Un enfant sur le champ de bataille TERMINE

Tu débordes d'imagination scénaristique. Tu as imaginé des histoires parallèles à celle de Naruto. Alors asseyons-nous autour d'un feu et raconte-nous ton histoire dans le monde des ninjas.

Modérateur : Ero-modos

Tayuya
Gennin
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Message par Tayuya »

Et la deuxième partie !! :grin: j'espère qu'elle est bien. Je me suis volontairement attardée sur Arashi pour construire un parallèle avec Kakashi.

Chapitre XI
2ème partie


Embusqué à quelques mètres à peine des palissades de Kiri, Arashi ferma les yeux. Pourvu que tout se passe bien du côté de Kakashi. Lorsqu’il avait entendu que l’équipe d’Okara était sélectionnée, il n’avait pas été surpris – le capitaine était certainement un des meilleurs de toute la section – mais il en avait voulu à son ami d’entraîner le garçon dans une mission aussi dangereuse. Okara savait pertinemment qu’il y avait de très grandes chances pour que nul ne revienne vivant d’Aoi Shinju ; il avait malgré tout décidé d’y emmener Kakashi. Certes, le garçon était sous son autorité directe mais il n’était pas encore tout à fait remis de sa mésaventure et cela pourrait s’avérer un handicap, non seulement pour la victoire mais pour Okara lui-même : car quoi qu’il en dise, Arashi était certain qu’il s’était attaché à Kakashi. Malheureusement, en dépit de tout ce qu’il avait pu lui dire, le capitaine ANBU n’avait pas cédé et s’était au contraire mis en colère.


Arashi posa sa main sur l’épaule d’Okara tandis que les autres officiers quittaient la pièce.
- Kôji, je voudrais que tu me rendes un service.
L’autre se retourna. Sous son masque, un demi-sourire à la fois amusé et las se dessina car il ne savait que trop ce qu’allait être l’objet de la demande.
- Tu veux que je veille sur Kakashi pendant la mission.
Ce n’était pas une question. Arashi hocha la tête. Okara soupira.
- Je crois qu’il est temps de mettre les choses au clair une bonne fois pour toutes, Arashi : je ne suis pas comme toi. Je ne suis pas Jounin et Kakashi n’est pas un enfant sous ma responsabilité. Protéger mes hommes ne fait pas partie de mon boulot.
- Mais tu as tout intérêt à ce qu’ils restent en vie, non ? Il est encore fragile, Kôji. Je me sentirais beaucoup plus tranquille si je savais que tu gardes un œil sur lui.
- Tu as si peu confiance en lui ? Tu le crois tellement incapable de se défendre ?
- Mais non, c’est juste que…
- Pourquoi crois-tu que mon équipe a été sélectionnée et que j’ai accepté de participer ? C’est parce que je connais mes ninjas. Je sais de quoi ils sont capables. Crois-moi si je n’avais ne serait-ce qu’une seconde le moindre doute sur leurs capacités à se battre, j’aurais refusé.
Arashi se mordit les lèvres.
- Si tu ne me fais pas confiance, poursuivit Okara, fais au moins confiance à ce gosse.
- Je lui fais confiance. Mais je ne veux pas qu’il lui arrive quelque chose…
- Est-ce que tu es en train de dire que ce n’est pas mon cas ?
- Non, ce n’est pas du tout ce que…
- Tu peux peut-être te permettre d’avoir ce genre de sentiment paternaliste, Arashi, mais il y en a d’autres qui ne peuvent pas. Sa voix s’était distinctement durcie. Je ne peux pas me payer ce luxe, que ce soit avec Kakashi ou un autre. On nous donne une mission, on l’accomplit, c’est tout. Tant mieux si on reste en vie mais le plus important, ça reste la mission. Tu crois que ça m’amuse d’envoyer mes hommes au casse-pipe ? Tu sais ce que c’est que de convaincre des gens de choses en lesquelles tu ne crois pas ?
- Non… je ne fonctionne pas comme ça.
- Eh bien moi c’est mon boulot. Je fais ça tous les jours. Je fais croire aux soldats qu’ils vont survivre, alors que je sais très bien que certains n’en reviendront pas, parce que sinon, ils ne feront pas ce qu’on leur demande. On a un travail à faire. Si je me mets à protéger mes hommes, je compromets la mission et c’est pas ce qu’on attend de moi.
- Je sais tout ça. J’ai été ANBU aussi, je te rappelle.
- Tu l’as été, oui.
Le ton de sa voix laissait planer un sous-entendu qui fit frissonner Arashi. Etait-il donc devenu si différent aux yeux d’Okara ?
- Tu changes, Arashi, reprit l’ANBU comme pour lui confirmer ses pensées. Fais gaffe à pas devenir comme ces vieux bureaucrates qui n’ont plus aucun contact avec le monde réel. Ce serait vraiment dommage.


Arashi soupira. Qu’il le veuille ou non, l’écart entre Okara et lui était en train de se creuser. Le capitaine ANBU le considérait de moins en moins comme un « semblable », comme un homme de terrain, qui se bat et qui côtoie la mort. Qui sait ce que sacrifice veut dire. Peut-être même se sentait-il trahi. Arashi comprenait qu’il réagisse ainsi mais il regrettait. Il n’avait pas quitté l’ANBU et grimpé dans la hiérarchie par dédain. Il voulait pouvoir changer les choses et faire en sortes que les autres ne subissent plus dans la douleur ou la solitude. Or pour changer les choses, il fallait être en haut. Tout ce qu’il avait fait, il l’avait fait pour eux, pour les gens comme Okara. Seulement cela, l’ANBU n’avait pas l’air de le comprendre.
Une main effleura son épaule.
- Arashi-sama…
Le jeune homme cligna des yeux. Un Jounin était apparu sur sa droite.
- Oui ?
- Les éclaireurs emmenés par Yamanaka Inoshi sont de retour.
- Ah, bien. Et alors ?
- Le plan a fonctionné. La palissade de Kiri est dégarnie d’au moins la moitié de ses hommes. Tout le monde est en place. Nous n’attendons plus que votre signal.
- Parfait.
Son visage lisse se durcit.
- Alors finissons-en, murmura-t-il.
Il jeta un regard circulaire autour de lui et vit de multiples éclats argentés briller fugitivement un peu partout. Ils étaient prêts. Alors, lentement, il leva son bras.
Je vais mettre fin à cette guerre une fois pour toutes.
D’un geste vif, il abaissa son bras. Aussitôt, l’orage se déchaîna sur Kiri.


Courir. Bondir. Frapper ici et là, trancher la chair. Faire vite, être précis.

Eviter un jutsu d’eau. Riposte, avance ; anticipe. Réguler son souffle.
Avancer, frapper, tuer encore et encore. Ne pas prêter attention aux camarades qui tombent. Ignorer les cris.

Glisse sur une plaque de verglas, dérape. Concentre du chakra sous les pieds et petit jutsu d’adhérence. Bondit pour éviter un kunaï.

Souffle.

Un enfant qui hurle de terreur.

Ne pas penser, ne pas réfléchir. Tranche une gorge, sectionne un poignet, défonce une cage thoracique. Il a les gants poisseux de sang.
Kakashi virevolte à droite, à gauche, bondit, saute, évite, frappe. Il encaisse, il recule, il riposte, charge, tue, tue et tue encore. Les visages se confondent. Ses oreilles bourdonnent. Il a froid, son ventre lui fait mal. Ne pas s’arrêter, surtout ne pas s’arrêter de bouger. Court. Frappe encore, encore et encore. Tue. Tue tout ce qui l’attaque.

Souffle. Respire.

Un cri tout près. On dirait la voix d’Isane.

Une explosion sur le côté. Il est projeté contre un mur et la douleur l’aveugle un instant. Il n’arrive plus à respirer.
Merde
Se relever. Vite, vite. Il ne faut pas rester à découvert. Bouger, même si ça fait mal. Il n’arrête pas de trembler. L’odeur du sang partout. Il y a tellement de bruit. Il a du mal à voir à cause de la fumée.

Respire. Respire !

Il se relève en pataugeant dans la boue. Son genou droit manque de lâcher. Il se rend compte que son pantalon est déchiré au niveau de la rotule et que le tissu est poisseux de sang. Il se rend compte qu’il a mal. Sa jambe est engourdie.
Merde, merde, merde.
Regarde autour de lui. Tout est flou, tout bouge. Des ombres passent à toute vitesse ; il y a le bruit de l’acier qui heurte l’acier, des cris de douleur et d’agonie, des appels.
Plaque ses mains l’une contre l’autre. Ça va user du chakra mais tant pis. Il a besoin de bouger vite.
Voilà.

Maintenant, bouge. Bouge. Bouge !

Son corps bouge tout seul. Plonge à terre. Un kunaï se plante à l’endroit exact où se trouvait sa tête. Roule sur le côté, debout. Un ninja de Kiri lui fonce dessus, il est rapide. Encaisse, encaisse, encaisse. Recule, évite. Recule, pare. Recule, recule encore. Evite, évite, pare. Encaisse.
La lame est passée près cette fois. Trop près. Si ça continue, il va se faire tuer. A cette pensée, son esprit rugit de fureur. Son estomac se contracte, ses yeux brillent d’une lueur dangereuse. Il ne veut pas mourir. Pas ici. Pas maintenant. Pas de la main de ce type. La colère le submerge. Il se dégage d’un geste brusque, fait demi-tour et se met à courir dans le sens opposé. Son adversaire le suit bêtement. Le garçon accélère, sort un kunaï, fait soudainement volte face et se propulse vers le ninja de Kiri qui pris au dépourvu ne freine pas. Il lui coince la tête entre ses cuisses et frappe. Une fois, deux fois, trois fois. Il enfonce sauvagement sa lame sans se soucier du sang qui gicle sur son masque. Le ninja ennemi s’affaisse. Kakashi se dégage, le souffle rauque. Le gars a beau être mort, il a envie de lui fracasser le crâne à coup de pieds ; il le ferait s’il en avait le temps. Tant pis. Il le fera avec d’autres.
Lance un kunaï presque sans viser. Un cri. Touché. Un sourire carnassier se dessine sur ses lèvres.
A mon tour.
Il sort un parchemin de sa sacoche, le déroule et trace une longe ligne sanglante dessus. Puis il l’agite selon une suite compliquée de gestes avant de le refermer et de le plaquer au sol.

Kuchiyose no jutsu !

Dans un nuage de poussière qui passe inaperçu dans la brume environnante, dix chiens de différentes tailles apparaissent. Du plus petit au plus gros, ils sentent que la situation est particulière. Tous bavent déjà d’impatience. Leurs yeux jaunes luisent férocement. Kakashi frémit d’excitation. L’apparition de sa meute lui procure toujours un grisant sentiment de puissance. Il a l’impression que rien ne peut l’atteindre. C’est lui le prédateur. C’est rare qu’il utilise autant de chiens mais il en a envie. Et il faut bien qu’eux en profitent un peu.
- Amusez-vous, se contente-t-il de dire.
Les chiens ne se le font pas dire deux fois et disparaissent. A peine quelques secondes plus tard, les premiers hurlements se font entendre. Kakashi renverse alors sa tête en arrière et se met à rire. Ce n’est pas un rire joyeux, ni amusé. Il ne sait pas trop pourquoi il rit. Mais ça le soulage, alors il le fait. Il sort un deuxième kunaï et se jette à nouveau dans la bataille. Là-bas. Un bateau intact de Kiri. Il se précipite dessus, emplit ses poumons de chakra.
Katon : Gokakyu no jutsu !
Il crache, crache, crache autant de feu qu’il peut. Au milieu de cet univers de fumée et de grisaille, les flammes font rougeoyer l’eau de la mer comme du sang. Le bateau prend feu. Des silhouettes en sortent en hurlant, le corps enflammé, titubant comme des fantômes. Kakashi éclate de rire. La cruauté n’est pas une marque de fabrique de la Brume ; ils vont vite s’en rendre compte.


Quand les renforts de Konoha arrivèrent enfin quelques heures plus tard, il ne restait presque plus rien d’Aoi Shinju. Juste des ruines encore fumantes, des corps ensanglantés partout, horribles témoins du massacre, et une écoeurante odeur de chair en décomposition. En tête des troupes, Arashi fit silencieusement signe à ses hommes de se déployer pour rechercher des survivants, alliés ou ennemis. Il perçut quelques bruits de lutte mais rien d’alarmant. Les ANBU avaient fait leur travail au-delà de leurs espérances. Pour ce qu’il en voyait, aucun ninja ennemi n’avait survécu. De même pour les civils. Il embrassa la Perle détruite du regard, un goût amer dans la bouche. Ces gens n’avaient rien demandé à personne mais on les avait tués parce qu’ils étaient trop précieux pour la Brume. Arashi retint un soupir las. Cette routine macabre ne le gênait pas d’habitude mais il y avait des moments, comme celui-là, où tous vos meurtres vous revenaient en mémoire, vous faisant vous sentir sale. Oui, sale, c’était le mot. Il fit quelques pas, enjambant les corps avec difficulté tant il y en avait. Nombreux étaient les femmes et les enfants. Il ferma les yeux, se félicitant intérieurement d’avoir quitté les ANBU. Les assassinats faisaient toujours partie de son quotidien mais au moins, rares étaient les cas où le meurtre de civils, et surtout d’enfants, s’avérait nécessaire. Les ANBU eux n’avaient pas le choix. Cette constatation le plongea dans un désarroi qui lui coupa le souffle l’espace d’un instant. Les choses ne changeraient pas. Jamais. Cette part sombre du boulot des shinobis avait toujours existé et elle existerait toujours. Les ANBU auraient toujours le sale travail à faire, on leur demanderait toujours de faire abstraction de leurs sentiments et de leur vie au profit de missions telle que celle-ci. Parce que les ninjas avaient un travail à faire, on ne changerait pas les choses. Une boule se forma dans sa gorge. Il se sentit perdu. Tout ça… tout ça pour rien ? Tout à coup furieux contre lui-même, il poussa un cri de rage et frappa violemment le mur le plus proche qui s’écroula. Ce n’était pas vrai, ça ne pouvait pas être vrai ! Il y avait forcément de l’espoir quelque part, une lueur qui ne demandait qu’à rayonner. Il fallait juste qu’il la trouve.
- Arashi-sama.
Il se retourna. Nara Shikato s’approchait.
- Quoi ? demanda-t-il sèchement.
- Nos hommes ont quadrillé le périmètre, répondit le Jounin sans se laisser démonter par le ton de son supérieur. Rien à signaler. Notre victoire est totale.
Curieusement, cette nouvelle laissa Arashi de marbre.
- Nos pertes ?
- On ne sait pas encore. On compte.
- Où est Shiba ?
- On ne sait pas.
- Comment ça vous ne savez pas ? s’écria Arashi que le flegme du Nara commençait à agacer. Trouvez-le ! Maintenant !!
L’homme parut un peu surpris par ce changement de ton mais il ne fit aucun commentaire et disparut. Arashi frissonna. Aucun ANBU de Konoha ou d’Ame ne s’était encore montré. Et vu le nombre qui gisait à terre… C’était mauvais signe. Son estomac se contracta douloureusement. Ils ne pouvaient pas… ils ne pouvaient être tous morts. C’était impossible. Ça représentait une trop grosse perte d’hommes. Un trop grand sacrifice. Il y avait des survivants. Il fallait qu’il y en ait. Au moins un. Au moins deux. Au moins eux.
- Arashi-sama !! fit alors une voix sur sa gauche.
Le jeune homme se tourna. Un Jounin courait vers lui.
- Oui ?
- Venez voir. Vite.
Arashi lui emboîta le pas avec la sensation que le pire était encore à venir. Le Jounin le conduisit à un groupe d’ANBU qui faisaient cercle autour de quelque chose, il ne voyait pas quoi. Shikato était avec eux. Dans un premier temps, Arashi se sentit soulagé : au moins, certains ANBU avaient survécu. Mais lorsqu’il s’approcha du groupe et que Shikato s’écarta pour le laisser voir ce que les ANBU entouraient respectueusement, il eut l’impression d’avoir reçu un coup en plein estomac. Le corps avait été lacéré avec une sauvagerie qui faisait froid dans le dos, même pour un futur Hokage, mais le large manteau brun déchiré ne laissait guère de doute : c’était Shiba. Shiba Eiji, le commandant en chef ANBU, était mort. Arashi regarda un des ANBU s’accroupir et poser un masque sur le visage déchiqueté sans savoir si ce qu’il éprouvait était de la consternation ou juste le contrecoup de la surprise. Le commandant n’avait certes pas été un proche et son humanité était plus que discutable mais il avait été un des piliers de Konoha et l’ANBU lui devait beaucoup. C’était une perte énorme.
Fait chier…

Kakashi ne bougeait pas. Il ne pouvait pas. Il était pétrifié. L’adrénaline était retombée, ne laissant qu’une douleur sourde dans tout son corps et le sang battant dans ses tempes. Il tremblait à cause du froid et de ses blessures mais ça n’avait pas d’importance. Plus maintenant. Le froid, le sang, la douleur, il ne sentait plus rien. Le temps était comme suspendu tandis qu’il la regardait. Aucun doute possible. C’était bien elle. Il reconnaissait son nez fin et droit, ses lèvres bien dessinées, ses yeux dorés ressemblant tellement à ceux de Tsunade. Il passa sa main dans ses mèches blondes couvertes de sang séché avec la sensation qu’un gouffre venait de s’ouvrir sous ses pieds. Encore. C’était le seul mot auquel il pouvait penser. Encore. Une fois de plus, il n’avait pas été là. Trop tard. Il serra les dents pour refouler les sanglots qui lui montaient à la gorge. Il n’avait même pas eu le temps de se réconcilier avec elle. Elle était partie avec sa haine comme seul souvenir. Sa main tremblait alors qu’il lui fermait les yeux.
- Ookami.
Il ne se retourna pas. Il aurait dû être content d’entendre la voix de son capitaine – content de voir qu’il avait survécu – mais il n’y parvenait pas. Peut-être parce que sans elle, ça n’allait plus être comme avant. Peut-être aussi parce qu’il savait qu’Okara ferait comme si de rien n’était.
- Ookami, qu’est-ce que tu fous ?
Il entendit les pas se rapprocher puis s’arrêter au moment où son ombre se dessina sur le sol tout près de lui. Et il ne se passa rien. Pas un geste, pas un mot, pas un bruit. Rien que le silence. Kakashi détacha lentement son regard du corps d’Isane et leva les yeux vers Okara. Le capitaine fixait la jeune femme inanimée sans rien dire, sans bouger. Il ne s’accroupit pas à côté de Kakashi. Il ne la toucha pas. Il ne lui dit pas non plus que ça n’avait aucune importance, qu’elle était morte en faisant son devoir, qu’il n’avait pas à la pleurer. Rien. Rien du tout.
- Taichou ! Ookami !
Les deux hommes se retournèrent. C’était Kaito. Le jeune homme courait vers eux en boitant. Son bras gauche pendait inerte le long de son torse. Mais lorsqu’il vit le corps de son équipière, il se figea. Le kunaï qu’il tenait dans sa main droite tomba à terre dans un cliquetis métallique.
- I… Isane…
Il releva son masque. Son visage habituellement si enjoué et rieur apparut, marqué par le choc. Jamais il n’avait semblé si désarmé, si fragile. Il fit un geste pour s’agenouiller près du corps puis s’arrêta. Kakashi vit le conflit dans ses yeux écarquillés par la douleur et lorsque Kaito fit finalement un pas en arrière, il sut combien ce geste lui avait coûté. Ce regard… cette souffrance indescriptible de bête blessée mêlée de rage et de stupéfaction lui coupa le souffle. Les larmes étaient là, visibles au coin de ses yeux, mais pas une ne coula. Pas une. Et pourtant… En observant son ami, Kakashi se demanda si avec le temps, on perdait la faculté de pleurer, à défaut de perdre celle de souffrir. Kaito fit un pas vers le corps et, toujours masque relevé, il baissa la tête. Après un moment d’hésitation, Kakashi se leva et l’imita. Ce n’était pas réglementaire mais pour cette fois, les conventions iraient se faire foutre. C’était pour elle. Pour lui rendre un dernier hommage. Elle avait été plus qu’un masque, tellement plus qu’une meurtrière. Une équipière, une amie. Une sœur. Isane avait veillé sur lui, l’avait accompagné dans son apprentissage, avait été là pour lui. Savoir que la dernière chose qu’il lui avait dite était d’aller se faire foutre lui était insupportable.
Elle n’aurait pas droit à des funérailles – elle serait brûlée comme tous les autres – mais elle méritait mieux que trois visages blancs et figés en guise d’adieu. Okara était cependant déjà parti lorsque Kakashi se tourna vers lui. Ça ne l’étonna pas – il était comme ça, toujours lointain, toujours impassible – mais il ne put empêcher la haine de lui tordre les entrailles. Même pour elle… même pour elle, il n’était pas resté. Sur la joue d’Isane, les premiers flocons se posèrent puis coulèrent, prenant des allures de larmes.


- Félicitations, Arashi-kun. Ta mission est un succès total.
Debout dans le bureau du Sandaime, face à l’Hokage, Homura et Koharu, Arashi hocha la tête sans répondre. Ces éloges qui l’auraient comblé de bonheur et de fierté quelques mois plus tôt ne lui laissaient aujourd’hui qu’une terrible sensation de vide. La victoire était incontestable, c’est vrai : Kiri avait longtemps résisté mais au final, Konoha et Kumo avaient été largement supérieurs en nombre. La Brume avait dû rendre les armes. Ce n’était plus qu’une question de jours avant que les négociations de paix ne s’engagent. Iwa suivrait certainement très vite et lui serait bientôt Yondaime. Il aurait désormais tout le temps de changer ce qui devait l’être et d’améliorer la vie de ses soldats. Okara et Kakashi allaient bien – physiquement du moins. Il aurait dû être heureux. Le problème était que ce n’était pas le cas. Pourquoi ne pouvait-il s’empêcher de se demander… y avait-il une chance, une seule petite chance que tout ce gâchis de vies ait pu être évité ? Cette question n’aurait jamais de réponse, il en était conscient, et elle en était d’autant plus dure à ignorer. La guerre impliquait des sacrifices, il en avait toujours été ainsi. Mais Aoi Shinju avait été le sacrifice de trop. Ç’avait été trop de morts innocentes d’un seul coup. Son triomphe personnel s’asseyait sur un piédestal de cadavres. Dès lors, la victoire devenait amère et les compliments complètement déplacés.
- Grâce à toi, la paix va de nouveau régner, ajouta Koharu esquissant l’un de ses très rares sourires. Konoha peut être fière d’avoir un chef tel que toi. Une nouvelle ère commence.
Arashi eut un sourire triste. Il aurait aimé pouvoir en être aussi sûr.
- Arashi, nous devons choisir le jour de ton intronisation, dit le Sandaime, les sourcils légèrement froncés comme s’il avait conscience de ce qui se passait dans la tête de son cadet et était désolé de lui parler de choses si bassement matérielles.
- Pas avant que la paix ne soit signée, répondit aussitôt le jeune homme. Pour le reste, je m’en fiche.
Homura fronça les sourcils, apparemment peu satisfait de la réponse.
- J’espère que vous soignerez un peu plus votre manière de parler une fois que vous serez Yondaime. Un Hokage ne peut se permettre ce genre d’écarts de langage.
Les yeux bleus d’Arashi se plissèrent brièvement.
- Bien entendu, répondit-il avec un sourire froid.
- Le lendemain de la signature du traité, cela te convient-il ? intervint le Sandaime de sa voix posée, invitation générale à rester calme.
- Ça me va très bien.
- Parfait, dit Koharu. Nous allons commencer à organiser les préparatifs et envoyer les invitations aux Kage alliés dès maintenant. Konoha est au seuil d’un tournant dans son histoire, cette cérémonie se doit d’être mémorable.
Arashi essaya assez vainement de sourire. Pourquoi ? Pourquoi tout lui paraissait-il soudain si gris alors que son rêve était sur le point de se réaliser ? Il avait toujours voulu être Hokage, du plus loin qu’il s’en souvienne. Il avait travaillé dur pour cela, fait nombre de sacrifices et perdu beaucoup d’êtres chers. Dieu, il méritait d’être heureux. Il méritait de pouvoir être fier de lui, de ce qu’il était, alors pourquoi ? Pourquoi ce malaise au creux du ventre, pourquoi cette putain de tristesse ? Pourquoi cette sensation qu’il ne verrait jamais Konoha heureuse ? Sa gorge se noua, il dut lutter pour reprendre contenance.
- Avez-vous encore besoin de moi, Hokage-sama ?
- En fait… oui.
L’air gêné du Sandaime et le signe qu’il fit à Koharu et Homura pour qu’ils quittent le bureau le firent jurer intérieurement. Au nom du ciel, qu’allait-on lui encore lui apprendre ?
- Arashi, tu sais que le commandant Shiba est mort.
Le jeune homme hocha la tête. Le vieil homme sortit une feuille d’un de ses tiroirs et la tendit à Arashi.
- Ce sont les résultats des capitaines ANBU et toute une série de recommandations. Ils sont unanimes : Okara Kôji est le plus indiqué pour prendre la place du commandant Shiba. Je l’ai convoqué, il ne va pas tarder à arriver.
Arashi leva les yeux vers lui.
- Hokage-sama... Je ne remets pas votre décision en cause mais il y a de fortes chances pour qu’il refuse le poste.
- Ce poste ne peut rester vacant, Arashi. Il est bien trop important. Et pour être honnête, je n’ai aucune envie de laisser un tel pouvoir à Danzou.
- Je suis d’accord mais pourquoi promouvoir Kôji ? Il n’est pas le seul capitaine…
- Il n’est pas le seul mais il est le meilleur. Ses hommes l’apprécient, ils sont prêts à mourir pour lui. L’ANBU a besoin d’une personnalité qui rassemble, qui unit…
- Et vous croyez qu’il est l’homme de la situation ?
- Tout à fait.
Arashi hésita un moment avant de répondre.
- Hokage-sama, je connais bien Kôji. Je ne suis pas sûr que le nommer commandant soit une si bonne idée que cela. Il… enfin… Je pense que ça va le contrarier…
Le Sandaime soupira et se frotta les yeux de sa main droite. Il semblait épuisé.
- Arashi… Sa voix était terriblement lasse. Je sais déjà tout ça. Je ne demanderais pas mieux que de laisser Kôji tranquille mais je dois penser au bien de Konoha. La paix arrive, il va falloir tout reconstruire et le village va avoir besoin de repères pour avancer. J’ai décidé que Kôji serait celui des ANBU.
- Mais…
- Ecoute-moi, mon garçon. Le vieil homme contourna son bureau pour venir à côté d’Arashi. C’est important de conserver des liens avec son passé mais tu ne dois pas oublier qui tu es sur le point de devenir. Etre Kage c’est agir dans l’intérêt de tous. De tous, tu comprends ? Pas du sien ou d’une minorité, même si elle t’est chère.
Arashi se pinça les lèvres en hochant la tête. Il avait probablement écouté cent fois ce discours mais il lui semblait que sa véritable signification ne lui apparaissait que maintenant. A l’évidence, le choc théorie/pratique n’était pas réservé qu’aux Genins. Il eut soudain envie de rire de sa propre bêtise. Le Sandaime le regarda avec ce qui ressemblait à de la tristesse et ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose mais juste à cet instant, des coups furent frappés à la porte et un Chunnin passa la tête dans l’entrebâillement.
- Le capitaine Okara est là, Hokage-sama.
Arashi se tendit. Déjà ? Le Sandaime hocha la tête.
- Qu’il entre.
Le ninja s’effaça et Okara entra, visage masqué, de son pas assuré et droit.
- Hokage-sama, Arashi-sama, fit-il en saluant les deux hommes. Vous m’avez demandé ?
- Oui, en effet.
Le Sandaime alla se replacer derrière son bureau. Arashi inspira à fond.
- Capitaine, suite au décès de Shiba Eiji, le conseil a décidé de vous élever au rang de commandant, annonça le vieil homme.
Arashi vit son ami tressaillir imperceptiblement et tourner la tête dans sa direction. Il haussa discrètement les épaules en guise d’excuse. Il ne comprenait toujours pas la décision du Sandaime. Quitte à promouvoir quelqu’un, autant que ce fût quelqu’un qui s’en réjouirait. Mais non. Ils avaient choisi Okara. Certes, l’homme était doué et même si Arashi ne s’expliquait pas comment, il s’attirait naturellement le respect et l’admiration voire l’amour de ses hommes. Il lui avait, en cela, toujours fait penser à un courant d’air : puissant, insaisissable, implacable. Fascinant à sa manière. Mais la notoriété, le respect ou même le pouvoir n’intéressaient pas Okara Kôji. C’était un homme réaliste et pragmatique, qui se souciait peu de ce qui pouvait lui arriver du moment qu’il faisait ce qu’il estimait être bon pour Konoha. Mais même pour lui, il y avait une limite, Arashi commençait à le voir. Il savait qu’une de ses équipières était morte à Aoi Shinju, une femme qu’il avait eu sous ses ordres pendant, semblait-il, assez longtemps. En dépit de ce qu’on disait de lui, et l’homme se serait probablement suicidé plutôt que de l’admettre, il était probable qu’Okara ait été personnellement touché.
Après un temps qui lui sembla interminable, l’ANBU finit par acquiescer.
- Bien.
Sa voix était contrôlée. Le Sandaime hocha la tête.
- J’ai confiance en vous, vous ferez du bon travail.
Okara ne répondit pas.
- Je ne vous retiens pas davantage, vous avez certainement beaucoup à faire.
- Beaucoup plus qu’il y a dix minutes, c’est certain, répliqua froidement l’ANBU.
Il salua et sortit avant même que le Sandaime ait répondu. Celui-ci haussa les sourcils, l’air stupéfait, et se tourna vers Arashi qui soupira. Etant donné la situation, il estimait qu’ils s’en sortaient plutôt bien. Néanmoins, il se dirigea vers la porte et sortit à son tour. A peine hors de la pièce, la poigne de fer d’Okara se referma sur son bras. Le capitaine avec retiré son masque et dévisageait son ancien équipier avec colère.
- J’ose espérer que tu m’aurais averti si tu avais été au courant… attaqua-t-il d’emblée.
- Il m’a appris la nouvelle à peine deux minutes avant que tu n’arrives. Je n’ai pas été consulté dans cette affaire, je…
- Pourquoi moi ? le coupa Okara. Pourquoi moi et pas Hatano par exemple ?
- C’est toi qui possèdes les meilleurs résultats. Et tes hommes t’apprécient. Ils se battront si tu leur demandes.
Okara renifla ironiquement.
- J’ai la côte à ce point ?
- Je suis désolé, je sais que c’est la dernière chose dont tu as envie. Mais Konoha a besoin de toi, tu…
- Je ne crois pas t’avoir demandé de me réciter le manuel du bon Hokage, Arashi. C’est ton avis qui m’intéresse.
Arashi serra les dents.
- Ne rends pas les choses plus compliquées, Kôji. Tu crois peut-être que ce genre de situation m’amuse ?
- J’en sais rien, répondit l’autre en haussant les épaules. Mais c’est toi qui as voulu devenir Hokage, non ? Alors assume. Et aies au moins l’honnêteté de me dire ce que toi tu penses au lieu de ressortir ce que ces bureaucrates te mettent dans le crâne.
Arashi rougit de colère.
- Le Sandaime n’est pas un bureaucrate… Et je n’étais pas en train de répéter leurs excuses. Je pense sincèrement que Konoha a besoin de toi. Les ANBU ont besoin de toi.
Okara le regarda longuement et Arashi eut la désagréable certitude que le capitaine regardait au fond de son cœur. La déception qui apparut dans les yeux sombres de l’ANBU le lui confirma.
- Tu mériterais que je t’en colle une, murmura finalement Okara.
Arashi déglutit.
- Je suis désolé… Le désespoir fit trembler sa voix. Sincèrement désolé.
A ce stade, il ne pouvait plus que prier pour que la carte de la sincérité fonctionne mais tout ce qu’il obtint fut un rictus dédaigneux.
- C’est ça…
Arashi retint un soupir. Okara faisait partie de ces gens qui considéraient les excuses comme une marque d’incompétence plutôt que de culpabilité ou d’humilité et dans la mesure où il avait ici pris la peine de répondre, Arashi pouvait presque s’estimer privilégié. Il lui en voulut d’accorder si peu de valeur à ses sentiments mais Okara n’était pas le seul responsable.
Les deux hommes échangèrent un regard. Il y eut un court instant où chacun eut envie de dire beaucoup mais où aucun n’eut le courage d’ouvrir la bouche. En l’espace d’une seconde, une barrière s’était dressée, une barrière qu’ils n’avaient plus, ni l’un ni l’autre, réellement envie de franchir. Pourquoi ? Ils n’auraient pas très bien su le dire eux-mêmes. Peut-être par peur. Sans doute par fierté. Peut-être aussi parce qu’ils savaient que c’était trop tard, que ce qui les séparait était désormais trop important et que tous leurs efforts n’y auraient rien changé. Et comme s’ils en avaient pris conscience au même moment, Arashi recula d’un pas et Okara abaissa son masque. Plus d’amitié, plus de sourire, plus de confidence. Il n’y avait plus qu’un Hokage et un commandant ANBU. Un accord tacite pour oublier ce qu’ils avaient partagé. Un au revoir.
- Je vous souhaite toute la réussite possible, Arashi-sama, fit Okara en s’inclinant. Vous ferez un excellent Hokage.
Sa voix n’avait aucune chaleur. C’était formel, un subordonné s’adressant à un supérieur. Arashi réalisa avec chagrin qu’il était incapable de dire si Okara était sincère ou non. La gorge trop nouée pour répondre, il hocha la tête en silence. Ils avaient été amis. Peut-être pas dans le sens habituel du terme – à partir du moment où il avait quitté l’ANBU, ils avaient cessé de se voir, et le jeune homme réalisait à présent que le nœud du problème se trouvait là – mais il n’avait jamais vu Okara autrement qu’en ami et il avait cru qu’il en serait de même pour lui. Il était parti et ce, sans se soucier de ce qu’en avait pensé Okara. A vrai dire, l’idée que son ami puisse lui en vouloir ne lui était jamais venue à l’esprit. Ça ne cadrait pas avec son caractère généreux et ouvert. L’univers ANBU lui était apparu trop sombre pour l’être rayonnant qu’il était et trop étroit pour l’objectif qu’il s’était fixé. Il avait fait ce qu’il avait cru être bon, ce qui était bon. Okara ne pouvait pas lui reprocher d’avoir voulu fuir ce monde de ténèbres pour accomplir son rêve. Mais pouvait-on seulement demander à un homme désespéré de comprendre les rêves des autres ?
A son absence de réponse, Okara considéra l’entretien terminé et tourna les talons sans rien ajouter. Arashi serra les poings, les battements de son cœur soudain douloureux, mais il ne chercha pas à le rattraper. C’était inutile. Il jeta un regard circulaire autour de lui et il lui sembla que l’ocre des murs s’était ternie et que les lumières n’éclairaient plus aussi bien. Le couloir semblait plus long, plus large. Il faisait plus froid et lorsqu’il fit un pas en avant, le son sur le carrelage produisit un écho lugubre. Un frisson parcourut son corps, il ferma les yeux. Ce qui était fait était fait, il n’y pouvait plus rien. Dès lors, le mieux était d’avancer. Il devait avancer, c’était ce qu’on attendait de lui, c’était ce qu’il avait toujours fait. Mais aujourd’hui et pour la première fois de sa vie, l’option « reculer » apparaissait incroyablement tentante.

Une semaine passa encore. La neige avait recouvert le village de son manteau blanc étincelant, figeant le paysage dans une atmosphère féerique presque irréelle. Sur les toits, le bord des rues, les ponts, les ruisseaux, les cristaux immaculés avaient remplacé la boue et le gris des dernières semaines. Après des mois passés à lutter, Konoha semblait plus que jamais en osmose avec ce qui l’entourait. Le soleil se reflétant sur la neige présentait à toute heure de la journée un merveilleux spectacle de couleurs et de nuances. Au matin, il nimbait les maisons d’un doux et réconfortant halot doré. Au zénith, la neige prenait des allures de diamant tant elle étincelait, avant de devenir rouge sang au coucher du soleil. La nuit enfin, le village se parait d’un bleu pâle argenté, scintillant doucement sous les rayons de la lune, et les stalactites devenaient les larmes de ceux qui ne parvenaient plus à pleurer. Cette sensation de pureté était un remède, une catharsis après les longs mois imprégnés par le sang et la mort. Le silence et le repos succédaient aux cris de guerre et de douleur, à la haine et aux marches interminables à travers le territoire. Une atmosphère propice au deuil et aux larmes enfin autorisées à couler. Une longue cérémonie mortuaire eut lieu pour saluer tous ceux tombés au combat. C’est à ce moment là que la guerre apparut dans sa dimension la plus cruelle : jamais Konoha n’avait perdu autant d’hommes au cours de son histoire. Jamais. Les familles brisées se comptaient par dizaines. Devant les tombes, nombreuses étaient les mères accompagnées de leurs enfants désormais sans père – quand ils ne se retrouvaient pas tout simplement orphelins. Apaisante et élévatrice, la neige ne parvint cependant pas à apaiser cette douleur ambiante. C’était trop. Cette guerre avait trop pris aux habitants de Konoha. Le traumatisme moral était immense. Face à ce qui avait été perdu, la victoire finale n’avait aucune saveur. Les gens étaient venus lors de la signature du traité entre le Sandaime et le Mizukage deux jours plus tôt mais loin de s’en réjouir, ils avaient au contraire profité de l’occasion pour manifester leur haine à l’encontre de celui qui leur avait causé tant de souffrances à coup de sifflets, d’injures et de lancers de projectiles. Sans l’intervention des ANBU, la situation aurait probablement dégénéré en émeute.

Mais aujourd’hui, on ferait en sorte que ce soit différent ; on laisserait le chagrin et la colère momentanément de côté pour se tourner vers l’avenir : car aujourd’hui, Uzumaki Arashi devenait officiellement Yondaime du village de la Feuille. Ce jeune homme si populaire, si admiré, si puissant, enfin ! il accédait au poste. On l’avait tant attendu lui aussi. Il était le héros de la guerre, le vainqueur d’Aoi Shinju, l’Eclair Jaune de Konoha, la fierté de tout un peuple. C’était son triomphe, sa victoire. En ce jour de fête, le village blanc s’était paré de mille couleurs. Des rubans avaient été accrochés partout, on avait collé des affiches chatoyantes sur chaque mur et des lampions avaient été suspendus le long des fils électriques en prévision de la grande fête prévue le soir même. Les rues étaient pleines d’allégresse et d’enthousiasme. Des odeurs de cuisine et des effluves de mets délicats se répandaient un peu partout. Chacun mettait toute son ardeur à la préparation de la fête. Plus de visage triste, de larme, de lamentation. Cette journée marquait l’entrée dans une nouvelle ère, il fallait qu’elle soit mémorable. A midi, tout le village se rassembla devant la falaise aux Hokages. Tous, ils étaient tous venus : commerçants, artisans, paysans, Genins, Chunnins, Jounins, femmes, hommes et enfants. Ils étaient tous là. Le visage levé vers le ciel, ils attendaient leur nouveau maître tandis que tapis dans la foule, à peine visibles, les ANBU veillaient, guettant le moindre signe suspect.
Dissimulé à quelques mètres de l’immense estrade, Kakashi attendait, partagé entre l’excitation et un malaise dont il ne s’expliquait pas – ou plutôt dont il ne voulait pas s’expliquer - l’origine. Cela faisait des mois qu’il attendait ce moment, il avait même eu peur de ne jamais y assister, mais à présent que le triomphe de son sensei était sur le point de s’accomplir, quelque l’empêchait de se réjouir. Ce n’était pas seulement du à la mort d’Isane – non, ç’aurait été trop simple – c’était quelque chose de plus… Il n’arrivait pas à définir la chose mais quoi qu’il en soit, c’était une fois de plus lié à Okara. Kaito lui avait appris sa promotion au poste de commandant un peu plus tôt dans la journée. Sur le coup, Kakashi avait été furieux – dans la mesure où ils étaient les principaux concernés par cette promotion puisqu’ils perdaient leur capitaine, Okara aurait tout de même pu prendre la peine de le leur dire de vive voix – mais il avait également ressenti de la peine, ce qui était déjà beaucoup plus dérangeant. L’idée d’un lien affectif quelconque avec un homme qui l’avait humilié, torturé, blessé, déçu et qui en plus ne semblait éprouver aucune douleur à la perte de ses hommes, lui déplaisait. Pourtant, il ne pouvait s’empêcher de ressentir un sentiment d’abandon. D’abandon… C’était ridicule. Ce n’était pas la première fois que quelqu’un l’abandonnait, et Okara ne méritait pas que l’on éprouve un tel sentiment pour lui.
Une immense clameur le tira de ses pensées, il releva la tête. Arashi venait d’apparaître, accompagné du Sandaime, de Koharu, Homura mais aussi de Jiraya et – un muscle s’agita dans la joue de Kakashi – d’Okara, vêtu du large manteau brun. L’ANBU suivait Arashi tout en maintenant une distance d’environ cinq mètres. C’était le protocole : en cas de problème, il était assez proche pour intervenir. Jiraya, Koharu et Homura restèrent en retrait quand le Sandaime et Arashi s’avancèrent jusqu’au bord de l’estrade. A la vue du héros du jour, les hurlements de joie redoublèrent et le vieil homme dut lever la main pour calmer les ardeurs de la foule.
- Un nouveau jour se lève, commença-t-il une fois le silence obtenu. La guerre et la douleur sont aujourd’hui derrière nous. Vous diriger fut un honneur mais il est temps pour moi de passer la main. La guerre l’a montré, il est désormais quelqu’un de plus apte, de plus jeune et de plus fort que moi. Cet homme, vous le connaissez tous : il s’agit d’Uzumaki Arashi.
Des applaudissements à tout rompre résonnèrent. Le Sandaime se tourna vers le jeune homme.
- Arashi, je suis fier de t’avoir comme successeur. C’est avec joie que je te cède ma place. Puisses-tu apporter ta chaleur à notre village.
Il se retourna pour prendre le chapeau rouge et blanc munis de voiles et un manteau brun que lui tendaient Koharu. Puis il fit face à Arashi et lentement, il déposa le chapeau sur les cheveux blonds ébouriffés du jeune homme. Arashi enfila ensuite le manteau et l’attacha sur sa poitrine. On lisait dans ses yeux bleus une émotion intense. Il se tourna vers le peuple.
- A partir d’aujourd’hui, je serai la force de Konoha, clama-t-il d’une voix forte. Je serai sa force et vous serez la mienne. Je vous promets de tout faire pour vous apporter la paix et le bonheur et aussi pour vous défendre. Je mets ma vie à votre service.
Ce fut un tonnerre d’acclamations et de cris de joie. Les barreaux de métal de la balustrade en tremblèrent. Arashi eut un sourire heureux. Il l’avait fait, il était Hokage. Un sentiment de jubilation extrême l’envahit. Son rêve se réalisait enfin. Il avait l’impression que l’avenir s’ouvrait littéralement devant lui, que désormais tout était possible. Jamais il ne s’était senti aussi sûr de lui, aussi triomphant. Il y avait quelque chose d’irréel à se savoir tant aimé d’un peuple. De son peuple. Il ferait tout pour lui, il le savait. Y compris donner sa propre vie. L’amour qu’il ressentait pour Konoha surpassait tout le reste. Il y avait toujours des problèmes – il n’y avait qu’à regarder Okara pour s’en rendre compte – et tout le bonheur du monde n’aurait pas suffi à soulager ce poids au fond de son cœur mais il ne voulait pas y penser. Pas aujourd’hui. Aujourd’hui, il savourait. Dans son dos, les caractères brodés de blanc reflétèrent la lumière du soleil. Il était écrit Yondaime Hokage.[/i]
Flyers
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Message par Flyers »

Pas mal du tout cette deuxieme partie.

C'est a la fois tres rapide (la bataille) et tres lent (l'apres-guerre), mais ca reste tres bien ecrit, y'a quelques fautes d'orthographe, mais bon, ca reste minime.
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Zetsui
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Message par Zetsui »

Chaque semaine le même rituel, section fan fic, non, rien de nouveau!
Semaine après semaine l'angoisse se faisait plus grande.
Les mois s'enchaînait avec cette même déception après avoir visiter la section Fanfic.
Quand un jour le bonheur, un posteur avait fait revivre cette fiction.
Dans un élan d'allégresse, il courut vers la bonne page, révélatrice d'un nouveau chapitre, et le bonheur s'ensuivit...............


Comment ça j'en fait trop???

Bon ben , comme tu le voit, j'ai été content de ton retour et plus qu'impressionner par le style que tu as utilisé bon ce dernier chap en 2 parties, celui-ci retranscrit très bien la noirceur et du monde ninja, et de "l'environment émotionnel" de Kakashi.
J'aime bien aussi le fait que tu montre que"nos gentils" ne sont pas qui gentil et ne suivent pas une si bonne morale que ça!! Tu nous jettes tout à la face et j'aime beaucoup.
Et que dire de l'évolution du personnage de Kakashi qui est tout bonnement,..., allez, j'ose, EXCEPTIONNEL (pour ma part en tout cas). Il parait si ninja (un vrai anbu là) et si puéril, enfant à la fois (comme s'il avait mûrit trop vite), enfin je le ressent comme ça.

En tout cas, Bravo!!
:bravo: :bravo:
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Itachi-san
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Message par Itachi-san »

C'est beau :pleur:

Le contraste entre la bataille d'Aoi Shinju et l'après-guerre est parfaitement retrancrit par l'écriture !

Ce style avec des phrases quasi-nominales, avec pas plus de 3 mots, montrent bien que Kakashi à ce moment là agit vraiment comme une machine :razz:

Dans la deuxième partie du châpitre il ne se passe pas grand chose mais ce passage méritait de toute façon d'être développé, et tu le fais magnifiquement bien :love:

Et pour finir cet éloge : les papas s'appellent Inoichi et Shikaku :ange:
Nanarland, le monde des mauvais films sympathiques

Reflexions of fear make shadow of nothing...
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Tayuya
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Message par Tayuya »

Merci à tous les trois, ça me fait vraiment très plaisir :grin:

Zetsui... je crois que je t'aime :grin: :love: :bizou: tes compliments m'ont comblée, j'ai du rester deux bonnes minutes devant ton poste avec un sourire comme ça :grin: collé aux lèvres lol
Je suis vraiment contente de réussir à bien retranscrire le monde ninja à travers Kakashi (pas simple...)
Merci beaucoup !!!

Itachi-san > je rêve ou il n'y a qu'une seule remarque ? :lol: et ben je pense que c'est bon signe alors ^^ la scène de l'après guerre, j'avoue avoir galéré parce que je ne savais absolument pas comment faire mais je te fais confiance, je vous fait confiance sur ce coup là ;-) Tu sais que j'ai pensé à toi pour l'écrire ? lol pour les vêtements du Yondaime surtout le chapeau, je me demandais si ça avait un nom spécial et me suis dit "devrais ptet demander à Itachi-san... oh et pi zut" ^^

En tous cas, merci encore !
Itachi-san
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Message par Itachi-san »

Tayuya qui pense à moi c'est trop d'honneur :oops:

Et oui une seule remarque mais le jour où y en aura plus c'est soit que tu auras atteint la perfection, soit que le commentaire ne sera pas de moi :mrgreen:

J'en profite pour faire un peu de pub à ma fic, que tout le monde a oubliée :siffle:
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Message par lebibou »

Avant de me lancer dans les justifications d'usage (j'avais pas vu qu'un chapitre était sorti, mon chien est mort mangé par mon chat, les classiques quoi.), la lecture de ce chapitre m'a fait apparaître une technique stylistique que j'avais aperçu dans un roman de Ryu Murakami mais à laquelle je n'avais pas accordé d'importance. Du moins, je n'en avais pas compris le ressort stylistique.

Je parle de la construction des paragraphes. Je veux dire, lorsqu'on parcourt sans lire, on remarque que tu as des paragraphes plutôt conséquent, avec des retours à la ligne plutôt inexistant.

Lorsqu'il s'agit de faire passer un état d'esprit chaotique d'un personnage, une espece de basculement dans la folie, ou le chaos du décor ça rend super bien.
Le lecteur se perd au fil des mots, les phrases perdent leur découpage original et c'est bien.
Par contre, ce n'est pas bien tout le temps, c'est pourquoi je te conseillerai de faire des retours à la ligne plus régulier pour essayer d'introduire une espèce de respiration. Parce que être essouflé de temps en temps c'est bien, tout le temps, ça s'apparente à un suicide. M'enfin, tu es libre de faire comme tu veux.
(Dans le cas de Ryu Murakami, j'étais obligé de faire des poses assez régulièrements. Y'a que Dick qui arrive à rendre le basculement dans la folie sans avoir recour à ce procédé).

Sinon, après, ça s'apprécie tranquillement. On remarque tout de même que Kakashi est relativement peu présent alors qu'à la base la fic est sensé tourné autours de lui et de voir comment son non-univers affectif et social s'articule autours de lui.
Mais je peux comprendre que tu veuilles faire quelques transgressions et parler un peu du Yondaime.

J'ai bien aimé le chapitre dans l'ensemble.

Voici voilou pour mes commentaires.
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Tayuya
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Message par Tayuya »

Tu as raison, mes paragraphes sont souvent mastocs, je vais essayer de faire attention. Merci de la remarque ^^

Sinon, par rapport à la relative absence de Kakashi, c'est parce que j'ai pas pu m'empêcher de développer un peu Arashi. Sachant que c'était son heure de gloire, je ne pouvais pas ne pas en parler un petit peu. J'avais d'ailleurs peur d'être passée trop vite dessus et d'avoir baclé. Mais surtout, je tenais à dresser un parallèle avec le parcours de Kakashi au même moment, à savoir qu'ils s'éloignent tous les deux de leur vie d'avant. Kakashi met Rin de côté (du moins pour l'instant) et Arashi perd l'amitié d'Okara. Je trouvais sympa de montrer les points communs et surtout le fait que l'arrivée au pouvoir du Yondaime ne s'est pas faite sereinement.

Vala vala, merci pour ton commentaire ^^
Akhésa
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Message par Akhésa »

Allez je me lance dans mon premier commentaire de fic!


Aloreuh, que dire?


Déja je viens de lire ta fic en une seule fois, sans vouloir m'arreter avant d'avoir lu jusqu'a la dernière lettre du dernier mot du dernier paragraphe... breffeuh... en soi ca veut déjà tout dire!


Donc... Pour commencer, j'aime beaucoup ton style d'écriture, qui retranscrit vraiment très bien les émotions brutes de Kakashi... Et tu sais nous faire partager l'horreur de toutes ces situations (mention spéciale au suicide de Sakumo qui est à peine supportable pour un etre sensible comme moi ;-) )

On a l'impression de souffrir avec lui...

Ton style s'accorde également très bien avec les scènes de batailles, tu arrive a nous faire ressentir le danger et la tension...


Pour ce qui est des personnages, j'ai de la chance, je les voyais exactement tels que tu les décrits! :lol:

(J'aime beaucoup Sakumo et la facon dont tu traite sa mission et les conséquences qui en découle...)

Okara est véritable bijoux, bien que je n'aime pas particulièrement sa facon de penser... Oui, pour moi, c'est choisir la facilité que de sombrer dans le cynisme, la dureté et la froideur pour se protéger de la souffrance. Au contraire, il est bien plus difficile, malgré les échecs, la haine, la souffrance de rester ouvert, de garder espoir dans un futur meilleur et de prendre le risque de souffrir à nouveau...
Donc ma préférence va sans dire à Yondaime, qui apporte un souffle de fraicheur et de jeunesse a ta fic, bien que je trouve que dans le dernier chapitre, il se laisse un peu trop marcher sur les pieds pour un futur Hokage.. Et, ma foi, j'aime beaucoup qu'il soit le père de Naruto!
Le personnage qui me laisse perplexe, par contre, c'est Rin. J'avoue que je ne comprend pas toujours ses réactions...

Bref

Pour conclure, je dirais: que du bon^^

(j'ai lu trop vite et j'ai été trop dans l'histoire pour m'interresser plus aux fautes ou autre souci de paragraphes... sorry! :oops: )

On attend avec impatience la suite, en espérant que la vie recommence quelque peu à sourir à notre Kakashi national, parce que là le pauvre, je me demande comment il peut supporter tout ce que tu lui fais subir!
Mais sans aucun doute l'arrivée de Gai devarit alléger un peu tout ca! ;-)
Tayuya
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Message par Tayuya »

Incroyable mais vrai, la suite est là ! Merci à toi Akhésa, je suis contente d'être la première à recevoir ton commentaire ^^ Toi tu préfères Arashi ? C'était mon cas jusqu'à ce que Okara se construise plus dans ma tête lol. Il a toute mon affection désormais. Je suis très contente que mon style te plaise.

Et maintenant, place au chapitre. Au programme, nouvelle équipe, Gaï, Kyuubi et la fin de certaines illusions.

Eclaircie

Assis à même le sol, dos au mur, Kakashi lança machinalement un kunaï qui alla se planter dans le panneau en liège utilisé pour afficher les nouvelles les plus récentes et les messages importants accroché au mur avec un bruit mat. Tchac. Puis un autre, tchac, et encore un autre, tchac. On le sermonnerait sans doute sur le fait que les ANBU avaient beau être l’élite, ruiner le matériel n’entrait pas dans leurs prérogatives mais il s’en moquait. Assis sur la table au centre de la pièce, les pieds sur une des chaises, Kaito ne fit pas de remarque. Tous les deux attendaient de rencontrer leur nouveau capitaine et celui qui remplacerait Isane.

Tchac.

Kakashi serra les dents. Il ne s’était pas rendu compte à quel point il avait fini par considérer Okara et Isane comme des éléments familiers de son environnement. A quel point ils avaient été des repères pour lui, des personnes sur lesquelles il avait su qu’il pourrait compter en cas de besoin. A quel point… Il secoua la tête, frustré. A quel point il se sentait vulnérable maintenant qu’ils n’étaient plus là.

Tchac.

Sans avoir été des amis proches – et même sans avoir été des amis du tout en ce qui concernait Okara – ils avaient créé quelque chose pour lui, avec lui. Un nouveau cercle. Un rempart. On avait beau être l’homme le plus solitaire du monde, savoir que quelque part il y avait des personnes que votre existence n’indifférait pas et qui vous ressemblaient, apportait un curieux réconfort. Ça rendait le monde moins laid. Plus supportable.

Tchac !

Kaito tourna légèrement la tête vers son cadet au bruit du kunaï qui s’était cette fois planté dans le panneau avec plus de violence. Kakashi serra le poing. Pourquoi ? Pourquoi avait-il laissé Isane et Okara entrer dans son périmètre ? Au final, ça ne l’avait avancé strictement à rien ! Et pourquoi l’idée de les voir remplacés lui était aussi insupportable ? C’était grotesque. Tout simplement et totalement grotesque. Il avait déjà perdu des gens, alors pourquoi ? Il n’aurait plus dû souffrir, ça n’aurait plus dû avoir une quelconque importance ! Okara n’était qu’un salopard insensible et Isane était morte. Ça ne servait à rien de les regretter. Jamais ils ne reviendraient, jamais.

Tac… bing !

Sa main se plaqua toute seule contre son cœur sans qu’il puisse l’arrêter. Il baissa la tête. Ça faisait mal, vraiment très mal. Et vraiment, ça l’ennuyait. Il avait déjà suffisamment de problèmes avec Obito pour ne pas y ajouter une femme dont il n’avait pas été si proche et un homme qu’il avait profondément détesté. Ça n’aurait pas dû faire mal comme ça, ça n’aurait pas dû !

- Calme-toi, Kakashi…

Le garçon sursauta et leva la tête vers Kaito. Son équipier fixait toujours le mur d’en face comme s’il s’y était déroulé le spectacle le plus fascinant de toute sa vie.

- Ça va foutre une sale ambiance si tu les accueilles en étant aussi agressif.

Il n’ajouta rien de plus. Kakashi le regarda longuement, partagé entre la reconnaissance et un soupçon de malaise. Kaito n’avait pas relevé son masque pour lui parler et il ne lui avait ni fait la morale, ni tenu de discours compatissant. Il ne l’avait même pas regardé. C’était déstabilisant. Son équipier faisait partie de ces ANBU qui s’étaient engagés par vocation et non pour mourir au combat. C’était louable pour un certain nombre de raisons mais au final, la chute était sans doute plus douloureuse pour eux. Kakashi se rappelait la façon dont Kaito l’avait regardé quand Shinji était mort et l’expression incrédule et choquée de son visage lorsqu’il avait vu le corps d’Isane et se demanda s’il serait capable d’accepter leurs nouveaux partenaires. Lui-même ignorait la façon dont il devait se comporter et dont il se comporterait face à eux. L’attitude de Kaito aurait pu paraître détachée et indifférente de la part d’un observateur externe mais Kakashi n’était pas dupe. La scène lui était trop familière pour ne pas la reconnaître. C’était lui, quelques semaines après la mort d’Obito, à essayer de faire illusion pour les autres à défaut de se convaincre lui-même. Il eut un sourire triste. C’était vraiment ironique comme situation. L’espace d’une seconde, il se dit qu’il devrait peut-être parler avec Kaito mais presque aussitôt, il eut envie de rire tant l’idée était ridicule. Lui, dans le rôle de l’ami compatissant ? Et puis pour lui dire quoi ?

Autant demander à Orochimaru de s’inscrire à la chorale du village. Ça aurait certainement la même allure…

Il prit un nouveau kunaï et le lança. Au même moment, la porte s’ouvrit.

Kakashi leva la tête, Kaito se tourna légèrement. Deux ANBU entrèrent dans la pièce, l’un avec de longs cheveux noirs, l’autre plus petit avec de courts cheveux roux ébouriffés. Ce dernier jeta un bref regard au panneau criblé de kunaïs puis s’avança tandis que l’autre restait en retrait. Le silence tomba aussitôt et l’air s’alourdit, comme si chacun essayait de faire valoir sa force tout en mesurant celle de l’autre. Kakashi ne pouvait pas voir leur visage mais il était certain que derrière les masques, les yeux vifs observaient, guettaient. C’était instinctif, presque animal. Et il sentait. Il sentait leur chakra chercher le contact avec le leur, augmenter leur intensité à mesure que le rapport de force s’installait. Il sentait leur puissance, leur volonté, leur expérience. Le chakra du plus grand notamment était puissant, souple, agile. Celui de l’autre était plus anarchique, vivace et remuant. Ni l’un ni l’autre cependant ne lui étaient totalement inconnus. Il se sentit intrigué.

- Hatake ? demanda alors l’ANBU le plus petit, rompant ainsi le silence, en se tournant vers lui.

Kakashi frémit en reconnaissant la voix. Il ferma les yeux.

Merde…


Assis à une table isolée de la taverne, droit sur sa chaise, Kakashi contemplait son verre sans y toucher. Il ne savait pas très bien ce qu’il faisait là et pour tout dire, il s’ennuyait à mourir. Curieuse habitude que celle de venir traîner ici après les missions ou les entraînements… A croire que les gens n’avaient vraiment rien d’autre à faire. Pour sa part, il aurait très bien pu s’en passer mais apparemment, ses équipiers ne pensaient pas de même et avaient tenu à l’emmener. Il posa un regard dénué de tout intérêt sur ce qui l’entourait et retint un soupir. Lugubre. Il ne trouvait pas d’autre mot. La pièce était sombre – pas pratique du tout pour repérer d’éventuels ennemis – le plafond bas, le barman définitivement instable et les clients arboraient tous des mines déprimées ou sinistres… Et détail tout à fait matériel mais qui avait son importance, il était vraiment difficile pour un gamin de dix ans, fût-il un génie, d’apprécier les vertus d’une taverne. A côté de lui, ses équipiers discutaient joyeusement comme si de rien n’était. Il soupira et posa son menton sur ses mains.

- Allez Kakashi, lança le Jounin sur sa gauche. Souris ! On est là pour s’amuser !

- Oui, qu’est-ce qu’on s’amuse, répliqua Kakashi d’un ton acide. Je suis mort de rire.

- Alala… Vivement que tu sois majeur, c’est moi qui te le dis.

- Je ne vois pas le rapport, répondit froidement le garçon.

- C’est tout simple : tu pourras te bourrer la gueule au lieu de tirer la tronche.

Consterné, Kakashi se renfrogna et croisa les bras, fermement décidé à ne plus ouvrir la bouche. Mais il avait à peine formulé cette pensée qu’une espèce de boulet de canon avec ce qui ressemblait à des cheveux le percuta avec tellement de force qu’il tomba en arrière et heurta le sol assez violemment.

- Yo Kakashi-kun !!! hurla une voix stridente dans ses oreilles. Je te cherchais partout ! Où t’étais ? Montre comment tu as grandi depuis la dernière fois ! Des mains lui empoignèrent le col et le remirent d’aplomb. Eh ben ! T’es un vrai petit mec maintenant !

Kakashi tenta de repousser le corps qui lui comprimait la tête, en vain. Les éclats de rire de ses équipiers lui parvinrent aux oreilles. Un cuisant sentiment de honte l’envahit, sentiment qui s’accrut quand les mêmes mains ébouriffèrent ses cheveux – chose dont il avait, c’est évident, un besoin urgent. C’était déjà bien assez dur de se faire respecter quand on était un Chunnin de 10 ans et qu’on atteignait laborieusement le mètre 30 pour ne pas avoir besoin de ce genre de scène. Sa réputation était foutue. La voix se remit à beugler dans ses oreilles.

- Un graaand garçon et un grand ninja d’après ce qu’on dit. Les doigts lui pincèrent la joue droite. Dis-moi, elle a un peu grandi depuis la dernière f… !

Le coup partit tout seul. L’agresseur de Kakashi encaissa de plein fouet et fut projeté contre leur table qu’il fendit légèrement sous l’impact. Ses équipiers cessèrent aussitôt de rire. Il y eut un gros silence dans la taverne au cours duquel toutes les têtes se tournèrent vers leur table. Kakashi vit de multiples éclats argentés briller un peu partout, signe qu’ils n’étaient pas les seuls ninjas à perdre leur temps ce soir. Le Jounin le plus âgé qui l’accompagnait s’empressa de se lever et de s’excuser pour ce dérapage inopiné du en grande partie à la surprise, et peu à peu, les conversations reprirent. Kakashi mit un temps pour reprendre ses esprits puis se releva lentement et fit quelques pas pour identifier la chose qui lui avait sauté dessus. Sa bouche se tordit en une grimace en reconnaissant la personne. Kasaï Sachi, petite, rousse, yeux verts, 14 ans, jeune Chunnin à la voix haut perchée avec qui il avait fait une fois équipe et qui l’avait, pour une raison inconnue, adopté comme « petit frère » - mascotte ou peluche auraient été des termes plus appropriés.

- Tu voulais mourir ou quoi ? aboya-t-il à la jeune fille qui se redressait en se frottant le crâne. La prochaine fois, je te tue.

Sachi lui fit un grand sourire radieux comme si manquer de se faire écraser sur une table par un gamin était la plus belle preuve d’amitié possible, se releva d’un bond léger et bouscula le Chunnin assis juste à la droite de Kakashi, le faisant dégringoler de sa chaise. Celui-ci poussa aussitôt une exclamation indignée mais elle ne lui accorda aucune attention et s’assit à sa place. A ce stade, Kakashi envisagea sérieusement de rentrer chez lui et oublier cette horrible soirée mais Sachi ne l’entendit pas de cette oreille et lui prit la main pour le faire rasseoir. Le garçon la dévisagea un instant, se demandant si un coup peut-être un peu plus appuyé l’assommerait le temps qu’il s’éclipse. C’était tentant, très même, mais d’une, il s’était suffisamment illustré ce soir, de deux, il préférait éviter une éventuelle sanction pour attaque délibérée sur un Chunnin de Konoha désarmé et de trois, même si Sachi était exaspérante et un poil vulgaire, elle n’avait pas un mauvais fond. De très mauvaise grâce, il consentit à s’asseoir à côté d’elle.

Ravie, Sachi se mit à lui raconter tout ce qui lui était arrivé depuis leur dernière rencontre – c'est-à-dire beaucoup de choses puisque cela faisait plus de quatre mois. Tout en faisant mine d’écouter, Kakashi porta la main à son verre et se mit à boire dans le vain espoir d’oublier sa situation dans son eau minérale. Sachi en décida autrement et dans un élan d’enthousiasme, lui donna une grande claque dans le dos alors qu’il avalait une gorgée. Il avala de travers et inspira de l’eau par le nez, manquant de s’étouffer. Il toussa un peu sous les nouveaux éclats de rire de ses équipiers et de Sachi.

- Je vais te buter, haleta-t-il une fois son souffle revenu.

- Oh, fais pas ton dur, répliqua-t-elle avec un sourire attendri. Je sais que tu m’adores…

Pour toute réponse, il lui jeta un regard mauvais.



- Hatake ?

- Ouais, marmonna-t-il.

- Eh bien, eh bien… Cache ta joie !

L’ANBU releva son masque et un visage de jeune fille au regard insolent et rieur apparut. Kakashi lutta pour ne pas grimacer.

- Sachi…

C’était bien elle. Ces mêmes yeux pétillants, ce même nez retroussé, ce même sourire à la fois provocateur et joyeux. Tout en elle semblait avoir été conçu pour lui taper sur les nerfs. Cette fille avait le don de l’énerver par sa simple présence, c’était presque épidermique. Elle paraissait pourtant, le ciel soit loué, plus calme et plus mature. Le fait qu’elle ne se soit pas jetée sur lui en arrivant parlait de lui-même et pour accéder au grade de capitaine ANBU à dix-huit ans, il fallait tout de même un minimum de talent. Après tout, en quatre ans, les gens avaient le temps d’évoluer. Il n’y avait qu’à le regarder…

- Ouep ! répondit la jeune fille en levant son pouce, un grand sourire aux lèvres. Tu te souviens de moi, alors…

- Comment aurais-je pu oublier ? marmonna le garçon.

- Toujours pas dépucelé, hein ? T’attends quoi pour t’envoyer en l’air ? Tu serais beaucoup plus fréquentable, c’est moi qui te le dis.

Kakashi roula des yeux exaspérés. Toujours aussi vulgaire.

- Je ne savais pas que tu étais dans l’ANBU… fit Kakashi en espérant vaguement détourner la conversation.

- Ça fait un an et demi ! répliqua fièrement Sachi, toute dignité ou sérieux désormais jeté aux orties. Et déjà capitaine. Aha ! T’es sur le cul, hein ?

- Capitaine, hein ? La perspective d’être dirigé par quelqu’un d’aussi survolté qu’elle lui faisait d’avance regretter Okara. Depuis quand ?

Sachi perdit un peu de sa superbe mais elle se ressaisit vite.

- Je viens d’être promue, dit-elle.

Sur la table, Kaito laissa échapper un reniflement ironique. Sachi se tourna aussitôt vers lui.

- T’as quelque chose à redire, toi ?

- Moi, j’ai un nom, répliqua Kaito sans se laisser impressionner. Et oui, j’ai quelque chose à dire.

Sachi se plaça face à lui et croisa les bras, le menton levé.

- Vas-y, Kaito. Balance.

Celui-ci ne descendit pas de sa table et n’ôta pas son pied de la chaise mais il se redressa et de multiples détails dans sa posture indiquaient qu’il se préparait à une riposte. Kakashi soupira intérieurement. Pourquoi ? Pourquoi était-ce tombé sur lui ?

- Eh bien, le fait est, commença Kaito d’un ton désinvolte mais Kakashi savait qu’il avait choisi ses mots, que notre ancien capitaine était Okara Kôji…

- Tu m’apprends que dalle, là, coupa sèchement Sachi.

- … et qu’il est à présent le commandant en chef de tout l’ANBU, continua Kaito comme s’il n’avait pas été coupé. Il a été désigné unanimement par tous les capitaines avec l’approbation du Sandaime et du Yondaime. Il a été l’élève de Jiraya-sama et l’équipier de l’actuel Hokage. ANBU depuis qu’il a seize ans…

- Retourne jouer avec des kunaïs en bois, le coupa Sachi avec un geste impatient. Si tu crois que tu m’impressionnes, tu te fourres le doigt dans l’œil jusqu’au cul.

Kakashi sut presque aussi certainement que si Kaito n’avait pas porté de masque qu’il venait de sourire. Il ne put s’empêcher de l’imiter. Sachi était tombée dans le panneau tête baissée.

- Ce n’était pas le but, répondit Kaito d’une voix où l’on percevait une note de triomphe, Disons juste que… Il jeta un coup d’œil à Kakashi. Nous sommes habitués à du haut de gamme. On risque d’être exigeants sur la qualité.

Sachi pâlit brièvement de rage mais avant qu’elle ait pu faire le moindre commentaire, Kaito enchaîna :

- Et lui, c’est qui ? demanda-t-il en montrant le deuxième ANBU qui n’avait toujours pas bougé, ni dit un mot.

Sachi fusilla Kaito du regard avant de se tourner vers le ninja et lui fit un signe de tête. Il ôta son masque. Kakashi eut un léger choc. Il jeta un coup d’œil à Kaito et vit qu’il était finalement descendu de la table.

- Un Hyuuga ? fit-il en tentant de ne pas paraître trop surpris.

- Ouais, répondit Sachi apparemment satisfaite de reprendre le contrôle de la situation.

- Hyuuga Shobei, se présenta le ninja aux yeux blancs en inclinant légèrement la tête. Médic-nin. Enchanté.

Kakashi se contenta de hocher la tête en guise de réponse. Il se sentait un peu sonné. Sachi, qui était, d’après ses souvenirs, très bonne au sabre, un Hyuuga et lui-même qui possédait le Sharingan dans une même équipe ?

- Okara a mis le paquet, murmura Kaito, qui apparemment avait eu la même pensée, en se rapprochant.

- Un peu, ouais ! sourit Sachi. Votre ancien capitaine a décidé de faire de nous une des équipes centrales de l’ANBU. Ça veut dire qu’on va rester ensemble tant que le commandant estimera qu’on forme un bon cocktail et qu’on a sa pleine confiance. Et à ce propos Kakashi, t’es officiellement ANBU à part entière maintenant.

Kakashi tressaillit. Equipe centrale ? ANBU à part entière ? Alors… Alors Okara ne les avait pas complètement oubliés… Une douce sensation de chaleur naquit au creux de son ventre. Il se surprit à éprouver un sentiment de satisfaction. Il jeta un coup d’œil à Kaito, puis à Sachi et enfin Shobei. Les deux premiers avaient repris leur joute verbale sous l’œil impassible du troisième. Il leva une main et se frotta la tempe du bout des doigts. D’ordinaire, une fois que les nouvelles recrues devenaient des membres à part entière, ils allaient et venaient d’une équipe à l’autre afin de ne pas créer de lien handicapant – ç’avait du moins été la procédure de Shiba et de ses prédécesseurs – mais cette fois, c’était différent. Il allait accomplir des missions, se battre, survivre avec les mêmes personnes pour une période indéterminée. Les prendre en grippe dès le début ne l’avancerait à rien.

Il inspira profondément. Il y avait longtemps que les mots confiance et amitié avaient perdu leur sens pour lui ; ce serait tout sauf facile. A côté de lui, Kaito finit par hausser les épaules et arrêta de bougonner contre Sachi. Cette dernière sourit et tendit son poing. Kakashi lui jeta un coup d’œil perplexe. Kaito ricana et Shobei resta immobile. Sachi les dévisagea à tour de rôle l’air de se demander ce qu’ils attendaient puis, quand elle comprit qu’ils ne bougeraient pas, une expression de dépit apparut sur son visage.

- Putain, grogna-t-elle en se prenant la tête à deux mains. Vous faîtes une sacrée bande de coincés. Bon, c’est pas grave ! On va se serrer la main. C’est plus viril !

Et elle tendit la sienne à Shobei. Le Hyuuga haussa les épaules en soupirant et serra brièvement la main tendue. Il adressa ensuite un regard à la fois désolé et blasé à Kaito et lui tendit la main. Sachi fit de même avec Kakashi. Le garçon échangea un regard avec Kaito. Sans trop savoir pourquoi, il lui tendit sa main au lieu de serrer celle de Sachi. Il le vit se raidir de surprise et le fixer comme s’il avait soudain été atteint d’une maladie mentale. Sa main trembla. Ç’avait été instinctif, quelque chose en lui lui avait dit que c’était la bonne chose à faire. Il s’écoula quelques secondes au cours desquelles il eut très peur mais quand Kaito releva finalement son masque et répondit à son geste avec un mince sourire, il sut qu’il avait eu raison.

- Eh, oh, fit alors la voix offensée de Sachi.

Kakashi se retourna vers elle et réalisa qu’elle attendait toujours qu’il lui serre la main. Il obtempéra en se retenant de pouffer de rire tandis que Kaito faisait de même avec Shobei.

- Excellent ! cria Sachi quand ce fut fini. Excellent, excellent, les amis ! Rappelez-vous, on donne l’exemple. Je compte sur vous pour ne pas me faire honte !

Il y eut un ricanement étouffé du côté de Kaito et Shobei lui-même eut une esquisse de sourire amusé. Kakashi lui rabaissa son masque avant de s’autoriser à sourire. Il ne s’expliquait pas comment mais la bonne humeur de Sachi était contagieuse, lui faisait un peu oublier ses idées tristes. C’étaient des émotions nouvelles mais joyeuses, des émotions qui ne faisaient pas mal. Ça paraissait presque irréel. Etait-ce le signe qu’il pouvait se remettre à marcher sans craindre de tomber de nouveau ? Peut-être. Il soupira encore.

Ouais… peut-être.



Six mois plus tard…

Et merde, c’est pas vrai ! Je suis en retard !

Kakashi courait à perdre haleine à travers Konoha dans l’ombre rougeoyante du matin, bondissant à travers toits, glissant le long des fils électriques avec aisance, chaque fois un peu plus vite. Arrivé près du quartier de l’académie, il s’arrêta une fraction de seconde au sommet d’un poteau et rebondit en direction du quartier général des ANBU plus rapide que le vent. Il avait du mal à y croire : lui, Hatake Kakashi, ANBU réputé pour sa ponctualité et sa droiture et adepte pendant tellement longtemps du respect des règles, il était en retard. Tout ça à cause d’une bonne femme qui, le voyant courir à toutes jambes à l’aube, avait, pour une raison obscure, semblé croire qu’il avait besoin de se confier à quelqu’un et lui avait tenu la jambe une bonne demi heure à propos des adolescents perturbés qui rejetaient toute forme d’autorité afin d’être plus en phase avec leur conscience et prouver leur existence ou quelque chose du genre. Dieu savait quelles autres inepties elle avait pu sortir en trente minutes, il avait perdu le fil au bout d’un moment, bien plus préoccupé par le temps qui passait. Il voyait d’ici la mine ironique de Sachi et entendait déjà les commentaires sarcastiques de Kaito. Il faudrait qu’il trouve une autre excuse au cours des… dix secondes qui lui restaient avant qu’il ne les rejoigne. Il accéléra encore l’allure. Allez, encore quatre cents mètres et il y était. Plus que trois, plus que d…

- YO KAKASHI !!!

Le garçon tourna la tête vers la droite… et se jeta sur le côté. Une espèce de bolide vert passa en trombe juste à côté de lui et alla littéralement s’encastrer dans le mur du magasin voisin. Il y eut un grand BAOUM ! suivi de chutes de gravas et un nuage de poussière blanche s’éleva pour se propager dans la rue. Stupéfait et tout de même un peu choqué de penser que quelqu’un avait ressenti un enthousiasme suffisant pour lui sauter dessus comme ça et aller s’écraser dans un mur – ce qui n’était pas sans lui rappeler une certaine ninja rousse - Kakashi se releva lentement et s’approcha à pas prudents du trou béant. Il ne vit tout d’abord rien puis il lui sembla distinguer une vague silhouette noire qui se relevait en titubant. Méfiant, il recula et plongea sa main dans sa sacoche, prêt à riposter. Apparemment, cette personne le connaissait et elle le connaissait même suffisamment pour l’avoir reconnu alors qu’il portait son masque d’ANBU et pour vouloir lui sauter dessus à plus de 70 km/h. Il chercha rapidement dans sa mémoire à qui pourrait correspondre un tel signalement mais Sachi exceptée – et pour l’instant, elle n’avait jamais réitéré l’épisode de la taverne – il ne voyait vraiment pas. Il s’écoula de longues secondes, seulement rompues par les protestations des habitants mécontents de se faire réveiller à 6h du matin, assez angoissantes. La silhouette se rapprochait, les doigts de Kakashi se refermèrent sur un kunaï. Et soudain…

- AH AH AH !!! C’était bien évité mon cher rival !! Je n’en attendais pas moins de toi ! Aussi svelte et agile que le tigre !! Tu es l’incarnation même de la flamme de la jeunesse !!

Le cerveau de Kakashi marqua une pause. Incarnation de la flamme de la jeunesse ? Rival ? Quel rival ? Il n’avait pas de rival. Bon sang, sur quel cinglé était-il encore tombé ? Il les attirait ou quoi ? Et pourquoi maintenant alors qu’il était déjà en retard ? Le propriétaire de la voix émergea alors à la lumière du jour et Kakashi dut lutter pour empêcher sa mâchoire de se fracasser par terre sous le coup de l’incrédulité. Qu’est-ce que c’était que cet hurluberlu ? Devant lui se tenait un garçon d’à peu près son âge, avec une coupe de cheveux totalement ringarde et de gros yeux ronds surmontés des sourcils les plus monstrueux qu’il ait jamais vus. Il était vêtu d’une espèce de collants verts et portait son bandeau autour de la taille. A la fin de sa phrase, il leva son pouce et fit un clin d’œil à Kakashi, accompagné d’un sourire de type « Eblouissant +++ » qui lui fit presque mal aux yeux. Le garçon garda la pause une bonne minute puis, devant le manque total de réaction de Kakashi, son sourire se fana un peu… pour resurgir encore plus grand, si toutefois la chose était possible, à peine une seconde plus tard.

- Je vois que tu es stupéfait de ma vitesse ! s’exclama-t-il, radieux, en pointant son doigt vers Kakashi. J’ai travaillé très dur, tu sais. Tu vois, il n’y a rien de mieux qu’un rival dans la vie d’un ninja ! Rien de tel pour donner la détermination nécessaire aux progrès !! Tu es mon Grand Rival, Kakashi, mais sache que désormais, je me rapproche de toi !! AHAHAH !! Prends garde, Kakashi, prends garde !

Par tous les dieux, c’est qui ce type ?

- D’ailleurs, je te défie !! déclara le garçon en beuglant cette fois si fort que Kakashi grimaça – sans toutefois aller jusqu’à se frotter l’oreille, question de dignité. Un cent mètres pour notre premier affrontement, jusqu’à la place là-bas. Alors, qu’en dis-tu, hein, hein, hein ??

Légèrement assommé par ce flot de paroles débité à un volume qui n’aurait pas dû être autorisé à un tel moment de la journée et toujours incapable de se rappeler le nom du gamin bruyant, Kakashi se passa la main devant les yeux. Il hésitait personnellement entre deux options. La première, ignorer totalement cet illuminé vert, rejoindre ses équipiers et limiter ainsi son temps de retard à trois minutes et quarante-six secondes environ. Par là même, il éviterait également ce qui ressemblait fort à un début de migraine.
La deuxième, s’enquérir de l’identité de son agresseur, quitte à le vexer - car il ne semblait faire aucun doute dans l’esprit de ce dernier qu’ils étaient de proches connaissances – et agir en conséquences. Mais dans ce cas, impossible de déterminer combien de temps cela lui prendrait. Il lança un regard dans la direction indiquée par le garçon, puis le dévisagea. Son visage était animé d’un enthousiasme tel que Kakashi en avait rarement vu, et jamais sur les traits d’un shinobi. Ce type était vraiment siphonné.

Raison de plus pour s’en tenir éloigné, songea-t-il finalement. Il avait d’autres chats à fouetter qu’un excentrique en collants verts, dont, dans l’immédiat, une fierté à protéger en limitant au maximum son retard. Il créa discrètement un clone d’ombre qu’il envoya faire la course tandis que lui-même filait en sens inverse rejoindre son équipe. Le garçon vert tomba complètement dans le panneau et poussant un cri de joie, il se lança à la poursuite du clone. Tout en courant, Kakashi secoua la tête. L’espace d’une seconde, peut-être moins, il pensa qu’il avait tout de même été un peu grossier mais il écarta rapidement cette pensée. Il était ANBU, il était en retard et il y avait plus urgent à faire que relever des défis stupides – qu’il aurait de toutes façons gagnés.

Lorsqu’il arriva finalement au lieu de rendez-vous, ses trois équipiers l’attendaient. Shobei debout et aussi immobile et droit qu’une statue, comme à son habitude, Kaito assis en tailleur par terre, le visage appuyé sur une main, et Sachi qui faisait furieusement les cent pas. A peine fût-il en vue qu’elle se rua vers lui et l’attrapa par le col.

- T’es à la bourre, grinça-t-elle avec une lueur inquiétante dans le regard. J’avais pourtant dit hier que la mission d’aujourd’hui était importante. Excuse ! ordonna-t-elle d’un ton sans réplique.

Kakashi déglutit. Elle pouvait être effrayante quand elle était en colère, il faudrait qu’il s’en souvienne s’il voulait éviter des ennuis à l’avenir. Mais d’un autre côté, il y avait quelque chose de gratifiant et de hautement satisfaisant à savoir qu’il était la source de son énervement.

- Une femme m’a vu courir sur les toits et m’a fait la morale sur les jeunes en rébellion contre l’autorité, expliqua-t-il posément en se dégageant de la prise de son capitaine. Et ensuite, j’ai été défié par un fou en collants verts.

Il y eut un moment de silence. Kaito et Sachi échangèrent un regard et pouffèrent de rire dans un même mouvement. Fidèle à lui-même, Shobei resta impassible.

- Elle pue ton excuse, ricana Sachi dont la colère semblait avoir totalement disparu.

- Si tu as eu une panne de réveil, tu peux le dire, hein ? ajouta Kaito.

- Mais c’est la vérité, répliqua Kakashi, contrarié qu’on ne le prenne pas au sérieux.

- Allez, avoue, insista Sachi. T’as eu du mal à te dépêtrer des cuisses d’une fille ?

Le garçon manqua de s’étrangler. En retard à cause d’une fille ? Et puis quoi encore ? Et qu’est-ce que c’était que ces questions stupides ? Il ouvrit la bouche pour riposter vivement quand il se rappela à quel point argumenter avec Kaito et Sachi était vain. Au cours des six derniers mois passés à entendre ces deux derniers se chamailler presque continuellement, il en était venu à la conclusion que pour engager un débat avec eux, il fallait être, soit particulièrement en forme, soit psychologiquement atteint, soit intimement persuadé que la thèse défendue en valait la peine. A l’heure actuelle, il ne répondait à aucune de ces trois conditions.

La prochaine fois qu’il arriverait en retard – ce qui en théorie n’arriverait jamais mais qui sait ? Juste pour voir la mine furibonde de sa supérieure hiérarchique – il inventerait une excuse plus crédible… enfin qui sonne plus crédible. Il n’arrivait pas à croire qu’il en vînt à penser cela. Ces deux rigolos avaient une mauvaise influence sur lui, il se relâchait. Avec Okara, ou même avec Arashi-sensei, mais avec lui les choses étaient différentes, l’idée d’arriver en retard volontairement pour énerver son capitaine ne lui serait jamais venue à l’esprit. Il n’arriverait plus en retard, c’était un événement isolé et indépendant de sa volonté. Il ferait attention désormais et partirait encore plus en avance. Il soupira et se tourna vers Sachi.

- L’ordre de mission, capitaine ? demanda-t-il.

Il savait que l’une des seules choses capables de rendre son sérieux à Sachi était de se comporter en subordonné obéissant. Elle rendossait immédiatement le rôle du capitaine qui contrôle la situation, ne rit pas du retard de ses hommes et les rappelle à l’ordre et mettait de côté la jeune fille bondissante, souriante et bavarde. Il s’était plusieurs fois demandé ce qu’elle pouvait bien faire dans l’ANBU. Une personnalité pareille aurait davantage eu sa place auprès de Genins ou d’enfants à l’académie, mais après réflexion, il s’était dit que ce n’était peut-être pas si mal ainsi. L’ANBU avait besoin de gens lumineux comme elle pour continuer à exister et il y avait fort à parier qu’Okara l’avait compris aussi.

Il était inutile de le nier : depuis qu’il était dans son équipe, Kakashi se sentait mieux. Réellement mieux. La vie avait repris des couleurs et la douleur d’avoir perdu Isane, Rin et Obito s’était un peu apaisée. Il se sentait plus léger, comme si… les choses étaient devenues plus simples. Il se surprenait à sourire aux blagues stupides de Kaito et Sachi, voire à rire parfois. Les moments qu’il passait avec eux, après la mission, simplement à les écouter parler de tout et de n’importe quoi lui laissaient une agréable sensation de… d’appartenance. Il n’avait jamais fait partie de l’équipe Okara, pas vraiment ; peut-être parce qu’il avait été le nouveau et considéré comme tel jusqu’à la fin. Avec Sachi, Kaito et Shobeï, c’était différent. Il y avait plus d’interactions et aussi… une sorte d’équilibre. Sachi était aussi exubérante que Shobei était silencieux et si Kakashi était profondément agacé par l’une, il se retrouvait dans l’autre. Quant à Kaito, justement parce qu’il était capable d’endosser le rôle de Sachi et de Shobei, il était le lien entre les trois autres et l’élément de familiarité nécessaire à Kakashi pour qu’il se sente en terrain allié. Là encore, Kakashi ignorait si Okara avait vu les choses sous cet angle - probable que oui – mais si tel était le cas, il devait reconnaître qu’il les avait bien faites.

Face à lui, Sachi se redressa et se racla la gorge. Kaito se leva et Shobei se rapprocha. La jeune capitaine sortit un papier de sa poche.

- Assassinat aujourd’hui, les filles, annonça-t-elle. Un chef de gang qui a pris la tête d’un village et y sème la terreur. Vols, meurtres, viols et j’en passe.

- Une ou plusieurs cibles ? demanda Shobeï.

- Sur le papier, une seule. En pratique, certainement beaucoup plus. Cet enculé a une garde rapprochée assez importante visiblement.

Kakashi et les deux autres hochèrent la tête. Dangereux mais rien de très original. En fait, depuis la nomination d’Arashi au poste d’Hokage, Konoha prenait soin à ne pas attirer l’attention sur elle par des opérations trop voyantes tout en continuant d’accepter des missions pour donner le change. Pour l’ANBU, rien n’avait vraiment changé mais le rythme des missions s’était nettement ralenti. Beaucoup d’hommes étaient morts pendant la guerre, il fallait reconstituer les effectifs et épargner les survivants. Sachi les dévisagea les uns après les autres.

- Vous êtes prêts ? Ils hochèrent la tête. Alors c’est par…

- Attendez !

Le groupe se retourna. Un autre ANBU courait vers eux.

- Qu’est-ce qui se passe ? demanda Sachi.

L’autre inspira plusieurs fois avant de parler. Manifestement, il courait depuis un moment.

- Ordre du commandant Okara, haleta-t-il. Hatake Kakashi doit le rejoindre dans dix minutes dans son bureau.

- Quoi ?

Les trois équipiers de Kakashi se retournèrent vers lui. Agacé, le garçon haussa les épaules pour leur signifier son ignorance. Il ignorait la raison de cette soudaine convocation et la nouvelle ne l’enchantait pas particulièrement. Il n’avait revu son ancien capitaine qu’épisodiquement au cours des six derniers mois mais ne lui avait plus parlé directement. Si on le lui avait dit après la nomination d’Arashi comme Yondaime, il n’aurait rien répondu, aurait fait comme si la nouvelle l’indifférait mais aurait malgré tout ressenti une pointe de frustration et quelque chose ressemblant fort à du regret. Aujourd’hui, c’était différent. Ne pas voir Okara pendant plusieurs mois s’était révélé tout à fait supportable et même plutôt satisfaisant. Quelque part, il répugnait un peu à ce que cette situation cesse. Sachi le tira de ses pensées en s’adressant à l’ANBU messager.

- Et notre mission ? On peut pas y aller à trois, c’est contraire à la procédure.

- C’est pour ça que je suis ici, répondit l’autre en croisant les bras. Je le remplace. Je suis Neko.

- Ah.

Kakashi haussa un sourcil, un peu étonné du manque d’enthousiasme qu’il percevait dans la voix de sa capitaine. Il s’apprêtait à ouvrir la bouche pour demander ce qu’elle attendait pour donner le signal du départ quand il réalisa soudain que son clone venait de disparaître. Sa connaissance s’ajoutant à la sienne, il comprit aussi avec horreur que le fou en collants verts se dirigeait droit vers eux. Peu désireux d’affronter à nouveau cet original, Kakashi proposa à ses équipiers de la manière la plus sobre et digne possible de se dépêcher de partir mais il n’avait pas achevé sa phrase que le garçon déboulait déjà sur la petite place. Il se rua vers Kakashi et fit une petite pirouette totalement ridicule avant de s’arrêter dans un déhanché du plus mauvais effet.

- Bien essayé, cher rival !! s’écria-t-il avec un grand sourire tandis que Sachi et Kaito ouvraient de grands yeux incrédules, que Shobeï et l’autre ANBU soulevaient leur masque comme pour se persuader qu’ils ne rêvaient pas. Ton clone était rapide, je le reconnais, mais sache que je l’ai devancé d’une demi seconde !! Ahaha !! Qu’est-ce que tu dis de ça, hein ? Avoue le, tu es impressionné par mes talents de sprinter !!

Et il prit la pose en levant de nouveau son pouce, le tout accompagné d’un autre clin d’œil + sourire éclatant en prime. Atterré, Kakashi le gratifia d’un regard vide. Qu’est-ce qui n’allait pas chez ce type ? Pourquoi diable s’acharnait-il à dire qu’ils étaient des rivaux ? Et qu’est-ce que c’était que ces effets de mise en scène tous plus débiles les uns que les autres ?

- T’étais sérieux alors… murmura Kaito qui ne semblait pas en revenir.

- Evidemment.

- Et c’est qui ?

Le garçon se redressa, mains sur les hanches, et bomba le torse.

- Vas-y, présente-nous, Kakashi !! s’écria-t-il. Tes équipiers meurent d’envie de connaître ton rival de toujours ! Comme je les comprends. Mais rassurez-vous : dans très peu de temps, vous verrez, ma réputation ne sera déjà plus à faire !!

Kakashi réprima à grand-peine un sourire ironique.

- Je ne te connais pas, déclara-t-il posément.

Le garçon en collants verts se dégonfla littéralement à la manière qu’un ballon de baudruche percé. Il poussa un grand cri déchirant qui exprimait sans doute le désespoir ou le dépit tandis que, Dieu sait par quel miracle, le monde était plongé dans le noir. Un projecteur apparut et braqua sa lumière bleutée sur le garçon.

- Kakashiiiii, s’écria-t-il en plaquant ses mains sur ses tempes. Tu es cruel !!! Je suis Gaï !! Maito Gaï !! ajouta-t-il d’un ton presque désespéré.

Kakashi cilla. Gaï… Gaï… Non, vraiment, il ne voyait pas.

- Je me souviens du jour de notre rencontre comme si c’était hier, insista le dénommé Gaï avec les yeux brillants d’émotion. J’ai su que nous étions destinés à être des rivaux à la seconde où j’ai croisé ton regard à la fois fier et lointain. Je me rappelle… Son regard se fit rêveur. Tu sortais de l’hôpital alors que moi, j’y entrais. On s’est bousculés. Ah, ce fut l’un des moments les plus forts de toute ma vie ! Son ton se fit adorateur. Tu m’as regardé dans les yeux et tu m’as dit…

Suspens. Kakashi se sentit malgré lui curieux.

- … « Bouge de là ».

Silence. Une petite goutte de sueur apparut sur la tempe de Kakashi. Ce type le considérait comme son rival simplement parce qu’il lui avait dit « Bouge de là » ? Il était vrai que jusqu’à récemment, il avait eu un ego plus que disproportionné et qu’on aurait difficilement pu bien le prendre mais de là à l’idolâtrer comme ça… En tous les cas, pas étonnant qu’il ne l’ait pas reconnu. Triste constat que celui-ci mais Gaï n’était pas la seule personne, et de loin, à qui il avait aboyé des phrases de ce type.

- Je savais pas que t’avais des fans, lui murmura Kaito et au ton de sa voix, Kakashi savait qu’il se retenait avec peine de rire.

- La ferme, lui répliqua-t-il, pas vraiment flatté.

- … ton méprisant et en même temps tellement cool. Des larmes coulèrent à flots sur les joues de Gaï. Tu dégageais un charisme et une classe incroyable. Mais j’ai tout de suite riposté ! J’ai dit « Je t’interdis de me parler sur ce ton ! Je suis Maito Gaï et un jour, je serai le meilleur ninja de taïjutsu du village et je te ferai mordre la poussière ».

Kakashi ne put s’empêcher de sourire, amusé. Ce n’était définitivement pas étonnant qu’il ne se soit pas rappelé de Gaï. Toute une attitude que celle du ninja outil supérieur et méprisant, un rôle où il avait visiblement excellé pendant plus de cinq ans. Cette pensée le fit frémir. La voix hurlante de Gaï le tira hors de ses pensées.

- Mais aujourd’hui, c’est du passé !! brailla-t-il, le poing serré, avec des flammes dans les yeux. Je ne suis plus le petit étudiant qui ne t’arrivait pas à la cheville ! Il pointa le doigt vers Kakashi. Je suis Maito Gaï, le Chunnin le plus rapide qui soit et désormais, je porterai le nom de Fauve de Jade de Konoha !!!

Cling ! Nouveau sourire étincelant et pouce levé.

Silence.

Gros Silence.

ENORME SILENCE.

Et Kaito éclata de rire, vite imité par Sachi. Shobei ne dit rien mais l’autre ANBU se mit à tousser et se détourna, les épaules secouées par un rire silencieux. Ce fut l’électrochoc nécessaire à Kakashi pour le sortir de son état pour le moins léthargique. Tant de ridicule… ça ne frôlait plus la démesure, c’était la démesure même ! Le pire dans l’histoire, c’est que Gaï était on ne peut plus sérieux.

Le Fauve de Jade de Konoha… Où diable est-il allé chercher un truc pareil ?

- Tu es muet d’admiration, hein Kakashi !! Hé hé hé ! Il va falloir t’y faire ! Désormais, je suis tout près de toi, tout ANBU que tu sois ! Plus rapide que l’hirondelle, plus souple que le guépard, plus fort que le buffle, c’est moi !!! Maito Gaï, le Fauve de Jade de Konoha ! Tremblez, ennemis, tremblez !!

Ooook…

Cette fois, Kakashi considéra qu’il en avait assez entendu pour la journée. La bêtise avait ses limites, tout comme sa patience. Il échangea un regard avec ses équipiers qui, bien que toujours hilares, comprirent le message. Sachi lui fit un signe rapide de la main, leva le bras et la seconde d’après, ses équipiers avaient disparu.

- Ohoo ! s’écria Gaï. Quelle vitesse !! Je ne les ai même pas vus partir. Kakashi, savoir que tu fais partie de ce groupe d’élite me remplit de fierté ! Mais je t’ai quand même battu ! ça fait 1 - 0 pour moi, ahahahah !!!

Kakashi ne jugea même pas utile de répondre. Grand bien lui fasse de comptabiliser ce genre de victoires ridicules. Si ça lui faisait plaisir d’avoir gagné contre un clone ne contenant que 20 de sa force réelle…

- Bon, maintenant, je te laisse, Kakashi !! Je vais escalader trente fois le mont Hokage avec un bras attaché dans le dos ! A plus tard !!

Et il démarra en flèche, ne laissant dans son sillage qu’un nuage de poussière. Kakashi cligna des yeux, partagé entre le soulagement et la perplexité. Curieux personnage. Fou mais intrigant. Quoi qu’il en soit, finit-il par penser en secouant la tête, il avait plus urgent à faire que de se préoccuper de ce Maito Gaï, aussi… hem… original fût-il. Et sans plus penser au jeune fou à gros sourcils, il se dirigea vers le QG des ANBU pour y retrouver Okara.
Dernière modification par Tayuya le mar. 14 août 2007, 14:56, modifié 1 fois.
Tayuya
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Message par Tayuya »

Deux heures plus tard, le jeune ANBU posait un regard à la fois détaché et déconcerté sur les personnes réunies autour de la grande table en bois qui trônait au centre de la pièce. Quand il s’était rendu au bureau d’Okara, il ne s’était certainement pas attendu à cela. Il ne comprenait pas très bien pourquoi son commandant avait tenu à ce qu’il soit là : à priori, une réunion du conseil rassemblait les personnes les plus éminentes du village et non des ennemis potentiels et même si la présence d’Orochimaru et de Danzou faisaient légèrement pencher la balance dans l’autre sens, Okara et les autres étaient suffisamment puissants pour ne pas avoir besoin de lui. Son commandant s’était borné à lui dire qu’il voulait un homme de confiance près de lui pendant la séance et que cela pourrait se révéler instructif quant à la façon dont on faisait la politique à Konoha. Le ton sarcastique avait étonné Kakashi.

Debout contre le mur derrière son chef, il observa les participants sans savoir ce qu’il devait en penser. Arashi était assis en bout de table comme il se devait pour l’Hokage. A sa droite immédiate siégeait Koharu, à sa gauche, le Sandaime. A côté de ce dernier se trouvait Orochimaru paré de son éternel sourire de prédateur, qui semblait se réjouir d’avance du spectacle. Kakashi croisa son regard pendant une fraction de seconde tout au plus mais cela suffit à le faire frissonner des pieds à la tête. Un frisson qui, aussi bref fût-il, lui brûla la peau et lui retourna les entrailles à la manière d’une tunique qu’on aurait lavée. Il déglutit, une violente nausée lui montant à la gorge. Cet homme… cette aura… Cette sensation de force colossale… Comment pouvait-on rester stoïque, comment pouvait-on rester assis à côté de lui sans avoir envie de prendre la fuite ? Qu’est-ce qu’un tel homme faisait au conseil ?

Il se força à détourner les yeux et les posa sur Jiraya, assis juste à la gauche d’Orochimaru. Jiraya apparemment occupé à prendre des notes. Kakashi ressentit un bref sentiment de curiosité qui, plus que toute autre chose, contribua à le détendre et à éloigner de lui cette effroyable sensation d’impuissance que le Sannin brun avait éveillée en lui. A partir de là, ce fut plus aisé. Sa respiration retrouva son rythme normal et ses yeux continuèrent leur route. Okara était à côté de Koharu. Son masque était posé sur la table près de sa main gauche. Sa main droite elle était posée sur sa cuisse, à proximité de sa poche d’armes. Kakashi ne voyait que son dos mais aux commentaires acerbes d’Okara lorsqu’il lui avait expliqué le pourquoi de sa convocation, son expression devait être plutôt contrariée. A sa droite était assis Danzou qui, bras croisés, ne lâchait pas l’Hokage des yeux. Homura occupait l’autre bout de table et jouait machinalement avec un crayon.

Le regard perçant de Kakashi se reposa sur son ancien sensei. Il avait fière allure, c’était incontestable. Il n’était pas le plus grand de la pièce mais il dégageait énormément de charisme et de force. Son visage lisse était sérieux, son regard bleu direct. Kakashi sentit une vague d’admiration et de respect l’envahir. Quoi qu’il puisse se passer, et quoi qu’il se soit passé, cet homme resterait son idole jusqu’à la fin de ses jours. Il avait eu l’air surpris en le voyant entrer avec Okara. L’espace d’une fraction de seconde, Kakashi avait également cru voir de la peine ou de la désapprobation dans son regard mais cette sensation avait rapidement disparu quand son ancien sensei lui avait adressé un bref sourire. Curieusement, ce sourire lui avait laissé une impression étrange. Comme si… comme si un ressort avait cassé dans sa poitrine. Comme s’il avait signifié la fin d’une époque pourtant révolue depuis longtemps…

Un grattement de gorge le tira de ses pensées. Tout le monde s’était assis, le Yondaime en revanche s’était levé. Kakashi se redressa et concentra toute son attention sur ce qui allait être dit.

- Merci à tous de vous être déplacés, commença l’Hokage en inclinant légèrement la tête et en prenant soin de donner à sa voix une inflexion respectueuse.

Il se redressa et promena un regard déterminé et direct sur les membres du conseil. Kakashi le vit s’attarder une seconde dans les yeux jaunes d’Orochimaru, deux dans ceux de Danzou mais fut un peu étonné de voir qu’il évitait ceux d’Okara. Du coup de l’œil, il capta aussi les sourires approbateurs du Sandaime et de Jiraya. Kakashi ne connaissait pas grand-chose à la diplomatie mais il était suffisamment intelligent pour comprendre l’importance du moindre mot prononcé, du moindre froncement de sourcils. Ici, les armes, la puissance ne comptaient pas. Il n’y avait que la voix et les gestes. Il avait hâte de voir comment l’Hokage allait se comporter.

- J’irai droit au but, dit le Yondaime avec gravité. Un ambassadeur d’Ame est venu aujourd’hui. Il était en piteux état et ce qu’il avait à nous dire est extrêmement sérieux. Il fit une pause pour s’assurer que chacun était parfaitement attentif. Le Bijuu à neuf queues s’est manifesté il y a maintenant deux jours en territoire allié et s’en est pris aux villages proches d’Ame.

- Quoi ?!

Kakashi eut l’impression d’avoir reçu un coup de poing en plein estomac. Ses yeux s’écarquillèrent derrière son masque et il eut toutes les peines du monde à rester immobile. Le Bijuu à neuf queues ?! Sa connaissance de ces créatures approchaient du niveau 2 mais il en savait suffisamment pour savoir qu’ils étaient neuf et que plus le nombre de queues était élevé, plus la créature était puissante. Ils avaient donc affaire au plus puissant des Bijuus, Kyuubi lui-même. Dieu seul savait ce qu’un monstre pareil pouvait faire ! Si le village d’Ame était attaqué, il serait rayé de la carte en quelques minutes. Le garçon fut soudain pris d’un vertige. Un murmure de terreur était passé autour de la table. Il vit Okara changer de position sur sa chaise. Le Sandaime et Jiraya se regardaient d’un air alarmé. Koharu avait plaqué sa main sur sa bouche et Homura s’agitait, visiblement très mal à l’aise. Derrière ses lunettes, ses pupilles brillaient d’un éclat intense comme pour se convaincre qu’il n’était pas en plein cauchemar. Un imperceptible sourire était cependant apparu sur les lèvres d’Orochimaru. Il se demanda si Okara et le Yondaime l’avait vu. Seul Danzou restait impassible tout en se frottant le menton, pensif. Pendant un long moment, chacun resta silencieux puis Homura prit la parole.

- Est-ce que… est-ce qu’Ame a une idée des pertes ? demanda-t-il avec peine. Humaines et matérielles, j’entends.

- Trois villages, répondit l’Hokage. Tous détruits. Environ mille morts en tout. Des civils pour la plupart.

Il crut que ses genoux allaient céder.

Mille morts ??

- Mille morts en deux jours, répéta Jiraya dans un souffle. Seigneur…

- Dans quelle direction va-t-il ? demanda le Sandaime.

- D’après l’envoyé, droit sur le village d’Ame. S’il garde une vitesse constante et qu’il ne fait pas de détour, il devrait y être dans une semaine maximum. C’est pour cette raison que je vous ai demandé de venir aujourd’hui : Ame a besoin d’aide. Il faut les secourir.

Un nouveau silence tomba. Kakashi regarda tour à tour les dirigeants. Les visages de Homura et Koharu s’étaient fermés. L’expression de Danzou était impénétrable, celles de Jiraya et du Sandaime hésitantes. Un sourire ironique se dessina sur les lèvres du jeune ANBU. Il comprenait mieux ce qu’Okara avait voulu dire par « instructif ». Effectivement… Le ricanement d’Orochimaru se fit entendre.

- Attends une seconde, fit le Sannin sans même prendre la peine de dissimuler son amusement. Tu veux quoi ?

Une vague de colère traversa l’esprit et le corps de Kakashi à la manière d’une rafale de vent. Il n’eut même pas le temps d’éprouver de la peur. Il vit les traits du Yondaime se durcir et lutta pour réprimer la brûlure dans sa poitrine. Orochimaru ne respectait pas les règles. Non content de voir son adversaire isolé, il enfonçait le clou en outrepassant sa propre position : il tutoyait l’Hokage, il riait à sa proposition, comme un adulte l’aurait fait avec un enfant. Le garçon éprouva une soudaine envie de lui arracher les yeux.

- Je veux aller les aider, vous avez bien entendu, répondit le Yondaime, en ignorant l’offense.

- Que de noblesse, persifla Orochimaru avec un sourire moqueur. Digne de l’Eclair Jaune de Konoha et de sa… réputation.

Kakashi ouvrit la bouche de stupéfaction. Comment osait-il… ? Il insultait ouvertement le maître du village. Il sentit ses entrailles se mettre à chauffer dangereusement. Orochimaru n’avait pas bonne réputation au sein de l’ANBU, ni même où que ce fût et si jusqu’à présent, Kakashi s’était contenté de suivre vaguement le mouvement, il ne l’en avait jamais détesté pour autant. Respecté, oui. Admiré dans un sens, c’était dur à admettre, mais oui. Craint, sans aucun doute. Mais jamais détesté. Il n’en avait jamais eu de réelle raison. Mais à cet instant précis, cette unique seconde au cours de laquelle il vit le mépris danser dans les yeux jaunes, il sut qu’il haïrait Orochimaru jusqu’à la fin de ses jours. On pouvait détester un homme, fût-il aussi parfait qu’Arashi, mais compte tenu de ce qu’il avait fait, de ce qu’il était, le mépriser était intolérable.

Il regarda son ancien sensei et eut soudain du mal à respirer. Le jeune homme s’était redressé de toute sa taille, une lueur glaciale dans ses yeux bleus. Kakashi frissonna en sentant le chakra de l’Hokage gonfler brusquement, emplir la pièce à la manière d’une gigantesque vague pour refluer tout aussi rapidement, lui coupant complètement le souffle. Il sentit la sueur couler long de son menton. Ça n’avait duré qu’une fraction de seconde à peine mais il se sentait aussi essoufflé qu’après une utilisation intensive du Sharingan… Le visage de l’Hokage était comme métamorphosé. Plus grand, plus fort, plus… beaucoup plus impressionnant. Plus de douceur, plus de bienveillance, juste une froide fureur. Autour de la table, aucun des membres n’avait bronché mais une nuance était apparue dans le silence. Kakashi comprit avec un sentiment grandissant d’admiration. Arashi était l’Hokage et le plus haut placé dans la hiérarchie de toutes les personnes présentes. C’était à lui de se défendre, de faire valoir son autorité et pour cela, il ne fallait pas qu’il s’énerve. Orochimaru jouait la carte de la provocation pour le faire sortir de ses gonds et ainsi le discréditer mais le Yondaime était bien trop intelligent pour tomber dans une chausse-trappe aussi grossière.

- Ne me manquez pas de respect, Orochimaru-sama, dit-il poliment mais avec fermeté. Je ne m’abaisserai pas à vous menacer mais sachez que je ne tolèrerai pas que vous vous adressiez à moi sur ce ton plus longtemps.

- Hokage-sama a raison, Orochimaru, intervint Jiraya en posant une main sur le bras de son ancien équipier. Tu vas trop loin.

Le shinobi brun repoussa la main avec un nouveau ricanement mais il ne dit rien de plus.

- Ame a besoin d’aide, reprit l’Hokage Si nous n’intervenons pas, elle va être rayée de la carte. Nous devons intervenir…

- C’est hors de question, coupa Koharu, se décidant enfin à réagir. Enfin Arashi ! Nous sommes au bord du gouffre et tu veux nous envoyer affronter un Bijuu ? Le plus puissant qui existe de surcroît ?

Kakashi secoua imperceptiblement la tête. Argument bien bancal que celui-ci. Ame n’était pas loin. Tôt ou tard, Kyuubi se tournerait vers eux.

- Kyuubi ne restera pas le problème d’Ame très longtemps, répliqua le Yondaime qui pensait visiblement la même chose. Quand il en sera venu à bout, il ravagera d’autres pays et combien de temps croyez-vous qu’il s’écoulera avant qu’il ne débarque à nos portes ?

- Nous devrions justement mettre ce temps à profit pour nous préparer au lieu de gaspiller nos ressources à aider un pays qui sera détruit de toutes façons !

Kakashi eut une mimique sarcastique. De mieux en mieux…

- Nos traités d’alliance nous oblige à une aide financière au minimum, intervint alors le commandant ANBU d’une voix totalement égale. Si nous ne tenons pas à nous mettre d’autres villages à dos, il est indispensable d’au moins garder la face.

Kakashi vit une lueur de reconnaissance passer dans les yeux de l’Hokage. A gauche d’Okara, Danzou leva sa main pour demander la parole. Il se crispa inconsciemment. Il n’allait certainement pas intervenir pour aider l’Hokage. Il n’était pas pour les interventions hors frontière, tout le monde à l’ANBU le savait. Lui non plus n’était guère aimé. Kakashi n’avait encore jamais rencontré de membre de la Racine mais il n’était pas pressé. Faire équipe avec des caricatures de ce qu’il avait été pendant des années ? Sans façon.

- Je suis d’accord avec Hokage-sama. Je pense que nous devrions intervenir.

Un silence, incrédule cette fois, suivit les paroles de l’ANBU. Kakashi cligna deux fois des yeux très vite. Ça devenait définitivement instructif. Jiraya en avait fait tomber le crayon qu’il tenait à la main. Orochimaru lui-même avait l’air pris au dépourvu. Que diable lui prenait-il ? Ce fut une fois de plus Homura qui rompit le silence.

- Explique-toi, Danzou.

L’homme se gratta la gorge avant de parler.

- Clarifions tout de suite les choses : l’intervention dont je parle n’aurait pas pour but d’aider Ame.

- Quoi ? Pourquoi d’autre ?

- Pour capturer le Bijuu bien entendu.

Cette fois, sa phrase fut suivie d’un brouhaha. Les membres du conseil se penchèrent les uns vers les autres, les uns pour protester, les autres pour approuver ou demander des éclaircissements au voisin. Pris de cours, Kakashi resta sans voix. Capturer Kyuubi… Rien que ça. L’homme ne tournait plus rond. Des humains ne pouvaient pas capturer un démon. Non seulement il était stupide de croire le contraire mais aussi plutôt égoïste : ce n’était certainement pas lui, Danzou avec son bras en moins et sa canne, qui allait se charger de la… tâche. Tel que c’était parti, Kakashi voyait déjà sur qui tout cela allait retomber. Cette perspective n’avait absolument rien de réjouissant…

- Développez, dit l’Hokage.

Kakashi ferma les yeux, de nouveau menacé par l’envie de ricaner. Quelle belle invention que le débat participatif. L’ANBU à la tête de la Racine sourit.

- Réfléchissez un peu. Songez à la puissance que nous apporterait un Bijuu comme Kyuubi. Ce serait une arme ultime ! La garantie contre de nouvelles guerres, personne ne pourrait nous vaincre. Et surtout, nous ne serions plus dépendants des alliances pour combattre.

Ah, d’accord...


- A condition d’arriver à contrôler le démon… fit remarquer Koharu.

Et encore…

- J’ai parlé avec les dirigeants de Suna, Chiyo-sama notamment, répondit Danzou. C’est compliqué et ça requiert beaucoup de puissance mais ce n’est pas impossible. Ils l’ont fait plusieurs fois et les Jinchuurikis ont été des réussites.

- Mais il s’agissait d’Ichibi et non de Kyuubi, intervint cette fois Homura. Le démon dont nous parlons est au bas mot dix fois plus puissant.

- Konoha ne manque pas de ninjas de qualité, répliqua Danzou en jetant un regard en coin à Okara qui n’eut aucune réaction.

Ben voyons…

On atteignait vraiment des sommets d’hypocrisie. C’était tellement énorme que c’en devenait réellement amusant. Des ninjas de qualité… Il n’avait pas été aussi poli quelques mois auparavant. Le pire était que ça allait marcher. La flatterie était une méthode aussi ancienne qu’efficace.

- Pardonnez-moi, intervint alors fermement le Yondaime, mais ce n’est pas de la capture de Kyuubi dont nous parlons. Il s’agit de l’aide que nous devons apporter à Ame. On nous appelle à l’aide, allons-nous les ignorer ? Ame nous a aidé à gagner la guerre. Nous nous devons de les aider.

- Sans parler de notre crédibilité auprès des autres villages, marmonna Jiraya. Ne pas répondre à un appel au secours pourrait faire penser que nous sommes faibles…

- Nous sommes faibles, répliqua Okara de façon incisive.

Kakashi eut un nouveau sourire. Il n’y avait vraiment que lui pour sortir des trucs pareils en plein conseil.

- Non, nous sommes forts, contra Danzou. Nous avons les moyens de réussir à capturer Kyuubi, je vous l’assure.

- Dans ce cas, nous avons aussi les moyens de défendre Ame, rebondit aussitôt Arashi.

- D’un strict point de vue humain, fit Homura, il est peut-être plus profitable de s’en prendre à Kyuubi que d’envoyer des renforts à Ame. Et au fond, le résultat sera le même, Arashi. Kyuubi neutralisé, Ame sera sauvée.

Bien entendu. Sauf que récolter les informations nécessaires et tout préparer prendrait plus d’une semaine. L’Hokage devait également l’avoir compris car le masque de sérénité glissa, laissant s’exprimer une colère plus brute.

- Nous ignorons tout de la manière dont il faut sceller un Bijuu ! s’exclama-il. Le temps d’en savoir plus grâce à Suna et de tout mettre en place, Ame aura déjà été détruite ! Nous n’avons pas le temps et je refuse de condamner un village allié simplement pour satisfaire les ambitions de certains !

Kakashi grimaça intérieurement. Il serait vraiment difficile, voire impossible, d’obtenir le moindre soutien après cela. Même lui pouvait le sentir. Arashi était Hokage, il avait un rang à tenir. Un sourire triomphant se dessina sur les lèvres d’Orochimaru. De son côté, Danzou s’était levé.

- Etes-vous en train de m’accuser d’agir dans mon propre intérêt, Hokage-sama ? demanda-t-il.

Malgré sa colère, Kakashi dut prendre sur lui. Si l’on oubliait le contexte, cette phrase valait vraiment son pesant de cacahuètes.

- Veuillez m’excuser, Danzou-sama, dit Arashi en s’inclinant légèrement. Tel n’était aucunement mon intention.

Il y eut un bref ricanement. Kakashi comprit avec un mélange d’étonnement et d’amusement qu’il provenait de la gorge d’Okara. Le sourire qui était apparu sur ses lèvres disparut cependant en voyant la tristesse se peindre un instant sur le visage de l’Hokage. Il se sentit honteux.

- Je vous l’avais dit, fit Orochimaru en s’examinant les ongles avec nonchalance. Trop jeune, trop inexpérimenté…

- Ça suffit, Orochimaru, s’écria Jiraya, visiblement impatienté.

- L’Hokage n’a pas eu une attitude correcte, nous sommes tous d’accord là-dessus, trancha le Sandaime pour calmer le jeu, mais ce n’est pas le problème le plus important. Nous devons décider si oui ou non, nous intervenons au pays de la Pluie. Qui est pour ?

Il jeta un coup d’œil circulaire sur la table. Kakashi retint son souffle. Le Sandaime venait de trouver une solution pour faire avancer le débat mais ça ne réglait qu’une partie de la question. Intervention, oui, c’était quasiment certain, mais pas selon les règles prévues par l’Hokage. Il avait perdu et il le savait. Personne ne bougea pendant quelques secondes puis Jiraya leva la main.

- Je suis également pour, déclara le Sandaime.

Koharu et Homura échangèrent un regard et d’un commun accord, levèrent leur main. Danzou suivit peu après.

- Avec les conditions que j’ai énoncées, précisa-t-il.

Bingo…

Orochimaru se signala à son tour.

- Si la proposition de Danzou-san est suivie, dit-il tout en souriant d’un air aimable en direction d’Arashi, je suis également favorable à une intervention.

Enfoiré…

Une fois de plus, il rappelait qu’il ne reconnaissait pas Arashi comme son supérieur et que ce n’était pas ses choix qu’il décidait de soutenir.

- S’il est avéré et prouvé - il insista sur ce mot - que la capture de Kyuubi peut aboutir, intervint finalement Okara, l’ANBU y prendra part.

Kakashi tressaillit. Avec lui, au moins, les choses étaient claires mais il ne parvenait pas à décider s’il fallait se réjouir d’une telle décision. D’après ce qu’il entendait, si véritablement on décidait de capturer Kyuubi – il ne voyait vraiment pas comment mais qu’importe dans l’immédiat – les ANBU seraient en première ligne. Il avait toutefois eu le bon goût d’émettre une clause de réserve et Kakashi savait qu’Okara n’était pas homme à oublier ce genre de choses, encore moins à laisser les autres – des politiciens qui plus est – le faire.

- Konoha interviendra donc, conclut le Yondaime et Kakashi remarqua que sa voix avait légèrement baissé d’intensité. Merci à vous. Danzou-sama, veuillez prendre contact avec Chiyo-sama de Suna et demandez le plus de précision possible concernant le scellement des Bijuus.

L’interpellé sourit doucement et s’inclina avant de quitter la salle. Okara se leva aussitôt de sa chaise et après un léger signe de tête en direction de l’Hokage, il sortit à son tour à grands pas rapides, comme s’il n’avait attendu que cela. Kakashi pensa une fraction de seconde à s’attarder pour parler avec son ancien maître mais il avait à peine formulé cette pensée que ses jambes l’entraînaient déjà hors de la pièce, sur les traces d’Okara. L’homme ralentit un peu l’allure pour qu’il puisse le rattraper et ils retournèrent au QG ANBU sans rien dire.


Tout en marchant, Kakashi essayait de faire le point. Il ne réalisait pas bien ce qu’il venait de se passer. Une seule chose était sûre : six mois après avoir signé la paix avec Kiri, Konoha allait de nouveau s’engager dans une guerre contre un adversaire dont on ignorait pratiquement tout. Une guerre où les ANBU seraient la chair à canon des politiciens. Un goût amer lui monta à la bouche. Maintenant que la réunion était terminée, toute trace d’amusement avait disparu, il ne restait plus qu’une douloureuse certitude et un poids lourd dans la poitrine. Il grimaça intérieurement. Faire son devoir ne l’avait jamais dérangé jusqu’ici, alors pourquoi la perspective de mourir pour son village lui était-elle soudain aussi désagréable ?

- Il est parfois préférable de ne pas savoir pourquoi on se bat, n’est-ce pas ? lui demanda alors Okara.

Kakashi ne fut qu’à moitié étonné que son commandant ait deviné ce à quoi il pensait. Il ne répondit pas. Okara n’en avait pas besoin pour le comprendre, ç’avait toujours été un peu comme ça. Au départ, ça l’avait vraiment contrarié, mais aujourd’hui il n’éprouvait plus qu’une sereine indifférence. Ce n’était pas comme si le secret de son âme était détenu par un homme extravagant qui allait tout balancer une fois un peu saoul ou par un olibrius cinglé comme ce Gaï. Kakashi faisait confiance à son commandant. A vrai dire, il éprouvait un curieux réconfort à savoir qu’au moment d’affronter Kyuubi, Okara serait là, devant lui, à lui montrer la voie. C’était peut-être cela qui l’empêchait de céder à la peur. C’était également cela, il le savait, qui le pousserait à combattre le jour venu. Pour lui, pour ce qu’il représentait.

- Et après ils se demandent pourquoi je n’ai pas voulu devenir commandant, marmonna alors Okara si bas que Kakashi l’entendit à peine.

Le cœur du garçon battit deux fois de suite très vite lui faisant presque mal. Pour un auditeur étranger, la remarque aurait pu paraître anodine ; tout au plus aurait-elle surpris par son caractère révélateur mais ce ne fut pas l’information en elle-même qui alarma Kakashi. Okara ne parlait jamais tout seul, encore moins de ses sentiments. S’il avait fait cette remarque à voix haute, c’était uniquement pour que Kakashi l’entende et ça n’avait absolument rien de rassurant. Il savait ce que cela signifiait lorsque les hommes commençaient à verser dans le sentimentalisme. Il s’arrêta. Okara dut s’en rendre compte et éprouver à ce sujet une perplexité suffisante car il s’arrêta et se retourna. Les deux shinobis se dévisagèrent longuement, sans rien dire, sans bouger et Kakashi réalisa tout à coup que quelque chose avait changé. Non pas leur attitude à chacun mais la façon dont ils se percevaient. C’était comme si, pour la première fois depuis qu’ils se connaissaient, ils étaient parvenus à trouver le ton juste pour se parler.

- Bats-toi pour Konoha, Kakashi, finit par dire Okara. Pour Konoha et pour personne d’autre, tu entends ?

Curieusement, Kakashi eut la même sensation que si on lui avait demandé de respirer par les pieds.

- Je ne peux pas… s’entendit-il murmurer. Pas après…

Il n’acheva pas sa phrase mais il vit qu’Okara avait compris. Le commandant eut un geste impatient.

- Imbécile, dit-il froidement. Le conseil ne représente pas Konoha et Konoha ne se limite pas à ses dirigeants. Lorsque l’on se retrouvera face au Bijuu, je veux que tu te battes pour protéger les habitants, pour sauver le village. Tu ne devras pas penser à la politique.

- Pourquoi ?

Là encore, il avait parlé presque sans le vouloir.

- Tout simplement parce que défendre de vieux hypocrites qui vous envoient au casse-pipe n’a jamais motivé qui que ce soit ! Voilà pourquoi.

Kakashi baissa les yeux. Le ton était volontairement dur mais les mots adoucissaient un peu l’ensemble. Il se demanda ce que son commandant essayait de lui dire. Okara ne gaspillait pas sa salive à des échanges d’avis avec ses hommes. S’il parlait, c’est qu’il avait un message à faire passer. Okara croisa les bras et le regarda longtemps sans rien dire comme s’il cherchait à l’évaluer.

- Laisse-moi te dire une chose, Kakashi, dit-il en brossant machinalement son manteau. La plupart des officiers sont fiers de voir que leurs hommes les aiment et se battent pour eux. Il fit une légère pause et se redressa. Il se trouve que ce n’est pas mon cas. Je me fous complètement de ce que tu peux penser de moi.

Kakashi écarquilla légèrement les yeux derrière son masque. Il eut tout à coup un peu de mal à respirer. S’il avait détesté Okara comme ç’avait été le cas au début, ça n’aurait pas posé de problème. Le souci, c’était que justement les choses avaient changé. La complicité qu’il avait éprouvée au début de leur discussion s’évanouit brusquement. Okara eut un geste dramatique.

- Eh oui. Les hommes déçoivent. Et surtout, ils meurent. Les idées, elles, ne font rien de tout cela. Voilà pourquoi se battre pour une personne, surtout son chef, est totalement stupide.

Kakashi se sentit un peu bête. Il n’avait jamais vu les choses sous cet angle. Mais plus que tout, il eut peur de ce que cela pouvait signifier. Okara était-il en train de dire qu’il allait mourir ?

- En plus, choisir son commandant ANBU… Okara secoua la tête comme s’il ne parvenait pas à y croire. S’il y a un homme qui risque de mourir au combat, c’est bien lui. Tu ferais mieux de parier sur l’Hokage, Kakashi…

Kakashi fronça les sourcils, troublé par ce ton sarcastique qu’Okara n’avait jamais eu avec lui jusqu’à présent. Pourquoi lui disait-il tout cela ? Pourquoi lui parlait-il de l’Hokage comme d’un modèle à suivre obligatoirement ? Les choses avaient changé là aussi. Il y a un an, il aurait été d’accord et aurait donné n’importe quoi pour retourner dans l’équipe 7 avec Arashi et Rin. Aujourd’hui, ce n’était plus le cas. Pour la première fois de sa vie, il regardait vers le futur avec ce qui ressemblait étrangement à de la sérénité. Il avait la sensation de s’être trouvé une place, enfin. Avec un supérieur qu’il admirait et des personnes auxquelles il aurait presque pu donner le titre d’amis. L’ANBU était devenu son monde. Il ne voulait pas que ça change.

- Tu veux survivre ? demanda encore Okara, un peu plus doucement. Alors donne t’en les moyens et évite de suivre des chemins qui ne te mèneront nulle part.

Le jeune ANBU accusa silencieusement le coup. Il se sentait désemparé et surtout, blessé. Pourquoi ? Pourquoi Okara ne voulait-il pas être cette personne ? Pourquoi refusait-il de voir qu’il était digne d’admiration ? Et pourquoi parlait-il comme s’il n’allait pas survivre à la guerre ? Ne pas vouloir de l’admiration de ses hommes était une chose. Ne plus vouloir vivre en était une autre et Kakashi refusait catégoriquement de croire que c’était là la raison du comportement d’Okara. Tout le monde avait besoin de lui, il était impossible qu’il fût aussi égoïste. Comme s’il avait senti sa détresse, le commandant eut un geste pour le toucher puis laissa tomber son bras. Ils restèrent silencieux un très long moment, seulement interrompus par le bruit lointain de la foule et des commerçants. Finalement, Okara secoua la tête et réajusta son masque.

- Maintenant que le quart d’heure émotion est terminé, dit-il de son habituel ton dur et sec, on va se remettre au travail si tu veux bien. On a perdu suffisamment de temps comme ça.

Et sur ces mots, il fit demi tour et se remit à marcher. Il ne se retourna plus. Kakashi lui emboîta le pas, le cœur très lourd. Ils ne se reparlèrent plus par la suite.


Trois jours plus tard, Konoha envoyait ses premières troupes affronter Kyuubi. Pas beaucoup. Juste assez pour faire illusion auprès d’Ame, montrer qu’on avait bien reçu le message et qu’on avait décidé d’y répondre. Officieusement, c’était également pour gagner du temps car la question de l’extraction s’était avérée plus épineuse que prévue. La rencontre se fit aux alentours du lac de Kaigara, à une centaine de kilomètres d’Ame. On ne revit jamais ceux qui y avaient été envoyés.

Une semaine après, des marchands, des paysans et des villageois en fuite affluaient en nombre au pays du Feu avec de terribles nouvelles et d’effrayantes rumeurs. Ame avait été attaquée. Le village était en ruines, dévasté en quelques heures. Les ninjas étaient morts ou disparus, on ignorait où. Les civils avaient fui un peu partout. Quand ils avaient pu fuir, c’était évident. On racontait aussi que le monstre, Kyuubi, faisait plus de trente mètres de haut et qu’avec ses neufs queues, il pouvait créer des tempêtes et provoquer des raz de marée. On ne savait pas où il se trouvait à présent mais certains affirmèrent l’avoir vu se diriger vers l’est. C'est-à-dire vers le pays du Feu et donc vers Konoha. Malgré les efforts du conseil pour endiguer ces rumeurs, la panique se répandit dans le village comme une traînée de poudre. On ferma les commerces, on retira ses enfants de l’académie de ninjas. Certains parlèrent même de quitter Konoha pour fuir vers le sud. On endigua le phénomène comme on put.

Deux jours plus tard, Kyuubi était signalé à moins de trois jours de Konoha.

Voilà voilà. The end pour l'instant ^^ Encore merci à Jainas et Kanji pour leurs conseils[/i]
Jainas
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Message par Jainas »

HA... Du tout bon. :D

Excellente construction pour un chapitre qui marche une belle évolution dans le personnage de Kakashi -place et équilibre trouvé au sein de l'anbu, puis de nouveau perdu, apparition du Kyuubi, du rival et politique... Que faut il de plus ?
L'entrée de Gai est brillante, tout simplement. Et c'estr totalement typique que Kakashi ne se souvienne même pas de leur première rencontre ^^

Ravie de voir que ma suggestion de POV t'a été utile, l'analyse de Kakashi de la réunion par kakashi était très bien, et les passages sur Orochimaru intelligents.

gooooooooood 8-)
Itachi-san
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Message par Itachi-san »

Assez déprimant comme châpitre -____-

Une première partie presque joyeuse, calme, drôle, avec des personnages pétillants et des sourires et un Kakashi enfin serein...
Une deuxième partie tendue, pleine d'ironie, d'humour noir, de tension et de dure réalité, avec des personnages à qui on a juste envie de donner des baffes...

En tout cas le tout est magnifiquement géré, et Gai est tordant :mrgreen:

Seul truc étrange : Kyûbi est aux portes de Konoha et Yondaime Junior, alias Naruto, ne pointe toujours pas le bout de son nez, pas plus que sa future maman :columbo:

PS : C'est normal que je voie des ? à la place des ' ?
Nanarland, le monde des mauvais films sympathiques

Reflexions of fear make shadow of nothing...
Shadow of Nothing...
You're still blind if you see winding road
'cause ther's always a straight way to the point you see.


Pour arrêter le hoquet, prendre un sucre avec du vinaigre : dégueu mais efficace :mrgreen:
Tayuya
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Message par Tayuya »

Merci à tous les deux :grin: :grin: Je suis vraiment contente de voir que Gaï vous a plu et que l'évolution de Kakashi vous parait juste et crédible.
Une deuxième partie tendue, pleine d'ironie, d'humour noir, de tension et de dure réalité, avec des personnages à qui on a juste envie de donner des baffes...
Je t'accorde que j'ai failli faire lancer un kunaï par Kakashi (ou par Okara, je le vois pas mal en train de péter un cable celui-là). Quand on pense que c'est le genre de conversation que certaines personnes ont tous les jours, ça fait froid dans le dos...

Par contre, qu'y a -t-il de bizarre à ce que Kyuubi soit à deux jours de Konoha ? Faut bien que cette maudite nuit arrive un jour ou l'autre. Quant au bébé, c'est délibéré s'il n'est pas évoqué. Il l'était au départ, car j'avais tourné la réunion du point de vue d'Arashi mais Jainas m'a convaincue de faire ça autrement. Après tout, Kakashi est ANBU et un bébé, même celui d'un Hokage, ça reste une affaire privée. Tout à fait crédible que Kakashi n'en ait pas entendu parler.

Pour les ', je pense que c'est normal parce que moi je vois des carrés à la place :lol:
Tayuya
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Re: Un enfant sur le champ de bataille

Message par Tayuya »

J'arrive à la fois comme un cheveu sur la soupe vu mon absentéisme des derniers mois, et d'entre les morts... Presque un an depuis le dernier chapitre. J'ai honte mais en même temps quand ya ni l'inspiration ni le temps...
Bref, mes excuses et pour me faire pardonner, la fin de cette fic. Je ne vais pas au bout comme prévu, je veux passer à autre chose. Certains penseront peut-être que c'est culotté étant donné ma participation au forum mais c'est histoire de boucler la boucle (vu que c'est quand même sur ce forum que j'ai posté cette fic pour la première fois) et par respect pour ceux qui l'ont lue, aimée et m'ont conseillée.
Ce dernier chapitre est très long mais j'espère qu'il vous plaira quand même.

Adieux

La nuit où Kyuubi attaqua Konoha, cette fameuse nuit dont on devait se souvenir des générations plus tard comme celle qui avait mis fin à tant de vies et faillit sceller le destin du village – « et du monde ninja tout entier », ajoutèrent plus tard les conteurs les plus grandiloquents – dans le sang et l’horreur, la chaleur lourde et moite du mois de juin avait cédé la place à une brise légère et le ciel était dégagé, parsemé des étoiles d’été. Au milieu de ses compagnes étincelantes, le disque d’argent avait également pris place, serein, presque attentif au drame qui allait se dérouler sous ses yeux, et avait déposé sur le monde son voile nacré. Aucun bruit, à peine le chant des insectes nocturnes au milieu des herbes tièdes. Une magnifique nuit en somme, propice aux rêves, aux promenades romantiques, aux espoirs les plus fous. Une nuit pleine de promesses. Une fleur de cerisier éclaboussée de sang.
Il arriva plus tard à Kakashi de se demander si la vie avait fait exprès de donner la plus belle nuit de l’année comme décor à cet événement tragique, juste histoire d’en rendre le souvenir plus amer. Se poser une telle question des années après n’avait pas grand sens, il en était bien conscient, mais lorsque l’on y réfléchissait et que l’oubliait le nombre de morts, l’idée en devenait presque divertissante. Presque… Tout désinvolte qu’il voulut se montrer par la suite, Kakashi fut loin d’éprouver l’indifférence qu’il afficha. D’ailleurs, il ne dormit pas, ou très peu, les semaines, les mois qui suivirent. On peut dire ce qu’on veut, les somnifères, y compris ceux du service de psychiatrie de l’hôpital, ne servent strictement à rien contre les fantômes.

Ce fantôme là, ce ne furent pas les cris affolés des sentinelles côté ouest, ni même les quatre, cinq, six, sept, huit, neuf gigantesques queues d’un roux flamboyant presque infernal qui surgirent soudain hors de la nuit en ondulant avec une effroyable élégance qui l’annoncèrent. Debout à côté de Shobeï, à une vingtaine de mètres des murailles, Kakashi sentit l’air se charger tout à coup d’un chakra malsain, vicieux, brûlant et le vent se lever. Alors seulement, il se tourna vers l’ouest et vit.
A cet instant, malgré tout ce qu’il avait entendu, tout ce qu’on lui avait dit, tout ce qui avait été fait depuis trois jours en préparation de cette nuit, il éprouva une sensation absolument terrible, une sensation qu’il n’avait jamais éprouvée et qu’il n’éprouva jamais plus : un néant intérieur ; comme si en voyant onduler au loin cette gigantesque fleur de feu, toute pensée, tout sentiment l’avait déserté, ne laissant plus qu’un amas de chair et de sang inerte. Comme si frappée de terreur, son âme avait quitté son corps.
Peut-être entendit-il Shobeï lui dire qu’il fallait rejoindre la porte occidentale, où les renforts se masseraient certainement, et les cris d’alerte fuser au loin puis se répéter dans un écho interminable, pour être finalement remplacé par la sonnerie retentissante du tocsin, mais cela ne souleva pas le moindre sentiment en lui. C’était cette nuit… Demain, Konoha serait soit détruite soit ancrée pour toujours dans l’histoire. Kakashi replia et détendit ses doigts. Sans savoir d’où lui venait une pensée aussi futile, il regretta de n’avoir jamais goûté au saké.
« Kakashi ! Shobeï ! »
Les deux hommes pivotèrent. Sachi et Kaito venaient d’apparaître à leurs côtés. La jeune capitaine souleva son masque. Ses grands yeux étaient écarquillés par la stupeur et une sorte d’incrédulité qui ne lui allaient pas. A vrai dire, le simple fait qu’elle n’ait pas encore juré était, en lui-même, plutôt révélateur du choc qu’elle éprouvait.
« Aux portes ouest » finit-elle par articuler, les yeux hagards.

Une foule de ninjas y était déjà rassemblée quand ils arrivèrent : une majorité d’ANBU mais beaucoup d’équipes traditionnelles composées de Jounins et de Chunnins également. Tous s’agitaient, parlaient très fort, regardaient dans toutes les directions avec angoisse. Au loin, les pas de Kyuubi résonnaient dans la nuit comme les coups de tonnerre d’un orage sur le point d’éclater et le vent soufflait de plus en plus fort. Du coup de l’œil, Kakashi reconnut certains anciens camarades de l’académie – Asuma, Ibiki… Il remarqua même le fameux Maito Gaï un peu plus loin. Il n’avait pas revu la plupart de ces gens depuis plus d’un an, réalisa-t-il, et il y en avait certainement parmi eux qu’il ne reverrait plus après ce soir. La sensation était étrange.
En revanche et assez paradoxalement, l’idée de sa propre mort le laissa de marbre. A vrai dire, à présent que le choc premier était passé, il ignorait quelle attitude adopter. Objectivement – mais vraiment objectivement – ils avaient toutes les chances d’y rester. Il ne voyait vraiment pas comment il pourrait en être autrement. Bon, certains s’en sortiraient peut-être – toute guerre avait ses survivants, chanceux ou non – mais pour la majorité…
« Bordel mais on attend quoi ? grogna Kaito qui trépignait à ses côtés. Que ce monstre nous saute dans les bras ? »
Shobei hocha la tête et Sachi marqua son assentiment d’un juron imagé – preuve qu’elle commençait à se ressaisir. Ils n’étaient d’ailleurs manifestement pas les seuls à penser ainsi. Autour d’eux, des protestations commençaient à se lever, on s’agitait nerveusement, on regardait en l’air, en arrière dans l’espoir d’apercevoir l’Hokage, un Sannin ou au moins un messager mais rien. Kakashi réprima un geste d’impatience. Le temps pressait. En retardant ainsi le moment de l’offensive, non seulement ils diminuaient leurs – très maigres, pour ne pas dire inexistantes - chances de résister au Bijuu, mais ils prenaient également le risque de voir des hommes déserter. On pouvait à présent nettement percevoir le chakra dans le vent tourbillonnant, cette énergie si monstrueuse que même parsemée, elle provoquait une sensation de brûlure sur la peau et faisait ployer la cime des arbres sous sa pression. Il faisait nuit noire mais à peut-être sept cents, huit cents mètres, le monstre était là, les attendait, et l’aura qu’il dégageait était si écrasante, si intense qu’elle baignait l’obscurité d’un immense halot rougeâtre. L’air était tiède et poisseux. Kakashi regarda autour de lui. Tous ne seraient pas capables de résister à une telle pression très longtemps…
Quelqu’un le bouscula alors sans douceur et fendit le reste de la foule pour se placer devant eux.
« Ordre d’Hokage-sama !! cria-t-il en agitant les bras afin que ceux qui ne l’avaient pas remarqué l’écoutent. Ordre de Hokage-sama !! »
Le silence tomba aussitôt dans la foule qui se rapprocha pour mieux entendre. Enfin, on leur donnait des nouvelles, des ordres, de l’espoir. On allait savoir. Kakashi ne connaissait pas l’homme qui venait d’arriver et il réalisa avec un brusque pincement de cœur qu’Okara n’avait pas donné signe de vie. Il ressentit quelque chose d’amer au fond de sa gorge, un goût qui ressemblait désagréablement au sentiment de trahison…
« Ordre de Hokage-sama ! répéta l’homme un peu plus fort pour couvrir le bruit du vent. Nous devons gagner du temps !! »
Un nouveau murmure, plus indigné qu’incrédule, secoua les rangs. « C’est quoi ces conneries ? » marmonna Kaito sur la gauche de Kakashi. Le garçon, lui, fronça les sourcils sans parvenir à refouler un certain sentiment de perplexité et de colère. Gagner du temps ? Il avait espéré quelque chose de plus précis. Combien de temps exactement devaient-ils gagner ? Et du temps pour quoi ?
« Visez les parties sensibles ! reprit le Jounin. Les yeux, les oreilles, les pattes ! Enculez-le même si vous y arrivez mais mettez le paquet !! »
Recommandation inutile, s’il en était. On aurait difficilement pu imaginer situation plus propice à l’utilisation de jutsus en général évités à cause de leur potentiel destructif mais Kakashi sentit monter en lui un frisson d’excitation en même temps qu’une décharge d’adrénaline, et lorsqu’un mugissement sinistre suivi d’une violente rafale de vent s’abattit sur eux, il joignit sa voix à la clameur sauvage qui s’éleva comme une réponse au messager de la Mort. Ensuite, il se jeta dans l’arène du destin.

« C’est un garçon, Hokage-sama »
La gorge nouée par l’émotion, il esquisse un sourire quand l’infirmière dépose le bébé sanglotant et sanglant au creux de ses bras et touche du bout du doigt la joue humide. La peau est collante à cause du sang et des larmes. Il a déjà quelques cheveux blonds…
Il lève les yeux.
« Et Kushina ? » demande-t-il tout bas.
Il connaît la réponse mais il doit savoir, être sûr. Deux pas en arrière.
« Je… je suis vraiment navrée, Hokage-sama mais… la naissance était prématurée… il y a eu des complications… Nous n’avons pas pu… »
Il le savait. Quelque part, il a su dès l’instant où elle a disparu dans le bloc opératoire qu’il ne la reverrait pas. Ça n’empêche pas le monde de s’écrouler autour de lui.

Devant lui, Kaito chargea, les poignets enroulés de fil auquel étaient accrochés des kunaïs explosifs. Lorsqu’il ne fut plus qu’à une centaine de mètres du Bijuu, il les déroula et les lança avec force en direction des pattes. Kakashi emplit alors ses poumons et augmenta la force de projection d’une violente bourrasque. De leur côté, Sachi et Shobeï exécutèrent une manœuvre similaire. Les fils d’acier jaillirent dans un sifflement aigu puis ricochèrent sur quelque chose et fouettèrent l’air avec violence. Kakashi et ses équipiers eurent à peine le temps de se jeter sur le côté. Les fils se cabrèrent comme des serpents et rejaillirent vers eux à une vitesse folle tandis que les kunaïs explosifs volaient en tous sens.
Kakashi forma des signes à toute vitesse.
« Attention !!! »
Une barrière de terre se dressa in extremis pour les protéger, Kaito et lui mais le souffle des explosions les jeta malgré tout à terre. Quand ils se relevèrent, l’atmosphère était suffocante de fumée mais on pouvait cependant nettement percevoir le manteau de chakra rouge et noir qui enveloppait Kyuubi comme une seconde peau. Kakashi échangea un regard inquiet avec Kaito. Ça s’annonçait très mal.

« Arashi, il faut que tu décides quelque chose. Nos hommes sont en train de se battre, il faut aller les aider ! »
Il ne répond pas. Il n’y arrive pas. Tout son être se tend dans cet ultime, cet unique effort pour trouver une solution mais son cerveau ne fonctionne plus.
« Arashi ! Ressaisis-toi ! Konoha va être détruite si tu ne fais rien !! »
Il le sait, bon Dieu, il le sait bien ! Mais il ne sait pas quoi faire. Il n’arrive pas à réfléchir. Ses yeux restent bloqués sur le petit garçon qu’il tient dans ses bras et il ne peut se résoudre à s’en détacher, ne serait-ce qu’en pensée. C’est tout ce qui lui reste. Tout ce qui lui reste…
Il n’entend pas les pas vifs se diriger vers lui – des pas qu’il aurait sans aucun doute reconnu s’il y avait porté attention « Commandant mais qu’est-ce que vous f…? » - mais il sent le poing dur comme l’acier entrer brutalement en contact avec sa joue, et ses dents, son cerveau vibrer dans sa boîte crânienne.
D’un bond, il se lève et ouvre la bouche, furieux, puis s’arrête. Deux grands yeux noirs le dévisagent, glacials.
« Bouge ton cul, Hokage-sama, sinon je te recogne et ça va vraiment faire mal. »

Kakashi se propulsa dans les airs et leva son bras. Son poing illuminé de chakra bleu et d’éclairs blancs flamboya dans la nuit à la manière d’une comète et déchira l’obscurité tandis qu’il volait droit vers l’œil de Kyuubi. Il vit l’énorme pupille noire se tourner vers lui, le fixer puis grandir, grandir jusqu’à l’englober complètement. Il vit son reflet sur la surface luisante, visa soigneusement et frappa de toutes ses forces. L’énergie immaculée explosa accompagnée d’un puissant grésillement. Il y eut un terrible instant où Kakashi comprit qu’il n’avait pas atteint sa cible, puis toute la puissance de son coup se répercuta dans son bras.
Dans un craquement cacophonique, l’onde de choc traversa le poignet, le coude, l’épaule. La douleur lui coupa le souffle, il poussa un hurlement et se jeta en arrière, le bras convulsivement ramené contre son torse. Après une réception plus que maladroite, il posa un genou à terre, le souffle court, avant de bondir sur le côté pour éviter la charge d’un impressionnant dragon de terre accompagné d’une volée de kunaïs. Le plus dur n’était, en fait, même pas d’attaquer et d’échouer mais plutôt d’éviter d’être tué par le jutsu d’un camarade. Les assauts collectifs n’étaient pas faciles, voire impossibles, à organiser. Le bel ordre qui avait précédé la charge initiale avait volé en éclat au bout de quelques minutes. Il y avait longtemps que Kakashi avait perdu Sachi, Kaito et Shobei de vue, toutes les unités étaient dissoutes et il aurait été utopique que de chercher à les reconstituer au milieu de ce chaos. Les jutsus fusaient dans tous les sens. Paniqués, impuissants, la majorité des ninjas attaquaient sans coordination et s’efforçaient simplement de survivre.
Le jeune ANBU se traîna tant bien que mal à l’abri derrière un rocher, s’adossa à la pierre tiède et entreprit d’analyser l’étendue des dégâts. Les doigts étaient intacts mais les remuer était impossible, alors former des sceaux… Il remonta le long de l’épaule. Ah, éventuellement… Il toucha l’articulation avec précaution, les dents serrées. Bon… Si ce n’était qu’une luxation, c’était peut-être gérable. Pas tellement le choix de toutes façons. Il s’écarta du rocher, calcula soigneusement l’angle, inspira et se jeta avec force contre la pierre. L’épaule se remit en place dans un nouveau craquement. Kakashi ferma les yeux, les lèvres pincées, et resta immobile quelques instants, le temps que sa raison reprenne le dessus sur la douleur. Puis, les mâchoires toujours tétanisées, il joignit péniblement ses mains et plaqua ses paumes l’une contre l’autre. Une lumière verte palpita faiblement.

Il a pris sa décision. Il lui en coûte et il le regrettera probablement jusqu’au bout mais il n’a pas le choix. Il sait que c’est la bonne, la seule chose à faire. Et ils n’ont plus le temps.
« Il n’y a qu’une seule solution… »
Il sent les regards du Sandaime, de Jiraya et d’Okara se tourner vers lui et se redresse.
« Le sceau du Shinigami »

Une étoile tomba et disparut au milieu du ciel d’encre parsemé de miettes d’argent mais dans la forêt désormais dévastée de Konoha, nul ne s’en aperçut. Animés par l’énergie du désespoir, des dizaines de doigts engourdis et rougis par le sang se mirent en mouvement, se joignirent, se croisèrent, formèrent de multiples combinaisons de sceaux. Puis de toutes parts, des voix s’élevèrent.

La prison des cinq palais !

Le voile de pourpre !! Doton, le tombeau souterrain !

Le globe divin !
Ninpo, les mille cages !


L’air fourmilla de dizaines de chakras différents et soudain, dans les ténèbres de la plaine, des arcs de couleurs, des jets de lumières pâles jaillirent autour de l’immense silhouette écarlate. A distance, au milieu d’un petit groupe de rescapés, un genou à terre, le souffle court et du sang lui coulant dans l’oreille, Kakashi leva les yeux vers le ciel. Les diverses explosions de lumière des gigantesques kekkais en formation éclairèrent momentanément son visage blanc luisant de transpiration, creusé par l’épuisement et son œil droit vitreux, à moitié scellé par du sang séché. Il secoua imperceptiblement la tête et essuya sa tempe blessée d’un revers de main. La plaie brûla fugitivement mais il n’y fit pas attention. La douleur de son bras en revanche ne cessait pas… Il jeta un bref regard à son épaule droite. Une énorme ecchymose s’étendait sur toute l’articulation et une bonne partie de l’avant-bras, sans parler de son poignet qui devenait violet. Il l’effleura du bout des doigts en grimaçant. Encore quelques minutes et il ne pourrait même plus s’en servir. Il n’avait pas pu se faire soigner. Il n’avait pas les compétences pour et il y avait longtemps que les médic-nins avaient disparu, rappelés à l’arrière du front ou tout simplement morts. Il n’avait pas retrouvé Shobeï. Ni Sachi, ni Kaito. Il ignorait même s’ils étaient encore en vie.
Tous autant qu’ils étaient, Chunnins, Jounins, ANBU, ils étaient tous complètement dépassés. C’était le désordre le plus complet. Cela faisait deux heures qu’ils se battaient, deux heures que cela ne servait à rien et deux heures que le village restait muet. Aucun ordre ne leur était parvenu depuis le « gagnez du temps » et il y avait longtemps que cette instruction avait perdu son sens. Rien, rien ne s’était passé comme prévu. Kyuubi échappait à toutes les prévisions que l’on avait pu faire. Pour la première fois de sa vie, Kakashi éprouvait une sensation de démesure totale, une impuissance complète. Il n’avait plus l’énergie suffisante pour de grosses techniques – entre le chakra pompé par son Sharingan (sans lui, il serait probablement mort écrasé par l’énorme bloc de pierre projeté par Akimichi Chouza et par tous les jutsus qui fusaient inopinément à chaque instant), celui du Raïkiri et des divers jutsus de soin pour calmer sa douleur et ne pas s’évanouir, qu’il tînt encore debout relevait du miracle – et même s’il l’avait eue, cela n’aurait servi à rien. Ni Arashi ni Okara ne s’étaient montrés.
Il y eut un abominable grincement suivi d’un rugissement qui fit trembler les étoiles au point qu’elles parurent sur le point de s’éteindre, et à peine quelques secondes après avoir été créés, tous les kekkaïs volèrent en éclat comme du verre brisé, pulvérisés par un coup de queue couleur de l’Enfer.

Les autres n’ont rien dit quand il a pris l’enfant dans ses bras et s’est éloigné avec lui en courant. Il leur en est reconnaissant car il n’est pas sûr d’avoir la force d’aller jusqu’au bout si le moindre obstacle se met en travers de son chemin. Il n’est même pas sûr de pouvoir accomplir son projet. C’est tellement risqué, tellement complexe… Il sert contre lui le bébé qui s’est endormi et l’embrasse sur le front, les larmes aux yeux. Ils ne se connaissent que depuis une heure et ils vont déjà devoir se dire adieu…
« Arashi… »
C’est Okara. Il se retourne. Le commandant ANBU marche avec détermination vers lui. Il ne dit rien mais Arashi sait pourquoi il l’a suivi et les mots sont insuffisants à exprimer la gratitude qu’il ressent alors pour son ancien ami.
« Merci… chuchote-t-il.

Lorsqu’il se réveilla, la première chose dont il prit conscience fut le goût du sang dans sa bouche puis de la sensation de brûlure sur tout son corps, le moindre centimètre carré de peau. La chaleur était étouffante, ses lèvres complètement craquelées. Au prix d’un immense effort pour faire bouger sa nuque raidie, Kakashi put relever la tête. La douleur lui cisailla aussitôt le crâne, lui donnant l’impression qu’une kunaï venait de s’y enfoncer jusqu’à l’anneau. Retenant un gémissement, il roula sur le dos avec la sensation que son corps n’était qu’une plaie béante et ouvrit les yeux. Les couleurs éclatèrent de toutes parts et tout d’abord, il eut l’impression d’être plongé dans océan d’ocre, de vert, de rouge, de jaune, de noir… Puis sa vision s’affina et il distingua de multiples éclats argentés briller au milieu de l’immense ciel noir puis, une, deux, trois queues d’un rouge orange vif traversèrent son champs de vision. Il n’entendit rien mais le choc qu’il éprouva au travers de chaque fibre de son corps l’arracha à son apathie. Mobilisant toute son énergie, il força son corps perclus de crampes à réagir, à bouger. Seigneur, il fallait qu’il bouge ! Il prit appui sur son bras gauche, poussa de toutes ses forces, essaya de ramener sa jambe droite. Hurla.
Le garçon retomba lourdement au sol, une main crispée sur sa cuisse, le souffle haletant, presque hagard. Qu’est-ce que… Il ne voyait rien. Son œil gauche le brûlait. Sa vue était complètement brouillée. Merde… Luttant contre le début de panique qui commençait de l’envahir, Kakashi inspira et à tâtons, essaya d’examiner sa jambe. Vite, vite. Le tissu était poisseux, il devait certainement beaucoup saigner. Bordel, bordel, bor…Ses doigts se refermèrent sur une forme allongée à la surface rugueuse. Il eut un moment de non réaction puis un spasme d’horreur le secoua. Merde !! Une branche... Une branche de quatre bons centimètres de diamètre transperçait sa cuisse, juste au dessus du genou. Rien que l’effleurer lui donnait des vertiges tant la douleur était insupportable. Bon sang mais quand… De sa main valide mais agitée de tremblements, presque dans un état second tant la douleur engourdissait son esprit, il tâtonna dans sa pochette de cuisse, de plus en plus fébrilement à mesure qu’il ne trouvait pas ce qu’il cherchait. Putain… Il n’avait plus de pilule sur lui. Elles avaient dû tomber…
Ok, cette fois, on pouvait dire sans craindre d’exagérer que sa situation devenait délicate. Il frotta ses yeux brûlants, regarda autour de lui puis, non sans avoir l’impression que sa jambe gauche était emplie de plomb en fusion, il rampa jusqu’au corps le plus proche. Ça ne l’amusait pas spécialement – en général, bien qu’il s’agît d’une pratique courante chez les shinobis, il s’abstenait – mais là, c’était une question de vie ou de mort et puis le contexte s’y prêtait particulièrement bien (putain d’humour noir…). Le cadavre jusqu’auquel il se traîna était face contre terre et assez massif. Il fallut tout ce qui restait de force à Kakashi pour se hisser dessus, saisir l’épaule du mort du bras gauche et le faire basculer sur le dos. Le jeune ninja était si faible qu’il n’éprouva même pas de dégoût en voyant que le visage de l’homme grouillait d’insectes et, tremblant d’épuisement, il fouilla la sacoche. Rien. Il eut plus de mal avec les poches dont le tissu humide de sueur et de sang était tendu sur la peau du mort mais il finit par trouver, à son extrême soulagement, une pilule du soldat à moitié écrasée qu’il avala aussitôt.
Difficile de dire si l’efficacité allait être la même mais il n’avait pas d’autre option. En attendant que l’effet se fasse sentir, il se retourna péniblement et s’adossa au corps. La tâche de sang grandissait sur sa cuisse, c’était vraiment mauvais. Si les ligaments étaient touchés – et c’était sûrement le cas – inutile de se voiler la face, il n’allait plus pouvoir se battre. Son bras blessé ne lui permettait plus d’exécuter que des jutsus mineurs et que ce fût à cause de l’épuisement, de l’air surchargé de chakra ou de l’écoeurante odeur de sang et de pourriture mêlée à la poudre, toujours est-il qu’il respirait très mal et chaque inspiration était hachée, rocailleuse, sifflante. C’était comme respirer des miettes de verre et à présent, il ne pouvait même plus se déplacer. Son cœur se révulsa de rage à cette pensée, il réprima des larmes de colère et regarda autour de lui.
Des kekkais et des ninjas qui les avaient lancés, il n’y avait plus aucune trace. Le vent en fusion cinglait toujours tout ce qu’il touchait avec violence, se faufilait partout, tourbillonnait en remontant vers le ciel noir. L’herbe sèche, les feuilles volaient en tous sens. Le sol était complètement défoncé, brisé en une infinité de morceaux. Des blocs entiers de terre s’étaient soulevés ou au contraire profondément enfoncés. Il y avait des corps partout, amassés les uns sur les autres, certains affreusement mutilés. A deux mètres de lui, gisait un homme, peut-être la quarantaine, dont le cerveau s’écoulait au travers de son crâne fendu en deux. Des gens couraient sans s’arrêter, trébuchaient sur des cadavres, se relevaient et continuaient leur course sans regarder derrière eux. Les cris, les ordres hurlés fusaient dans tous les sens, se superposaient, étouffés dans le noir par le hurlement du vent et le vacarme des quelques jutsus qui fusaient encore. Les hommes couraient, tombaient, encore et encore. Kakashi ne reconnaissait personne.
Et, debout au milieu de la plaine rougie par le sang, baigné par la lueur pourpre de la lune comme si l’astre lui-même avait été éclaboussé, Kyuubi, Kyuubi le roi des Bijuus, immense et monstrueux, ses longues queues ondulant comme des flammes tout droit sorties des tréfonds de la terre, occupait tout l’espace au point que l’œil cherchait en vain à lui échapper. Ses yeux noirs sans fond ni nuance brûlaient d’une barbarie atroce et d’une intelligence vicieuse et la forme de sa gueule, la façon dont il découvrait ses énormes crocs formait un horrible sourire à faire frémir n’importe qui. Chaque pas qu’il faisait donnait l’impression que la terre allait s’ouvrir en deux sous son poids et tout engloutir. Il repoussait les attaques sans avoir l’air de fournir le moindre effort. Kakashi vit un petit groupe de shinobis charger le Bijuu à toute vitesse. Il crut un moment qu’ils allaient réussit à l’atteindre puis une des queues balaya l’espace et les ninjas furent projetés dans les airs comme de simples poupées. L’un d’eux s’écrasa tout près du garçon dans un craquement sinistre, les yeux écarquillés de stupéfaction. Il ne se releva pas.
Alors, comme conscient de son écrasante supériorité, Kyuubi se redressa de toute sa taille – les yeux de Kakashi s’emplirent de feu - renversa sa tête en arrière et ouvrit grand, grand la gueule. Son rugissement de triomphe déchira la nuit. Kakashi sentit son cœur heurter les parois de sa cage thoracique comme si la vibration était née de l’intérieur de sa poitrine et ses os trembler d’effroi et là, ses yeux dilatés par l’incrédulité posés sur le monstre, il sut qu’il allait mourir. Jamais il n’eut plus peur qu’à cet instant, ce terrible instant où il crut vraiment que tout était terminé sans que cette pensée soulevât en lui la moindre once de protestation. Ses jambes, ses mains… il tremblait, tremblait, trempé par une transpiration poisseuse et glacée que même le sang ne parvenait pas à sécher. C’était comme si cette présence démoniaque, cette monstrueuse aura représentait quelque chose d’étranger au point que chaque particule, chaque atome de son corps se révulsait d’horreur à sa vue. Comme si la seule chose possible était d’avoir peur ; ressentir ce flot continu de peur, de peur…
« Kakashi !! »
Une silhouette noire atterrit devant lui et s’accroupit.
« Dieu merci, t’es enti… Oh, nom de Dieu !! »
Le garçon détacha ses yeux douloureux de Kyuubi pour se poser sur la personne devant lui. Une explosion de flammes éclaira fugitivement son visage et il reconnut Sachi. Il éprouva alors un tel soulagement – soulagement de voir qu’au moins un membre de son unité avait survécu, soulagement de ne plus être seul au milieu du cauchemar – qu’il esquissa un début de sourire mais quelque chose dans l’expression de la jeune femme lui glaça le sang. Etait-ce du à son regard, habituellement si assuré, qui brillait de terreur ou aux traces de larmes sur ses joues, il n’aurait pu le dire mais il sut aussitôt que quelque chose de grave s’était passé. Pourtant, ce fut avec des gestes assurés et précis que Sachi dégaina un kunaï et entreprit de découper le tissu de son pantalon autour de la branche enfoncée dans sa cuisse. Elle aussi avait perdu son masque dans l’affrontement. Une forte odeur de transpiration, d’urine et de sang émanait de son corps. Elle forma quelques signes et appuya avec précaution ses mains autour de la plaie. La douleur, qui menaçait de faire perdre à Kakashi le peu de calme qui lui restait, s’apaisa un peu et il ferma les yeux, bénissant silencieusement son équipière.
L’instant d’après, elle abaissait son masque de tissu – n’aurait été sa faiblesse et le fait que c’était Sachi, il aurait riposté par un coup de poing bien senti mais comment aurait-il pu lui reprocher ce manque total de tact, elle à qui la notion de discrétion et de pudeur ne parlait visiblement pas – et lui fourrait sans ménagement un rouleau de parchemin entre les dents.
« Mors, ordonna-t-elle. Ça va faire mal ».
Kakashi n’eut même pas le temps de frémir à l’idée de ce qu’elle allait faire. Sachi empoigna fermement le morceau de bois, le regarda dans les yeux une seconde puis arracha la branche d’un geste brusque.
Le sang gicla de partout. Malgré toute sa volonté, Kakashi poussa un hurlement à peine étouffé par le parchemin coincé entre ses dents. Le monde tournoya autour de lui, une nausée lui monta à la bouche, il lui fallut toute sa volonté pour ne pas s’évanouir. Des gestes précipités, brouillés. Le parchemin quitta sa bouche, remplacé par des doigts contre ses lèvres, et quelque chose de rond s’introduisit dans sa bouche. « Avale ! ». Il obéit sans rien dire. Pas la force… de parler. … réfléchir. Dormir, juste dorm… CLAC !
« Reste éveillé ! T’endors pas, secoue-toi ! »
Kakashi eut vaguement conscience d’une lumière chaude devant lui puis quelque chose de brûlant se posa sur sa blessure. Il hurla de nouveau tandis qu’une écoeurante odeur de chair brûlée se répandait dans l’air. Ses gestes échappèrent à son contrôle, il se tordit brusquement sur le côté mais Sachi avait dû prévoir sa réaction car elle le plaqua fermement contre le cadavre auquel il était adossé.
« Tiens le coup. C’est presque fini. »
Presque fini… Ces mots lui parurent si incongrus qu’il faillit se mettre à rire mais c’était une telle torture… Il renversa sa tête en arrière et mordit dans sa main dans le vain espoir d’apaiser sa souffrance. Bon sang… Il avait déjà été soigné par cautérisation mais là… Il n’allait jamais pouvoir se lever, encore moins courir dans cet état. A ce stade, son sauvetage n’allait peut-être servir à rien. Tenir… Tenir encore un peu, bientôt fini. S’accrocher, encore un peu, juste encore un peu. Tiens le coup. Tiens le coup. Plusieurs fois, il crut perdre conscience, plongeant dans une réconfortante obscurité mais à chaque fois, cela ne semblait durer que quelques secondes et la douleur revenait, encore plus brûlante, encore plus insupportable. Combien de temps, combien de temps allait-il devoir endurer cela ?
Lorsque enfin, la sensation de brûlure diminua, il était trop épuisé pour se redresser. Il entendit Sachi déchirer un tissu et bander étroitement sa jambe avec, lui arrachant au passage un gémissement de douleur quand elle serra le nœud. Puis elle lui remit son masque et tapota la joue. Il la fixa de ses yeux un peu vitreux. Il avait du mal à y voir clair, les lignes n’étaient pas précises, mais l’idée de ne plus avoir quelque chose d’enfoncé dans la jambe était réconfortante. Enfin réconfortante… tout était relatif.
« Est-ce que ça va ? demanda Sachi, et à sa voix, il comprit qu’elle était réellement inquiète.
- Bouchère, se contenta-t-il de marmonner.
Sachi sourit et ouvrit la bouche pour répondre mais une violente tornade s’abattit sur eux, brûlante. D’un geste brusque, elle le fit se baisser et il se protégea la tête de ses bras alors que des feuilles, des branches, des pierres recommençaient à voler en tous sens, se transformant en projectiles mortels. Les pas de Kyuubi provoquaient de tels chocs qu’il semblait à Kakashi que son cœur tressautait à chaque nouvelle avancée.
« Tu as des ordres ? cria-t-il à Sachi, la voix à moitié mangée par le mugissement du vent.
- Rien ! répondit-elle sur le même ton. Pas eu… rdre du vill… puis deux h… !
Kakashi repoussa à grand-peine des mèches de cheveux de devant ses yeux. Le vent lui découpait littéralement les joues. Et ce putain de Sharingan… Heureusement, l’énergie commençait à revenir dans son corps. Il allait peut-être pouvoir marcher un peu. Un choc très violent ébranla la terre, il jeta un bref coup d’œil par-dessus son épaule… et sentit Sachi le pousser précipitamment en avant. Un instant plus tard, une puissante explosion le soulevait de terre et le projetait dans les airs. Il fit bien malgré lui une roulade avant et se mit à tousser lorsqu’un nuage de poussière accompagné d’une pluie de mottes de terre lui tomba dessus.
Il resta un instant allongé sur le ventre, sonné, le temps de calmer les battements de son cœur. Du sang lui coula dans l’œil. Il avait dû s’ouvrir l’arcade sourcilière ou un truc du genre. Il battit des cils pour conserver une vision claire et se redressa péniblement, son bras blessé le lançant à nouveau violemment. Remuer les doigts était à présent un véritable calvaire. Le reste, par contre, avait l’air de fonctionner. Sa jambe droite lui faisait très mal mais il sentait et pouvait bouger ses orteils, signe que les nerfs n’avaient pas été endommagés.
C’est à ce moment là qu’il réalisa que Sachi n’était plus près de lui. Il se tourna dans un sens puis dans l’autre avec la soudaine sensation d’inspirer de la glace. Où était-elle ? Il se leva, tituba en direction d’un impressionnant bloc de terre qui, visiblement, avait été projeté par le souffle de l’explosion lui aussi, s’appuyant dessus de la main gauche et désormais totalement indifférent aux explosions et aux combats autour de lui. Il fallait qu’il la retrouve. A cet instant, il aurait donné n’importe quoi pour revoir son visage – et Dieu savait à quel point il avait maudit Sachi pour pouvoir juger du caractère exceptionnel de cette pensée.
Il avait presque perdu tout espoir de la retrouver lorsqu’un sanglot de douleur le fit se retourner. A moitié cachée par l’obscurité, Sachi tendait un bras vers lui, le visage déformé par la souffrance, et poussait d’horribles gémissements. Il se rua vers elle et sentit son cœur avoir le poids d’une pierre. Elle avait perdu le bas de sa jambe gauche à partir du genou et saignait également du crâne à en juger par la taille de la tâche rouge autour de sa tête. La capitaine agrippa convulsivement le poignet de Kakashi, du sang lui dégoulinant de la bouche.
« Pu… putain…articula-t-elle, haletante et pâlissant à une vitesse effrayante. Là, ça fait mal… »
Elle inspira profondément, les yeux fermés et luttant visiblement de toutes ses forces pour ne pas hurler. Le gargouillis que Kakashi entendit lorsqu’elle déglutit avec peine lui dit tout ce qu’il y avait à savoir.
Sa main gauche plongea dans sa sacoche et agrippa un kunaï. Il s’humecta les lèvres et prit une profonde inspiration mais en contemplant ce corps qui soudain lui paraissait si frêle, il ne put se résoudre à sortir l’arme. Sa main resta résolument collée au fond de sa sacoche. Seigneur… c’était tellement injuste !
Il l’entendit encore haleter son nom, à peine plus haut qu’un murmure, si bas qu’il aurait très bien pu ne pas entendre, puis sentit ses doigts froids desserrer leur prise et il comprit que le ciel allait lui épargner cet effort. Il baissa les yeux vers elle et vit sa main lentement lâcher son poignet tandis que sa tête roulait sur le côté, les yeux grands ouverts dans une forme d’incrédulité qui à elle seul résumait tout le personnage : comme si même au moment ultime, elle n’avait pas réussi à y croire et avait gardé ses yeux ouverts dans un dernier défi à la mort.
Le corps de Kakashi refusa de bouger mais ce fut exactement comme si tout, absolument tout en lui – son cœur, ses poumons, son estomac, son foie, tout - avait soudain voulu fuir de son organisme. Il plaqua ses bras contre son torse et se plia en deux. Chaque bouffée d’air était un véritable supplice et il sentait, il sentait un liquide en fusion monter et emplir son corps. Le brûler. C’était insupportable. Il se mordit les lèvres jusqu’au sang et enfonça les ongles de ses doigts dans ses vêtements, sa peau mais la vague de feu continuait de monter et son cœur cognait, cognait contre son thorax comme pour le briser et s’échapper. Il lutta désespérément pour la refouler, empêcher le hurlement de désespoir et d’horreur qui lui rongeait les dents et les lèvres de franchir sa bouche mais inexorablement, il le sentit se frayer un chemin et toute sa volonté n’y put rien. Un spasme le secoua, le goût désagréable du sang et de la bile inondèrent sa bouche. Il abaissa son masque et un liquide jaune strié de rouge visqueux jaillit hors de ses lèvres sur la terre humide. Il vomit tout ce qu’il put et quand il eut fini, il resta quelques secondes sans bouger, haletant, dégoulinant de sueur, puis il s’enfonça brutalement deux doigts au fond de la gorge. Ce n’était pas suffisant. Il fallait extirper, exorciser cette douleur. Arracher ses entrailles. La souffrance. Arrêter cette souffrance !
Le bruit d’une nouvelle explosion lui fit reprendre conscience de la situation mais il était si épuisé, si écoeuré par la vie que cette information lui fut égale. Plus rien n’avait d’importance maintenant. Qu’ils perdent ou qu’ils gagnent, lui s’en moquait. Il ne pouvait plus lutter. Son corps… son âme était détruite. Dans un état second, le garçon se releva sur ses genoux tremblants et, en boitant, il se dirigea vers Kyuubi. Ses yeux vitreux ne voyaient plus que lui, une immense tâche rouge dans l’obscurité. La mort. La chaleur alors qu’il avait si froid. Sans s’en rendre compte, il se mit à boiter plus vite, presque à courir. Plus que quelques mètres. Des silhouettes noires défilèrent devant lui sans s’arrêter ; il entendit des cris qui ne lui étaient pas destinés. Ça ne comptait pas, ça ne comptait plus. C’était fini. Fini.
Devant lui, une longue queue se cabra.

« REGARDEZ ! REGARDEZ, C’EST HOKAGE-SAMA !! IL EST LA, IL EST VENU !!! »

Le garçon n’entendit pas l’avertissement. Il y avait trop de bruits et il était trop épuisé mais à l’intérieur de lui, quelque chose se déclancha. Il se retourna et dans l’épaisse obscurité, il lui sembla voir deux silhouettes courir côte à côte vers lui.
Mais il était trop tard. La queue fouetta l’air d’un large mouvement qui sembla durer une éternité – le temps de modifier la trajectoire, ralentir, se protéger, quelque chose ! – et une véritable tempête d’une violence inouïe s’abattit sur lui. Kakashi fut projeté en l’air à ce qu’il estima être une hauteur raisonnable puis il perdit toute notion de temps ou d’espace, ne sentant plus que son corps qui s’arquait, se pliait dans des angles impossibles, dans un sens puis dans l’autre, secoué brutalement et ses muscles hurlaient et ses os craquaient, ses entrailles bringuebalaient, sans dessus dessous, dans son corps et il ne pouvait pas respirer, pas sentir, pas voir. Il n’entendait même pas le son de sa propre voix qui hurlait de douleur. Il allait mourir !
Un choc terriblement brutal secoua finalement son corps meurtri et il lui sembla que son âme elle-même vacillait, expulsée pendant un instant de son réceptacle.

Combien de temps resta-t-il allongé là, à vaciller entre l’ombre et une vague lumière grise, il n’aurait su le dire mais la douleur revint avec une violence si galopante se rappeler à lui qu’il lui sembla qu’une seule seconde à peine s’était écoulée.

Tu n’es qu’un bâtard, un fils de chien opportuniste, un meurtrier.


« Arashi, mais qu’est-ce que tu fais ? On a pas le temps !!
- Je prends le risque. »

Ne va pas braver la mort sous prétexte qu’elle a emporté Obito.

Sa tête était en feu, bourdonnait dans un vacarme assourdissant, ses pensées volaient en tous sens. Il eut un haut-le-cœur et sentit quelque chose de visqueux emplir sa bouche et dégouliner le long de son menton.

Je serai toujours là pour toi

Tu me déçois profondément…


La douleur l’aveuglait complètement. Son corps ne répondait plus. Il avait mal, il avait froid. Terriblement froid.

« Il est foutu, laisse-le ! On perd du temps, Arashi !! »
- Ferme-la. Je ne le laisserai pas mourir. »

Il ne sentait presque plus son corps à présent et les sons qui parvenaient péniblement jusqu’à ses oreilles avaient une résonance ouatée, comme étouffés par un mur de coton. Il était en train de mourir. Il mourait.

« Il y a des centaines de ninjas qui sont aussi en train de mourir ! Tu n’as pas le droit d’en privilégier un sous prétexte qu’il a été ton élève !! »

Fatigué. Tellement fatigué. Tout laisser… tout quitter. Tout retrouver. Enfin.

« Tu ne peux pas comprendre, Kôji. Il est… il est comme lui… pour moi »

Je t’aime

Et soudain, alors que l’ombre avait presque totalement refermé ses bras sur lui, l’enveloppant dans le froid et la douceur et qu’il s’abandonnait finalement à son étreinte glacée, le jeune ANBU reprit brutalement conscience. Il eut tout à coup la nette sensation du sol dur contre son dos, de son corps complètement brisé, du froid, du bruit… et d’une chaleur contre son torse. Une chaleur qui apaisait la douleur, écartait la nuit, le ramenait peu à peu vers la vie. Au prix d’un immense effort, Kakashi parvint à entrouvrir les yeux. La première chose qu’il vit fut un visage baigné de lumière verte penché sur lui. Une haute silhouette se tenait debout juste derrière. Il ne les reconnaissait pas mais leurs auras, leurs présences lui étaient familières. Il avala sa salive avec peine. Son corps n’était que douleur. Il sentait chaque membre et chaque membre n’était que souffrance, sang, inertie. Il ne pouvait pas bouger.
« Il tiendra pas, Arashi ! Regarde-le enfin ! Tu gaspilles du chakra pour…
- Kôji, FERME LA BORDEL ! »
Kakashi cligna des yeux. Ses pupilles fatiguées distinguèrent deux yeux bleus, des mèches blondes qui les cachaient à moitié et cette voix… Il connaissait cette voix. Ce nom. Ses yeux passèrent du visage à la silhouette derrière lui, de la silhouette au visage et enfin, il comprit de qui il s’agissait. Une nouvelle vague de chaleur qui n’avait cette fois rien à voir avec le jutsu de soin se répandit dans son ventre. Okara… Okara et Arashi étaient là, près de lui. Ils étaient venus. Il eut un début de sourire.
Arashi se pencha alors vers lui. Malgré son état, Kakashi put voir que ses traits étaient inhabituellement tendus, douloureux, presque effrayés.
« Est-ce que tu m’entends, Kakashi ? » murmura-t-il précipitamment.
Le garçon ferma brièvement les yeux, luttant contre la sensation d’engourdissement qui menaçait de le submerger.
« Ce que je vais te dire est très important, il faut absolument que tu m’écoutes…
- Magne-toi, Arashi !
- Je sais ! Kakashi, c’est mon fils, murmura le jeune Hokage très vite en montrant Okara.
Kakashi cligna des yeux sans comprendre. Okara le fils d’Arashi ? Qu’est-ce que c’était que ces conneries ? Il tourna laborieusement la tête vers son commandant, les sourcils froncés. Ce fut à ce moment là seulement qu’il réalisa que l’homme portait quelque chose d’enveloppé dans un linge blanc. Il fallut encore quelques secondes à son cerveau épuisé pour faire le lien…
« Il s’appelle Naruto, poursuivit Arashi qui parlait maintenant à toute vitesse. Je… je ne vais pas pouvoir m’occuper de lui alors je te demande de veiller sur lui. Pas de l’élever ni rien, juste… le protéger… »
Ces mots firent l’effet d’une bombe sur Kakashi. La fatigue s’envola d’un seul coup et ses yeux vitreux s’écarquillèrent, incrédules. Les années défilèrent en un éclair devant son visage. Lui, Arashi, la falaise, six ans auparavant. Et la promesse. Sa poitrine douloureuse se gonfla de rage. Il n’aurait pas eu l’impression qu’ouvrir la bouche allait lui déchirer le torse, il se serait mis à hurler. Comment osait-il ? Comment osait-il ? Après tout ce qu’il lui avait dit… Il faisait la même erreur, la même erreur ! Pareils, ils étaient tous pareils !
Arashi dut voir sa colère car ses lèvres tremblèrent. Le jeune homme ouvrit la bouche pour parler mais Okara posa avec brusquerie une main sur son épaule.
« Arashi, cette fois on a vraiment plus le temps ! Il faut y aller !! »
Le jeune Hokage se retourna, fixa un instant un point que Kakashi ne pouvait pas voir puis il se retourna vers lui. Son visage était bouleversé, ses lèvres pincées.
« Ok. »
Il se pencha vers Kakashi et appuya son front contre le sien.
« Je suis désolé, Kakashi, chuchota-t-il.
La colère et même la haine envahirent le cœur du garçon. Encore… encore ce putain de mot. Encore cette saloperie, saloperie d’excuse ! Il ne réfléchit pas et lorsque son ancien sensei se redressa, il lui cracha au visage. Qu’il parte, maintenant, tout de suite ! Qu’il aille au diable, il le maudissait !!
L’expression choquée et profondément blessée d’Arashi le laissa de marbre. Il ne remarqua même pas que le jeune homme blond tendait le bras pour arrêter Okara qui avait fait un geste vif dans sa direction. Il le détestait, il les détestait ! Ils le condamnaient une fois de plus à vivre alors que… alors que… Des sanglots lui montèrent à la gorge lorsque l’image de Sachi lui revint. Son âme hurlait de détresse et ces deux hommes, soit disant si intelligents, ne voyaient rien, ne comprenaient rien.
Il vit Arashi se redresser et échanger quelques mots avec Okara avant de disparaître dans l’obscurité sans vraiment le voir. De même, il ne vit pas vraiment Okara déposer le bébé dans l’herbe, s’agenouiller près de lui et tendre la main vers son épaule blessée mais il sentit ses doigts chauds se poser sur son articulation douloureuse et la souffrance progressivement disparaître. Il eut le temps de lever des yeux étonnés vers son commandant puis l’autre main d’Okara se posa sur son front et il sombra de nouveau dans l’inconscience.
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