'un côté nous avons gardé un oeil sur Akodo et Kanji vivant leur vie à Konoha, l'autre oeil s'est lui focalisé sur Naruto, Sai et Yamato en pleine mission (l'Héritage, la seule fic qui fasse de vous un caméléon !). Alors avec une team pareille, avec ces histoires comme quoi la guerre est imminente et le fait que la mission ait lieu en pays hostile...vous pensez bien que ça va finir par bouger.

Donc ne perdez pas espoir, continuez à lire cette fic, elle en a besoin.
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Asano Akodo
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Message par Asano Akodo »

Alors mes amis, inspirez, écoutez Tinton, expirez, lisez, inspirez, reviewez constructivement, expirez.
Merci Tinton d'avoir fait souffler cette petite et agréable tornade sur le topic de notre fic ça fait du bien, je le dit haut et fort t'avais raison, je pense pouvoir dire que je suis un peu plus direct que mon cher co-auteur. Enfin bon.
Après une période creuse et (et nous nous en excusons) assez longue, nous nous sommes remis à la création. Un chapitre du Passé Blanc est bouclé et devrait paraître sous peu, et le processus du prochain Héritage est lancé (réunion de création effectuée, écriture en cours).

Donc à une prochaine fois et bon vent.
(comment ça Thalassa, quoi Thalassa, non mais)
aller va lire la charte va! tu sauras mettre une sign à la bonne taille comme ça!
Kanji
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Message par Kanji »

La tanière du lion

La journée était chaude et sèche tandis que les shinobis laissaient derrière eux la forêt, qui s’étaient peu à peu changée en vallée vide et stérile. Lorsqu’ils quittèrent le couvert des arbres, le soleil les éblouit, aussi ingrat et ocre que les terres âcres sur lesquels ils durent poser le pied, maintenant que les branches ne pouvaient plus les soutenir. Sa vision diminuée, Naruto sentit une infime étincelle d’exaspération, et une goutte de chakra écarlate franchi le premier sceau pour venir se mêler au sien. Son pied foula le sol que les guerres incessantes avaient tari, mais l’odeur des cimes froides se fit présente dans le lointain. Il mit l’essence du démon à profit : la goutte qui s’était échappée vint inonder les canaux complexes de ses yeux, et l’éblouissement prit fin. La vallée était comme une longue blessure, une bande de chair rougeâtre sur la peau de porcelaine des montagnes, à la frontière directe entre Hi et Tsuchi. A gauche et à droite les pics millénaires, coiffés de neige comme des vieillards aux cheveux blancs. Au-dessus, le ciel semblait venir d’un hiver que Konoha n’avait que rarement connu, si bleu et si pur qu’il déformait l’espace. Au loin, il se chargeait de nuages gris et des rideaux de pluie diaphane balayaient les steppes.
-Nous serons à l’avant-poste ce soir, fit Tenzô. A condition de nous bouger un peu, ajouta-t-il, lançant un regard en direction de Naruto.
Tendant l’oreille vers lui-même, le jeune jônin entendit son cœur battre, lent et stable, et sentit la bête pulser dans son ventre contre les barreaux de la cage, avec une frénésie patiente. Les barrières tenaient. Il approuva d’un signe de tête et ils reprirent leur marche.

Quelques heures de marche plus tard, ils étaient arrivés dans un paysage radicalement différent, fait de steppes s’étendant à pertes de vue, parsemées de roches et autres massifs. Les montagnes n’étaient que des géants incertains à l’horizon, sous un plafond de sombres nuées. Et là, à la sortie de la vallée, encadré par les contreforts des montagnes, se tenait un vieux fort massif, aux contours irréguliers, comme les pierres qui avaient élu domicile dans cette plaine désolée. A mesure qu’il s’en approchait, Naruto put distinguer son architecture simple et fonctionnelle, presque revêche : sa porte massive en bois de chêne, ses murs lisses et sans prises, ses tours inflexibles et l’impression de ténacité qui s’en dégageait. Yamatoguchi (la Porte de la Montagne) avait été prise aux forces d’Iwa pendant la dernière grande guerre, et avait tenu la frontière depuis, si inflexible et impitoyable envers les ennemis que les shinobi de Konoha l’avaient affectueusement renommé Shuutome no Jôkaku (le Fort de la Belle-mère).

La porte cyclopéenne laissa entendre un grincement sourd lorsqu’elle s’ouvrit, et Naruto sentit sur sa nuque le regard du guetteur ; lorsqu’il se retourna, il plongea son regard dans ses yeux blancs : ils avaient sans doute été repérés il y a des lieues de là. Dans la cour, les ninjas vaquaient aux affaires de la guerre, réparant les armes, inspectant les fortifications, patrouillant sur les remparts…Tenzô s’adressa à l’un des gardes, lui communiquant l’objet de leur mission, lettre de l’Hokage à l’appui. Saï resta près de lui, surveillant les alentours de son regard vide. Naruto s’éloigna un peu, cherchant quelque chose parmi l’agitation du fort, ou plutôt quelqu’un. Il n’eut pas à chercher longtemps : les échos d’une voix imposante résonnant sur les vieilles pierres faisaient un assez bon repère.
-Beau boulot ! Bon, faites une pause les gars, il y en a encore cinq comme ça à hisser.
Naruto eut un sourire presque soulagé en voyant son camarade. Là, sur le rempart, engoncé dans son armure, une crinière de cheveux roux retombant sur son dos cuirassé, Akimichi Chôji était campé, l’air aussi inébranlable qu’une montagne. Lui et trois autres shinobi venaient de hisser un énorme chaudron, qui servirait probablement à repousser des attaquants à grandes coulées d’huile bouillante. Mais là où les chuunin étaient déjà fatigués, Chôji avait gardé tout son souffle, et sa voix portait loin son autorité. Baissant les yeux, il remarqua Naruto, et sourit largement.
-Repos, messieurs !! lança-t-il à l’adresse de tout le fort, et son sourire s’élargit. A la soupe !!
Naruto leva les sourcils et laissa échapper une exclamation d’incrédulité.
-Quoi ! Mais la soirée n’a même pas commencé !
Chôji sauta des remparts et comme d’habitude, le fort tout entier se demanda si la terre allait se mettre à trembler. Au beau milieu de l’absence flagrante de séisme, le jeune Akimichi donna à son camarade une franche tape dans le dos. Son sourire respirait et inspirait la franchise et la confiance.
-Il n’y a pas d’heure pour dîner avec un ami.
Naruto laissa échapper un soupir d’exaspération résignée, comme pour dire à Chôji qu’il n’avait pas changé, mais qu’il fallait bien que jeunesse se passe, aussi bien pour l’un que pour l’autre.

Mais la vérité était que jeunesse s’était passée il y a bien longtemps : aujourd’hui, Chôji était le commandant d’un des postes frontaliers les plus importants du pays, un meneur d’hommes fiable et charismatique. Et Naruto…Naruto avait dû grandir pour être à la hauteur du défi qu’était son existence, et avait préféré cacher ce changement à tous, ou presque. Il crut entendre la voix de Tenzô : « Pour tromper tes ennemis, commence par tromper tes amis. » Mais il n’avait jamais vraiment eu besoin de tromper ses ennemis, et voilà près de trois ans qu’il trompait ses amis. La mélancolie se changea en doute, puis en amertume alors que les souvenirs ressurgissaient.

Il se rappela l’intonation pleine de reproche et les yeux furieux qu’elle avait pris un nombre incalculable de fois.
-Ca ne peut plus durer !

Il y avait eu des larmes timides dans d’autres yeux, alors qu’elle prenait un ton terriblement calme.
-Je comprends…il est temps que nos chemins se séparent, n’est-ce pas ?

Une autre voix gonflée de sanglots et un visage pâle et couvert de sang.
-C’est fini, Naruto…il est parti.

…et peut-être…peut-être, il y a des années, un maelström de rage et de confusion dans ses pupilles noires, juste avant qu’il ne…

Il agrippa sa veste au niveau de son ventre tandis que les grondements éternels résonnaient dans son esprit. Le ciel s’était assombri et un coup de tonnerre se faisait entendre sur les steppes désolées. Chôji se retourna, l’air soucieux.
-Ca va ?
Naruto se fit violence et ravala la rage et la rancœur qui descendirent le long de sa gorge comme du poison. Lorsqu’il releva la tête, il avait tissé un masque au sourire gêné dont il se rappelait encore à peu près, le visage qu’il affichait il y a bien longtemps.
-Ouais…c’est juste mon estomac qui proteste.
Chôji hésita un instant puis sourit. Il avait beau avoir grandi, il avait gardé une once de naïveté pour ses amis.
-Eh ben tu vois, quand tu veux ! Allez viens, allons calmer cet estomac : j’ai bien l’intention de te demander des nouvelles du village et…
-Et ventre affamé n’a pas d’oreilles, récita Saï, qui s’était glissé à leurs côtés, aussi imperceptible qu’une commode rachitique montée sur deux jambes.
Bien souvent, on aurait cru que l’ex-membre de la Racine faisait partie des meubles. Naruto leva les yeux au ciel et Chôji afficha une expression incrédule, puis Tenzô rappela tout le monde à l’ordre d’un toussotement et d’un début de regard effrayant, et ils se dirigèrent vers la cantine, accompagné par la foule des shinobi de Konoha.

Dans les baraquements, des dizaines d’hommes se restauraient, le bandeau de Konoha au front. Une symphonie ordinaire se fait entendre, faite de bols de riz s’entrechoquant, de baguettes et autres mâchoires s’activant, et de thé coulant avec avidité dans et hors des tasses ; entre cette musique sans prétention et les discussions qui allaient bon train, l’ambiance était à la camaraderie. Mais l’insouciance était bannie à jamais de cet endroit séparé de l’ennemi par une frontière, une ligne d’encre sur une carte dont les batailles se moquent : chaque shinobi était aux aguets tout en se laissant aller à prétendre le contraire. Naruto pouvait le sentir, puisqu’il était tenu au même devoir, mais ici la tension s’effaçait devant la présence d’un ami.
-Alors comment est la vie à la frontière ?
-Comme ci, comme ça…répondit Chôji, qui s’était entraîné à parler clairement même la bouche pleine. Ca ne fait que six mois, mais j’ai parfois l’impression que j’y suis depuis des années : t’as pas idée de ce que je donnerais pour voir un arbre…je ne connais rien de plus chiant et de plus plat que les steppes de cette foutue région.
Saï mangeait à une cadence qu’on aurait pu calculer à la microseconde près, prenant le temps, entre chaque bouchée méthodique, d’estimer d’un œil insensible les dimensions de la pièce, les reflets des bougies sur les murs ou le rendement possible des profondeurs amères d’une tasse de thé sur une estampe à la mode féodale.
-Les escarmouches avaient lieu régulièrement jusqu’à présent, mais toute activité a cessé du côté de Tsuchi, observa-t-il. Combien d’espions ont été tués en mission ?
-Nous avons perdu une équipe complète le mois dernier, répondit Chôji. Son sourire s’était effacé.
-Godaime nous envoie pour enquêter sur le problème, précisa Yamato. Si tout se passe bien, tu n’auras plus à craindre pour tes hommes.
Le commandant hocha de la tête et en revint à son dîner.
-Et comment vont les autres ? demanda-t-il après avoir vidé sa tasse de thé.
Naruto eut un petit rire et une pensée mélancolique : c’était la première fois qu’il voyait Chôji en un an, mais il savait bien de qui le jeune Akimichi parlait.
-Shikamaru s’en tire plutôt à bon compte, avec son poste d’ambassadeur à Suna, fit-il avec un sourire en coin. Il continue à prétendre qu’il ne se passe rien, mais j’étais à Suna avec Ero-sennin y a pas longtemps, et…
-Et Temari t’a semblé un peu trop joviale ?
-Voilà. Quant à Ino, ben ça ne change pas…je pense qu’à sa place, j’aurais laissé tombé après deux semaines.
-La cour est un lieu de subtilités : tu n’es pas fait pour la politique, Naruto, asséna Saï, avec un regard intense en direction de son camarade.
-Elle joue toujours les psychiatres pour se faire de l’argent de poche ? demanda Chôji.
-Je la comprends : avec autant de ninja, elle a des clients à n’en plus finir…Depuis combien tu ne les as pas vus ?
-Un peu plus de sept mois.
Le silence se glissa de nouveau entre eux. Il y avait six ans de ça, ils passaient leur examen final à l’Académie. Aujourd’hui chacun d’entre eux semblait avoir trouvé sa voie, et, la suivant, s’était peu à peu éloigné des autres, lentement et sans chagrin.
-La guerre vous rapprochera, prédit Saï, comme s’il présentait la météo, le ton monocorde en prime.
Chôji se pencha vers Naruto et lui parla à voix basse.
-Dis…tu bosses avec lui, alors je pense que t’es bien placé pour me répondre…Qu’est-ce qu’Ino fout avec un type pareil ?
Ils jetèrent un coup d’œil discret à l’ex-membre de la Racine, qui les avait sans doute entendu. Pour maintenir l’illusion, Naruto aurait dû faire un sourire bête, se gratter la tête nerveusement et dire qu’il n’en savait foutre rien. Mais par amitié pour Chôji, il se décida à parler sincèrement.
-Ben…je pense qu’elle a d’abord dû trouver qu’il ressemblait à Sasuke. Tu sais, elle a beau dire, je crois qu’elle ne l’a jamais complètement oublié.
-Mouais…ça fait quand même près d’un an qu’ils sont ensemble, je doute que sa tronche lui ait suffit.
Le jeune Uzumaki hésita. Il savait le fin mot de l’histoire, bien sûr, mais tout dire à Chôji aurait été révéler à quel point il avait changé en trois ans, et faire naître doute et suspicion dans l’esprit de son ami. Etant donné le conflit qui menaçait, ce n’était pas un trouble dont avait besoin un meneur d’hommes. Mieux valait ne rien lui dire. Il haussa les épaules et, pour faire diversion, toucha la corde sensible.
-T’aurais pas un peu de saké en réserve, un grand officier comme toi ?
Chôji sourit et le sujet fut délaissé. Ils parlèrent et rirent, mangèrent et burent, puis laissèrent la place à l’autre moitié de la garnison, celle qui avait monté la garde pendant qu’eux se restauraient.

La page était blanche et vide. Bien sûr, à la seule lumière de la timide lanterne on pouvait distinguer le grain et la couleur du papier, mais la page était blanche. La pierre à encre avait versé son sang noir et le pinceau était suspendu au-dessus de la surface vierge. Il ne fallait pas la souiller à la légère. Au-delà du shôji ouvert, le ciel était vide, excepté une lune pâle, d’où se détachaient avec peine quelques nuances de bleu. Sai était seul dans les quartiers de son équipe, en train de réfléchir à l’effet que pourrait bien produire un ciel sans étoiles. C’était toujours ainsi : il avait continué la peinture parce que c’était une pratique qui l’encourageait à réfléchir, mais il ne pouvait pas fonctionner comme les autres peintres. Il admirait souvent les œuvres d’Issun, qui avaient traversé les siècles depuis la période féodale, mais il ne pouvait pas observer un paysage et s’efforcer de faire figurer sur la toile les impressions que ce spectacle faisait naître en lui. Parce que rien ne naissait en lui, parce que son cœur était depuis longtemps une page blanche. Alors il s’efforçait de comprendre ce que les autres pouvaient bien trouver à ce ciel sans étoiles, et déduisait que la mélancolie naîtrait de cette lune solitaire et pâle. Le résultat était sans doute le même, mais au fond il ne prenait pas du tout le même chemin. Et lui seul pouvait en apprécier l’ironie et la subtilité. Il sourit et le pinceau s’approcha de la toile.

Sa main ne trembla pas d’un iota lorsque le panneau d’entrée s’ouvrit en claquant, laissant entrer un Naruto à l’air hagard. Sai continua, lui prêtant attention tout en peignant soigneusement. A défaut de pouvoir tirer une impression d’un paysage, il pourrait sans doute en tirer une d’un camarade.
-Comment te sens-tu ?
Le jeune homme s’adossa contre une poutre et reprit son souffle. Le ciel nocturne était vide, la toile le serait aussi. Mais pas littéralement. Il n’y avait rien que l’œil pouvait sentir.
-Tu sais bien comment je me sens, répliqua Naruto.
-La question n’est pas de savoir si moi je sais comment tu te sens. La question est de savoir si tu admets comment tu te sens, dénota Sai, d’une voix aussi plate que l’électrocardiogramme d’un squelette. Il ne s’agit pas de moi. Il ne s’agit jamais de moi, Naruto, tu le sais bien.
Ce n’était rien de plus qu’une évidence, mais son camarade laissa échapper un nouveau soupir. Le vent battait en permanence les steppes désolées, comme le regard qui parcourrait le ciel pour y trouver une lumière, pour y trouver du sens. Le pinceau traça d’éphémères volutes d’encre, comme des bourrasques fantômes.
-Tu as fait bonne impression ce soir.
Ce n’était pas un banal compliment qui aurait maladroitement tenté de rassurer Naruto : Sai voulait le jauger, comme il jaugeait chaque chose qu’il rencontrait, à tout moment. La lune était encore gibbeuse, hésitante.
-Ouais, ouais…s’évada le Jinchûriki.
-Sérieusement, tu t’es bien débrouillé.
-Je sais ça ! lâcha-t-il, sa voix claquant comme un coup de fouet dans l’air du soir.
Il s’interrompit brusquement et passa la main sur son front, les yeux presque effarés. Sai l’avait vu avant même qu’ils ne partent de Konoha : Naruto était sur la brèche. Peut-être était-ce l’arrivée de la guerre, le temps et la frustration accumulés ou alors un évènement en particulier qui l’avait forcé à relâcher son contrôle, mais le démon tressaillait, et les remous de sa colère menaçait de briser Naruto comme un fétu de paille. L’astre nocturne prenait une consistance vague sur le papier, comme s’il n’était qu’un reflet vacillant sur l’eau.
-Depuis combien de temps je suis tes leçons, Sai ? demanda-t-il vaguement après s’être assis.
-Environ deux ans et demi.
Naruto eut un petit rire de fausse incrédulité.
-Quoi ? Pas de date précise à la minute près ?
-Je n’ai pas fait le compte, et tu sais très bien pourquoi…
Le jeune Uzumaki haussa les sourcils, interrogateur.
-Parce que ça ne peut pas m’obséder, acheva Sai, faisant ainsi naître une étincelle face à la montagne de poudre qu’était son coéquipier. C’était une lumière blême qui s’accumulait dans le visage de porcelaine suspendu dans les cieux.
-…Pourquoi tu as commencé à m’enseigner tout ça ?
-Tu m’as demandé de l’aide parce que tu désirais mentir à tout ceux que tu connaissais, afin de leur cacher que tu commençais à changer.
Ses yeux se plissèrent, tandis que son regard ne bougeait pas de la toile. Le malaise qui se dégageait de la voix de Naruto ressemblait à la lueur presque maladive de la lune.
-Rejeter la responsabilité de ces leçons sur moi ne changera rien. C’est toi qui as voulu apprendre à mentir.
-Je n’ai pas le choix…
Il était déjà sur la défensive, mais Sai n’avait pas l’intention de s’arrêter.
-C’est ta plus grande faiblesse, Naruto. Je le sais depuis bien longtemps : je t’étudie depuis que je t’ai rencontré. Tu es peut-être différent, mais cela au moins n’a pas changé…
Le souffle du Jinchûriki se fit plus profond, et Sai dut réprimer l’envie pressante de sortir une arme, comme son expérience le lui recommandait. Le vent et la lune devaient s’agencer parfaitement, entre malaise et frénésie.
-…Tu ne sais pas te remettre en question. Tu ne l’as jamais fait qu’une fois dans ta vie, et je doute que tu sois capable de le faire de manière efficace. Bien sûr tu as d’autres faiblesses, en légions, mais c’est celle-ci qui va te faire…
-Tuer ? le coupa Naruto. Le verbe résonna dans l’espace comme un commandement au destin. La main gauche de Sai glissa vers son étui à shuriken. Les bourrasques cherchaient désespérément les étoiles du ciel, soufflant jusqu’à étouffer leur propre vie. La lune contemplait la toile d’un air songeur et terne, un œil pâle sur le vide implacable des steppes.
-Non, Naruto, bien pire que ça. La mort devrait être le cadet de tes soucis.
Il leva le pinceau et regarda l’œuvre. La lune se reflétait dans l’œil de son camarade, et sa lumière blême y produisait un éclat fiévreux. Le vent retombait doucement tandis que le jeune jônin laissait sa respiration faiblir, jusqu’à ce qu’elle revienne à la normale.
-Merci pour ton aide, Naruto. Grâce à toi, l’esquisse est parfaite, dit Sai, un léger sourire de satisfaction aux lèvres. On aurait pu peindre une galerie entière avec des sentiments aussi violents, pensa-t-il.
Le jeune Uzumaki baissa les poings et on entendit un grognement d’effort tandis qu’il réprimait sa rage. Il était encore suffisamment lui-même pour garder la tête claire : Sai avait entièrement raison, et ils le savaient tous les deux. C’était contre lui-même qu’il devait diriger sa colère ; tout avait commencé avec lui, et finirait par lui. Après tout, c’était bien ce qu’il avait voulu : endosser seul ses problèmes.
-Si tu te demandes pourquoi, ce n’est pas moi qui pourrai te fournir la réponse, observa calmement Sai.
Naruto ne répondit pas et sortit de la pièce, les yeux à présent rivés sur le vide des cieux.

Une requête surfaite présentée à Chôji et donc un nouveau mensonge avait suffit pour que Naruto se retrouve affecté au poste de sentinelle, avec toute une section de rempart pour lui. Pour être enfin seul. Pas dans les couloirs sombres où le démon ricanait sans cesse, pas dans les baraquements pleins de vie et de franchise, pas dans la chambre pâle d’où l’on voyait la lune. Pas avec Chôji à qui il devrait continuellement mentir, pas avec Sai dont le vrai visage n’était qu’un miroir. Il s’assit sur la pierre froide et regarda au loin. La platitude des steppes s’étendait jusqu’à l’horizon, parsemée de rochers paresseux, et le vent jouait entre les hautes herbes en sifflant doucement. Le tapis semblait se dérouler à l’infini, en nuances de gris, de vert et de brun, jusqu’à ce que le regard tombe au pied des montagnes, qui étaient bleues et sombres, là où la terre rejoignait le ciel. Même vues d’ici, à des centaines de kilomètres, elles étaient si placidement imposantes…Avec les années, Naruto avait pris l’habitude de rechercher la solitude des grands espaces, là son regard pouvait se perdre et son esprit s’égarer : seul face au monde indifférent, il se laissait prendre par le vertige et cessait de penser à son existence et à tout les problèmes qu’elle engendrait. Il restait des heures à perdre du temps, comme pour se convaincre qu’il n’avait rien d’autre à faire, puis se rappelait que s’il rencontrait des obstacles, c’était parce qu’il s’était fixé un but. Parfois il avait peur de l’oublier.

Il ne réagit pas quand il entendit des pas s’approcher de lui. Un soupir feutra doucement de part et d’autre.
-Belle nuit, n’est-ce pas ? fit la voix de Tenzô.
Naruto ne répondit pas, espérant stupidement que le jônin le laisserait tranquille.
-Tu comptes continuer encore longtemps ?
-Pas du tout, d’ici quelques minutes j’abandonnerai sûrement mon poste pour aller cuver un peu mon sake, répondit Naruto sur un ton acerbe.
Tenzô prit un ton plus dur et croisa les bras.
-Cela fait plus de deux ans que tu mens à tous ceux qui tiennent à toi et qui ont confiance en toi…
-Pas tous.
Il continuait obstinément à regarder la plaine.
-Oh vraiment ? Combien savent ? En dehors de Hokage-sama, de Jiraiya-sama, de Sai et moi ?
-Deux. Mais j’aime à croire que Kakashi-sensei l’a deviné.
Tenzô s’adossa au rempart. Ils ne se regardaient pas, mais la tension montait, imperceptiblement, comme à chaque sermon.
-Pourquoi te donner tant de mal pour cacher ce que tu es ?
-Parce qu’ils ont besoin que je leur mente.
Le jônin tourna brusquement la tête vers lui. Il y avait dans ses yeux une étincelle qu’il réservait d’habitude au Conseil, une lueur de fureur indignée.
-Foutaises. Tu sais très bien qu’ils finiraient par t’accepter : si tu leur avais dit la vérité depuis le début, tout irait bien mieux à présent. C’est à toi-même que tu as besoin de mentir : tu leur caches ce que tu es devenu parce que tu en as peur.
Naruto descendit du rebord pour faire face à son capitaine, et la hargne se lisait sur son visage. Aujourd’hui encore, les sermons et reproches lui insupportaient.
-Ah ouais ? Et regardez qui parle : le type qui a passé près de 5 ans dans l’ANBU à essayer d’effacer son identité, cracha Naruto, levant un poing rageur vers Tenzô. Celui qui est allé jusqu’à refuser son propre nom parce qu’il avait peur de ce qu’il était. Tout ça parce que vous aviez peur de ne jamais être à la hauteur de ce qui coulait dans vos veines, ou parce que vous croyiez qu’on ne vous verrait jamais autrement que comme le clone du Shodai ! Vous n’êtes pas le mieux placé pour me faire la morale, « capitaine Yamato » !!
Il y eut un instant de silence, suspendu entre la forme voûtée de Naruto, son échine soulevée par une lourde et puissante respiration, et la silhouette imposante de Tenzô, roide et inflexible. Son visage se fit pensif et il ferma les yeux, puis les rouvrit plein d’aplomb.
-J’ai surmonté mes propres faiblesses il y a bientôt trois ans, Naruto. Es-tu à même d’en dire autant ?
-Faiblesses ? La voilà ma faiblesse, dit-il d’une voix amère en montrant son ventre du doigt. Je m’en suis bien rendu compte, « il y a bientôt trois ans ». Je suis passé à deux doigts de la neuvième queue pour les vaincre !
-Et le village tout entier l’a vu et t’a acclamé pour ça. Mais ce n’est pas ce que tu voyais, n’est-ce pas ?
-Je vous l’ai dit hier, je ne suis plus stupide : j’ai bien compris que ça ne pouvait plus durer.
-Et donc tu as décidé de mentir à tous tes amis.
Le volume de la voix de Naruto montait progressivement, tandis que le ton de Tenzô restait calme et posé.
-J’ai décidé de prendre les choses en main et mettre une laisse à ce démon ! Si je peux contrôler mes émotions, je peux le contrôler, affirma-t-il, se calmant progressivement tandis qu’il reprenait confiance en lui. Et c’est en me liant aux autres que j’en suis arrivé à perdre le contrôle de ma colère : j’ai commencé par blesser Sakura, puis j’ai fini par manquer de raser le village. Je n’aime pas en arriver là, mais si je dois me distancier d’eux et leur mentir pour éviter de détruire Konoha, alors je le ferai.
Un ange passa de nouveau, tandis que Naruto attendait la réplique de son capitaine, qui de côté secouait tristement la tête.
-Ce n’est pas ce que je voulais dire, Naruto. Il y a trois ans, tu n’as accordé aucune importance à notre victoire sur l’Akatsuki, et c’était parce que tu étais trop occupé à penser à la défaite que tu venais de subir.
Le jeune Uzumaki ferma les yeux et serra les dents lorsque lui revint en mémoire la journée infernale qui avait été le plus grand échec de son existence. Cet échec qui avait failli le briser pour de bon.
-Attention à ce que vous allez dire…grogna-t-il, menaçant.
Tenzô l’ignora et égrena les évènements un à un.
-Ce jour-là tu n’as pas réussi à le ramener, et tu t’es dit que c’était parce que tu avais été trop faible. Et tu en as obtenu la preuve lorsque ta faiblesse a failli libérer Kyûbi et détruire Konoha.
Naruto se rappelait encore les flammes qui dévoraient le village tandis qu’il luttait contre le chef de ses ennemis, puisant tant et plus dans l’infinie réserve de pouvoir du démon pour faire face à la puissance irréelle de son adversaire. Il se souvint de l’impression horrible qu’il avait eu de se dévorer lui-même à mesure que le combat se poursuivait, encore et toujours.
-Alors tu as redéfini tes priorités. Mais pour atteindre ton objectif, il te fallait plus de pouvoir. Un pouvoir que tu tentes d’obtenir en brisant tes liens avec les autres.
Il tourna des yeux pleins de rage vers le capitaine et ses poings se mirent à trembler. Le jônin soutint son regard et acheva lentement sa démonstration.
-Ca ne te rappelle personne ?
Naruto canalisa toute l’énergie que sa colère avait libérée et frappa violemment Tenzô en pleine mâchoire. Il laissa échapper un grognement rauque tandis que le jônin reprenait son équilibre et crachait un peu de sang. Plissant soudainement les yeux, il forma le sceau du serpent et les torches qui étaient à proximités s’animèrent, fondant sur Naruto. Il plongea à terre, juste à temps pour esquiver l’attaque et voir à qui elle était réellement destinée : dans les ténèbres nocturnes, une ombre avait soudain pris feu. A son front, on voyait le bandeau d’Iwa. Naruto se releva vivement tandis que l’ennemi, ignorant stoïquement les flammes qui dévoraient son uniforme, portait la main à sa ceinture, une lueur terrible dans les yeux. Avant qu’il n’ait pu faire un geste de plus, Tenzô était sur lui, brisant son bras d’un geste souple et lui tranchant la gorge avec son propre kunaï. Les deux jônin de Konoha dirigèrent leur regard au-delà des remparts : de multiples ombres traversaient rapidement la steppe dans leur direction, leurs armes brillant au clair de lune comme de funestes augures.
-Alerte ! hurla Tenzô d’une voix puissante qui roula entre les pierres de la cour.
Tandis que Shuutome no Jôkaku prenait vie et que les sentinelles convergeaient vers eux, Naruto sauta sur le rempart, et le vent rageur s’engouffra dans sa veste. Le capitaine s’adressa à lui, mettant fin à la conversation avant la bataille.
-Naruto ! Pourquoi tiens-tu tant à prendre le monde sur tes seules épaules ?
Le Jinchûriki eut un sourire carnassier et triomphant.
-C’est pas évident ? Si je ne le fais pas, jamais le monde ne reconnaîtra ma valeur.
Dégainant deux kunaï, il plongea vers les steppes désolées encore couvertes par les ténèbres, mais où bientôt s’allumeraient les feux de la bataille.

Naruto tomba comme une pierre au pied du rempart, et se releva lentement avant de faire jouer les kunaï entre ses doigts. Devant lui, les formes sombres qui fendaient les hautes herbes ralentirent et se déployèrent pour lui faire face.
-Vous tombez à pic, les mecs : je suis de mauvais poil, vous avez pas idée…
Il lança ses deux armes avec nonchalance, et elles furent facilement parées. Ses adversaires dégainèrent armes sur armes et avancèrent vers lui. A la lueur des flambeaux, Naruto pouvait voir leurs sourires confiants, et y répliqua par une expression goguenarde. Son premier assaillant s’élança férocement dans les airs…avant d’être écrasé au sol par une silhouette floue. Tenzô fit tourner sa jambe et on entendit des cervicales se démettre. Sur les remparts, les sentinelles commençaient à faire pleuvoir les shuriken sur les troupes ennemies. Naruto sourit : dans un monde de tromperie, attirer l’attention est souvent utile. Il fit circuler le chakra dans ses jambes et s’élança, engageant un ballet aérien où les arpèges se comptaient au fil de la lame ; il parait et frappait, tailladait et s’évadait, combattant deux ennemis en même temps, et dans ce combat au couteau, tout ne tenait qu’à quelques centimètres. A chaque mouvement, il sentait son cœur s’accélérer, et laissa un sourire s’étendre sur son visage.

Il entendit une incantation suivie du craquement de la pierre fendue, et tourna la tête instant pour voir son capitaine en pleine action. Face à un mur de protection Doton, il s’était contenté d’un simple coup de poing, et sa force herculéenne avait fait le reste. La silhouette preste du jônin slaloma entre les débris et s’abattit sur ses infortunés adversaires. La mélopée brutale des os brisés s’éleva tandis que Tenzô distribuait coup sur coup, et Naruto revint à son propre combat. Le premier shinobi d’Iwa gisait dans son propre sang, mais le second était on ne peut plus coriace. Une fois passée l’adrénaline du premier assaut, les deux adversaires s’observaient avec intensité, se jaugeant l’un l’autre. Un visage couturé de cicatrices et des yeux plissés par le vent des steppes attestaient de son expérience : ce jônin vétéran portait une cape noire d’infiltration et l’uniforme brun d’Iwagakure no Sato. Sa carrure imposante cachait une rapidité remarquable et son maniement du ninja-to donnait du fil à retordre à Naruto, qui venait à peine de se rendre compte qu’il était légèrement blessé à plusieurs endroits. Quelque centimètres de plus et il aurait été éventré. Il assura sa garde et observa la situation.

Devant lui, Tenzô occupait les chuunin adverses, et chacun de ses coups arrachait un hurlement de douleur à un ennemi. Au-delà, d’autres ombres arrivaient en renfort, mais ils étaient ralentis par les shuriken qui pleuvaient des remparts. On entendait la grande voix de Chôji beugler des ordres dans la cour. Aucun signe de Sai. Naruto souffla, constatant qu’il pouvait se concentrer sur le duel qui semblait bien décidé à prendre place. Le jônin d’Iwa croisa ses lames jumelles et fit un signe de tête.
-Approche, gamin : distrais-moi suffisamment et tu auras droit à une mort rapide.
Il y a trois ans, Naruto aurait lancé une réplique bravache ou un rire moqueur plein de confiance. Il se contenta d’un sourire en coin et d’un reniflement de mépris. Au milieu du tumulte de la bataille, un cercle de silence tendu semblait se former autour d’eux.

A une dizaine de mètres de là, Sai était paisiblement assis sur les remparts et observait. Il avait remarqué le vétéran d’Iwa et l’attitude étrange qu’il avait prise dans ses déplacements : contrairement à ses subordonnés, qui se laissaient bien étrangement retenir par Tenzô, il s’était immédiatement dirigé vers le rempart. Seul Naruto l’avait obligé à reconsidérer son avancée, ce qui était tout à son honneur : traiter le Jinchûriki comme quantité négligeable était une erreur dont très peu s’étaient relevés. Sai déroula un peu de parchemin et trempa son pinceau dans l’encre tandis que la bataille se poursuivait. Le nombre croissant d’adversaires menaçait de submerger Tenzô sous la masse, et le duel entre Naruto et le vétéran s’annonçait incertain, mais l’ex-membre de la Racine ne se pressa pas pour autant, et commença à dessiner la scène, plaçant au centre l’adversaire de Naruto.

Un coup sec avec deux doigts pour briser une côte. Une manchette appuyée pour briser la nuque. Un coup de poing franc pour défoncer la cage thoracique. Depuis qu’il avait exploité le reste de son héritage, Tenzô était presque effaré par le côté fragile que prenait le corps humain. Les chuunin d’Iwa tombaient comme des mouches autour de lui, mais pour chaque os qu’il broyait, quatre cent douze autres prenaient sa place. Les ombres s’amoncelaient autour de lui, innombrables dans les ténèbres. Ses assaillants redoublèrent d’efforts, et il dut en faire autant, esquivant avec peine trois salves de kunaï et un barrage d’attaques au corps à corps. Les coups venaient de tous les côtés, et l’obligeaient à bouger constamment, à tel point qu’il ne vit pas arriver la chaîne lestée lancée vers son dos. Le poids heurta sa colonne avec un sinistre craquement…de bois brisé. Le rondin tomba à terre avec un bruit sourd, et à quelques mètres de là Tenzô prit quelques secondes pour reprendre son souffle ; c’était plus qu’il n’en fallait à ses adversaires pour réagir, mais le jônin était à présent sorti de la mêlée. Il inspira à fond et frappa le sol de son poing avec un cri sec, et la terre se fissura sous les pieds de ses ennemis tandis que l’onde de choc se propageait, projetant les chuunin dans les airs comme des fétus de paille. Un instant de concentration et une salve de shuriken plus tard, dix d’entre eux avaient la gorge tranchée. Puis les renforts arrivèrent. Ses chances de survie montèrent en flèche lorsque les chuunin de Konoha commencèrent à entrer dans la danse, et bientôt la mêlée redoubla d’intensité. Tenzô s’autorisa un instant de répit et regarda où en étaient les autres. Aucun signe de Sai. Et à quelques mètres, le duel entre Naruto et un vétéran d’Iwa battait son plein. Le capitaine soupira et replongea dans la bataille, espérant qu’il n’aurait pas à ramener de cadavre à Konoha.

Le reste du monde n’était plus qu’un grand flou noir sans importance. Il n’y avait plus que les deux serpents d’argent et leur danse mortelle au rythme aveuglant. Naruto avait fini par perdre toute notion de l’espace : seule importait la cadence endiablée des attaques de son ennemi, qu’il lui fallait suivre sans faute, sous peine de tomber sous la morsure fatale de ses lames. Le jeune Uzumaki n’avait même plus le temps de penser à attaquer : la vitesse des assauts était effarante, sans parler de leur complexité. D’estoc et de taille, de toutes les directions, un coup lent du premier pour l’amener devant la botte du second, un assaut croisé vers son cou puis un coup de pied ascendant, un barrage d’acier pour le faire reculer et une attaque féroce pour l’empaler…

Naruto se dégagea d’un bond, s’éloignant des remparts où le vétéran voulait l’acculer. Sans lui laisser le temps de souffler, le jônin revint à la charge ; mais Naruto était prêt. Se faufilant entre les hautes herbes, il resta soigneusement hors de portée des sabres et laissa son ennemi frapper dans le vide. Non pas qu’il voulait l’épuiser, l’adversaire disposait apparemment d’une endurance phénoménale, mais plutôt parce qu’il devait garder la tête froid pour exécuter une attaque aussi complexe sans composer de sceaux…Prenant appui sur le sol, il chargea, un kunaï à la main. Bien sûr, le vieux guerrier para l’attaque facilement. Mais Naruto avait bloqué un premier bras, et eut un sourire satisfait en lisant la surprise sur le visage de son ennemi : il se retrouvait face à cinq autres attaques venues de cinq autres Naruto, tous sortis de nulle part ! Encerclé par les clones, le vétéran se mit à réfléchir à toute vitesse : une deuxième attaque parée voulait dire un deuxième bras bloqué, et esquiver n’était plus une option. Il sourit à son tour : il y eut un tourbillon d’acier et Naruto fut repoussé par la force terrible des coups, tandis que ses clones se dissipaient dans un nuage de fumée.
-La meilleure défense est l’attaque, gamin…

Le jeune jônin voulut se relever, mais il se rendit compte que quelque chose n’allait pas. Un shuriken se planta dans sa cuisse, puis un autre dans son épaule, puis un autre dans sa main gauche…le vétéran l’avait attiré exactement où il fallait, dans la zone à l’écart des combats, zone que les sentinelles du fort bombardaient afin de ralentir les renforts d’Iwa. Les tirs s’arrêtèrent rapidement une fois que les shinobi de Konoha eurent identifié leur cible, mais c’était trop tard. Naruto laissa échapper un juron sonore en voyant le jônin se diriger à toute vitesse vers les remparts, sans crainte d’être arrêté maintenant que son adversaire et obstacle avait été cloué au sol. Il se releva rapidement et suivit le vieux guerrier avec toute la vitesse que lui donnait sa colère. En quelques secondes, le jônin d’Iwa était monté sur les remparts et avait disposé des sentinelles. Les renforts ennemis commencèrent à affluer, mais Naruto ne s’en soucia pas : il n’avait que sa proie à l’esprit.

Sai apporta la dernière touche à la mêlée et continua d’observer la situation. Même avec l’aide d’un bataillon de chuunin, Tenzô ne tarderait pas à céder devant les renforts d’Iwa, et l’adversaire de Naruto devait avoir une raison bien précise pour tenir tant à monter seul sur le rempart. Une large silhouette apparut soudain et fit face au vétéran. Sa crinière rousse flottait férocement dans le vent nocturne, et il faisait pour l’instant barrage de sa carrure imposante. Mais un coup d’œil vers le champ de bataille suffit à faire changer l’attitude de Chôji. Sai nota l’expression résignée mêlée de colère et d’inquiétude qu’il arbora en sautant du rempart, cédant le passage avant de courir à la rescousse de ses hommes. Il atterrit avec un bruit de tonnerre et la bataille redevint plus équilibrée. Ses bras à présent épais comme des chênes, le commandant se taillait un chemin en faisant voler les ennemis comme des feuilles mortes, et que ses ordres dominaient le tumulte : guidés par ses conseils, quatre chuunin soufflèrent feu et flammes, créant un feu de prairie et limitant ainsi la mobilité de leurs ennemis.

Mais tandis que le leader des forces de Konoha renversait la vapeur, le leader des forces de Tsuchi continuait son action solitaire, et une ombre agile et tout aussi solitaire parvenait au pied du mur. Sans prêter attention à Naruto, le vétéran sortit un parchemin de sa veste et le déposa à terre. Alors que le Jinchûriki était à mi-chemin, le jônin d’Iwa composa une longue série de sceaux. Les signes cabalistiques brillèrent d’une lueur de jade, et un grondement se fit entendre tandis que le fort semblait trembler sur ses fondations. Sai vit Chôji tourner des yeux horrifiés vers le rempart, et la voix rauque du vétéran de Tsuchi roula dans la cour comme une avalanche.
Doton Doryûgifun’ no Jutsu ! (Courroux du Dragon de la Terre)
L’énergie se résorba dans le parchemin et le fort trembla de nouveau, comme si une formidable créature chtonienne menaçait de le détruire de ses soubresauts. Le chakra concentré à fond semblait prêt à exploser, et Naruto allait sans doute arriver trop tard. D’ici quelques secondes, Shuutome no Jôkaku serait rayé de la carte. Sai trempa son pinceau dans l’encre avec un flegme incroyable, et, d’une main ferme, il esquissa le parchemin de sort sur le papier, avant de le barrer d’une ligne horizontale.
Ninpô Ten’Môhitsu…Issen ! (Pinceau céleste…Tranche !)

En un instant, le rouleau fut proprement coupé en deux, et le grondement cessa derechef. Sai sourit en voyant l’expression surprise du jônin, et se dit que cela valait le coup d’attendre. Cet homme avait certainement passé plusieurs semaines de sa vie à préparer l’assaut, uniquement pour le voir contrecarré en cinq minutes de peinture. Puis Naruto arriva.

Le vétéran délaissa son parchemin et fit face au Jinchûriki, dégainant ses sabres. Naruto en avait vraiment assez, et décida de mettre rapidement fin au combat. Tandis que les lames jumelles reprenaient leur danse, il oublia toute idée de subtilité et se jeta à corps perdu dans la bataille. Les passes s’échangèrent à la vitesse de l’éclair, et Naruto laissa vite parler son impatience. A la première ouverture, il se précipita vers son ennemi, kunaï à la main…deux secondes plus tard, les deux ninja-to étaient enfoncés dans son ventre et le vétéran affichait un sourire triomphant.
-Vous autres jeunes, vous ne savez pas prendre votre temps…Comme promis, je vais en finir rapidement.
Naruto laissa échapper un rire malicieux et forma le sceau du tigre. Au plus profond de son être, trois petits parchemins entouraient le sceau de Yondaime sur le portail. La voix de Naruto résonna dans les couloirs, et son rire se confondit avec le gloussement sinistre du démon.
Fûdoki Hôin…Kai ! (Rupture du Sceau de la Hargne)
Les caractères du premier sceau se réarrangèrent, s’espaçant comme une porte ouverte, et le chakra écarlate en suinta, se répandant peu à peu dans le keirakukei. Autour des lames, les blessures se refermèrent, enfermant les sabres dans une prison de chair. Naruto agrippa le col du vétéran horrifié, et lui adressa un sourire carnassier. Sa main droite se leva et on entendit le sifflement d’une rotation.
-Je n’ai pas besoin de prendre mon temps pour un vieux croûton comme toi…
Il ferma les doigts comme pour empoigner le vent, et le chakra tourbillonna jusqu’à se résorber en une sphère parfaite, où semblait se déchaîner un typhon. Naruto projeta sa main sur le torse du jônin toujours immobilisé, et l’orbe tourbillonnant s’y enfonça violemment.
Rasengan !!
Le vétéran laissa entendre un gémissement et la technique creusa un trou dans ton torse tandis que la force centrifuge broyait ses os et réduisait ses poumons en bouillie. Le cadavre tomba à terre et Naruto agrippa les sabres jumeaux. Avec un cri de douleur, il les extirpa de son corps et tomba, un genou en terre. Les plaies se refermèrent peu à peu. Au moment où il se relevait pour voir Sai s’approcher, il n’y avait plus aucune trace des éraflures que lui avaient laissé les lames au cours du duel.
-Tu vas bien, constata Sai à sa manière inimitable.
-Ouais…il m’aura donné du fil à retordre.
L’ex-membre de la Racine se tourna vers les steppes.
-Je crois que la bataille touche à sa fin…

Pendant un court instant, tout avait failli basculer. Occupé qu’il était à coordonner ses hommes, Chôji n’avait pas compris où se trouvait la vraie menace, et son cœur avait raté un battement lorsque le fort avait frôlé la destruction. Il faudrait qu’il pense à remercier Naruto. Mais pour l’instant, il fallait songer à débarrasser la pelouse. Mais au moment où il s’y attelait, Tenzô l’avait déjà devancé. Ses mains formant le sceau du serpent, le capitaine laissa échapper un grognement d’effort tandis qu’il façonnait son chakra. Soudain des dizaines de racines surgirent du sol, emprisonnant les chevilles des chuunin d’Iwa.
-Chôji-san !
Le jeune Akimichi répondit du sceau qu’il avait formé des milliers de fois et d’une voix rauque et puissante.
Baika no Jutsu !
Sa taille doubla et il s’éleva au dessus de la masse comme un colosse. Ses cheveux se hérissèrent avec un bruit métallique et il s’élança, tournant sur lui-même comme un ballon.
Nikudan Harisensha !
Quelques-uns parvinrent à s’échapper et s’empressèrent de fuir devant le titan qui leur fonçait dessus. Quant aux autres…disons que pendant les jours qui suivirent, Chôji trouva les steppes de Tsuchi no Kuni légèrement moins ennuyeuses que d’habitude. Ecrasant quelques morceaux d’os et autres mètres d’intestins au passage, il rejoignit Tenzô, qui était occupé à essayer de reprendre son souffle. Faire pousser plus de cinquante racines en même temps et les maintenir n’était pas une tâche facile, même pour quelqu’un comme lui. Naruto et Sai ne tardèrent pas à les rejoindre. Le jeune Uzumaki reprit tranquillement son souffle et laissa le sceau faire effet. Il ferma les yeux et ressentit calmement ses intestins se régénérer, ses muscles se reconstituer et sa peau se ressourcer. La régénération avait quelque chose d’étrangement apaisant, alors même qu’elle prenait sa source dans le pouvoir de Kyûbi ; mais Naruto avait appris à s’en méfier : ses effets étaient bien plus pernicieux. A force de se moquer des blessures, on finissait par se croire invincible, et l’arrogance lui avait coûté trop cher pour qu’il y retombe encore.
-Commandant Akimichi ! appela un des chuunin de Konoha. Nous en avons un en bon état…
Un des shinobi de Tsuchi avait été rattrapé dans sa fuite, et ceux de Konoha s’assuraient qu’il ne fasse pas autre chose que méditer sur les restes de ses compagnons. Naruto s’avança pour l’interpeller, mais Tenzô le devança.
-J’aurais quelques questions à te poser, demanda-t-il d’un ton poli.
-Je n’ai aucune réponse pour vous, répondit le shinobi du tac au tac.
-Soit…
Il soupira, sans doute plus par fatigue que par compassion, et agrippa le prisonnier par la mâchoire.
-Cette attaque n’a strictement aucun sens : vous avez peut-être tué la moitié de nos espions, mais nous savons déjà que la plupart des troupes ont été rappelées au village. Vous avez besoin de vous préparer pour la guerre à venir, tout comme nous.
Son regard prit l’expression terrible que ses alliés connaissaient si bien, et il força le chuunin à le regarder dans les yeux.
-Les forces frontalières qu’Iwa a laissé en place sont trop limitées pour lancer une opération pareille, et jamais un stratège sain d’esprit n’aurait déplacé ses forces à travers tout le pays juste pour lancer une attaque à la mords-moi-le-nœud. Je ne remets pas en question la stupidité des stratèges de votre foutu pays, mais je suis sûr qu’il y a quelque chose de plus gros en cours. Et je veux quelques réponses.
-Eh bien j’ai bien peur de vous décevoir, mais vos réponses vous pouvez vous les…
Le prisonnier fut interrompu par ses propres hurlements : Tenzô venait de lui briser une côte d’une pichenette. Il l’empoigna violemment par les cheveux et lui enfonça le nez dans l’herbe ensanglantée.
-Tu vois ça ? Tu vois ce qui reste de tes camarades ? Ils ont eu un bol pas possible…d’être morts aussi rapidement.
D’une main, il le souleva vers son visage jusqu’à ce que ses pieds quittent le sol. Il y avait quelque chose d’écrasant dans sa silhouette altière, au milieu de ce champ de mort et de désolation, alors qu’il tenait le prisonnier à bout de bras comme une poupée de chiffons.
-Il y a 206 os dans ton corps, très exactement. Si tu refuses de parler, je vais briser chacun d’entre eux, et je t’assure que je vais prendre mon temps.
Chôji et l’infortuné chuunin déglutirent à l’unisson. Sai et Naruto souriaient très légèrement : ils avaient fini par prendre l’habitude. Le shinobi d’Iwa se lécha nerveusement les lèvres avant d’articuler.
-Plus au nord…la grotte…c’est tout ce que je peux vous dire.
Avant que Tenzô n’ait pu répliquer, on entendit un bruit de chair déchirée, et quelques dizaines de secondes plus tard le chuunin finissait de se noyer dans son propre sang. Sai s’agenouilla et lui ferma les yeux.
-Il s’est coupé la langue, fit-il sur un ton de pluie et de beau temps.
-La mission n’est pas terminée, capitaine, dit Naruto. Si vous avez vu juste, il faut aller voir cette grotte aussi vite que possible.
Tenzô approuva du chef.
-Je dois pouvoir envoyer quelques hommes avec vous…commença Chôji.
-Laissez, Chôji-san, répondit le capitaine. J’ai bien l’impression que l’attaque de ce soir ne visait qu’à nous occuper. Si quelque chose se trame là-bas, il faut faire vite, et nous sommes habitués à travailler seuls. Il se tourna vers son équipe. Allez chercher votre équipement, nous partons tout de suite.
Le jeune Akimichi posa la main sur l’épaule de Naruto et de l’autre fouilla dans sa besace.
-D’accord, pas de renforts…mais j’ai autre chose pour vous, histoire d’être en bonne forme. On ne sait pas sur quoi vous pouvez tomber.
Il lui tendit un sac plein de pilules du soldat. Naruto le prit en souriant.
-Comme au bon vieux temps…
Le démon gronda un peu plus dans ses entrailles tandis qu’il allait récupérer ses affaires. La lune baignait le sang sur les steppes dans sa lumière blême. La mission n’était pas finie et la nuit venait à peine de commencer.

Voyager dans les steppes était plus que dépaysant : sans forêts bigarrées et sans branches, le trajet était plus lent, presque morne. Et si l’adrénaline avait le temps de retomber, la tension prenait son temps pour s’accumuler et se faire connaître. Trois hommes pour déjouer ce qui était peut-être le maître-plan d’invasion d’un des cinq grands pays…il n’y avait pas vraiment de quoi pavoiser.
Nous sommes quatre…et je ne suis pas un homme.
Naruto fit semblant de ne pas entendre, de ne pas sentir l’écho dans son ventre et continua à courir. Il avait laissé le premier sceau ouvert en prévision de la bataille, et il en payait le prix. Devant eux, se précisant dans les ténèbres, un cercle de pierre cyclopéen. Il semblait sortir de nulle part, né de la nuit, et Naruto fut d’autant plus estomaqué qu’il ne l’avait pas vu depuis les remparts du fort, comme si cet endroit tentait de rester secret. Chacun des cinq monolithes était colossal, aussi grand et massif que Shuutome no Jôkaku, et toisait l’équipe du haut de sa majesté tellurique, comme une sentinelle des temps anciens.

A mesure qu’ils approchaient, leur allure ralentit et ils se fondirent dans les ombres. Sai se redressa légèrement et scruta le cercle, façonnant un peu de chakra pour y voir plus clair. Sans se retourner, il s’adressa à ses compagnons en langage des signes. Un feu de camp, trois chuunin de garde…et un escalier qui menait apparemment vers un complexe souterrain. Une minute plus tard, l’harmonie de leur furtivité était troublée par l’agonie des sentinelles. Puis ils descendirent l’escalier avec force précautions, surveillant chaque angle et chaque coin, sachant que les ombres étaient des alliées comme des ennemies. Les marches ne menèrent nulle part ailleurs que dans un couloir de pierre, creusé plus que taillé, qui descendait toujours plus. Les flambeaux réguliers peignaient des œuvres d’encre mouvante sur les murs, comme pour renier la longueur uniforme et morne du corridor souterrain. Les sentinelles s’enchaînaient elles aussi tandis que la descente se faisait en spirale, et l’avancée perdait peu à peu de son sens : les gardes se faisaient facilement berner et tuer, et l’équipe avait l’impression de tourner en rond. C’était trop facile pour être rassurant. La descente sembla durer des heures.

Finalement, ils débouchèrent dans une salle qui aurait attiré les euphémismes : dire qu’elle était énorme serait comme dire de la mort qu’elle était inhumaine. Naruto était loin d’être un expert en estimation architecturale, mais il sut immédiatement qu’on aurait pu caser la tour de l’Hokage à l’intérieur sans trop de problèmes. Les murs de cette cathédrale naturelle étaient ornées de plateformes, aspérités et autres stalactites en variété infinie. Et là, comme des géants adossés aux parois, cinq monolithes colossaux, si grands que leur sommet devait dépasser du sol, à des dizaines de mètres plus haut. Sur leurs ventres massifs, des ornements dorés semblant contenir une gemme verte brillant comme un astre. Après plusieurs minutes de furtivité passées à admirer le lieu, l’équipe remarqua ce qui se jouait au sol. Au moins dix escouades de ninjas de Tsuchi y étaient postées en un cercle gigantesque, avec à leurs pieds un parchemin long comme un jour sans pain, qui faisait toute la circonférence de la salle. Et au centre, juste au centre de ce cercle, une silhouette aux cheveux blonds, en uniforme d’Iwa, probablement le chef de cérémonie.

Naruto se demanda comment trois clampins allaient bien pouvoir déjouer un maître-plan aussi titanesque…
« Piou »
Une seconde d’incrédulité plus tard, neuf autres piaillements résonnaient, et Naruto, suivant ses oreilles, regarda à ses pieds. Dix étranges volatiles qui tenaient plus de la sculpture expérimentale que du moineau fondirent sur eux. Tenzô réagit à la vitesse de l’éclair et attrapa ses subordonnés sans ménagement. La détonation retentit comme un coup de tonnerre sous la voûte de pierre, et fut suivie par le grognement de douleur du capitaine. Avec deux personnes à évacuer, il n’avait pas pu échapper complètement à l’explosion. Deux secondes plus tard, vingt chuunin d’Iwa encerclaient un Sai imperturbable, un Tenzô amputé d’une jambe et un Naruto fulminant. L’assaut mal coordonné, les aveux choisis du prisonnier, la sécurité de seconde zone…ils avaient été attirés ici, menés par le bout du nez comme des bleus. Alors que le capitaine s’agrippait la cuisse en serrant les dents, le jeune Uzumaki se demanda qui aurait bien pu les manipuler ainsi. Qui était assez habile ?

Une silhouette sortit du rideau de fumée qu’avait laissé l’explosion : son visage était marqué de nombreuses rides de fatigue, et on n’y voyait plus ce maquillage sophistiqué qui lui donnait des traits feutrés ; mais ces traits s’étaient endurcis, et s’il avait perdu son expression amusée, la menace était plus que présente : elle était aussi tangible que le puissant sentiment d’ironie et de cynisme qui se dégageait de son sourire en coin. A sa ceinture, deux besaces qui étaient sans doute pleines de glaise. Il fit un salut sarcastique de la main qui révéla la bouche grotesque qui ornait sa paume, nouvelle preuve du danger que constituait sa seule existence…Naruto grinça des dents et sentit ses entrailles se tordre de rage…
-Ca faisait longtemps, hm ? fit Deidara d’un ton moqueur. Je m’attendais bien à avoir des invités, mais de là à penser que je tomberai sur toi…Faut croire que c’est mon jour de chance.
Il étendit les bras et sa voix goguenarde résonna dans la cathédrale souterraine.
-Bienvenue à mon vernissage, hm !
C’était impossible…le déserteur d’Iwa avait survécu au démantèlement, mais son village l’avait réclamé, et exécuté. Et pourtant il était là, bien vivant, à la tête d’une opération de guerre majeure et avec des dizaines de chuunin à ses ordres, face à trois jônin dont un avec une jambe en moins…Sai parcourrait lui aussi les forces en présence du regard, comme s’il calculait une équation complexe. Sa conclusion fut sans équivoque et son ton désespérément calme.
-On va tous mourir.
Naruto se releva et ouvrit sa veste. Sur son ventre, le sceau commença à rougeoyer et à pulser de manière incontrôlable. Son visage affichait une résolution inhumaine.
-Non, juste un.

***

Et...le voici enfin ! 20 pages en police 14 sur word. Le chapitre d'origine devait alterner les passages sur Naruto et ceux sur Akodo, mais le tout aurait fait près de 40 pages...j'ai dû couper en deux. Voici donc le premier chapitre. Le second est en cours d'écriture, et devrait sortir d'ici le début du mois d'avril, a priori en même temps que celui du Passé blanc. Enfin je ne vous promets rien, vous connaissez mes retards habituels.

Quant au combat entre l'équipe et Deidara...eh bien il va falloir vous armer de patience, mais comme d'habitude : la qualité du chapitre est proportionnelle au temps pris pour l'écrire et le beta reader.
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