Clair Obscur

Tu débordes d'imagination scénaristique. Tu as imaginé des histoires parallèles à celle de Naruto. Alors asseyons-nous autour d'un feu et raconte-nous ton histoire dans le monde des ninjas.

Modérateur : Ero-modos

Arakasi
Gennin
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Message par Arakasi »

Moi à la bourre? Comment ça à la bourre?
Tss tss... n'importe quoi...

Euh... hum!
Comme tu vois je décroche un instant de starwars pour venir lire tes oeuvres. ^ ^
Je comptais terminer d'abors SW mais c'est quand même un petit pavé et je n'ai jamais été capable de tenir une bonne résolution...

Ce qui est tragique à chaque lecture de tes chapitres, c'est que je galére de plus en plus pour trouver quelque chose de sensé et constructif à écrire.
Dire "Ouais, c'est génial! Continue!" ça fait si épouvantablement cliché, s'en est presque déprimant. Le probléme c'est que je n'ai strictement rien à reprocher à ce chapitre (et ça aussi c'est particuliérement déprimant)

La caractérisation des personnages est toujours exellente, particuliérement celle de Sasuke, mais je ne t'annonce rien de nouveau.

C'est bon.
C'est même trés bon.
Je culpabilise à mort, c'est affreux.

Et j'ai quand même passé presque 20 minutes à écrire ce commentaire foireux, je ne suis pas sure de réussir à assumer...
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Jainas
Jounin
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Message par Jainas »

Ha, ça faisait longtemps.


En fait ce chapitre est écrit et posté sur ff. net depuis près d'un mois, mais dieu sait pourquoi je ne l'avais pas posté ici. Mea culpa, toutes mes excuses, je baise les pieds de Thot etc etc...

Et parce que j'ai vraiment, vraiment la flemme, que je suis fatiguée et que j'ai encore plein de trucs à faire je ne cote pas les italiques dans le texte pour cette fois (rha, mais ça dénature le texte, je DOIS le faire... mais non, pas le temps...)

'fin bon, chapitre long, un peu confu (mais depuis quand la tête de naruto est-elle un modèle de clareté ? ^^) et encore une fois en multiples demi-teintes.

---

Braises

« Sasuke, derrière ! »
Vingt mètres en avant, en haut du talus escarpé qui surplombait le chemin, Sasuke n’hésita pas une seconde.
La dernière syllabe avait à peine quitté la bouche de Naruto que le corps de son équipier se tordait dans un mouvement d’esquive instinctif, un arc souple, et qu’il roulait au sol.
La flèche passa où s’était trouvé son torse, et emporta avec elle un fragment de veste avant de s’enfoncer en vibrant dans un tronc dix pas plus loin.

Naruto ignora son impulsion première qui était d’escalader le talus à toute vitesse pour se jeter dans le combat. Lorsqu’il fit deux foulées mesurées de côté et se hissa sans effort sur le toit de la calèche, Sasuke était déjà sur ses pieds et s’approchait à une vitesse inquiétante –pour celui-ci- de l’archer qui avait fait l’erreur de dévoiler sa présence avant que la flèche n’eût atteint et dûment transpercé sa cible.
Naruto jeta un regard à la ronde –sa position élevée était le meilleur poste pour protéger l’attelage seul et voir venir n’importe quelle attaque- puis s’accroupit et toqua contre le toit de bois.
« Ne vous inquiétez pas O-kana, » annonça-t-il d’une voix calme, « ce ne sont probablement que des bandits de grand chemin. Takara-san, montez à l’intérieur, Ojiro-sama, restez contre la calèche. Ne bougez pas, et nous en auront bientôt fini. »
Avec un gémissement effrayé Fumiya Takara qui avait marché le long de l’attelage se glissa dans la voiture étroite pour rejoindre sa maîtresse, cachant son visage dans ses mains jointes. Le médecin ne bougea pas d’où il se trouvait, debout à la tête de la mule, apaisant la bête qui renâclait. Son visage ridé était tendu, mais il ne semblait pas outre mesure paniqué.
C’était une bonne chose songea distraitement Naruto. Il n’aurait plus manqué que Grise s’emballe, et protéger des civiles affolés qui n’écoutaient pas un mot des ordres qu’on leur donnait et courraient dans tous les sens en hurlant n’était pas vraiment une partie de plaisir…
Mais sous son extérieur collecté, sous l’analyse calme de la situation se ravivait comme un feu défiant et satisfait la conscience de la réaction de Sasuke, de sa feinte immédiate.
Elle était encore là.

Il l’avait craint sans vraiment l’admettre, que l’incertitude entre eux ne compromette leur entente en combat, leur travail d’équipe.
Mais Sasuke n’avait pas hésité. N’avait pas perdu cette demi-seconde qui aurait fait toute la différence entre mort et survie pour jeter un coup d’œil par-dessus son épaule et se rendre par lui-même compte du danger. Il s’était jeté à terre sans un regard, sans un doute, et le feu au creux du ventre de Naruto brûlait soudain plus librement, irradiait dans sa poitrine avec un frisson d’anticipation.

Sur le talus l’archer lâcha son arc rendu inutile par la vitesse de Sasuke, chercha à attraper la lame courte pendue à son flanc. C’était une erreur, s’il avait tenté de se servir de l’arc comme une massue, peut-être- mais c’était trop tard. Sasuke bondit, et trois ou quatre mètre plus loin, la semelle de sa chaussure entra en contact avec le visage de l’homme. Le mouvement avait été parfait. Un modèle d’économie d’énergie et de puissance destructrice, de vitesse et de grâce étrange, songea Naruto de manière tout à fait hors de propos.
Même de là ou il se trouvait, il pu distinctement entendre le craquement des os. Sasuke n’avait pas retenu la force de son coup… Il estima machinalement les chances de survie de l’homme d’une sur deux, selon l’angle de frappe. Si l’os du nez n’avait pas remonté dans le cerveau il s’en tirerait peut-être avec un simple traumatisme crânien.
Mais ce n’était pas comme si c’était réellement important de toute manière.
Il ne savait plus bien quand ça avait cessé de l’être, important. Quand la mort d’un homme qu’il ne connaissait pas avait cessé d’être un événement.
Avant l’anbu, c’était sûr. Peut-être dans les mois terribles qui avaient suivit le retour de Sasuke… Peut-être pendant, ou après, insidieusement, tout comme la monté du Kyuubi…
Kakashi-sensei avait appelé cela grandir, une fois. Naruto n’était pas sûr. C’était plutôt changer, et adapter son nindo à la réalité environnante. Plus jeune il aurait considéré cette évolution comme une défaite. Aujourd’hui… il ne savait pas trop, mais tout au fond de lui il y avait cette certitude amère qu’il n’aurait pas survécu sans.
Ça ne cessait pas pour autant de faire mal, d’une manière étrange et un peu distante, et ça ne l’empêchait pas de souhaiter qu’il y ait un autre moyen et d’éviter de tuer lorsque cela n’était pas nécessaire. Mais il n’hésitait pas non plus s’il fallait porter le coup fatal. Il était anbu après tout. L’état d’esprit, le retrait mental nécessaire entre une mission normale et une mission des forces spéciale étaient fondamentalement différent évidemment… Mais cet homme les avait attaqué, il avait essayé de tuer les siens, ceux qui étaient sous sa protection…
Que ce soit dans le feu du combat comme dans la lucidité qui prenait place à la fin, que l’ennemi vive ou qu’il meurt n’avait que peu d’importance.
Les autres par contre, ceux dont la vie ne dépendait que de sa propre force…

Les assaillants avaient dû s’attendre à ce que leur archer abatte sans problème le jeune homme aux cheveux noirs qui marchait en avant du modeste attelage. C’était probablement la preuve qu’ils n’étaient pas les rônins après leur cible, qu’ils n’étaient probablement même pas des ninjas, car il y eut un moment de flottement avant que trois hommes armés ne surgissent des buissons de l’autre côté de la route.
Dans la voiture Takara-san émit un nouveau gémissement, et Naruto n’eut aucun mal à l’imaginer en train de replonger sa tête entre ses mains. Le murmure presque inaudible devait être O-kana chuchotant des mots de réconfort à sa suivante.
« Sasuke ? »
Du coin de l’œil Naruto vit l’Uchiha dégainer d’un geste fluide l’épée de l’homme qu’il avait abattu et disparaître dans la forêt sans un mot. Il n’y avait probablement pas d’autre archer, mais la manière dont l’homme avait dissimulé sa présence jusqu’au dernier moment dénotait une certaine compétence, et valait mieux ne pas prendre de risque.

Les hommes le toisèrent, et l’hésitation disparut de leurs visages.
Naruto s’était examiné dans la glace le jour du départ, et il avait presque eut du mal à se reconnaître. Il n’eut pas de mal à imaginer ce qu’ils voyaient.
Ses cheveux blonds privés du bandeau de Konoha retombaient en mèches irrégulières et indisciplinées sur son front, et le T-shirt un peu trop large qu’il portait sur un simple pantalon de toile brun masquait sa musculature sèche et longiligne. Il avait encore grandi cette dernière année, et malgré l’entraînement régulier sa masse musculaire n’était pas encore celle d’un ninja adulte. Même en regardant attentivement, sa stature n’était pas si différente de celle de n’importe quel autre gamin de leur âge. Rien ne trahissait le ninja dans sa tenue simple et son langage corporel détendu. (Pas comme certains qui étaient incapables de ne pas se tenir droit et alerte quand bien même ils étaient censés ne pas attirer l’attention…)
Sakura lui avait concocté une espèce de maquillage ineffaçable qui masquait les marques de naissance sur ses joues et tirait désagréablement la peau. Mais au final toutes ces transformations lui donnaient l’air étrangement inoffensif, et plus jeune que ses dix-huit ans. L’air presque normal.
Ce qui en même temps était l’idée de base, puisqu’une escorte de jounins n’était pas le meilleur moyen de conserver l’incognito et de passer pour de simples voyageurs.
Mais en contrepartie ils perdaient l’effet de dissuasion non négligeable que pouvaient représenter deux jeunes hommes armés jusqu’aux dents et connaissant probablement cinquante moyens différents de tuer sans utiliser lesdites armes…
Il n’était pas certain qu’ils auraient été attaqués s’ils avaient porté leur uniformes. Mais d’un autre côté c’était une preuve plutôt flagrante de l’efficacité de leur couverture…Et ils étaient largement à même de s’occuper des simples bandits de grand chemin tandis que les rônins chercheraient immanquablement une courtisane escortée d’une équipe de ninjas, et non une modeste compagnie constituée de deux femmes, d’un vieillard et de deux jeunes hommes pouvant aussi bien être de la famille que des valets –Naruto considérait personnellement qu’il y avait une ressemblance indiscutable entre la frêle O-kana et Sasuke. Mais évidemment il aurait fallu le torturer de manière extrêmement créative pour qu’il l’admette à voix haute, et encore, seulement s’il avait été certain que Sasuke ne se trouvait pas à proximité. Les choses étaient assez tendues comme ça sans ajouter la provocation de le comparer avec une femme enceinte.
Enfin bon, le fait était qu’il avait l’air jeune, qu’il n’avait pas d’arme, et qu’ils étaient trois et armés. Il pouvait presque voir les rouages tourner dans la tête de ses assaillants.
Dommage pour eux.

« Descend de là gamin, et on ne tuera personne. Contentez vous de nous laisser les bagages et l’argent, et on ne touchera peut-être même pas aux femmes, » ordonna l’un d’eux d’une voix rauque dans laquelle transparaissait une pointe de supériorité mal dissimulée, avant d’ajouter à mi-voix, « Kugaki, surveille nos arrières, l’autre va sans doute essayer de nous contourner. » Puis, plus fort, en direction des fourrés que Sasuke avait depuis longtemps quitté. « Hé, toi, si tu nous attaques c’est les femmes et le gosse qui paieront, ok ? »

Et voilà… Comment ça ce faisait que même en civil Sasuke ne parvenait pas n’avoir ni l’air tout à fait jeune, ni tout à fait inoffensif, ni même tout à fait normal ?!
Bon, évidemment, avec d’un côté sa petite démonstration et de l’autre l’immobilité ainsi que l’absence de chakra de Naruto, il était légitime de penser que c’était le brun le garde du corps. Mais même si sans sa Kusanagi sanglée dans son dos, sans armes, sans sa veste de jounin et son bandeau Sasuke avait l’air… différent, plus accessible, les bandits l’avaient quand même choisi lui comme première cible alors qu’il était le plus loin de l’attelage. L’archer avait estimé que c’était potentiellement lui le plus dangereux, et que Naruto n’était sans doute qu’un valet, qu’il faisait partie des “paquets”. Qu’il ne représentait pas le plus grand risque.

Quelques années plutôt Naruto aurait été très profondément offensé de se voir ainsi sous-estimé, et l’aurait fait savoir en gueulant suffisamment fort pour réveiller les mânes du Quatrième lui-même.
Les choses avaient changé depuis. Il n’éprouvait plus le besoin désespéré de s’imposer, d’être reconnu. Ou du moins pas par tout le monde. Il avait appris –dans une mesure raisonnablement limitée- la valeur du secret et de la discrétion. Et les personnes dont la reconnaissance importait vraiment savaient, et ce que voyait les autres, ceux qui allaient mourir, n’importait que peu. À présent il trouvait à la situation une ironie certaine.
Oh, c’en aurait été presque irritant malgré tout, si ces crétins ne venaient pas de signer leur arrêt de mort.
Ou du moins leur arrêt de travail pour les trois prochains mois, le temps qu’ils se remettent de la raclé qu’il leur réservait –la remarque sur les femmes ne lui avait pas échappé, et une colère froide montait lentement, se mêlant aux braises incandescentes dans sa poitrine. Et puis Sasuke lui avait fait confiance pour s’occuper d’eux sans aide tandis qu’il sécurisait la zone…
« Allez, descend de là ! »

Naruto sortit les mains de ses poches et en passa une dans ses cheveux, repoussant inutilement les mèches blondes qui retombèrent exactement au même endroit dès qu’il eut achevé le geste. Ils étaient trop longs, une bonne coupe s’imposerait au prochain bivouac.
Il expira doucement, accueilli avec satisfaction la monté d’adrénaline, l’embrasement intérieur. Les trois derniers jours avaient été odieux d’inaction.
« D’accord. Je descends.»

-

Ce fut probablement son calme qui alerta le chef des bandits, ou peut-être l’homme vit-il quelque chose dans les prunelles dont le bleu azur virait à la mer d’orage…
Il réagit avec suffisamment de vitesse pour bloquer le pied de Naruto d’un mouvement ascendant de la garde de son arme, à quelques centimètres de sa tête, mais l’homme qui se tenait à sa droite ne fut pas aussi rapide. Naruto se laissa porter par son élan, et dans le mouvement se glissa sous la garde de l’homme qui venait de lever sa lame en position haute de parade. Son poing s’enfonça dans le ventre du brigand.
S’entraîner avec Lee avait du bon parfois.
Sans prendre le temps de le voir reculer de trois pas, le visage crispé par la douleur et la surprise, Naruto fit volte-face. Bondit. Attrapa au vol un kunaï et s’en servit pour dévier les deux suivants. Pas de chance pour eux, il était armé à présent.

Quelque part en amont du chemin qu’ils avaient remonté retentit un cri rauque. Une sentinelle probablement… Ça ne ressemblait pas à Sasuke de laisser à sa cible le temps d’émettre un son si ce n’était pas ce qu’il voulait….
Un message donc, et presque malgré lui un sourire sauvage étira les lèvres de Naruto tandis qu’il parait un coup de taille du chef. Ses muscles trop longtemps au repos accueillaient avec plaisir l’effort soudain, la flambée du combat. Les bandits n’étaient pas incompétents, deux d’entre eux avaient même probablement reçu les rudiments d’une éducation ninja et le chef avait un niveau honorable… Mais ils ne faisaient pas le poids, vraiment.
Certainement pas contre lui, et encore moins avec Sasuke Uchiha qui venait de réapparaître à l’orée du bois dans leur dos.

Il s’avança à pas de loup, tranquillement, et avant même que les brigands ne le réalisent il était derrière Naruto, appuyé contre l’un des montants de la calèche, les bras croisés sur son torse.
Il n’esquissa pas un geste pour aider Naruto –mais ce n’était pas nécessaire, parce que sa simple présence entre les bandits et la calèche signifiait que le blond n’avait plus à se soucier de rester entre les brigands sentant venir la défaite et les otages potentiels. L’énergie du désespoir était parfois un facteur à ne pas sous-estimer, et il valait mieux ne pas prendre de risques.
Ce surcroît de mobilité était toute l’aide dont il avait besoin –sans cela les choses auraient simplement pris une minute de plus,- et Naruto s’élança, passa dans le dos des hommes.
Retira son poignard de la nuque du dernier, et s’accroupit pour essuyer le sang dans l’herbe.

« Il y en avait combien d’autres ? »
Sasuke se décolla de la calèche, et d’un geste sec enfonça en terre l’épée du mort qu’il avait conservé.
« Deux. Des gamins qu’ils utilisaient pour monter la garde au cas où d’autres voyageurs arriveraient. »
Naruto fit rouler le corps sans vie du chef avec son pied, jeta un très bref regard à l’Uchiha.
« Tu les a… »
« Non. Ils étaient trop jeunes et trop incompétents pour présenter le moindre risque. » Les mains de Naruto s’interrompirent un court instant dans leur délestage d’armes, avant de reprendre leur tache avec dextérité. Il ne leva pas les yeux. « L’archer que j’ai frappé est mort par contre. »
« Haa. »
« Tu en as laissé deux en vie, » fit remarquer Sasuke en jetant un coup d’œil froid sur les corps affalés à une quinzaine de mètres.
Le reproche comme la question étaient presque imperceptibles.
« Ils n’étaient pas dangereux. Je n’ai eu aucun mal à les mettre hors service. » Son regard se porta sur le docteur, toujours immobile à la tête de la mule. « Vous avez réagi comme un pro grand-père ! D’habitude les gens (entendre “les civils”) sont comme des poules paniquées dès qu’ils voient la moindre goutte de sang… »
Tsukedo Ojiro se contenta de lui adresser un regard froid. Son visage ridé comme une prune et normalement apathique était figé dans une expression de désapprobation et de mépris qu’il n’essayait pas de dissimuler.
« Vous autres ninjas n’êtes pas les seuls à côtoyer la mort... Et j’ai déjà vu vos semblables à l’œuvre, je ne pense pas que nous ayons été réellement en danger. »
« Oh papy, vous pourriez être aimable ! »
« Ojiro-sama ! Comment pouvez-vous dire ça ? Ils nous ont sauvé la vie ! »
Takara repoussa le rideau de la voiture d’une main, et ajusta de l’autre son yukata avant de se laisser glisser hors de la calèche. Son visage rond et vif était encore un peu pâle mais aussi plein d’indignation. Son expression se tordit brièvement quand elle vit le cadavre.
- Ces hommes nous auraient tout pris, et ils nous auraient sans doute-… »
« Ils nous auraient sans doute violées, oui. Et les ninjas ont réglé les choses avec une efficacité remarquable.»
O-Kana s’appuya sur l’épaule de sa suivante pour descendre de la voiture, et eut besoin que celle-ci glisse son bras sous le sien pour la soutenir une fois qu’elle fut debout dans la poussière.
Elle aussi était encore pâle et ses lèvres étaient vides de toute couleur, mais elle avait l’air parfaitement calme.
« O-kana, vous ne devriez pas.. le bébé… » Le vieux médecin était déjà à ses côtés, une expression réprobatrice sur le visage. « Asseyez vous sur le marche pied –bien… - Et ne regardez pas les corps s’il vous plait, cela ne va que vous énerver, et c’est mauvais pour l’enfant… » La jeune femme posa une main sur la courbe douce mais parfaitement visible de son ventre. Il se redressa et avec un dernier regard pour les deux ninjas il entreprit de fouiller dans sa sacoche. « O-kana a besoin de calme. Je vais préparer une potion apaisante, mais si vous pouviez faire disparaître ces corps… »
« Ojiro, ça va parfaitement. Arrêtez de vous agiter ainsi. Et nos gardes devraient avoir toute notre reconnaissance… » Takara réajusta la veste bleu claire aux motifs lacés de brun sur les épaules graciles de sa maîtresse, et replaça une longue mèche noire qui s’était échappée de son chignon avec des geste très doux, qui contrastaient avec son habituel langage corporel animé.
« Je suis payé pour m’inquiéter ma Dame. Et dans votre état vous auriez dû avoir un palanquin bien plus confortable que cette charrette à foin. Vous n’auriez pas dû voyager du tout d’ailleurs. » Il jeta un nouveau regard en coin dans la direction de Sasuke et Naruto, comme s’il les tenait personnellement responsables de cet état de fait.
En réponse Naruto montra les dents avec irritation, mais Sasuke se contenta d’ignorer les piques du vieil homme comme il le faisait depuis trois jours. Sans être jamais ouvertement agressif ou insultant, Ojiro-sama n’avait fait aucun mystère du peu d’estime qu’il avait pour les ninjas depuis le début du voyage.

« Ils sont encore vivants ? » Takara était revenu de leur côté après avoir aidé sa maîtresse à faire le tour de la voiture pour la soustraire à la vue des corps –O-kana s’était laissé faire de bonne grâce, même si elle n’avait pas semblé très perturbée par la vision du mort. La jeune servante croisa les bras sur son ventre dans un geste inconscient de protection et de réchauffement, et s’accroupit à quelques pas du blond. « Pourquoi ? Ils ne méritent que la mort. Tuez les.»
Son expression portait encore trace de sa frayeur, mais une dureté inattendue transparaissait dans la ligne de sa mâchoire, dans la manière dont elle se mordait les lèvres.
Les civils n’étaient pas aussi étrangers à la violence et à la mort que le pensaient les ninjas songea soudain Naruto en observant le visage de la jeune fille. Elle avait souri lorsqu’ils avaient été présentés, et demandé si c’était eux les valeureux ninjas chargés de leur protection. Lui-même s’était écrié que oui, évidemment, qu’il ne leur arriverait rien tant qu’ils seraient sous la protection d’Uzumaki Naruto, Futur Hokage de Konoha.
Sasuke avait à peine hoché la tête en guise de salut et s’était contenté d’avoir l’air revêche et aussi peu intéressé qu’il était humainement possible de l’être. Depuis le temps il aurait pourtant dû se rendre compte que ça ne marchait pas avec les civiles… L’accueil contrasté n’avait pas empêché la jeune femme de flirter joyeusement avec eux durant les trois premiers jours de marche, essayant de tirer plus de deux phrases à la suite de Sasuke, ou discutant et riant aux plaisanteries de Naruto.

« Tuez-les, » répéta-t-elle, et cette fois il y avait une pointe de colère dans son intonation.
Sasuke lui jeta un coup d’œil bref qui se déplaça ensuite sur Naruto, ne dit rien, et fini posément de rassembler les armes. Il n’avait pas dit grand-chose qui ne soit pas vital pour la mission depuis le début du voyage. Du moins à Naruto.
Il avait répondu poliment aux questions d’O-kana, détourné avec habileté celles de Takara, et discuté avec Ojiro-san du type d’ointements à appliquer sur les muscles échauffés avec ou sans plaie ouverte.
Mais à chaque fois que la conversation aurait pu basculer sur le moindre fragment personnel il s’était refermé avec un regard dur. Peut-être regrettait-il d’en avoir tant dis durant la soirée de préparation de la mission, ou alors il avait une autre raison qu’il cachait très bien. Ou encore se comportait-il simplement comme Sasuke Uchiha était censé le faire : de la manière la plus odieuse et détachée possible. Il n’avait pas répondu quand le blond lui avait demandé comment s’était passé la réunion des Clans.
Naruto haussa les épaules, et sourit à la jeune femme.
« Leur chef est mort. Quand ils se réveilleront ils regretteront amèrement d’avoir ne serait-ce fait qu’un pas sur cette route. Je n’ai pas retenu mes coups. Celui-là ne pourra plus tenir une arme. »
« S’ils vivent, ils risquent d’être un danger pour nous. »
Sasuke se redressa, enfonça ses mains dans ses poches.
- Si qui que ce soit est mis au courant qu’un attelage d’apparence médiocre est bien mieux protégé qu’il ne devrait l’être, nous perdront notre avantage. Ils ne peuvent vivre. » Il examinait les abords du chemin, mais ses paroles lui étaient destinées.
« Ils ne se réveilleront pas avant un bout de temps… » Il protestait parce qu’il devait le faire, mais l’argument était de taille. Il n’y avait pas pensé, lorsqu’il avait brisé les côtes de l’un d’eux au lieu de l’égorger. Quel… manque de clairvoyance.
Et évidemment c’était Sasuke qui relevait l’erreur, qui étrangement –et c’était peut-être doublement irritant- ne prenait même pas la peine de laisser glisser dans sa voix le frisson habituel, le “je te l’avais bien dit, c’est la vie Naruto. Arrête d’essayer.” qu’il aurait pourtant été en droit d’exprimer.
« Tu es prêt à prendre le risque ? Qu’ils se réveillent ou que quelqu’un les trouve ?»
Non. Evidemment non.
« Et les gosses qui montaient la garde ? »
« Ils n’ont rien vu. Pas même ce qui les a frappé. »
« Qu’allez vous faire alors ? »
O-kana était appuyé contre la voiture et fixait Naruto et Sasuke de son regard noir à l’étrange pureté.
Beaucoup d’autres femmes, songea Naruto, auraient réclamé à cors et à cri la mort de ses assaillants comme le faisait Takara, ou se serait pâmée à la perspective du sang de nouveau versé.
« Qu’en pensez vous ma Dame ? » Naruto jeta un coup d’oeil surpris à Sasuke. Que celui-ci pose cette question à une civile… La femme qu’ils étaient censés protéger…
Rien de ce que faisait Sasuke n’avait beaucoup de sens ces temps-ci, et au soulagement que Naruto avait ressentit durant le combat se mêla de nouveau une pointe d’irritation sans objet précis.

O-kana haussa les épaules, pencha son visage de porcelaine aux traits purs. Elle avait été l’amante d’un Seigneur, une Dame habituée au luxe, aux jeux de pouvoir et au sang versé.
« Qui sait… Faites ce que vous jugez bon. Si vous pensez que leur survie ne met pas en danger l’existence de mon enfant, laissez les vivre. Sinon… »
Sasuke fit un pas, arracha l’épée qu’il avait plongée dans la terre pour la nettoyer du sang, le visage impassible, mais s’immobilisa lorsque Naruto se redressa et secoua la tête. Il fixa sur lui l’un de ces regards longs et étranges, incompréhensibles, qui avaient tendance à faire leur apparition ces temps-ci. Naruto se força à l’ignorer une fois de plus et tendit la main vers l’arme.
« Laisse, je vais le faire. »
C’était lui, après tout, qui avait épargné les hommes.

-

Après, quand ils eurent rassemblé les corps loin de la route et enterré les armes, après que Sasuke ait fait disparaître les chairs dans un brasier à la chaleur insoutenable et surnaturelle et que Naruto ait dispersé puanteur et cendres d’une technique de vent, après qu’ils aient reprit la route, il se dit que peut-être l’important n’était peut être pas la mort de ces hommes, mais que lui continue d’essayer de trouver une autre solution. Malgré tout.
Ce n’était pas grand-chose, mais peut-être était-ce ce qui faisait vraiment la différence.
Ça, et la qualité nouvelle du silence de Sasuke, qui comme tout le reste ne faisait pas grand sens, mais le touchait plus qu’il n’aurait pu l’expliquer.

---

La suite du voyage jusqu’à Kaga se passa sans encombre. Sasuke avait repris sa place à l’avant de l’équipage, ouvrant la route et surveillant les alentours sans en avoir l’air. Naruto marchait le long de l’attelage, plongé dans ses propres pensées moroses et totalement inadaptées à “l’état d’esprit mission” qu’il était sensé cultiver. Il n’avait jamais été très doué pour cela, entre autres choses. Les missions d’anbu étaient une chose, mais durant les missions longues et chiantes comme celle-ci, il avait bien plus de mal à conserver sa concentration de manière permanente.
Lorsqu’elle n’était pas auprès de sa maîtresse, Takara-san vint parfois marcher à ses côtés, et Naruto lui en fut vaguement reconnaissant car durant ces moments il n’avait pas d’autre choix que de sourire et discuter.
La qualité de l’attention que lui portait la jeune femme avait sensiblement changée. Soit elle avait été plus effrayée qu’elle n’avait voulu l’admettre, soit leur prestation l’avait très favorablement impressionnée.
En toute autre occasion Naruto aurait été ravi du surcroît d’attention, mais cette fois là la présence trop proche de la jeune servante ne faisait de manière assez inexplicable que lui mettre les nerfs à fleur de peau. C’était logique : avoir une civile –aussi séduisante et intéressée soit-elle- gluée à lui lors d’une mission comme celle-ci alors qu’ils étaient déjà en sous-nombre n’avait rien d’idéal… Mais cela n’expliquait pas pourquoi lui qui aurait en temps normal été prêt à tout pour la moindre miette de reconnaissance et d’intérêt n’y trouvait aucun plaisir. Il répondait en automatique, débitait plaisanteries et histoires de missions et riait aux exclamations effrayées qu’elle poussait aux bons moments, mais ne parvenait pas réellement à s’intéresser à elle.

C’était la faute de Sasuke, comme tout ce qui n’allait pas dans sa vie ces derniers temps, avait-il finalement décrété.
Il avait cru que la coopération hésitante entre eux lors de la préparation de la mission avait été un signe de retour à la normale, et il s’était apparemment trompé. Mais il semblait que cela lui arrive souvent –bien trop- dès lors que ce connard de Sasuke était concerné.
Oh, ils ne se battaient plus, autant à cause de leur couverture que parce qu’ils ne pouvaient se permettre de mettre en danger leur efficacité en cas de combat en se blessant… Mais la familiarité confortable qui avait mis tant de temps à s’établir entre eux avait disparu en même temps que le semblant d’équilibre dans leurs rapports. Naruto avait l’impression d’être retourné en l’espace d’une semaine près de trois ans en arrière, quand Sasuke n’avait été qu’un étranger aux yeux froids qu’il avait fallu réapprivoiser, quand il avait fallu lutter pendant des mois et des mois avec des fragments de liens endommagés et les assembler en quelque chose qui fasse sens, qui soit un minimum viable.
Mais…
Non à vrai dire. Ce n’était pas tout à fait exact. Le Sasuke de cette époque-là avait été délibérément froid, le plus distant possible. Il s’était débattu tout le long du processus avec une assiduité obstinée et une mauvaise volonté évidente, rendant clair pour tout le monde que s’il avait eu le choix il n’aurait pas été là du tout.
Et puis à l’époque il n’y avait pas eu l’écho dérangeant de la moindre tension sexuelle entre eux, évidemment.
C’était différent aujourd’hui.
Sasuke était fermé comme une huître, silencieux et coupant. Mais il n’était pas hostile comme il pouvait l’être avec une facilité odieuse.

Si Naruto avait dû essayer de qualifier son comportement –ce qu’il n’avait aucunement l’intention de faire- il aurait pu dire que Sasuke était attentif. Attentif à quoi dieu seul le savait, mais au-delà de l’habituelle froideur et du silence qui était lui inhabituel même selon les critères peu élevés du Uchiha, il y avait une attention étrange et sombre, focalisée. La plupart du temps elle était tournée vers l’intérieur, et Naruto ne pouvait qu’en saisir des fragments, des intuitions lorsque le masque vacillait un instant et qu’il avait l’impression d’avoir surpris quelque chose mais que l’impression fugace, la peine fantôme disparaissaient dès qu’il essayait de les confronter dans le regard noir de Sasuke.
C’était comme une ombre dans sa vision périphérique, qu’il pensait presque pouvoir déchiffrer lorsqu’il l’accrochait du coin de l’œil, mais lorsque qu’il se tournait pour la regarder de face il n’y avait rien, que le visage impassible et dur de son équipier.
Mais ce n’était pas une impression, il en était certain. Parce que Sasuke le regardait.

S’il avait été incapable s’en rendre compte lorsque quelqu’un l’observait il aurait fait un bien piètre anbu. Mais dans le cas présent cela n’avait que peu d’importance, parce que Sasuke ne se dissimulait pas.
Parfois le poids brûlant d’un regard sur sa nuque ou son dos alors qu’il vaquait au camp le soir ou qu’il discutait avec O-kana le faisait se retourner, et Sasuke était là, visage fermé et indéchiffrable, l’observant avec une intensité dérangeante que Naruto n’arrivait pas à interpréter. Comme s’il cherchait quelque chose, ou examinait une découverte à laquelle il ne s’attendait pas. Ou alors il se demandait ou il pourrait bien cacher le corps une fois qu’il l’aurait tué. C’était une possibilité aussi, avait décidé Naruto avec un amusement cynique qui lui ressemblait fort peu.
D’une certaine manière cela lui rappelait le regard de Sakura lorsqu’elle le soupçonnait d’avoir fait quelque chose de très stupide et qu’elle additionnait mentalement les indices en attendant qu’il se trahisse.
Lorsqu’il se retournait Sasuke ne réagissait pas, ne détournait pas précipitamment le regard. Comme si être pris en flagrant délit de dissection visuelle intensive n’avait pas vraiment d’importance. Il ne soutenait pas non plus le regard de Naruto, avait ignoré son expression interrogative les premières fois que c’était arrivé.
Il restait simplement là à le fixer avec une attention presque douloureuse, et c’est seulement au bout de quelques minutes supplémentaires que la focalisation se déplaçait et que l’Uchiha reprenait ce qu’il était en train de faire, avec la même concentration et la même expression fermée que s’il n’avait pas passé cinq minutes à examiner Naruto comme une bête curieuse.

Les trois premières fois l’anbu blond avait laissé filé, mettant ce comportement étrange sur le compte d’une bizarrerie Sasukesque. La situation n’était évidente pour aucun d’entre eux –ou du moins pas pour Naruto, parce qu’à part les Regards et un silence plus prononcé qu’a l’accoutumé Sasuke se comportait exactement comme le connard hautain et égocentrique qu’il avait toujours été- et il était prêt à accepter quelques flottements le temps que les choses reprennent une apparence de normalité.
Les trois ou quatre fois suivantes il avait demandé à Sasuke ce qui se passait, sans obtenir d’autre réponse qu’un coup d’œil inexpressif.

Naruto avait été déterminé à être patient et à ne pas recourir à la violence –parce qu’étrangler son partenaire sous les yeux ébahis des civiles qu’ils étaient censés protéger n’était pas une attitude très professionnelle- et avait même réussi à garder son vocabulaire et le degré de décibels à un niveau tout à fait acceptable.
Mais il était en train de devenir paranoïaque, vraiment.
Il leur avait fallu cinq jour pour accomplir un trajet qui ne leur en aurait demandé qu’à peine une demi-journée en temps normal. Ils allaient lentement, plus encore que prévu car O-kana supportait mal les cahots, et il ne se passait rien. Juste Sasuke et ses Regards. L’intermède avec les bandits des grands chemins n’avait fait que lui apporter une décharge d’adrénaline qu’il n’avait même pas pu ventiler correctement.
Il était profondément et durablement énervé contre Sasuke et son mutisme, Sasuke et son mépris total des autres, Sasuke et son comportement qui n’avait absolument aucun sens, Sasuke et sa manière fluide et dangereuse de bouger, avec la grâce un fauve en chasse.
Il était frustré, et l’admettre ne serait-ce qu’à lui même ne faisait que l’énerver un peu plus.

Il en était arrivé au point ou plus qu’une attaque ennemie il guettait le frôlement du regard de l’autre contre sa peau comme il aurait attendu la morsure de la lame dans un combat. Dans son radar interne la présence de l’Uchiha apparaissait comme un point lumineux à l’intensité insistante, et il s’attendait à chaque instant à ressentir le picotement presque douloureux dans sa nuque.
Cela faisait presque une demi-journée depuis la fois précédente et il n’était toujours pas sûr de la réaction à avoir contre que qui après tout n’était qu’un regard.
Ce dont il était certain par contre, c’est qu’il ne le supporterait pas beaucoup plus longtemps.

Le regard de Sasuke le mettait mal à l’aise, le provoquait d’une manière dont aucun regard n’aurait dû être capable.
Il avait été prêt à faire comme si rien ne s’était passé afin de ne pas mettre en danger le déroulement de la mission, parce que c’était Sasuke et que sa présence était dans l’absolu plus précieuse que n’importe quelle divagation sur la peau pâle de son cou -d’où avait d’ailleurs presque totalement disparu la trace du suçon- ou sur la manière dont son T-shirt censé le faire passer inaperçu soulignait de manière tout à fait inappropriée les muscles de son dos lorsqu’il tendait les bras en avant.
Mais fidèle à lui-même Sasuke ne rendait pas les choses faciles.

-

Avec un soupire Naruto donna un coup de pied distrait dans une pierre qui alla rouler une dizaine de mètres plus loin contre un arbre, s’attirant un regard curieux de Takara.
La jeune femme était assise sur le bord de la voiture, ses jambes pendant à l’extérieur par la porte ouverte, et elle discutait à mi-voix avec sa maîtresse.
Ils approchaient des faubourgs de Kaga, et la route était plus achalandée à présent que les chemins se rejoignaient, les forçant à se rassembler. Sasuke ne marchait à présent plus qu’à quelques mètres de Naruto, de l’autre côté de la calèche. Le surcroît de monde sur la route les rendait bien moins visibles, mais aussi plus vulnérables à une attaque surprise, et les deux ninjas étaient sur le qui vive, évaluant sans cesse les alentours.
Ils avaient croisé des paysans à pied, transportant des denrées périssables dans de grands paniers tressés, avaient marché un temps avec un médecin de campagne jusqu’à ce que l’homme s’arrête dans une auberge pour proposer ses services. Il y avait aussi beaucoup de civils, remarqua Naruto avec surprise. Des jeunes filles en groupe, des familles sur leur trente et un…
« Haaa… Quel dommage que nous ne puissions pas nous arrêter un jour de plus à Kaga… » Takara soupira avec grandiloquence. Au fur et à mesure qu’ils s’étaient rapprochés de la ville elle était devenu plus agitée, n’avait cessé de monter et de descendre de la voiture. « Je n’en peux plus. Je tuerais pour un futon et un bain chaud… O-Kana ne devrait pas voyager dans de telles conditions, Ojiro-san à raison. Ce n’est qu’un vieux râleur, mais dans ce cas précis il a raison. »
« Takara… » Du fond de la voiture O-kana protesta avec une inflexion amusée. « Laisse donc le vieil homme en paix, il ne fait que son travail. » Elle soupira. « Mais tu as raison, je pense que de l’eau chaude me ferra le plus grand bien. »
Sa voix était un peu tendue, et après un coup d’œil circulaire pour vérifier que les alentours étaient dépourvus de menace immédiate, Naruto se rapprocha de la calèche.
« Vous vous sentez bien O-Kana ? Si vous voulez on peut s’arrêter pour que vous puissiez vous reposer, c’est que le milieu de l’après-midi, et il nous reste à peine une heure de route avant Kaga… »
La jeune femme secoua la tête.
« Ce ne sera pas nécessaire Naruto-san. Ce ne sont que des douleurs au dos dues au poids du bébé et aux cahots du voyage. Ça ira mieux lorsque nous serons arrivés. Inutile d’inquiéter Ojiro, il en fait bien assez ainsi.»
« Vous êtres sûre ? On peut ralentir l’allure pour réduire les cahots si vous voulez… »
Elle avait l’air fatiguée en affirmant que non, ça irait, mais le ninja fini par acquiescer docilement. Il aimait bien O-kana. Elle n’était pas une vieille gargouille exigeante comme la plupart des clientes qui prenaient grand plaisir à souligner qu’elles avaient le pouvoir et l’argent nécessaires pour se payer des ninjas –de préférence jeunes, mâles et musclés- , et qui semblaient ne pas comprendre que lorsque la sécurité était concernée c’était eux qui donnaient les ordres… O-kana n’était pas ainsi, ne cherchait pas a tout pris à établir son pouvoir, et les rares fois ou elle ordonnait quoi que ce soit, elle donnait l’air d’en être certaine à cent pour cent. Elle avait une classe qui laissait admiratif malgré sa fragilité physique, et sous le comportement calme et apaisé Naruto sentait en elle un noyau solide, un courage et une volonté qui n’étaient pas apparents au premier abord mais transparaissaient dès qu’on la côtoyait.
Et puis l’idée qu’elle était enceinte le fascinait, il devait l’avouer.
C’était une bonne chose au final. Si en plus d’un équipier asocial, d’une pénurie gravissime de ramens et d’un manque irritant d’exercice il avait eu à supporter des clients odieux, il n’aurait sans doute pas tenu le coup et pété les plombs au bout du deuxième jour…

Un groupe de jeunes filles en kimono et tenues traditionnelle les dépassa en riant. La plupart d’entre elles portaient des lampions éteints ou des moulins à vent en papier. Elles jetaient des regards en coin à Sasuke, et après que l’une d’elles eut murmuré quelque chose, leurs regards se posèrent aussi sur Naruto qui les ignora après avoir décidé qu’aucune d’entre elles ne portait de kunaïs dans ses manches.
« Je me demande pourquoi il y a tant de monde. C’est un festival ? »
Takara étouffa un éclat de rire.
« Un festival ? C’est la Courte Nuit ce soir Naruto-san. Évidemment qu’il y a un festival. »
De l’autre côté de la calèche Naruto fut certain que Sasuke levait les yeux au ciel avec une expression atterrée, et il se sentit vaguement ridicule. Comment diable avait-il fait pour oublier la date du plus grand festival de l’année dans tout le pays du Feu ?
La nuit du solstice d’été c’était le festival du Feu, et la fête durait tant que vivait la nuit. On allumait un brasier au centre des villages, et celui-ci était alimenté jusqu’à ce que les premiers rayons du soleil tombent sur lui. Seulement alors la Courte Nuit était finie, et les derniers fêtards abandonnaient les rues pour aller dormir du sommeil de l’ivrogne, sinon du juste.
Même Naruto qui fuyait pourtant les festivals comme la peste devait admettre que celui-là était spécial.
L’année précédente il avait laissé Sakura l’y traîner dans l’espoir un peu vague qu’elle entende cette sortie comme un Rendez-vous (avec le R majuscule s’il vous plait). Il avait vite abandonné l’idée quand ils avaient été rejoint par Kiba et Hinata, et un peu plus tard par Lee, Ino et quelques autres. Sakura avait même réussi l’exploit d’extraire Sasuke de son appartement et il leur avait fait l’insigne honneur de son silence stoïque pendant presque deux heures. Naruto ne savait d’ailleurs toujours pas quel genre de menaces leur équipière avait utilisé pour le convaincre de venir…

Il avait passé une soirée étonnamment agréable cette année-là, découvrant pour la première fois un festival avec la compagnie confortable de ses amis, et non seul, supportant les regards en coin signifiant que sa présence gâchait la fête, ou errant livré à lui-même entre les stands et les échoppes tandis qu’Ero-sennin dépensait son argent en compagnie de sylphides dévêtues…
Pas de festival cette année visiblement… il aurait pourtant accueilli avec plaisir l’opportunité de se changer les idées.

« O-kana, souhaiterez-vous aller au festival ? » Takara était de nouveau rentrée auprès de sa maîtresse, mais elle cachait mal son agitation. « Cela vous distrairait un peu du voyage… »
Ha… festival finalement ? Mais en mission, et en compagnie de Sasuke. Hum. Ce n’était peut-être pas une idée si stratégique que ça tout bien réfléchi. À vrai dire il n’avait certainement pas besoin de distraction supplémentaire... Il avait suffisamment de mal à se concentrer sur la mission sans en rajouter…
Depuis l’avant de l’attelage, Ojiro-san qui tenait la bride de la mule se retourna vers eux.
« C’est une mauvaise idée. O-kana devrait se reposer et non pas se mêler à la foule de jeunes godelureaux à moitié ivres qui va envahir les rues cette nuit. Ce voyage est déjà difficile pour elle, elle n’a pas besoin de fatigue supplémentaire ! »
Du fond de la voiture O-kana éclata d’un rire clair. « De jeunes godelureaux ? Vous êtes bien dur Ojiro… N’allez donc pas prétendre que vous n’avez jamais participé à la fête… »
Le médecin renifla avec mépris.
« Ce que j’ai fais ou pas lorsque j’était plus jeune et considérablement moins sage n’est pas le sujet O-kana, » gronda-t-il d’une voix bourrue. « Le problème est que vous avez déjà du mal à supporter le trajet, et que si vous sortez ce soir, la fatigue rendra le voyage beaucoup plus difficile pour vous demain… »
« Oh… Juste un peu Ojiro-san… Se promener dans le festival et regarder les animations et les feux d’artifice n’est pas si terrible… Vous ne pouvez pas cloîtrer O-kana ainsi… » Takara se faisait suppliante, usant de son meilleur regard de chiot battu et glissant un peu de déception et de reproche dans sa voix claire… Elle devait avoir vraiment envie d’y aller…
« Hé bien… Je me sens un peu fatiguée, mais marcher détendra certainement mes muscles, » fit calmement remarquer sa maîtresse en dissimulant un demi-sourire. « Rester immobile dans cette voiture n’est pas très agréable… Et Takara à raison, le festival rompra agréablement la monotonie du voyage… » Son regard passa discrètement de Sasuke à Naruto. « Qu’en pensez vous ? »

Sasuke ralentit et vint se mettre à hauteur de son équipier tout en restant de l’autre côté de l’attelage. Ils échangèrent un long regard strictement professionnel, et Sasuke fini par pencher la tête.
« La foule ne risque-t-elle pas de vous indisposer ? »
Sous entendu La foule risque de rendre la surveillance difficile.
« Ba… Pas plus que sur la route, » balaya par réflexe Naruto, décidé à le contredire juste pour le principe. Ça ne valait certes pas un bon combat, mais on se distrayait comme on pouvait. « Au contraire même, la foule nous noiera… »
« Nous pourrons toujours rentrer s’il y a trop de monde… »
« Hn. »
Même si la sécurité n’était pas vraiment le risque, Sasuke n’avait pas l’air beaucoup plus enthousiasmé que Naruto par la perspective du festival.
« Tout le monde va y aller ! » plaida Takara en direction du ninja brun. Elle avait visiblement réalisé que la décision finale viendrait de lui. « Et nous on va rester enfermé à l’auberge ? »
Les deux jeunes hommes échangèrent un nouveau coup d’œil. Elle avait un point. Qu’au moins certains d’entre eux ne sortent pas risquait d’attirer l’attention.
« Personne ne voyage le matin de la Courte Nuit, » fit finalement remarquer Naruto à contrecœur. Autrement dit, s’ils ne voulaient pas se faire remarquer, ils ne pouvaient de toute manière pas partir trop tôt.
Sasuke haussa finalement les épaules.
« Si cela vous fait plaisir et qu’Ojiro-san n’y voit pas d’objection ma Dame… »
Naruto grogna entre ses dents.
La loi Murphy s’était faite discrètes ces derniers jours, mais il ne fallait pas tenter le destin… Et quelque chose lui disait que se rendre au festival ce soir serait comme agiter un drapeau rouge en direction de toutes les Puissances Cosmiques susceptibles de vouloir lui pourrir la vie.

Mais enfin bon, ce n’était pas comme si Uzumaki Naruto, futur Hokage de Konoha, avait jamais été du genre à se laisser arrêter par quelque chose d’aussi rasoir que la fatalité ou les probabilités.

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Jainas
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Lorsqu’ils entrèrent dans Kaga, les rues grouillaient de monde, et des groupes hétéroclites se croisaient dans un joyeux vacarme et un chaos enthousiaste. Les ouvriers finissaient de dresser les dernières échoppes, et des gamins escaladaient les lampadaires pour accrocher banderoles et fanions colorés sous la supervision de quelques adultes.
Deux fillettes virent presque se jeter dans les jambes de Naruto avant de repartir en courant l’une après l’autre avec des rires aigus et ravis. Des odeurs de grillades s’élevaient déjà des échoppes en plein air, se mêlant à celles des épices et des pâtisseries. Les marchants interpellaient les nombreux passants, leur proposant des fruits coupés, des sucreries ou plus de variété de bento que Naruto n’était capable d’en imaginer.
Malgré lui le jeune homme sentit s’alléger son humeur morose. Il était difficile de résister à la bonne humeur et à l’affairement général…

De l’autre côté de la voiture, une jeune femme au sourire vif arrêta Sasuke pour essayer de lui vendre des herbes cueillies le matin même, symboles de prospérité et fertilités. Le jour du solstice détenait après-tout un pouvoir particulier, et les couples qui souhaitaient concevoir s’en donnaient à cœur joie durant la Courte Nuit, après avoir consommé des décoctions de végétaux divers cueillis à l’aube le jour même… La vieille voisine qui habitait au rez-de-chaussée de l’immeuble de Sakura essayait chaque année d’en faire avaler à la jeune femme, provoquant généralement l’amusement sans fin de Naruto, une micro contraction vers le haut de la commissure des lèvres de Sasuke, un coup de poing de Sakura sur la tête du blond, et une œillade discrète de cette dernière en direction de l’Uchiha.
Avec un sourire énorme le jeune homme regarda Sasuke, armé de son expression la plus impassible, décliner successivement les plantes, les sachets d’infusion, puis la proposition de vérifier leur efficacité avec la vendeuse.
Quand le brun eut réussi à éconduire la jeune femme en yukata court –qui lui envoya du bout des doigts un baiser avant de partir à l’assaut d’un autre client potentiel-, Naruto ricanait entre ses dents et s’était penché vers Takara pour murmurer un commentaire gouailleur à son oreille. La jeune femme pouffa et sourit malicieusement.
« Et avec moi Sasuke-san, vous voudriez les essayer ? »
Le brun ne se laissa pas démonter, mais un bref coup d’œil furieux à Naruto informa ce dernier qu’il paierait pour cette trahison, plus tard. Quelque chose d’étrange se tordit dans le creux du ventre de Naruto. C’était la première fois depuis le début du voyage qu’il parvenait à faire réagir Sasuke.

Bon, en toute honnêteté il n’avait pas vraiment essayé. S’il avait mis toutes ses considérables capacités d’irritation à provoquer une réaction quelconque de Sasuke il aurait sans doute pu… Il ne l’avait pas fait parce que le contexte mission se prêtait mal –voir pas du tout- au genre d’effets collatéraux avec stupeur et tremblement qu’impliquaient le fait de réellement faire sortir de ses gonds Sasuke Uchiha.
Et puis il n’avait pas été d’humeur tout simplement. Leurs rapports s’étaient certes considérablement détendus et normalisés depuis le retour de Sasuke. Civilisés aurait dit Sakura avec une expression désapprobatrice sur ses traits calmes avant de lever les yeux au ciel et de demander aux Dieux pourquoi ils l’avaient dotée de deux mules au crâne aussi dur l’une que l’autre à la place de coéquipiers -puis de les frapper la forme.
Mais en temps normal, même s’ils n’étaient plus en état de guerre ouverte et permanente, une semaine se passait rarement sans un accrochement ou deux entre eux, déclanché par l’un ou l’autre, ou parfois les deux d’un commun accord –si on lui en avait demandé la raison, Naruto aurait répondu que c’était parce que Sasuke était un imbécile rigide sans aucun sens de l’humour. Il aurait su que c’était faux d’ailleurs, parce que contrairement à ce que l’on aurait pu croire et aussi étonnant que cela puisse paraître Sasuke avait un sens de l’humour. Un humour sombre et cynique d’ailleurs, et excessivement tourné contre Naruto, mais un sens de l’humour quand même, et la capacité encore plus étonnante (et cela dit assez rare) de l’utiliser pour autre chose que railler ou blesser.
Si on avait posé la question à Sasuke… Qui sait… Il aurait sans doute haussé les épaules, ou fait remarquer d’un ton plat que Naruto était après tout un idiot bruyant et orange –et cela aurait effectivement tout expliqué.

Les accrochages restaient la plupart du temps du domaine verbal, mais cela leur arrivait de dégénérer en bon vieux pugilat qui se finissaient chez Ichiraku –lorsque Sasuke concédait ou était trop exaspéré pour supporter une nouvelle argumentation- ou dans une échoppe à sushi.
Le temps passant les disputes avaient plus rarement dégénérée en combats de grande ampleur même s’il leur arrivait d’avoir des disputes explosives qui se réglaient sur les terrains d’entraînement. En fait à présent qu’il y pensait, depuis un moment la plupart de leurs accrochages aussi mordants soient-ils relevaient presque autant de l’habitude, d’une sorte de routine presque confortable, que d’une irritation réelle, d’un achoppement entre leurs deux tempéraments intransigeants. Les disputes étaient normales. En plus d’être un résultat presque mathématique de l’obstination de Naruto et de la volonté implacable de Sasuke, elles garantissaient… Elles garantissaient beaucoup de choses à vrai dire.

Pour lui elles étaient la preuve que Sasuke était là. Il était là, il était vivant et seul propriétaire de son corps, –parfois, la nuit les cauchemars le ramenait à ce jour là, au sourire étranger au visage de Sasuke, à ce maniérisme corporel qui n’était pas le sien… il mettait beaucoup de volonté à oublier ces rêves là, à ne pas même y penser- et tant qu’il se battaient il était certain de la présence de l’Uchiha, du fait qu’il ne repartirait pas.
Elles garantissaient la survie du pacte, parce qu’alors Sasuke pouvait prétendre que l’alliance entre eux était éminemment rationnelle, qu’elle n’était en aucun cas, pas même un tout petit peu, l’expression d’un moindre désir personnel d’être là plutôt qu’à s’entraîner seul ailleurs. Qu’il n’avait aucun cas le moindre fragment de faiblesse, de besoin de chaleur humaine. Elles lui permettaient de ne pas baisser sa garde, et de ne pas se voir devenir faible coincé entre les présences de ses équipiers. Elles gardaient la lame nue et acérée. Alerte.
C’était ainsi que fonctionnait Sasuke, ils l’avaient compris. Et aucun d’entre eux n’aurait osé remettre cela en cause. Parce que si les choses en étaient venu là, s’ils avaient insisté, argumenté, pressé de trop près, le risque aurait été réel qu’ils mettent à jour la possibilité aussi infime soit-elle qu’Itachi ne reste pas le premier, que les propres désirs de Sasuke s’imposent ne serait-ce que de manière infime sur ce qui devait être fait pour garantir qu’il puisse tuer son frère…
Et alors… Si les choses en étaient venues là, s’il avait dû choisir entre eux et l’absolu de sa mission… Sasuke serait parti immédiatement, sans la moindre hésitation.

Jamais depuis trois ans ils ne s’étaient battus comme ils l’avaient fait une semaine auparavant. Et jamais auparavant les provocations et accrochages n’avaient cessé de manière aussi radicale. Sasuke n’avait pas réagi à des situations qui auraient provoqué des commentaires assassins ou même un haussement de sourcils exaspéré. Et malgré leur efficacité en mode “mission”, malgré la manière dont Sasuke avait réagi lors du bref combat deux jours plus tôt et les Regards étranges cherchant quelque chose, de paire avec la froideur et le silence soudain de Sasuke s’était installée une trêve totale des affrontements verbaux ou des accrochages quelqu’ils soient.
C’était anormal, c’était frustrant, et de manière tout à fait irrationnelle, cela manquait presque à Naruto. Il s’ennuyait, et Sasuke s’éloignait.
La réaction de Sasuke à une pique somme toute inoffensive était étrange. Mais s’il rompait la trêve des affrontements et que les choses avaient une chance de revenir à la normale…
Quoique, si on se fiait à Murphy c’était plus probablement le signe d’une nouvelle explosion plus ou moins imminente et son optimisme n’était sans doute pas très bien placé… Youpi…

Depuis le temps Naruto était immunisé contre le pouvoir de transmission d’énergie négative en un seul coup d’oeil de Sasuke qui pouvait faire reculer même les ninjas les plus aguerris –ce qui n’était pas le cas de Takara qui tressailli instinctivement quand le Regard brûlant la frôla. Il se contenta de répondre au Regard par un haussement inquisiteur des sourcils et un regard clair et innocent qui demandait “Qui ça ? Moi ?”.
« Vous savez pourquoi nous sommes là Takara-san, » souffla sèchement Sasuke de manière à ce que seule la jeune femme et Naruto l’entendent. « Nous n’avons pas de temps ni d’attention à perdre avec ce genre de futilité. »
Takara soupira et se pendit au bras du jeune homme avec un clin d’œil amusé à Naruto. « Haaa… Vous êtes presque pire qu’Ojiro-san… Vous devez apprendre à vous détendre Sasuke-san ! »
« C’est ce que je passe mon temps à lui dire… »
Tout en continuant de surveiller la foule Naruto eut un sourire en coin qui s’effaça net lorsqu’il réalisa le double sens particulièrement évident de sa remarque.
Une œillade en coin lui apprit que son équipier n’avait Dieu merci probablement pas relevé la réflexion.
Avec un petit haussement d’épaule la jeune femme lâcha le bras de Sasuke, mais le regard de Naruto s’attarda brièvement sur le profil de son équipier, cherchant Dieu sait quoi. Il y avait eu quelque chose dans le ton de Sasuke, une irritation peu caractéristique qui avait attiré son attention en plus de la réaction. Tout en surveillant du coin de l’œil un homme portant sous le bras ce qui aurait pu être une épée enveloppée de tissu, Naruto détailla l’apparence et le langage corporel de Sasuke.

Sakura avait soigné d’autorité le bleu qui lui mangeait la mâchoire avant leur départ. Ils ne voulaient pas attirer l’attention, et l’artistique ecchymose qui mélangeait des teintes de violacé, jaune ou brun laissé par Naruto aurait été à peu près aussi efficace qu’un panneau annonçant “Hé ho, regardez les mecs, je me suis battu !”
En toute apparence le jeune homme était égal à lui-même, même si après cinq jours l’absence de tout équipement ninja ne cessait toujours pas de surprendre Naruto.
Pendant longtemps même après son retour Sasuke n’avait pas porté de bandeau frontal, et l’absence de ce dernier n’était donc pas excessivement choquante. Par contre voir Sasuke sans sa bien aimée Kusanagi ni la moindre arme restait déstabilisant. Et puis évidemment il y avait le T-shirt noir que portait le jeune homme.

Naruto avait été stupéfait de découvrir que Sasuke ne l’avait pas jeté mais au contraire gardé dans un coin de son armoire et, plus étonnant encore, ressorti pour les besoins de la mission. Mais après tout Sasuke n’avait pas tant de vêtements civils que ça, il n’aurait vraiment pas dû être aussi surpris, et certainement pas aussi étrangement satisfait quand il avait vu que Sasuke le portait.
Il ne s’y était pas attendu quand il avait cavalièrement lancé le paquet à Sasuke pour son anniversaire l’année passée. Il ne s’était certainement pas attendu à ce que le jeune homme partage sa conviction que le T-shirt lui était cosmiquement destiné –ce qui avait effectivement été le cas Sasuke n’ayant aucun sens de l’humour-, mais il s’était encore moins attendu à ce que l’Uchiha le porte un jour… -ce qu’il était manifestement en train de faire.
Avec un plissement amusé des lèvres il contempla l’objet du délit. Sa première impression avait été la bonne : le t-shirt et Sasuke étaient fait l’un pour l’autre.
À vrai dire c’était un bout de tissu plutôt banal de coton noir, mais sur la poitrine des kanji blancs élégamment tracés proclamaient “Si je me met à sourire, fuyez”.
De l’humble avis de Naruto, c’était parfaitement approprié. Un peu triste, férocement ironique, mais vrai.

Il suivit des yeux l’homme portant l’épée potentielle quand celui-ci disparu dans une ruelle, examina avec application les fenêtres surplombant la rue à l’affût du moindre indice indiquant un risque.
Puis il reporta son attention sur Sasuke.

Ce n’était pas vraiment le t-shirt qui l’intéressait… Sasuke était bizarre. C’est-à-dire encore plus que d’habitude –ce qui commençait à faire vraiment beaucoup-, et d’une manière subtilement différente de celle induite par les Regards. Il était soudainement tendu, et quand au terme d’un balayage d’observation son regard noir croisa celui de Naruto ils s’observèrent un instant en silence. Puis Sasuke fronça légèrement les sourcils, la ligne de ses lèvres se crispa, et il détourna les yeux pour poursuivre sa surveillance.
Hum.
Il y avait définitivement quelque chose. La question était à présent de savoir quoi, et plus important, de déterminer s’il avait vraiment envie de savoir… Il n’en était pas si certain que ça.

-

Takara s’éloigna un instant et revint portant des brochettes étranges, piquées d’un enfilement de pâtes blanchâtre enrobant dieux sais quoi.
Avec un sourire elle en tendit une à Ojiro-san qui l’accepta en marmonnant un commentaire sur les caries avant de contourner l’attelage et d’en tendre une à O-kana par la portière puis une troisième à Sasuke qui haussa un sourcil mais attrapa la brochette sans rien dire –et sans faire mine d’en prendre la moindre bouchée. Enfin elle vint marcher à côté de Naruto et lui tendit la quatrième brochette tout en mordant dans la sienne. Le blond attrapa le bâtonnet avec une œillade curieuse et un grand sourire, et renifla les aliments avant de goûter d’un coup de langue prudent.
« Hé, c’est super sucré ! Merci Takara… » Il se pencha vers la voiture et adressa un grand sourire à O-kana. « On arrive bientôt à l’auberge, encore quelques rues. »
Ils avaient convenu de loger dans une auberge que Naruto connaissait pour y avoir passé quelques nuits avec ero-sennin des années auparavant. Même s’ils se souvenaient de lui ce serait en tant que gamin accompagnant son grand-père excentrique (ha !), et le service était de qualité et discret pour un prix somme toute fort raisonnable que les finances de leur couverture leur permettait de se payer.
« Enfin ! » soupira Takara, « je n’en pouvait plus, et- »
Naruto n’entendit pas la suite de sa phrase, parce que son attention s’était soudain focalisée vers la foule devant eux, et sur les trois auras discrètes qui remontaient la rue dans le sens contraire au leur.
Son regard croisa celui de Sasuke qui lui renvoya comme un écho sa tension et son alerte soudaines. La main de Sasuke se crispa et il frotta son pouce et son annulaire d’un geste d’apparence machinale. Le blond répondit au signal par un signe d’accord imperceptible en repoussant quelques mèches contre son oreille, et continua à marcher comme si de rien n’était malgré la tension soudaine.

-

Celle-ci retomba lorsque les ninjas qu’ils avaient sentis furent en vue.
Il ne manifesta aucun signe de reconnaissance, mais du coin de l’œil il constata que la posture de Sasuke se relaxait insensiblement.
À une vingtaine de mètres en face d’eux, Kiba passa familièrement son bras autour de la taille fine d’Hinata pour attraper la manche de Shino dans le même mouvement. Avec un éclat de rire il tira dessus pour attirer l’attention de son équipier et se pencha contre la jeune femme avant de murmurer quelque chose : Hinata rougit légèrement et Shino haussa un sourcil qui était probablement sarcastique. Akamaru trottinait d’une foulée souple quelques pas derrière son maître la truffe au vent, l’air particulièrement intéressé par un marchand de grillades.
Quelques mètres plus loin le regard masqué de Shino passa sur eux sans ralentir, mais trois pas plus tard sa main vint frôler celle d’Hinata, articulant un signe rapide dans la paume tandis que son visage se tournait vers celui de Kiba et qu’il articulait silencieusement une syllabe masquée par le haut de son col.
En bons ninjas ni l’Inuzuka ni Hinata ne laissèrent rien transparaître, et quand ils se croisèrent finalement seul le regard blanc de la jeune femme passa brièvement sur eux, indifférent.

---

Ils atteignirent l’auberge sans problème ni nouvelle rencontre, et tandis que Takara aidait O-kana à descendre de la voiture et que le vieil homme dételait Grise, Naruto rejoignit Sasuke pour décharger la malle contenant les effets de la jeune femme.
« À ton avis qu’est-ce qu’ils faisaient là ? »
Sasuke haussa les épaules et se pencha pour saisir l’une des poignée, masquant dans le mouvement sa bouche à tout observateur potentiel.
« Ils devaient rentre de mission. C’est probablement un hasard, ils n’ont fait aucun signe. »
Naruto acquiesça en silence et attrapa l’autre poignée. L’avis de Sasuke rejoignait le sien. Après tout, avec l’allure d’escargot à laquelle ils se déplaçaient l’équipe Huit aurait très bien pu faire cinq fois l’aller-retour entre Konoha et Kaga le temps qu’ils atteignent la ville… Bande de veinards…
Ils portaient leur habituelle tenue de ninjas, mais leur comportement et le fait qu’ils n’aient pas pris de mesure particulière pour masquer leur chakra avait clairement indiqué qu’ils n’étaient pas en mission. Ils en rentraient sans doute, et s’étaient arrêtés en ville pour le festival.
Il n’était pas rare de croiser des collègues lorsqu’on était en mission. Dans ce cas-là, sauf signe pressant de la part d’une des équipes la procédure était claire : il fallait s’ignorer. C’était le meilleur moyen d’éviter de briser une couverture ou d’attirer une attention malvenue sur la mission d’une autre équipe.
Si l’équipe Huit avait prévu d’aller au festival il y avait un risque pour qu’ils se croisent de nouveau mais à présent qu’ils étaient avertis de leur présence, le risque qu’ils brisent leur couverture par un mouvement de reconnaissance instinctif était à peu près nul.

Ils entrèrent dans l’auberge à la suite d’O-kana et de la tenancière qui babillait avec animation sur sa propre fille qui attendait son troisième enfant.
Naruto jeta un nouveau coup d’œil à Sasuke, et soupira. Il en avait marre, il voulait que les choses redeviennent comme avant –et tant pis pour la peau pâle du cou de Sasuke ou la manière dont le regard noir s’embrasait- mais tant que durerait la mission il ne pourrait pas prendre le risque d’essayer de déterminer ce qui n’allait pas.
Et lui-même perdait son équilibre interne, sa focalisation et son centre, il le sentait. Il se laissait trop aisément distraire et il était à présent clair qu’au même titre que la guerre ouverte de la semaine précédente, la situation actuelle entre eux n’était pas viable non plus. Il fallait mettre les choses au clair, quelqu’en soit le coût.

« Hé, Sasuke ? »
Le regard de son équipier resta focalisé sur O-Kana, mais il tourna à demi vers lui.
« Quoi ? »
Une mèche noire déplacée par le mouvement avait glissé et masquait ses yeux. Il secoua la tête d’un air agacé pour dégager la mèche et jeta un bref coup d’œil à Naruto qui s’était immobilisé en même temps que lui pendant qu’O-kana réglait l’aubergiste en avance et négociait pour obtenir une chambre en rez-de-chaussée loin de la rue.
« Quoi ? », répéta-t-il quand Naruto se contenta de rester planté là sans bouger. « Oh, Naruto… tu m’entends ?» Il fronça très légèrement les sourcils. « Crétin. »
L’insulte était suffisante pour déclencher un réflexe de Pavlov parfaitement conditionné, et l’expression vacante de Naruto fut chassée par une grimace et un « Connard » toutefois marmonné sans grande conviction. Sasuke haussa les épaules et se détourna avec indifférence.

Ils déposèrent finalement la malle dans la chambre qu’O-kana occuperait avec Takara, et tandis que Sasuke partait reconnaître les lieux Naruto piégea les fenêtres et surveilla du coin de l’œil les deux femmes qui déballaient le minimum vital pour une nuit –bien plus que Naruto n’en aurait utilisé pour trois jours. Les femmes, vraiment…
Tout en examinant discrètement la chambre voisine –qui par un coup de chance était inoccupée- puis celle qu’il était censé occuper avec Sasuke et Ojiro-san, il laissa son esprit examiner son étrange réaction dans le hall de l’auberge.
S’il en avait douté avant il pouvait à présent difficilement le faire : il était déséquilibré. Il le voyait clairement à présent… Ils n’auraient jamais dû partir en mission sans avoir mis les choses au clair une fois pour toute. Ils ne pouvaient pas continuer ainsi, c’était exclu. Il ne pouvait pas continuer ainsi. Les choses ne rentreraient pas d’elles-mêmes dans l’ordre, cela était à présent évident. Sa peur d’affronter Sasuke et ses propres désirs l’avaient figés dans l’inaction. Mais ce n’était manifestement pas la bonne solution, si tant est qu’il y en ait une.
Ce n’était pas une bonne solution parce qu’ils étaient tous les deux trop bornés et trop obstinés pour faire le premier pas, ce n’était pas solution qui leur ressemblait, qu’il pouvait examiner et accepter comme venant de lui, d’eux.
Il fallait agir. C’est ce qu’il aurait dû faire depuis le début. Pas se battre, parce que cela aussi était une forme d’immobilité, une manière de maintenir un statut quo violent mais familier et de prouver à l’autre que ce qui s’était passé entre eux ne l’avait nullement amoindri..

Pathétique, vraiment, songea-t-il la mâchoire contractée tout en déplaçant les futons de manière stratégique –dans le coin droit de la pièce étroite baignée par la lumière jaune de l’après-midi, hors de portée directe de la porte ou de la fenêtre. L’aménagement ne tiendrait pas trois secondes en cas d’attaque –improbable, mais on était jamais trop prudent-, mais le cas échéant c’était ces trois secondes qui leur donneraient le temps nécessaire pour intervenir. Trois secondes entre la vie et la mort.
C’était comme si des braises de tous les sentiments contradictoires qu’il avait ressentis au cours des semaines passées subsistaient au fond de lui, et que leur chaleur combinée rongeait petit à petit ses défenses intérieures, ouvrait ou soulignait ses propres brèches, ses hésitations et ses échecs.
La méditation lui avait permis de séparer certains tisons du reste, certaines pensées et impératifs primordiaux, mais il en restait encore beaucoup trop dont il ne savait que faire, qui étaient trop mêlés et brûlants pour qu’il puisse en faire quoi que ce soit.
Il savait que son nindo et son rêve restaient la chose la plus importante, le cœur de son être. Que protéger ceux qui dépendaient de lui passait avant tout, et que sur ce point précis Sasuke pensait sans doute la même chose.
Et il savait que le moment venu il voudrait avoir à ses côtés Sakura et Sasuke, Kakashi-sensei et Iruka et tous les autres. Que la présence de Sasuke était plus importante que tout le reste et qu’il ne supporterait pas qu’il reparte, quelque soit la nature du lien entre eux. Un frère d’arme était plus important qu’un amant. Sasuke était l’une des personnes qui lui était précieuse, et cela le sexe –ou l’absence de sexe- ne pouvait pas le changer.
Pour le reste…
Le reste dépendrait sans doute de ce qui ce passait dans la tête de Sasuke, et de la profondeur de la blessure infligée par Itachi.

Il ne pouvait pas chercher la confrontation maintenant, pas pendant la mission. Le risque était trop grand. Il ne pouvait se permettre de laisser le moindre doute personnel mettre en danger la vie d’O-kana et de son fils… Sasuke parvenait bien à rester efficace et alerte malgré ses propres réflexions –rétrospectivement c’était évident qu’il avait quelque chose en tête, les regards et tout le reste…
Lui-même pouvait bien faire de même certainement. Il ne pouvait pas laisser transparaître la moindre faiblesse, laisser sa dégradante impuissance à se maîtriser se dresser entre lui et sa promesse, son nindo.
Mais à la seconde où la mission serait fini et O-kana à l’abri, il prendrait Sasuke entre quatre yeux décida-t-il, et ils mettraient une bonne fois pour toute un terme à cette irritante mascarade de négations et d’incertitudes. Cela risquait probablement de finir en pugilat de grande ampleur –mais tout plutôt que les pas d’évitement maladroits et les silences- , et cela mettrait sans doute en danger le propre équilibre interne déjà dangereusement fragilisé de Sasuke –sans parler du sien-…
Mais ne rien faire serait pire.
Et Sasuke était solide n’est-ce pas ? S’il avait survécu à Itachi il pouvait bien survivre à cela aussi. Ils étaient des ninjas que Diable. Il était le futur Hokage...
Il ne pouvait pas se laisser consumer par des braises de la crainte ou du désir qui subsistaient en lui, pas plus qu’il ne pouvait se permettre d’abandonner face à Sasuke.
Dès que la mission sera fini.
Dès que nous serons au pays de la Foudre. Alors nous mettrons un terme à cela.

Étrangement, une fois la décision prise il se sentit mieux. Son centre était là finalement : protéger avant tout, garder Sasuke, et le reste après, par ordre d’urgence. C’était simple quand on y repensait. Terriblement compliqué dans les faits, mais dans la théorie d’une évidence, d’une nécessité foudroyante.
Protéger, garder Sasuke, et le reste après. Facile.


Quand Sasuke revint et qu’ils se croisèrent dans l’encadrement de la porte alors que lui-même partait à son tour faire une ronde de reconnaissance, leurs regards se rencontrèrent brièvement. Et pour la première fois depuis longtemps Naruto pu soutenir celui de Sasuke sans colère ni hésitation ou crainte, simplement avec un regard bleu et confiant, clair, dans lequel brûlait de nouveau la détermination.
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Mottires
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Message par Mottires »

bon, j'avais jamais lu cette fic, c'est sympa.

J'attend la suite ^^
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Un grand maître a dit : La modération, c'est comme les femmes, c'est quand on en abuse que ca devient amusant!
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Message par Jainas »

Feu

Même les meilleurs ninjas l’admettaient : aussi préparé soit-on, aussi assuré et confiant, il y avait toujours dans une mission une part de chance pure, ou parfois aussi, de malchance crasse et absolue. Une part d’imprévisible le plus total qui s’abattait sur vous dans un déferlement de ce que l’on ne pouvait qu’appeler poisse, ou éventuellement sens de l’humour particulièrement tordu et malfaisant du destin.
Il se trouva que cette mission appartenait finalement à la catégorie de celles qui aussi bien préparées et engagées soit-elles étaient vouée à virer à la catastrophe et à la débandade la plus démente, de celles qui passaient du statut “niquel, tout se passe comme sur des roulettes” à “Putain de Bon Sang de Bordel de MERDE !!!” en moins de temps qu’il n’en faut pour dire “loi Murphy”.
Et comme la loi Murphy (ou le destin, ou la malchance selon qu’on se plaisait à la nommer) avait un sens du timing tout à fait affûté, il était communément admis qu’elle choisissait bien entendu le pire moment pour lancer le début des opérations.

Cela dit, -et les meilleurs ninjas l’admettaient également-, ce qu’on appelait poisse pouvait parfois avoir un autre nom, mieux caché, et ce nom était trahison.

---

« Du thé Naruto-san ? Sasuke-san ? »
Depuis son poste accroupi contre un mur, les yeux rivés sur le sembon qu’il était en train de recoudre dans le revers de son T-shirt (les fils maintenant l’aiguille étaient desserrés, et celle-ci glissait et lui piquait le flanc), Naruto secoua la tête de manière négative. Près de la fenêtre Sasuke en fit autant.
Takara s’agenouilla à côté d’O-kana sur le futon et versa le liquide chaud dans les coupes d’un geste habile et élégant.
« Juste le temps de boire, et nous sommes partis, » annonça-t-elle avec un sourire ravi. « Le feu d’artifice n’est pas avant des heures, mais les spectacles de rue ne devraient pas tarder à commencer. J’ai discuté avec l’aubergiste, elle m’a conseillé d’aller voir du côté de la grand-place, il paraît qu’il y aura des jongleurs et des marionnettes ! »
Sasuke, pour qui l’habileté des jongleurs n’avait rien de très exceptionnel et qui même après la fréquentation intensive de Kankuro restait parfaitement imperméable à la porté artistique des spectacles de marionnettes haussa les épaules, et se replongea dans l’observation de la rue animée par la fenêtre. Naruto, lui, sourit par-dessus le T-shirt sur ses genoux puis reprit sa couture avec une moue concentrée.

« J’aimerais beaucoup voir des cracheurs de feu… Et me faire lire les lignes de la main, quand j’étais petite nous allions voir la voyante avec ma sœur et mes frères tous les ans à la Courte Nuit, il paraît que cela porte-bonheur… »
« Nous faisions la même chose au Pays de la Foudre, » sourit doucement O-kana en serrant sa tasse de thé entre ses mains frêles. « Mais là-bas nous l’appelions la fête des Trois Temps, et les mariages qui ont lieu cette nuit-là sont consacrés par les Dieux car- ho ! »
La tasse qu’elle tenait vacilla entre ses mains et du thé se répandit sur le tatami tandis que Takara se précipitait vers elle. En une fraction de seconde Sasuke avait quitté la fenêtre pour s’agenouiller à ses côtés, une main légère contre le haut de son dos pour la stabiliser. Naruto était encore en train de se dépêtrer de son ouvrage.
« O-kana-sama ! »
« O-kana, souhaitez vous que j’aille chercher Ojiro-san ? »
« Non… non, ça va… » Un sourire incrédule illumina le visage pâle d’O-kana tandis que ses mains se posaient en coupe contre son ventre. « Ça va aller. C’est juste… Il a bougé, je l’ai senti. »
Sasuke retira sa main comme s’il s’était brûlé tandis que Takara se répandait en murmures ravis et avec l’autorisation de sa maîtresse posait les mains à plat sur le ventre tendu.
« Je le sens… » murmura-t-elle d’une voix étranglée, « vous voyez il n’y avait aucune raison de s’inquiéter, Ojiro-san vous l’avait bien dit. Je le sens… »

Sasuke avait battu en retraite vers la fenêtre. Figé contre son mur, Naruto fixait les mains d’O-kana crispées sur son ventre avec une expression à mi-chemin entre le désarroi et la stupéfaction.
Les yeux noirs croisèrent les siens, écarquillés et inquiets et elle sourit avec douceur, comme si elle voyait exactement ce qui se passait en lui.
« Voulez-vous toucher, Naruto-san ? »
L’expression de Naruto vira une brève seconde à l’incrédulité mêlée d’une horreur immédiatement submergée par le désir, comme un homme assoiffé qui se verrait proposer une oasis.

« C’est… je peux, vraiment ? »
« Venez, » Elle souligna l’ordre d’un petit geste de la main, et le jeune homme obéit, comme hypnotisé, oubliant toutes convenances à respecter entre un ninja et son client –mais à vrai dire ce n’était pas comme s’il s’était jamais beaucoup soucié des convenances.
« Tenez, posez votre main là. »Naruto hésitait, comme si le ventre de la jeune femme était piégé, susceptible de lui exploser à la figure ou de disparaître avant qu’il ne l’ai touché.
« Aller. »
Avec prudence il posa deux doigts sur le tissu du kimono couvrant le ventre arrondi, avec autant de délicatesse qu’il aurait manipulé des explosifs ou une sculpture de cristal. Un sourire d’abord hésitant puis stupéfait éclaira son visage.
« Je le sens bouger… »
O-kana sourit en retour.
« C’est la première fois… C’est tard dans la grossesse, le sixième mois... On pensait qu’il y avait peut-être un problème, mais… »
La chaleur à travers les vêtements, la courbe douce du ventre. Et sous des doigts…
« C’est… incroyable… Je le sens bouger ! »
La jeune femme rit de l’émerveillement enfantin du ninja blond, mais il y avait aussi du soulagement dans sa voix.

« Sasuke, c’est incroyable, tu devrais... » Ses mots moururent dans sa gorge à l’instant où il jeta un coup d’œil en direction de son équipier. Sasuke était figé dans l’encadrement de la fenêtre, livide. « … monter la garde, » acheva-t-il un peu stupidement en laissant ses mains retomber sur ses genoux.
O-kana n’avait pas remarqué l’incident, et le retour de Takara armée d’un linge pour éponger le thé renversé et suivit d’Ojiro acheva de détourner son attention. Quand Naruto risqua un nouveau coup d’œil vers la fenêtre le visage de Sasuke était de nouveau composé, figé dans son habituelle expression impassible, et son regard mordant l’aurait dissuadé de dire quoi que ce soit s’il en avait eu l’intention.
Ce qui n’avait pas été le cas.

Depuis qu’il avait pris la décision de parler avec Sasuke au terme de la mission, quelque chose avait du changer dans son propre comportement, et leurs relations s’étaient étonnamment rapprochées de la normale. Il avait bien surpris le Regard de son équipier sur lui une fois ou deux, mais il l’avait ignoré avec bien plus d’aisance que précédemment, et ils avaient tenu une conversation presque dénuée de tensions et de silences –presque normale- sur le plan de l’auberge et ses désavantages défensifs.
Et Naruto avait réalisé a quel point ça lui avait manqué, à quel point ce semblant de normalité qui était le leur avait été cruellement absent du mois qui venait de s’écouler.
Et c’était pour cela qu’il n’aurait rien dit. Les secrets et les problèmes de Sasuke étaient les siens, l’avaient toujours été. Ils étaient hors limite, et tant qu’ils ne concernaient ni lui ni la mission alors Naruto n’avait pas à s’en mêler. Plus simplement il savait à quel point Sasuke haïssait laisser transparaître toute trace de faiblesse. Revenir sur ce qui en était visiblement une ne ferait que l’insulter gravement.
C’était quelque chose qui ne lui appartenait pas, et pas plus que Sasuke ne commentait ses pupilles fendues, ses crocs anormalement protubérants ou le chakra bouillonnant du Kyuubi il ne questionnerait son équipier sur sa réaction.
C’était comme ça, ça l’avait toujours été. Et d’une certaine manière c’était parfait.

-

Il avait pensé qu’après l’incident du bébé O-kana préfèrerait rester à l’auberge pour la soirée, mais apparemment il aurait difficilement pu se tromper plus.
La jeune femme était pleine d’une énergie renouvelée, et en adéquation Takara vibrait littéralement d’excitation, pliant et repliant des tissus avec une nervosité fébrile tandis qu’ils se préparaient pour sortir. Même l’irascible et intraitable Ojiro-san semblait tout à coup trouver qu’un peu d’exercice ne pouvait que faire du bien à la future mère, et malgré quelques exhortations bien senties il se montra presque civil avec les ninjas, allant même jusqu’à sourire avec indulgence devant le sourire hébété que Naruto ne parvenait pas tout a fait à faire disparaître de son visage.
Même une fois dans la rue, au sein de la foule enfiévrée, il surprit son regard à venir se poser sur le ventre d’O-kana, et il pouvait presque sentir sous ses doigts les mouvements d’un enfant à naître.

Le crépuscule bordait les nuages bleu d’un liseré d’or, et les lampions suspendus à des câbles repoussaient l’ombre montante. Des enfants armés d’éphémères bâtons d’artifice sillonnaient la foule à toutes jambes, courant d’un groupe à l’autre, laissant dans leur sillage de brèves traînées de lumière. Kimonos finement brodés, étoffes colorées et chatoyantes, le flot des habitants de Kaga semblait sans fin, et les rires amusés ou émerveillés fusaient de toute part dans un brouhaha immense et gai.
Naruto se tenait à droite d’O-kana, la gardant des mouvements brusques de la foule tandis Ojiro-san marchait à sa gauche, l’entretenant des coutumes comparatives entre le Feu et la Foudre en ce qui concernait la célébration de la Courte Nuit.
Sans s’être consulté ils avaient repris leurs places habituelles dans ce genre de cas, Naruto gérant la protection au corps à corps et Sasuke marchant à distance, suivant dans la foule à une dizaine de mètres.

Sharingan ou non, il était d’entre eux celui qui avait la meilleure vue, le meilleur œil pour les détails, et il était le plus à même de voir venir le danger de loin. Naruto ignorait si c’était un trait héréditaire lié à la possession du Sharigan, ou si c’était plus simplement Sasuke et son irritante habitude d’être toujours le meilleur, mais en plus d’un oeil de faucon sans même avoir besoin d’activer sa capacité héréditaire, son équipier possédait une mémoire visuelle presque parfaite. Il lui suffisait d’une lecture pour se souvenir au mot près du contenu d’un parchemin (ce qui de l’humble avis de Naruto lui enlevait tout mérite pour ses réussites scolaires quand ils étaient encore à l’académie), il était capable de reconnaître des visages près d’une dizaine d’années après, et plus étonnant encore aux yeux du jounin blond il pouvait identifier une personne instantanément d’après une photo.
Comment il s’y prenait ? Mystère.
Pour Naruto les traits figés d’un visage sur le papier étaient à peu près aussi utiles qu’un tome du Paradis de la Drague pour les tortues de Maito Gai (c’est à dire absolument pas.) Ce n’était pas ainsi qu’il identifiait un homme, mais à sa manière de bouger, de se tenir, à son langage corporel et toutes ces choses qu’une photographie ne rendait pas…
Et pourtant, Sasuke y parvenait avec une aisance confondante. Et s’il absorbait religieusement la nouvelle édition du Bingo Book tous les trois mois, grand bien lui fasse. Personnellement Naruto n’y avait jamais trouvé le moindre intérêt et décrochait invariablement au bout de la troisième fiche listant toutes les informations disponibles –ainsi que possibles, imaginables et parfois totalement hors de propos- sur tel ou tel déserteur sanguinaire, depuis sa marque de dentifrice préférée jusqu’à sa dernière localisation connue qui datait parfois de plusieurs années auparavant…
Ce qui justifiait doublement que Sasuke se charge de la protection à distance et de l’évaluation des risques.

D’une poussée délicate il guida O-kana un peu plus loin d’un cracheur de feu autour duquel était rassemblée une foule dense et fébrile. Tandis qu’un champignon de flammes fleurissait au-dessus des têtes accompagnée d’applaudissements et de cris enthousiastes, il sourit avec indulgence pour lui-même. Il était quelque peu difficile d’être impressionné par une petite boule de feu quand Sasuke était capable d’embraser la tour de l’Hokage d’un seul souffle...
Un étalage de friandises offrait des spécialités venant apparemment du pays de la Foudre, et Takara attira O-kana vers l’échoppe décorée de bannières vertes et rouges aux couleurs vibrantes malgré la pénombre montante.
Les deux jeunes femmes se penchèrent sur les bacs emplis de confiseries de toutes sortes et couleurs, et O-kana demanda au vieil homme qui tenait l’étalage un petit paquet de sucre de palme emballé dans une section tronçonnée de bambou fermé par des feuilles de palme habilement pliées. C’était une spécialité du pays de la Foudre, expliqua-t-elle avec un sourire, et l’on en trouvait très peu au pays du Feu. Takara semblait ne savoir que choisir, car son regard allait et venait sur l’étalage sans s’arrêter sur un produit particulier, et elle rongeait distraitement l’ongle de son pouce.
Elle avait l’air… Naruto redressa la tête et chercha Sasuke dans la foule. Elle avait l’air nerveuse.

Il trouva Sasuke à une dizaine de mètres de là près d’un étalage un peu éloigné des flambeaux, examinant avec attention un cadre de bois. Mais Naruto savait que son regard courait sans cesse sur la foule mouvante. Avant même qu’il n’ait tenté d’attirer l’attention de son partenaire dont la vigilance était dirigée sur un croisement un peu plus loin, la main de ce dernier voleta à hauteur de son visage, très vite, comme s’il remettait une mèche en place. Son autre main était plongée dans le sac qu’il portait à l’épaule.
D’abord le signe pour ‘danger’, puis ‘trois’. Suivant son regard Naruto n’aperçu que deux des hommes, taille moyenne, musculature sèche, regard dur, indubitablement des ninjas. Ils se dirigeaient d’un pas rapide droit vers l’étalage –droit vers O-kana. Il doutait qu’ils veuillent un bonbon.
Et soudain, alors que son regard glissait vers le haut, sur un point qui était caché à Naruto par une oriflamme jaune frappée du symbole de Kaga, l’expression de Sasuke se durcit brutalement et juste avant qu’il ne s’élance Naruto saisit les deux derniers symboles, articulés clairement, sans plus aucune précaution.
Fui’, et ‘maintenant’.

-

À la seconde où le regard de Naruto s’était posé sur eux, les hommes qui approchaient se surent découvert et accélérèrent, fendant la foule toute discrétion jetée aux orties. Naruto attrapa le poignet d’O-kana et la tira loin de l’étalage, plantant là Takara et Ojiro, se plaçant entre elle et les hommes tout en fouillant dans la sacoche qu’il portait en bandoulière.
« Il faut sortir d’ici, vite. »
« Que… »
« Ils nous ont trouvés. Il va falloir que vous restiez calme O-kana. Vous pouvez le faire ? »
Sans plus aucun égard pour les groupes de civils les ninjas s’étaient élancés à toute vitesse et l’un deux prit son appel sur l’étal d’un vendeur de charmes. O-kana était devenu livide et sa main tremblait dans celle de Naruto juste avant qu’il ne la lâche. Il n’y avait plus le temps.
« Kage Bushin no Jutsu ! »

La suite s’enchaîna très vite. À l’instant où les ninjas allaient établir le contact une explosion et un nuage de fumée obscurcirent un instant toute visibilité. Des cris paniqués retentirent dans la foule, couvrant la note claire de l’acier rencontrant l’acier.
La vue s’éclaircit, révélant une quinzaine de Naruto tous vêtus du même T-shirt orné d’un bol de ramen et d’un pantalon de toile beige. Quelques-uns étaient dispersés au sein de la foule terrifiée et refoulaient tant bien que mal les civils, leur ordonnant sans grande efficacité de s’éloigner le plus possible tandis que quatre autres clones retenaient les deux ninjas déserteurs en plein milieu de la rue et qu’un dernier Naruto entraînait la silhouette frêle d’O-kana au milieu du flot refluant de villageois.

L’air doux de la soirée avait été empli du brouhaha des rires et des discussions, du craquement des flammes dansant sur les torches, des multiples bruits de la nuit et de la fête se mêlant les uns aux autres. Il ne fallut qu’une fraction de seconde pour que la rumeur joyeuse soit rompue. L’explosion, puis les hurlements couvrirent tout le reste, appels de couples séparés, jeunes gens bousculées par le flot paniqué fuyant l’affrontement, questionnements affolés, sanglots hystériques.

L’un des deux ninjas que Naruto avait intercepté s’écrasa dans une échoppe, brisant sous lui l’un des poteaux, renversant les tables qui supportaient des poteries vert céladon qui s’écrasèrent au sol dans un fracas énorme. Peu de personnes avaient réellement compris ce qui ce passait, et cela ne qui ne faisait que renforcer la panique qui s’étendait dans les ruelles bondées comme un incendie sur de l’huile répandue. Un homme serrant contre lui une femme d’âge moyen fut poussé vers eux par un mouvement de foule et les bouscula en jurant de manière indistincte, manquant d’écraser O-kana contre un mur malgré la barrière des deux bras de Naruto autour d’elle.
« Putain merde, c’est pour ça que je déteste me battre en ville… »
Il tendit le cou par-dessus la foule pour tenter de repérer les ninjas ennemis sans grand succès, jusqu’à ce qu’un clone puis deux en se dissolvant ne lui apprennent que l’un des déserteurs avait été mis à terre par les kage bushin mais que le troisième ninja repéré par Sasuke était arrivé en renfort.
La dernière image dansant devant les yeux du clone avait été une éruption de terre.

Des flambeaux avaient été renversés et la toile d’une série d’échoppes avait pris feu, ajoutant à la confusion et projetant une lumière orangée dansante et des ombres découpées sur la foule. Avec un soupir de soulagement, Naruto tira O-kana dans une ruelle adjacente, prenant soin de ne pas quitter les remous protecteurs de la multitude qui leur fournissait une couverture. La jeune femme était pâle comme la mort et elle tremblait légèrement, mais elle tenait debout, une main crispée contre son ventre et l’autre fermement agrippée au T-shirt de Naruto, et elle ne se débattait pas de manière hystérique comme cela arrivait parfois.
Une fois de plus, brièvement parce ce n’était pas le moment pour de tels sentiments, Naruto ne pue s’empêcher de ressentir une pointe d’admiration pour elle, et son courage.

La note explosive qu’il avait repêchée dans le fond de sa sacoche s’était révélée plus efficace qu’il ne l’avait espéré, et les ennemis avaient perdu O-kana de vue. Pour l’instant la priorité n’était pas de vaincre les assassins mais de mettre la jeune femme à l’abri. Avec l’état dans lequel elle se trouvait il ne pouvait se permettre de la prendre simplement sous le bras pour la mettre hors de portée le plus vite possible. Ojiro avait pris grand soin de souligner sur tous les tons à quel point trop de cahots ou de mouvements brusque pouvaient se révéler dangereux pour la mère, et plus encore pour l’enfant et risquaient de déclancher une fausse couche… Avant de régler le problème des ninjas déserteur Naruto devait s’assurer de mettre O-kana en sûreté. Avec l’ombre grandissante et la foule, il leur serait encore plus difficile de la repérer… Mais…
« Bordel, Sasuke, qu’est ce que tu fous ? J’ai besoin de toi connard. »
Il avait murmuré pour lui-même, les yeux balayant la multitude bigarrée et les maisons plongées dans l’ombre au-dessus d’eux, cherchant en vain une trace de son partenaire.
« Sasuke… »
Comme en réponse à son appel, son équipier s’écrasa dans une échoppe de fortune une quinzaine de mètres plus loin, provoquant un nouveau mouvement de panique dans la foule, et quelque chose qui ressemblait étrangement à du soulagement se dénoua en Naruto.

Bon, à vrai dire il était unanimement admis Sasuke Uchiha ne pouvait faire quelque chose d’aussi dépourvu de grâce que s’écraser où que ce soit… Il effectua donc un atterrissage quelque peu incontrôlé en plein milieu d’une échoppe. Et avant même que les éclats de bois ne soient retombés et qu’une femme ne se mette à hurler il était de nouveau sur ses pieds, sa Kusanagi en garde haute et agrippant encore dans l’autre main le rouleau d’invocation vide dans lequel son katana avait été stocké.

Les flammes se reflétèrent un instant sur la lame nue, créant un caléidoscope de lumière, et les civils refluèrent en panique, menaçant d’entraîner de nouveau O-kana et Naruto. Ils avaient plutôt raison de refluer d’ailleurs, car Sasuke avait lâché le rouleau, planté sa lame en terre, et articulait à toute vitesse une série familière de sceaux.
« Katon, boule de feu majeure ! »
Le champignon de flammes prit naissance à sa bouche, enfla, s’ouvrit comme une fleur pourpre en train d’éclore. Et à la seconde où Naruto se demandait ce qu’il visait, le feu heurta en plein vol une trombe d’eau énorme.
Les éléments se rencontrèrent dans un sifflement assourdissant de vapeur en expansion, se vaporisant mutuellement avant de pourvoir retomber sur la foule et noyant toute visibilité dans un brouillard chaud et humide qui envahit les rues.
Parfait.

« Sasuke, par ici ! »
Sans attendre Naruto se plaça dos à O-kana, face à la foule, et forma de nouveaux les symboles avec cette aisance machinale aussi instinctive que la respiration. À présent que Sasuke était là ils pouvaient passer aux choses sérieuses.
« Kage bushin no jutsu ! »
Le chakra se concentra, s’épandit. Et alors qu’il y avait une quinzaine de Naruto dans la foule, il y en eut soudain cinquante, cent, plus encore, bien plus qu’on ne pouvait en compter… Et avant même que la fumée ne se soit totalement dispersée, la moitié d’entre eux formait les sceaux de la technique de transformation, prenant presque immédiatement l’apparence d’O-kana, et d’autres encore l’apparence de Sasuke.
« Idiot ! Qu’est-ce que tu fais encore là ?»
Sasuke –le seul, l’unique- se matérialisa à ses côtés, Kusasnagi toujours en main et son Sharingan tourbillonnant follement.
« T’as pris ton temps connard. Statut ? »
« Mobile, pas de dommages. Mais on a un sérieux problème. » Il tira de son sac un étroit rouleau d’invocation bordé de rouge et de vert, et calla son katana sous son bras le temps d’articuler trois sceaux à toute vitesse puis d’appliquer sa main à plat sur le parchemin avec une expression tendue, ignorant Naruto un instant. « Tenez O-kana, » continua-t-il en tendant le rouleau à la jeune femme. « On va vous mettre à l’abri le temps de s’occuper de ça. Si jamais vous avez un problème, qu’un ennemi vous trouve ou quoique ce soit, mettez du sang là-dessus. Vous recevrez de l’aide. »
« Une simple goutte fait l’affaire. », ajouta Naruto d’un ton bien plus détendu tandis qu’elle acquiesçait faiblement. Sasuke était nul à rassurer les gens, heureusement qu’il était là pour faire les relations publiques…
« Ne vous inquiétez pas, avant de vous atteindre ils devront nous passez sur le corps, et ils auront du mal à faire ça vu que crétin ici présent met une mauvaise volonté extrême à se faire tuer, et que je suis le futur Hokage de Konoha… » Il lui adressa un sourire confiant et féroce auquel elle répondit à peine, mais elle hocha la tête.
« Ça suffit maintenant, » siffla Sasuke en fouillant les toits du regard. « Allez-y. »
« On est parti, » murmura Naruto tandis que quelques clones lançaient sur la foule et les toits des bombes fumigènes. Il attrapa O-kana et la souleva sans effort, la callant dans ses bras avant de s’élancer et de rejoindre les toitures où il la transféra délicatement dans les bras d’un des clones.
« ALLER LES GARS, ON Y VA ! »
« YO ! »

Et comme un seul homme les clones quittèrent soudain de la foule pour prendre pied sur les toits et s’égailler dans toutes les directions par groupe de deux ou trois, les Naruto portant les O-kana, et comme une vague humaine ils s’élevèrent un instant, emplissant le ciel et provoquant de nouveaux hurlements dans la foule. Et le feu de Sasuke jaillit de nouveau pour intercepter une gerbe d’eau venue de nul part qui manqua d’emporter une dizaine de clones d’un coup, et la vague retomba, et il ne resta plus que l’Uchiha et Naruto sur les toits, à une dizaine de mètres l’un de l’autre, en position de combat, et le ninja blond sourit de nouveau, mais cette fois-ci il n’y avait rien de rassurant dans l’expression. Uniquement de la férocité.
Les choses sérieuses pouvaient vraiment commencer.

-

« Alors ? »
Naruto bondit, kunaï en main, vers la rue où les derniers clones tenaient encore tête aux deux déserteurs. Sasuke était quelque pas en avant de lui, volant au-dessus des étalages en feu. Les civils avaient déserté la rue du premier contact et ne subsistait que la rumeur des cris, de l’information qui se propageait et de l’incendie qui gagnait. Le feu était le pire ennemi d’une ville comme Kaga.
« Ce ne sont pas eux le problème… » Un autre appel, une foulée, et ils se laissèrent tomber dans la mêlée comme deux fauves sur leurs proies, se partageant la tache d’un commun accord. « Il y en a d’autres. » La Kusanagi traça un arc sanglant et ce fut fini. « Deux… » Naruto n’était pas aussi rapide que son équipier et sa cible eut le temps de se retourner et de tenter une riposte. « Bingo Book. » Non pas que cela fasse une grande différence… « Ne t’arrête pas ! »

Naruto obéit à Sasuke sans réfléchir et reprit son élan vers les toits sans chercher à dégager son kunaï de la gorge de l’homme. Bien lui en prit, car s’il ne vit pas ce qui le frappa, il sentit nettement le remous d’air, l’odeur furtive d’humidité, et la lame qui l’aurait sans doute transpercé déchira son T-shirt et traça une ligne écarlate sur son flanc droit.
Il réagit instinctivement, se jetant de côté pour mettre de la distance entre lui et l’attaquant, prit pied sur le rebord du toit et se laissa brusquement retomber.
Comme il s’y attendait le son de la Kusanagi croisant une autre lame retentit au-dessus de lui avant même qu’il ait touché terre, et il mit à profit les quelques secondes que lui avait gagné Sasuke pour récupérer le dernier rouleau dissimulé dans sa sacoche. Trois sceaux plus tard il jetait le rouleau de stockage vide et finissait de sangler autour de sa taille le poids rassurant de sa ceinture d’arme.
Le temps qu’il rejoigne de nouveau les toits Sasuke et son adversaire s’étaient séparé et se toisaient depuis les extrémités du toit, figés dans une posture ramassé et agressive. La nuit n’était pas encore totalement tombée, et la lumière grise qui baignait le toit perdurerait encore un moment, c’était -après tout- la Courte Nuit. Mais cela ne durerait pas plus d’une demi-heure, et les lueurs orangées montant de la rue peinaient déjà à illuminer la scène. Heureusement la nuit était claire, et la demi-lune accrochée au-dessus d’eux fournirait un minimum d’éclairage.

« ‘tain, ce mec est rapide, » marmonna Naruto en atterrissant près de Sasuke. « Lee va être mort de jalousie de ne pas avoir été là. » Puis son regard se posa sur la kunoichi perchée sur la cheminée et il haussa les épaules en réponse au regard sarcastique qu’il savait que Sasuke lui avait adressé. « Ok, ok… Bingo Book tu dis ? »
« S, tous les deux je crois. Village caché de la bru- »
Sasuke s’interrompit, la kunoichi avait bougé, si rapidement que Naruto l’avait à peine vue. Avec un juron, il rompit la position de défense qu’il avait adopté et prit un peu plus de champ, se plaçant de manière à couvrir les arrières de Sasuke sans qu’ils ne se gênent mutuellement.
« Où est l’autre bordel ? »
À l’arrière de son esprit il pouvait sentir des clones disparaître, sans même savoir ce qui les avait frappé.

La kunoichi avait changé de toit, se déplaçait avec une vitesse hallucinante et des mouvements sûrs et fluides sur les tuiles bleu-grises. Une fraction de seconde la lune se refléta sur la lame courbée d’un tachi, puis elle bougea de nouveau et interrompit brusquement l’arc de cercle qu’elle décrivait autour d’eux pour bondir droit sur Sasuke, un mouvement, deux mouvement, et les lames se rencontrèrent dans un crissement d’acier, un crépitement de chakra, et le jounin brun rompit d’un pas pour reprendre son équilibre.
Elle avait presque failli prendre Sasuke par surprise, réalisa-t-il bouche bée.
Mais déjà elle s’éloignait de nouveau, bondissant en arrière puis infléchissait de nouveau son attaque, engageant puis rompant à toute vitesse, tournoyant et testant les défenses de Sasuke qui dansait de même, éprouvait sa rapidité, son style avec son habituelle froideur analytique. Ce n’étaient que des passes d’armes pour l’instant, tests, à peine une touche de chakra pour corser l’affaire.

Puis soudain elle rompit plus largement, revint s’accroupir sur le faîte d’un toit à une distance prudente de Sasuke, et son rire clair retentit dans la nuit, couvrant un instant la rumeur et le feu en contrebas.
« Ils sont bons. Il va falloir les tuer si on veut trouver la femme tranquillement. Finalement on a pas tout perdu. Ne fais pas la tête Sai, tu vas bien t’amuser aussi si l’autre vaut le quart de celui-là.»
C’était… légèrement insultant. Sasuke paierait. C’était sa faute si les gens le prenaient toujours comme point de référence. Il le faisait exprès parce qu’il savait que ça irritait Naruto, c’était forcé.
« Vu la quantité de clones produits, il doit au moins en valoir autant, » murmura une voix froide dans l’ombre. « J’en ai pourchassé quelques-uns et ce sont des clones d’ombre. Tous corporels. »
« Ho, impressionnant. C’est pas donné à tout le monde, » la femme pencha la tête et la demi lune blanche d’un sourire fut un instant visible. « Je suppose que c’était à prévoir, ils n’ont pas assigné n’importe qui à la protection de la maîtresse du premier conseiller de Daiymo… »
« Ce serait plus simple si on pouvait simplement raser la ville. Elle n’a pas dû quitter les murs. » fit remarquer l’homme. Naruto et Sasuke avaient manœuvré de manière à se trouver dos-à-dos, et malgré tous ses efforts Naruto ne parvenait pas à distinguer la silhouette du second ninja dans l’obscurité. Mais… une minute

« Comment ça, la maîtresse du premier conseiller de Daiymo ?! » L’exclamation indignée lui échappa un peu malgré lui. « C’est au moins une mission A ça, merde ! Et ils nous envoient seulement tous des deux en prétendant que c’est une B ? Si la vieille était au courant, je lui fais la peau, bordel ! »
Il détestait ça. Pourquoi l’intel n’était jamais fichu de donner des renseignements exacts? C’était leurs vies, putain…
« Pas maintenant, » siffla Sasuke entre ses dents. Son dos était chaud contre le sien, et il pouvait sentir la tension qui irradiait de son ami. C’était étrange, parce qu’il n’avait jamais vu Sasuke autre chose que férocement satisfait à la perspective d’un combat. « Ecoute- »
« Hé, vous deux là-bas, je suis Uzumaki Naruto ! Le futur Hokage de Konoha ! Et je vais vous faire cracher vos dents si vous essayez de toucher O-kana ! C’est compris ?! »

Sur le bord du toit, se découpant en ombres chinoises sur le ciel bleu sombre, la kunoichi s’immobilisa brutalement.
« Uzumaki de Konoha ? Le jinchuuriki ? »
HA ! Ils connaissaient son nom ! Prends ça, Sasuke…
La silhouette d’un homme fit son apparition à côté de la femme, mince et élancé, aussi grand qu’elle était menue. Ils formaient un couple dépareillé mais étrangement harmonieux. Rien qu’a la manière dont la femme avait fait un infime pas de côté pour laisser place à son compagnon, on devinait la familiarité d’une équipe terriblement efficace. Dangereuse. Dans l’ombre, il distingua la forme inhabituellement longue et étroite de l’épée que l’homme portait aux côtés.
La voix de la kunoichi se fit soudainement plus basse, sérieuse.
« C’est lui qui a tué Kisame, si la rumeur dit vrai. »
« Oui, » murmura son compagnon d’un ton neutre, et soudain une bouffée de vent attisa les flammes, dans la ville, et le feu enfla, grimpant sur les toits et jetant ses lueurs dansantes et orangées sur la scène, permettant à Naruto de mieux distinguer leurs adversaires. Contre lui il sentit Sasuke prendre deux respirations profondes.
« Elle c’est Kô des Trois Rivières, » récita-t-il dans un murmure, suffisamment bas pour que seul Naruto l’entende, « Ancienne sabreuse de la brume, rapide, spécialisée dans le corps à corps, utilise des techniques de Vent et d’Eau. L’autre c’est Hakujin Saito, sabreur aussi. Il y a très peu d’infos sur lui. Bon stratège, techniques de Foudre et d’Eau. Fais gaffe à son épée, c’est une des trois tokurei, s’il faut en croire les rumeurs. »
« Bien reçu. Je savais bien qu’un jour ou l’autre ça finirait par être utile que tu apprenne le Bingo Book par cœur, » railla Naruto à mi-voix.
C’était mauvais. Il n’était pas à son meilleur contre des escrimeurs, et même si se battre régulièrement avec Sasuke lui avait donné une certaine expérience en la matière, sa spécialité restait le corps à corps.
Il lui était arrivé d’étaler des ennemis armés de sabres malgré leur plus grande allonge… Hoshigashi Kisame était l’exemple le plus récent (et le plus dangereux), mais il ne comptait sans doute pas, vue que la seule raison pour laquelle Naruto était encore en vie était qu’il avait fait exploser son arme en la surchargeant d’énergie démoniaque.
Ces deux-là… ces deux-là seraient certainement d’une toute autre trempe. Il pouvait sentir le chakra lourd et paresseux s’étendre entre eux, l’attente et l’anticipation, la fraîcheur mordante de la nuit, la danse du feu et l’étincelle glorieuse qui ne demandait qu’à s’enflammer…

Il n’était pas vraiment certain de ce qu’était une épée tokurei –il avait le sentiment qu’il était censé le savoir, mais il fallait être soit Sasuke soit Tenten pour parvenir à retenir toutes les informations sur toutes les lames spéciales, maudites, forgées par les Dieux, les Démons ou autres… Il sourit, donna un coup de coude à Sasuke, et se détendit imperceptiblement lorsque son partenaire le lui rendit sans le regarder, plus vicieusement qu’il ne l’était strictement nécessaire.
« On va bien s’amuser. »

Même si le feu éclairait à peine son visage, il sut que la kunoichi souriait en réponse –à son propre sourire, à sa déclaration, à la nuit peut-être, et à l’étincelle qu’elle sentait aussi, qui pouvait le dire ? La lumière accrocha un instant ses pommettes, la ligne de sa mâchoire, se perdit dans les courtes mèches qui encadraient son visage. Souligna les traits longs et sérieux de son compagnon, accentua le temps d’une bouffée de flammes le relief d’une main négligemment posée sur la garde sombre de la tokurei, légèrement, comme une caresse.
Puis le feu recula, et l’obscurité gagna de nouveau, ne laissant que la lueur bleutée de la lune et des étoiles, et le contact de l’épaule de Sasuke contre la sienne.
« Allons-y alors. »

-

Ils bondirent en avant d’une impulsion simultanée, se séparèrent à mi-chemin alors que leurs adversaires se mettaient en mouvement.
Ou du moins la kunoichi bougea-t-elle, s’élançant à la rencontre de Sasuke dans un mouvement tourbillonnant. Hakujin Saito tint son terrain, dégainant simplement à toute vitesse et glissant dans une posture de blocage haute, pointe de son arme vers Naruto. Ce dernier feinta sur la droite, vers le bord du toit, dansant sur la pente raide. Du coin de l’œil il perçut l’éclat orangé d’une fleur brûlante s’épanouissant, fugitivement, sans y prêter attention.
Trois clones, un kunaï en main, une ouverture, peut-être, pour le premier sang qui compte vraiment de la Courte Nuit.
Mais non.

Il pensait l’avoir, mais le sol se dérobe sous ses pieds, il trébuche. Le coup qui aurait dû porter déchire le vide, il se recule précipitamment, et il est encore sur le toit, et pourtant il tombe, il tombe.
Et en un éclair une silhouette, une nouvelle fleur de feu, un contact, et le bras de Sasuke vient s’enrouler autour de son torse, stoppant brutalement la chute. Confusion, incohérence.
Il peut sentir l’épaule de son équipier appuyer désagréablement contre ses côtes et pourtant ses yeux lui donnent une information différente, et ils atterrissent à l’horizontale sur un poteau électrique, sauf que les pieds de Sasuke reposent dans le vide… Et soudain « rupture », murmure contre son oreille sa voix un peu rauque, tendue, et le monde autour de lui se décale brutalement d’une vingtaine de degrés, retrouve sa place, et les sandales de Sasuke sont bel et bien fixées sur le bois du pylône.

« Genjustu, » ajoute ce dernier en guise d’explication, un peu inutilement, avant de laisser aller son équipier et de s’élancer de nouveau pour rejoindre le toit.
« Merde. » Naruto reprit pied, observant d’un œil noir la silhouette du ninja déserteur qui semblait attendre patiemment presque au même endroit. Un genjutsu, et un terriblement subtile en plus, autant dans l’application que dans les effets. Il ne s’était rendu compte absolument de rien.
Il n’était pas un pratiquant très acharné de la subtilité, mais il ne pu s’empêcher de ressentir une pointe d’admiration reluctante. Un genjutsu qui modifiait les sens de l’adversaire, suffisamment pour qu’il soit totalement perdu et incapable de se battre efficacement, mais suffisamment peu pour qu’il ne s’en rende pas compte. L’autre n’avait même pas eu à esquiver, son attaque même avait été décalée, inefficace comme l’aurait été toute tentative de parade de sa part si le ninja de la brume avait poussé son avantage au lieu de le laisser venir. Et il avait trébuché parce que la configuration du sol ne correspondait pas à ce que lui disaient ses yeux…
Une chute comme celle du toit était plus que suffisante pour tuer un ninja s’il se réceptionnait mal (bon, peut-être pas lui, mais un ninja qui n’avait pas de démon personnel chargé d’assurer les soins, oui…)
Avec une grimace, il imagina la notice nécrologique… “Uzumaki Naruto, anbu et ex-futur Hokage, tué au combat parce qu’il a confondu le rebord du toit avec le vide…” Aussi irritant cela soit-il, avoir un équipier imperméable à quatre vingt dix-neuf pourcents des genjutsu pouvait se révéler utile de temps en temps…

« Sasuke… »
« Oui, on change. »
Aussi doué soit-il dans d’autres domaines, il était unanimement reconnu que Naruto n’était que d’une efficacité plus que moyenne face aux genjustsu, alors que d’un autre côté le Sharingan de Sasuke rendait ces derniers tout à fait inopérants…
« On y va alors. HÉ TOI LÀ BAS, C’EST MOI TON ADVERSAIRE MAINTENANT, TU VAS VOIR CE QUE TU VAS VOIR ! »
À ses côtés Sasuke grinça des dents et lui lança un regard irrité –il n’avait jamais été sensible à la beauté intrinsèque des défis en bonne et due forme de toute manière.
« Naruto, ne traîne pas, » murmura-t-il finalement avant de s’éloigner vers le déserteur de la brume qui était à présent son adversaire.
Le blond lui jeta un bref coup d’œil intrigué, puis fut obligé de reporter toute sa concentration sur le combat : la kunoichi attaquait.

Si le peu qu’il avait vu d’elle jusque-là dans ses attaques et ses réflexions l’avait laissé penser qu’elle avait un caractère plus expansif et plus impulsif que son compagnon et qu’il y avait peut-être moyen d’exploiter cela, il découvrit que cela n’était pas vraiment le cas. Pas au combat, du moins. Elle se battait avec une détermination et une concentration effrayantes, entièrement tournées sur lui et sur leur danse aérienne.
De loin ses attaques avaient paru désordonnées –rapides et dangereuses peut-être, mais sans cohérence globale, comme le vol aléatoire d’un papillon. À la seconde où la lame du tachi rencontra pour la première fois celle des kunai longs qu’il avait dégainé, il réalisa qu’il n’en était rien. Et qu’il aurait du mal à accéder à la requête de Sasuke et de “ne pas traîner”.
Elle méritait plus que largement son rang S.

De manière automatique il avait infusées les lames de ses kunai de chakra de Vent, comme Asuma-sensei lui avait enseigné à le faire longtemps auparavant, avant les Akatsuki immortels. Ce fut la seule chose qui lui sauva la vie à ce moment-là.
Elle avait rompu un instant, prit du champ comme elle l’avait fait précédemment contre Sasuke. C’était visiblement sa manière de combattre, une multiplication de contacts très brefs aux corps à corps pour déborder la défense et profiter son élan et de sa force de frappe sans laisser à l’adversaire le temps de mettre à profit sa plus grande taille et sa force physique.
Malgré le tourbillon du combat elle haletait à peine, tournant autour de Naruto d’un pas léger et souple, comme un fauve autour de sa proie.
Et soudain ses muscles se contractèrent avec vivacité, et Naruto réagit au quart de tour en levant ses kunai en position de garde. Mais contrairement à ce qu’il avait cru elle n’attaqua pas, le tachi fendit l’air nocturne dans un sifflement, et pourtant elle était trop loin, mais-…
Il n’eut qu’une fraction de seconde de réalisation pour renforcer ses protections avant que la lame de chakra ne heurte ses défenses, avec une violence inouïe, crépitant contre sa propre énergie. C’était comme une lance, un coup de perce, qui rencontra d’abord son chakra, puis les lames, croisées pour parer, dévier… Mais ce n’était pas assez, et l’attaque transperça les défenses.

Naruto avait toujours été plus droitier qu’ambidextre –dans les familles ninjas on apprenait aux enfants à se servir de leurs deux mains dès leur plus jeune âge, mais ninjas ou non, ce n’était pas comme s’il avait jamais eu de famille pour commencer-, et il avait toujours éprouvé plus de difficultés à projeter son chakra à gauche qu’à droite : ce fut le kunai de gauche qui se brisa en premier.
Mais la résistance des lames et de son chakra lui gagnèrent suffisamment de temps pour qu’il puisse esquiver, et quand la seconde lame rompit à son tour la lance de chakra ne fendit que le vide, s’enfonçant dans le toit et transperçant les tuiles.
Il y eut des cris, dans la maison sous eux, mais quand bien même y aurait-il prêté attention, il n’aurait rien pu y faire : la kunoichi de la brume attaquait de nouveau.

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Jainas
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Naruto laissa échapper un sifflement entre ses dents, et balaya du revers de la main la sueur qui lui coulait dans les yeux. Quelque part au-delà de son centre d’attention, l’éclair bleuté d’un Chidori Nagashi illumina la nuit de sa froide lumière.
Le combat durait. Bien trop.
Autour d’eux les toits étaient plongés dans l’ombre, mais même sans les voir il devinait les ravages causés par les techniques diverses dont tous les combattants avaient fait usage. Incendies sur les charpentes en ce qui concernait les stigmates les plus visibles, mais aussi cratères de rasengan ayant manqué sa cible, tranchées de tuiles pulvérisées, et zones dévastées par des techniques d’eau. Quelque part sur la droite il était à peu près certain qu’au moins une maison s’était écroulée, et dans la ville l’incendie se propageait toujours.
Il ne s’autorisa aucune pensée pour les civils.

Avec une explosion de fumée, trois des crapauds qui l’avaient épaulé durant les dix dernières minutes du combat regagnèrent leur propre dimension.
Il n’arrivait à rien. Sa plus grande endurance et les pouvoirs régénérateurs du Kyuubi lui donnaient une marge de manœuvre et de meilleures chances de vaincre à l’usure, mais il ne parvenait pas à coincer la femme ninja. Elle lui semblait se jouer de lui comme une souris d’un chat –ou peut-être bien le contraire. Même lorsqu’il avait appelé des clones à la rescousse, elle leur avait échappé comme un courant d’air. Un courant d’air qui contrairement à lui avait un panel d’attaque à distance assez confondant pour quelqu’un censée être une sabreuse.
Mais il s’y était attendu. Il n’était pas le meilleur choix pour affronter une combattante comme elle, et vice-versa. Si elle ne sortait aucun as de sa manche et qu’il ne commettait pas d’erreur il finirait par l’avoir à la fatigue.
Les déchirures nettes qui marquaient son propre T-shirt étaient marbrées d’auréoles sombres, visibles même dans la nuit, témoins des endroits où la lame de la kunoichi avait mordu. Mais en dessous la peau était déjà de nouveau refermée, boursouflée et rougie peut-être, alors que le démon forçait son corps à des cadences de guérisons anormales qui consumaient ses réserves, mais refermées, et les muscles sous la peau étaient peut-être abusés et douloureux, mais ils étaient aussi parfaitement fonctionnels. Il finirait par gagner.
Il y avait plus glorieux comme victoire et il n’aimait vraiment pas cette perspective, mais il saurait s’en contenter.
Non, ce qui l’inquiétait plus, c’est que le combat de Sasuke aussi traînait en longueur. Cela n’aurait pas dû être le cas.

Peut-être était-il temps de changer de tactique. Il siffla de nouveau, un signal de rassemblement cette fois, un trille qui fendit la nuit et couvrit un instant toute autre rumeur. Puis il s’élança pour rejoindre son équipier.

Dos-à-dos avec Sasuke, il réalisa que le souffle de ce dernier était plus labouré qu’il n’aurait dû l’être, et surtout il y avait une lourdeur dans ses mouvements, dans sa manière de bouger.
« Naruto. » La voix de Sasuke était sifflante, et Naruto tressaillit intérieurement à la note vulnérable qui transparaissait, comme une discordance infime mais bel et bien présente. Mais ce ne fut qu’en jetant un coup d’œil en biais à son équipier dans la pénombre qu’il réalisa à quel point Sasuke était véritablement déstabilisé. Terrifié, aurait-il dit s’il s’était s’agit de n’importe qui d’autre que son équipier.
Ses yeux étaient bien trop écarquillés, même pour la trop faible luminosité de la lune et des feux, et au lieu des prunelles écarlates auxquelles il s’attendait, le sharingan de Sasuke fluctuait et se brouillait, comme une tache d’encre rouge mêlée à de l’eau, et sa couleur changeait constamment, passant sans cesse d’une teinte à l’autre dans un camaïeu de pourpre.
Le souffle de Naruto se coinça dans sa gorge, mais sa voix était parfaitement calme quand il demanda à mi-voix « Depuis combien de temps ? »

Sasuke haussa les épaules.
« Le début du combat. Ça empire. »
Naruto coula un regard au ninja déserteur qui reprenait son souffle plus loin dans l’ombre, bientôt rejoint par la kunoichi aux cheveux courts.
« Ça ne t’était jamais arrivé avant ? »
Sasuke émit un bruit agacé entre ses dents, et répondit à la question avec une reluctance audible.
« Non. Mais je n’ai pas utilisé mes yeux depuis… depuis la dernière fois. »
Depuis qu’il avait tué Itachi.
À présent qu’il le disait, Naruto réalisait que pas une fois lors de leurs affrontements matinaux des semaines passées Sasuke n’avait utilisé le sharingan…

Il se força à sourire dans la nuit, et à bannir la moindre inquiétude de sa voix.
« Bon, on va tacher de faire vite alors. »
Il aurait dû se souvenir qu’il n’était pas dans le style de Sasuke d’admettre gracieusement la moindre faiblesse… Son ton se durcit et se fit mordant.
« Je n’ai besoin d’aucune forme d’aide de ta part », siffla-t-il rageusement, et Naruto sentit s’éveiller brutalement en lui la colère familière mêlée de tristesse qu’il ressentait toujours devant les barrières que son équipier dressait pour se protéger. L’irritation chassa la peur, et c’était bien plus confortable ainsi.
« C’est l’occasion rêvée de l’essayer, tu ne trouves pas ? »
« L’essay-… Maintenant ? »
« Bien sûr. A moins que tu n’ais peur. Si on est synchrones il n’y a rien à craindre. »
Sasuke siffla de nouveau entre ses dents en faisant face à leurs adversaires.
« N’essaye pas de me manipuler Uzumaki. C’est une tentative pitoyable. On ne peut pas le faire ici, on risque de détruire la ville. »
Il n’avait pas tord, mais Naruto haussa les épaules.
« Le combat nous a amené sur les limites de Kaga, On est a peine à cinquante mètres des murs, y’a moyen. »
À la soudaine tension dans les épaules de Sasuke, Naruto réalisa que ce dernier ne s’était pas vraiment rendu compte qu’ils s’étaient tant déplacés, et cela aussi était terriblement hors caractère, pas tout à fait autant que la presque peur, mais pas loin, pas loin du tout.
Au début il avait profité de l’ivresse du combat et de l’adrénaline pulsant en lui. À présent il souhaitait simplement que le combat s’achève, le plus vite possible.
Quelqu’en soit le prix.

-

Il fallut une technique de foudre et cinq kunai explosifs supplémentaires pour repousser la bataille au-delà des murailles de Kaga, vers la campagne nue sous la lumière de la lune. Cette région du pays du feu était dénuée des hautes futaies qui faisaient la force et la réputation de Konoha. Le couvert était maigre, uniquement offert par des arbustes rachitiques qui ne dépassaient pas les cinq mètres de haut dans le meilleur des cas –ce qui était ridiculement bas aux yeux de tout ninja de la Feuille normalement constitué.
Naruto avait de nouveau engagé la kunoichi de la brume et peinait d’autant plus à garder sa lame de vif-argent à distance qu’une bonne moitié de son attention était dédiée à suivre du coin de l’œil les progrès du combat de Sasuke.
Ce dernier était peut-être handicapé par son sharingan aléatoire, mais il le masquait avec une redoutable efficacité, et la manière dont il mena Hakujin Saito presque exactement où ils le voulaient aurait pu servir de cas d’école pour les classes d’Iruka-sensei.
Dès qu’ils furent alignés Naruto rompit son engagement, dressant entre la kunoichi et lui un mur de clones qui la ralentiraient juste le temps nécessaire –il ne fallait pas espérer plus.

Ils avaient longuement travaillé cette technique, avant la mission de poursuite d’Itachi, mais jamais encore ils n’avaient eu l’occasion de l’essayer en combat réel… Naruto mit un genou en terre pour plus de stabilité, les doigts entamant déjà le second sceau de sa technique de Vent. À ses côtés Sasuke achevait ses propres sceaux et portait déjà sa main droite à sa bouche.
« Katon, boule de feu majeure. »
« Fuuton, le souffle divin. »

Le sabreur avait évidemment réalisé qu’il s’agissait d’un piège, avant même que Sasuke et Naruto ne se rejoignent. Mais la plaine était nue, et la distance entre eux trop grande. Et il n’eut aucun couvert lorsque la boule de feu blanc naquit des lèvres de Sasuke, et que le Vent de Naruto se mêla à elle.
Jamais lors de l’entraînement Naruto n’avait mis autant de chakra dans son souffle, et les résultats de leur technique jointe avaient pourtant été dévastateurs, déjà. Cette fois-ci il voulait en finir, achever ce combat qui durait trop, rejoindre O-Kana et le vieil Ojiro, quand bien même il y avait-il fort peu de chance que celui-ci puisse faire quoi que ce soit pour un Dojutsu hors de contrôle. Il voulait en finir, désespérément. Il mit dans son souffle bien plus de chakra qu’il n’en avait jamais mis.
Et à partir de la seconde où le Vent rencontra le Feu le déserteur n’eut plus aucune chance.

Le katon de Sasuke avait eu une puissance plus qu’honorable, corolle de flammes blanches en expansion dans la nuit, veinées de flammèches bleues et pourpres.
Mais lorsque le Vent rencontra le Feu, il fit jour un instant au plus sombre de la Courte Nuit.

Il y eut une explosion de chaleur, de lumière aveuglante et vorace qui se répandit face à eux comme une avalanche de lave, chaleur écorchante en expansion perpétuelle.
Le ninja de la brume le vit, ne perdit pas de temps à chercher à fuir –mais où aurait-il pu fuir, face à la déferlante ? À la première seconde de l’explosion, il achevait les sceaux, et un mur d’eau se dressait entre lui et le brasier.
Mais le feu brûlait trop fort, trop vif, et la muraille liquide fut vaporisée presque immédiatement, balayée dans une explosion de vapeur. La seconde dressée en hâte ne tint pas plus longtemps, à peine une fraction de battement de cœur avant de s’effondrer à son tour, engloutie par le brasier
Derrière la muraille de clones qui la retenaient, la kunoichi hurla, juste avant que la vague de feu n’atteigne son compagnon, juste avant que la chaleur et de lumière ne se fassent trop fortes pour que l’on puisse encore garder les yeux ouvert.

-

Le feu parcouru encore deux cents mètres avant de mourir finalement, ne laissant derrière lui que le terre nue, claire et écorchée, réduite en cendres.
« Oh, putain. » fit Naruto en laissant retomber ses mains légèrement tremblantes sur ses genoux.
Son visage le brûlait, et ses yeux pleuraient, réaction physiologique à l’éblouissement et la chaleur.
« Tu as mis trop de chakra, idiot.» Croassa Sasuke sans réel venin en s’appuyant sur son katana pour ne pas vaciller. Il était tout aussi stupéfait que Naruto de l’ampleur de la destruction. Simplement il le cachait bien mieux –comme d’habitude.« On se croirait à Suna maintenant. »
Il y avait effectivement un certain air de ressemblance, sous la lumière de la lune qui gommait les couleurs. Seul sur les pourtours du sinistre loin du cœur d’impact de la technique, là où la chaleur avait été moindre, des foyers résiduels d’incendie brûlaient encore, projetant une luminosité fluctuante. Le sol en face d’eux était entièrement dénudé sur des centaines de mètres, plus un brin d’herbe, pas même les moignons calcinés que ce qui avait été des arbres. Rien, juste une poussière très fine, rendue blanche par la combustion totale de tout ce qui était susceptible de brûler.

Sauf au centre, où dans un étroit cercle d’herbe noircie –mais encore là- était affalé le corps immobile et recroquevillée du ninja de la brume, étrangement intact au cœur de la destruction.
Ou du moins relativement intact, en comparaison de l’anéantissement total du paysage.
Même depuis l’endroit où ils se trouvaient, à une trentaine de mètres, les chairs à vif étaient visibles, mêlées aux lambeaux calcinés de tissus incrusté dans ce qui restait de peau, et en dessous les muscles mis à nus, tout le long du dos, et des bras protégeant le visage…

Naruto se remit debout, et l’odeur de chair brûlée le frappa de plein fouet, hideuse et malsaine.
« Comment… ? »
« La kunoichi, » murmura Sasuke. « Elle a créé une prison aqueuse autour de lui, intercalée de couches d’air pour ralentir la diffusion de la chaleur. » Il y avait comme un respect contraint dans sa voix. C’était une combinaison de techniques difficile dans l’absolu, alors exécutée à plus d’une quarantaine de mètres de distance, et dans de telles conditions, avec uniquement une fraction de seconde de décision quand il était devenu évident que l’homme ne pourrait arrêter la technique seul…
Mais même ainsi cela avait été à peine suffisant, il suffisait de le voir pour s’en rendre compte. Naruto se demanda s’il était encore en vie, puis se dit que cela n’avait que peu d’importance, pas avec de telles blessures.

Il était en train de faire volte face vers le véritable danger lorsque il sentit le dernier clone disparaître, et ce fut cela ainsi que le visage de Sasuke toujours tourné vers le ninja de la brume qui le poussèrent de s’élancer, à temps encore, mais tout juste.
Trop juste.
À son avertissement aboyé et encouragé par une vigoureuse poussée au niveau des épaules, Sasuke se jeta hors de la trajectoire, presque aussitôt suivit par Naruto que son mouvement impulsif avait mis un peu plus dans la trajectoire de l’attaque.
Trop juste, et trop tard.
La lame de chakra et de vent perfora son thorax nettement, juste au-dessus du cœur, exactement là ou Sasuke avait un jour enfoncé sa main jusqu'à l’avant-bras pour le tuer.

« Ah, merde, » marmonna –t-il en sentant la lame se retirer de biais, causant de nouveaux dégâts internes.
Ses oreilles bourdonnaient, et son sang battait inhabituellement fort entre ses tempes, couvrant presque l’insulte ordurière de Sasuke dirigée à son encontre puis le chant de l’acier contre l’acier.
Il cracha un peu de sang, et dégaina un kunai. C’était si caractéristiquement stupide de la part de Sasuke d’attaquer alors que son Sharingan était en rade et qu’il était visiblement à court de chakra, alors que lui-même avait des réserves frôlant l’illimité… Même si elles étaient certes bien entamées et baissaient encore tandis que le démon forçait son corps à ressouder vaisseaux et veines, à raccorder les muscles sectionnés à un rythme qui n’avait rien d’humain.
En toussant un peu, les dents serrées, il observa un instant le combat devant lui à la recherche d’une ouverture pour en finir.

Le vent s’était levé, tourbillonnant autour d’eux, mordant et froid, miroir des mouvements de la kunoichi des Trois Rivières.
Il cracha de nouveau du sang, qu’il essuya machinalement avec son avant-bras nu. Quelque chose avait changé, réalisa-t-il. Dans sa manière de se battre à elle, avec une focalisation, une concentration exclusive et délibérée, glaciale, qui n’avait pas été là avant. Mais aussi dans les mouvements de Sasuke, plus rapides, plus assurés qu’ils ne l’avaient jamais été depuis le début du combat plus d’une demi-heure auparavant. La Kusanagi dansait dans sa main comme animée d’une vie propre, et ses attaques et ripostes étaient comme le miroir inversé de celles de la kunoichi, en un peu plus rapide. En un peu plus en avance.
Se pouvait-il que le problème avec son sharingan soit réglé ? La kunoichi brune se battait comme si c’était le cas, les yeux baissés, sans jamais croiser son regard, et ils étaient ombre parmi les ombres de la nuit.

Et soudain Sasuke accéléra encore, se porta sur la gauche dans l’ouverture infime laissée par une feinte trop audacieuse.
La lame mordit dans la tunique puis dans la chair, juste au défaut du coude. Un coup net, puissant, qui sectionna proprement le bras dans une gerbe de sang sombre, et la bouche de la jeune femme se tordit dans un cri silencieux, immédiatement ravalé.
Mais durant cette seconde elle avait relevé la tête dans un mouvement instinctif de tension pour lutter contre la douleur, pour récupérer son équilibre compromis, et même dans l’ombre Naruto devina que son regard avait croisé celui d’Uchiha Sasuke : son corps se raidit brutalement, et la lame sans nom s’échappa d’entre ses doigts.
Elle recula d’un pas, de deux pas. S’effondra sur elle-même, recroquevillée, comme une poupée de chiffon et ne bougea plus.

« Sasuke ?»
La fatigue engourdissait soudain les membres de Naruto, trop d’énergie dépensée, trop de blessures graves, même pour lui. Mais il tiendrait aussi longtemps qu’il était nécessaire, bien entendu, juste sur l’adrénaline, par pure obstination même, si besoin était.
Mais il semblait qu’il n’y en ait pas le besoin, finalement.
Ce n’était pas fini bien sûr, la douleur pulsait dans son torse, à l’endroit où la lame l’avait transpercé, comme un nœud de souffrance drainant toute l’énergie environnante. Ce n’était pas fini et il restait des choses à faire, et malgré sa brillante fin de combat il était clair que quelque chose qui n’allait pas avec Sasuke, mais… Le combat avait finalement pris fin. C’était déjà cela. C’était bien.
Mais quand Sasuke se tourna vers lui, Naruto fut bien près de changer d’avis.

Ce ne fut qu’au second appel, plus insistant, que l’anbu brun se détourna de la kunoichi tombée, vacillant sur ses appuis, et fit quelques pas dans sa direction.
Et c’est alors que Naruto le vit.
Comme il l’avait deviné le sharingan dans les prunelles de son équipier s’était stabilisé, de nouveau d’un rouge profond et uniforme.
Mais si la forme des pupilles noires d’encre qui y tourbillonnaient était familière à Naruto, jamais encore il ne les avait vus dans les yeux de Sasuke. Jamais il n’aurait cru les y voir un jour en vérité.
Et pourtant.

« Qu’est ce que tu croyais faire ? » gronda Sasuke d’une voix très basse, la voix qu’il prenait lorsqu’il était en colère, plus terriblement en colère qu’il ne pouvait se permettre de le monter. « À ce point ça ne relève plus seulement de la stupidité, mais de l’incompétence pure. »
Même à demi-mort de fatigue et de déplétion de chakra, il trouvait encore les mots les plus durs, savait encore frapper à l’exact endroit où ils blessaient le plus. Des reproches pas tout à fait immérités à vrai dire, et seule la conscience évidente que son geste instinctif de pousser Sasuke hors du chemin n’était pas la véritable cause de sa colère et de son désarrois retint Naruto de réagir bien plus violement qu’il ne le fit.
« Ho, parce que tourner le dos à l’ennemi ce n’est pas de l’incompétence peut-être ? » siffla-t-il sur le même ton. « Va falloir t’y faire Sasuke, je t’ai encore sauvé la vie . » Ce qui à vrai dire n’était pas un argument des plus percutants, car ils se sauvaient mutuellement la vie en moyenne deux fois par mois depuis trois ans.
Mais Sasuke était trop en colère pour relever de toute façon, sa mâchoire était contractée, et ses pupilles retournés au sharingan normal étaient d’un rouge violent, dilatées et furieuses.
« Bien sûr. Et se faire embrocher dans un mouvement irréfléchi même pas digne d’un genin est tellement professionnel, n’est-ce pas ? »
La conversation dérapait, vers des terrains trop dangereux, des sujets périlleux qui se rapprochaient bien trop de ce dont ils ne devaient absolument pas parler. Pas maintenant.
Pas sans risquer de briser définitivement Sasuke.

Mais il était en colère. Tellement, tellement inquiet.
Et quiconque le connaissait savait que dans ces moments-là, les mots se précipitaient à sa bouche sans prendre le temps de s’arrêter par la case cerveau.
« Vraiment ? Il me semble me souvenir d’un genin, au pays de l’eau… »
Sasuke gronda littéralement, les dents découvertes en une grimace de colère.
« J’étais jeune et stupide. Crois-moi, je ne referai pas quelque chose d’aussi inepte que de me mettre entre toi et une attaque, jamais. »
Et ces mots n’auraient pas dû faire aussi mal, pas alors qu’il savait exactement que Sasuke était tout aussi terrifié et perdu que lui-même, et qu’il savait pourquoi. Pourquoi, en vérité.

Les mots avaient été blessants, mais il aurait pu en faire abstraction, peut-être, malgré la déchirure, l’amertume qu’ils provoquaient. Ils le blessèrent pourtant, bien plus cruellement que tout autres, justement à cause du pourquoi. À cause du mangekyou sharingan dans les yeux de Sasuke.
Et Naruto fit ce qu’il faisait quand il se sentait acculé, quand la douleur devenait trop grande, il contre-attaqua, aveuglément. Et il prononça les mots qu’il n’aurait jamais dû prononcer, avec une lenteur délibérée et amère, l’intention tout aussi délibérée de blesser en retour.
« Évidemment que tu ne le ferais pas. Je ne suis pas ta personne la plus importante n’est-ce pas ? Et maintenant que tu l’as tué tu as le mangekyou. Toutes mes félicitations, je suppose que tu dois te sentir redevable ton frère. »
Avant même que les mots n’aient fini de franchir ses lèvres, Naruto les regrettait. Ils étaient de la cruauté pure, au-delà de toutes les limites, de toutes les protections de Sasuke.
Rien de ce qu’il pourrait dire à présent ne pourrait les effacer, ni même les atténuer. Parce qu’ils étaient la stricte vérité, d’une certaine manière.
Et ils étaient lancés entre eux à présent, avec le poids d’un rêve de plomb, le tranchant d’une lame nue.

Sasuke devint livide, presque aussi blanc que son t-shirt, et se figea brusquement, de l’immobilité d’une pierre sans plus un tressaillement des muscles. Une parfaite statue de sel.
Et durant ces instants, Naruto eut la certitude absolue que la douleur hideuse qui couvait dans ses yeux allait se matérialiser, briser toutes les barrières. Que Sasuke allait l’attaquer, et essayer de le tuer, quel qu’en soit le prix.
Et il n’était pas sûr qu’il se défendrait, dans ce cas.

Mais Sasuke n’attaqua pas.
Il resta simplement immobile une éternité, épaules contractées et visage figé dans une expression indicible, colère, douleur, dégoût, tristesse, fatigue, rage brûlante et bien plus encore, mêlés en un masque d’une vulnérabilité terrifiante. Il resta immobile ainsi, silencieux dans l’ombre de la Courte Nuit, silencieux sous la lumière de la lune et des étoiles, silencieux à la lueur des feux mourants.
Et finalement il se détourna, le visage de nouveau inexpressif, et murmura « Allons chercher O-kana. »

Et Naruto lui emboîta le pas vers Kaga toujours en feu, laissant derrière eux la campagne dévastée et les corps des deux déserteurs de la brume. Il le suivit car il n’y avait rien d’autre à faire, qu’il était si terriblement épuisé, et que Sasuke lui-même trébuchait tous les trois pas tandis qu’ils se dirigeaient vers le faubourg où les clones avaient emmené O-kana.
Il ne vint pas marcher à hauteur de son équipier, ne lui offrit pas son épaule.
Il n’en avait pas le courage, et Sasuke n’aurait pas accepté de toute manière. Plus maintenant.

---

Même les meilleurs ninjas l’admettaient : aussi préparé soit-on, aussi assuré et confiant, il y avait toujours dans une mission une part de chance pure, ou parfois aussi, de malchance crasse et absolue. Une part d’imprévisible le plus total qui s’abattait sur vous dans un déferlement inévitable, vous entraînait plus loin que tout ce que vous pensiez être capable de supporter.
Cette mission était de celles-là. Mais malgré tout, malgré les blessures béantes créées par les lames ou les mots, elle était un succès finalement, et cela était presque à même de contrebalancer tout le reste. Assassins neutralisés, cliente en sécurité.
Mission accomplie.

Lorsqu’ils arrivèrent au bâtiment miteux que Naruto avait choisi comme point de ralliement, et qu’ils entrèrent par la fenêtre, ce fut pour trouver Hinata et Ojiro-san agenouillés aux côtés d’O-kana qui était étendue sur une paillasse de fortune dans un coin de la pièce.
L’odeur métallique du sang emplissait l’endroit, prégnante, et les avants bras d’Ojiro-san étaient rougis, tandis que les mains d’Hinata passaient avec une infinie douceur sur le ventre à présent plat, infusant du chakra guérisseur.

Shino était là aussi, réalisa Naruto avec un peu de retard tandis que Sasuke prenait lourdement appui sur un mur pour rester debout. Il montait la garde à l’autre bout de la pièce, son visage normalement inexpressif marqué par d’étranges rides d’expression aux commissures des lèvres. Il tenait dans ses bras un paquet emmailloté, silencieux et immobile.
Mort.
Les deux clones qui s’étaient tenu dans un coin de la pièce disparurent dans un nuage de fumée, et Naruto su ce qu’il en était avant même qu’Hinata ne prenne la parole.
« Je suis désolé, » murmura la jeune femme dans un souffle, les yeux pâles emplis de cette compassion qui était sienne rivés dans ceux de Naruto. « Le stress créé par la situation a déclanché une fausse-couche. L’enfant était trop prématuré pour survivre. »
Et en cet instant ce fut trop, trop, trop.
Quelque chose se brisa en Naruto.

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TBC
Prochain chapitre, Blanc.

Je m'excuse du temps à venir qu'a pris ce chapitre, et je voudrais remercier tous ceux qui ont envoyé des reviews entousiastes, elles m'ont gardées motivée tout au long de l'écritue de ce très conscéquent chapitre -20 belles pages.
J'ai eu des blocages dans l'écriture, (merci à Hitto qui sans le savoir m'a donné la solution de l'un d'eux), des ennuis techniques -perte de mon carnet de notes et autres, le dernier en date étant que j'ai renversé du thé sur mon mac (le grillant ainsi de manière qui se pourrait être définitive, RIP) approximativement 2 seconde après que ce chapitre ait été up-loadé...

Enfin bref. C'est un chapitre important, que j'ai adoré écrire malgré tout, et j'espère qu'il vous a plu.
Arakasi
Gennin
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Message par Arakasi »

Trés bon chapitre qui, j'ai le plaisir de le constater, a survécu au naufrage de ton mac ^ ^
Toutes mes condoléances et saches que je mesure à quelle point ta perte est cruelle... :cry: Dans une telle situation, je pense que je me permettrais une petite crise d'hystérie libératrice...

On connait le destin de la "pauvre" Ko maintenant: elle crévera avec un bras en moins prisonniére de l'illusion de notre Sas'ke. Et si elle n'en meurt pas les dêgats cérébraux seront tels qu'elle ne s'en remettra pas de ci-tôt...

Chapitre trés sombre, avec une fin particuliérement cruelle.
Naruto bien qu'encore anbu semble encore gardé quelques illusions (naon, ce type ne peut pas être ninja, il y a forcément une erreur quelque part), mais les voit réduit en miettes par les hazards du combats et par les bons soins de l'ami Sas'ke.

Simple curiosité: quelle est donc la solution que Hitto-sama t'a trés accidentellement apportée?
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xoux
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Message par xoux »

Tout pareil que Arakasi!!!

Super chapitre, super triste... T-T

Juste une remarque : j'ai relu tout depuis le début, et il y a une faute que tu fais tout le temps. Tu écris "déclancher" au lieu de "déclencher".

Moi j'ai une autre question : quelque chose s'est brisé en Naruto, c'est quoi? est-ce qu'il pourra le retrouver un jour?

Arakasi a raison : Naruto n'est pas fait pour être ninja, et c'est pour ça qu'il l'est...

Dernière chose (et ce malgré ta panne d'ordi) : à quand la suiiiiiteeeeuh???????
:grin: XouX trop impatiente :grin:
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