Attention, voici le chap suivant, avec de l'action en perspective pour les prochains chaps. Suis-je en droit d'espérer un peu d'action dans les reviews

?
Une « belle » journée
Akodo ne s’éveilla pas au son des petits oiseaux, d’un réveil tonitruant ou de la rumeur de la ville. Il se réveilla seul, et avec un son magnifique, sans aucun doute le plus agréable qu’on puisse entendre au réveil. Le son de ses propres bâillements. On dormait bien ici.
Il se leva en pleine forme, et en fut d’autant plus heureux que cette journée allait probablement exiger une parfaite condition physique. Après tout, c’était sa première journée en tant que ninja de Konoha. En s’habillant il remarqua néanmoins que quelque chose manquait.
En effet, rien sur sa personne n’indiquait l’allégeance qu’il avait prêtée à Konoha. Tous les shinobis ont le front ceint de l’acier marqué du sceau de leur village. Akodo n’avait pas son bandeau. Sa mère lui avait déjà dit que pour être un vrai ninja il fallait autre chose, mais ça n’en restait pas moins le meilleur symbole de sa fonction.
Son regard se posa sur une enveloppe sur sa table de chevet. Elle n’y était pas lorsqu’il s’était couché. Donc quelqu’un l’avait déposée ici pendant la nuit sans qu’il s’en aperçoive. Akodo frissonna involontairement : penser que ce quelqu’un aurait tout aussi bien pu lui trancher la gorge n’était pas vraiment rassurant. Mais plus que de lui faire peur, cela lui faisait envie, cela faisait grandir son impatience de compléter sa formation. La chose dans son ventre frémit. Il préféra se concentrer sur l’enveloppe elle-même.
Il y était inscrit :
« Si tu lis ces mots, ça veut dire que tu ne m’as pas entendu entrer chez toi hier soir. Enfin tant pis, je ne vais pas trop t’en demander. »
L’enveloppe contenait un second message :
« Rendez-vous à 11h au terrain d’entraînement n°8. Ton statut de ninja y sera
officialisé et tu auras à y passer un autre test. Arrive en forme, tu en auras
besoin. »
La lettre était marquée d’un étrange sceau, représentant un visage humain fait
de caractères d’écritures. Y était joint un plan vers le terrain d’entraînement.
Lui restait à peu près deux heures, assez pour prendre un repas, s’entraîner un peu puis se reposer. La force de l’habitude s’adapta vite à son nouveau logement, et préparer son repas ne lui prit que très peu de temps ; Akodo savait s’adapter, et comme toujours son intuition l’aidait grandement. Ce n’était pas quelque chose qu’il s’expliquait, mais il avait toujours une certaine idée des choses, comme s’il pouvait sentir leur nature et leur fonctionnement. Cela valait aussi pour les gens, et lorsque la colère ne l’aveuglait pas, Akodo pouvait se révéler d’une perspicacité surprenante.
Au moment de préparer le riz, il en fit assez pour trois personnes, sans même réfléchir. C’était naturel à ses yeux. Mais quand il s’approcha de la table, ses trois bols en main, il était toujours seul. Il ne pleura pas, il ne fit rien. Rien d’autre que de rester debout, ne sachant que faire. Comme un enfant perdu dans le monde des adultes, de ces gens qui pour des raisons connues d’eux seuls, se séparent parfois des autres. Un enfant auquel on aurait pris la main pour la lâcher brusquement et le laisser à la croisée des chemins.
Il se retourna et plaça deux bols sur la commode, devant les tablettes funéraires. Puis il prit les baguettes, les planta dans les bols, et commença à manger. Comme si de rien n’était. Comme si cet autel n’était rien d’autre que la table familiale, comme s’il était assis avec eux, comme si ses entrailles ne grondaient pas de rancœur, comme si le riz n’était pas salé par ses larmes.
Le deuil. Une souffrance quotidienne, qu’on endure parce qu’on le veut bien, parce qu’ils sont partis et parce qu’on refuse de les oublier. Une petite mort, jour après jour, pour leur rendre hommage, pour laisser partir un peu de soi avec eux.
L’entraînement fut pratique. Akodo s’y plongea à corps perdu, s’efforçant de ne penser à rien d’autre qu’à la réalité simple, pragmatique et monolithique du combat, sans émotions, sans états d’âme et sans souvenirs. Pendant une heure, il ne fut plus rien d’autre que muscles, mouvements et techniques, jusqu’à ce que sa tristesse se soit évanouie. Lorsqu’il se dirigea vers la porte, il ne restait de ses larmes qu’un lointain souvenir, étrange et à moitié effacé, qui semblait irréel face à l’insensibilité des figures éternellement répétées de ses kata de taijutsu.
Mais aussi distantes qu’elles étaient, elles n’éveillaient pas moins sa mélancolie. Et pendant un instant, alors que la clé tournait dans la serrure, il saisit une certaine amertume dans cette insensibilité forcée. La journée ne s’annonçait pas si bien finalement. Mais en sortant il leur fit la promesse, dans son cœur, de revenir digne d’eux, de revenir en vrai shinobi.
Les marches lui semblèrent plus grises que la veille, mais cela changea progressivement, alors qu’il sortait des faubourgs. Même le printemps prendrait bientôt fin. Alors qu’il longeait le colossal mur d’enceinte de Konoha, Akodo vit ce qu’il n’avait pas vu lors de son voyage. Les rochers et les arbres ; et les oiseaux dans le ciel, traçant paresseusement des trajectoires distraites, comme pour le simple plaisir de voler. Le soleil sur sa peau, ses cheveux et sur les murs, entre les feuilles et à travers les arbres, posant partout la marque dorée et chaleureuse de l’avent estival.
Toute la palette du printemps, qui même à la fin, composait un tableau simple, et pourtant si magnifique pour celui qui voulait bien y poser un œil ouvert. Et Akodo avait besoin d’être réconforté. Après tout, la journée ne faisait que commencer, et était encore pleine de promesses, qu’il n’avait qu’à tenir pour concrétiser le lendemain, et entrer dans un futur aussi vigoureux, aussi plein de vie et de force que l’été qui approchait. Ceci n’était que le printemps, il était temps d’y mettre fin. D’avancer.
Mais il eut du mal à avancer lorsque son champ de vision fut plus que brusquement bouché par le visage masqué et souriant de Kakashi. Akodo sursauta et faillit tomber à la renverse.
-Qu’est-ce que…Mais ça va pas ! Vous m’avez fichu une de ces peurs !, dit-il en tentant de contenir son cœur qui battait de toutes ses forces dans sa poitrine.
-Tu as l’air en forme en tout cas. Et en plus tu es à l’heure, observa le Ninja Copieur, avec un ton admiratif.
-Evidemment que je suis à l’heure, je vais quand même pas être en retard pour une telle occasion, regardez j’ai même cinq minutes d’avance.
-Parfait, parfait. Bon ça tombe très bien : on attend d’autres personnes, alors nous allons en profiter pour te tester un peu. Cache-toi et reste-le jusqu’à ce que tu te sois fait repérer ou que je te fasse le signe de sortir.
-Et qui sont ces gens ?
Kakashi sourit et s’éclipsa en disant, tandis que sa voix se confondait avec le chuintement de son déplacement :
-Tu verras bien. Essaie de faire bonne impression quand ils arriveront.
Akodo observa les environs. Le terrain d’entraînement n°8 était comme beaucoup d’autres, à savoir une esplanade ou l’herbe avait été éradiquée par l’activité des gens qui avaient par milliers foulé ce sol, en bordure d’une large et dense zone boisée. Il préféra ne pas essayer de se cacher dans les arbres, se disant que premièrement ses capacités physiques et furtives n’étaient pas tout à fait au point, et deuxièmement que ce n’était pas l’endroit idéal pour se révéler rapidement, comme il prévoyait de le faire. Il se contenta donc de se fondre dans l’ombre des arbres, hors de vue des futurs arrivants.
Cela faisait beaucoup de mystères ou de zones d’ombre sur sa future carrière. Même pour officialiser un statut que Tsunade-sama lui avait déjà donné, on lui faisait passer un test. Akodo se demanda s’il n’en aurait pas finalement assez qu’on lui demande de prouver sa valeur. Une partie de lui savait qu’il devrait être reconnaissant qu’on l’accepte, étant donné le danger potentiel qu’il représentait, et savait qu’il était normal qu’on veuille s’assurer de sa bonne volonté et de ses capacités.
Mais une autre partie de lui disait qu’il était stupide de vouloir éprouver sa force, comme si elle n’était pas digne de confiance. Ce qu’elle savait, pour sa part, c’est qu’hier elle avait bien senti la peur dans l’âme de tous ceux qui avaient douté de lui. Elle savait que ces pouvoirs ne devraient pas être testés : ils n’avaient pas besoin de test, car leur puissance était au-delà de tout doute. Il n’y avait pas lieu de les évaluer, il y avait lieu de les respecter.
Akodo ne pouvait nier avoir senti beaucoup de promesses dans ses pouvoirs, tout comme dans le printemps. Ses capacités n’attendaient que son intérêt pour se développer et écarter tout doute de l’esprit de l’Hokage, et de tous ceux qui devaient décider de son avenir à Konoha. Elles faisaient partie de lui, les renier n’aurait eu aucun sens…Il n’y avait pas de colère dans ses entrailles, uniquement la logique : s’il fallait prouver sa valeur, autant employer ce qui faisait cette valeur. Tsunade-sama avait bien dit qu’il était une arme, de par ses pouvoirs, et que c’est pour cela que Konoha avait besoin de lui.
Il tenta d’éveiller ses forces, de puiser en lui de quoi soutenir l’épreuve. Presque inconsciemment, il se remémora le moment où, hier, il était parvenu à dominer sa crise. Il avait senti sa volonté s’imposer à toute la vie alentour, comme si elle pouvait y commander, et ses yeux avaient changé. Ils s’étaient emplis de puissance et avaient donné plus de force à sa présence. La colère ne vint toujours pas : il gardait le contrôle de ses actes, comme s’il avait soumis cette chose dans son ventre. Il n’était pas temps de faire l’étalage de sa puissance : Kakashi l’avait bien dit, ce ne devait être qu’une impression. Voyant que ses pouvoirs lui obéissaient, Akodo sourit et se prépara à l’accueil.
Sakura arriva une minute à l’avance. Parfois elle se disait qu’elle pouvait bien avoir un peu de retard, puisque de toute façon Kakashi-sensei en aurait plus. Mais, comme toujours, sa discipline coutumière, renforcée par la sévérité de son autre sensei, prenait le pas. Naruto, toutefois, était bien évidemment moins discipliné, et n’hésitait pas à profiter du défaut récurrent de Kakashi-sensei. Et Sakura n’aimait pas vraiment le fait de devoir attendre plusieurs minutes seules. Ce n’était pas tant qu’elle risquait l’ennui, mais plus que sa solitude lui rappelait souvent qu’il y a 6 ans, elle n’était pas seule à attendre les retardaires.
-Good morning, Sakura-chan !
Elle fut rassérénée par la voix de Naruto, toujours aussi peu discrète ou même douce, mais qui avec les années était devenu tout aussi agréable.
-Salut Naruto. Ca faisait quand même un bout de temps, pas vrai ?
-Ouais, deux semaines. Et c’était deux longues semaines, la vache ! Tu peux pas savoir combien ça peut être long une mission d’observation. Et en plus pour être inintéressant, et ben ça l’était !! Le pire c’était Ero-sennin, dès qu’on passait à côté d’un village avec une source et des bains, il avait toujours une bonne raison pour s’arrêter…Et pour le faire repartir, je te jure, c’était pas simple.
Sakura sourit, écoutant jusqu’au bout Naruto déblatérer avec un air scandalisé sur Jiraiya, sur sa mission, sur le culot qu’avait Tsunade de l’envoyer faire des choses aussi inintéressantes que surveiller la frontière de Tsuchi, lui, un jônin…
Elle venait de passer ces deux semaines sur le front, en terrain hostile et inconnu. Et, bien plus que la mesquinerie d’Ino, c’était l’énergie débordante et la joie de vivre de Naruto qui lui avaient manquées. Cette mission d’observation était capitale, elle permettait au village de surveiller les mouvements sur la frontière, afin de prévoir l’implication d’Iwagakure no Sato dans le futur conflit.
Et pourtant, Naruto en parlait comme si de rien n’était, comme d’une autre corvée quotidienne. Il était vraiment incroyable : rien ne semblait pouvoir entamer son énergie et affaiblir son enthousiasme. Certains prenaient ça pour de l’idiotie ou de l’inconscience, mais Sakura savait que c’était là le signe d’une volonté inébranlable. Naruto était le shinobi le plus solide qu’elle connaissait. Et le voir insouciant malgré la situation et les épreuves la rassurait et lui faisait oublier ses propres soucis.
Moins d’une minute s’était écoulée depuis l’heure du rendez-vous. Mais Kakashi apparut malgré tout.
-Salut les jeunes ! Comment va ?
A force, Naruto et Sakura était devenus esclaves de l’habitude. Aussi obéirent-ils à l’automatisme : ils se retournèrent brusquement pour faire face à Kakashi, arborant un air furieux et scandalisé, inspirèrent un grand coup et ouvrirent la bouche pour hurler un reproche. Mais au dernier moment, ils se rendirent compte que quelque chose clochait et changèrent leurs paroles à temps.
-Vous êtes à l’heure ?!
Kakashi sembla suspendre son mouvement d’un coup, réalisant soudain l’ampleur de son acte.
-Ah…Oui. Fichtre…Bon c’est pas grave.
Le Paradis de la Drague claqua alors que Kakashi le fermait sèchement.
-Sakura, Naruto, vous êtes maintenant jônin, ce qui signifie que l’on peut vous donner toutes sortes de missions. Aujourd’hui vous allez recevoir ce qu’on appelle une mission de fond, c'est-à-dire une tâche que vous devez accomplir tant que vous n’êtes pas engagés sur une autre mission, la mission de fond la plus commune étant l’entraînement d’une team. Pour faire simple Konoha va bientôt compter un ninja qui n’est pas originaire du village, et vous avez été désignés pour vous occuper de lui.
Le sang de Naruto ne fit qu’un tour.
-Pas si vite, pas si vite, pas si vite !! Hors de question que je joue les nounous pour un seul mioche, je vaux mieux que ça !
Sakura soupira, faussement excédée. Faussement parce qu’elle s’était habituée aussi à ça. Et si son visage exprimait la consternation, ses yeux souriaient.
-Et n’essayez pas de me rouler : maintenant je suis jônin, je suis votre égal, alors vos ordres vous savez où vous pouvez…
-Naruto ! Surveille ton langage…fit Sakura en serrant dangereusement la mâchoire.
-…heu…Bref voilà, je refuse.
Kakashi haussa son sourcil unique. Son visage était réduit à un quart de sa surface naturelle, mais il parvenait toujours à exprimer efficacement tout.
-Premièrement ce n’est pas un mioche. Deuxièmement si je vous ai choisi Sakura et toi c’est que vous convenez à cette mission. Troisièmement le danger qui peut émaner de cette mission suffirait à la faire classer en A voir S. Et quatrièmement c’est Godaime-sama qui a décidé de cette mission.
Naruto balbutia dans quelques secondes. « Mat » pensa Sakura.
-Mais…mais…maieuuh…
-Bon ça va Naruto, le coupa Sakura, Et je peux savoir ce qu’il a de si spécial ce ninja, pour avoir besoin de nous deux ?
-Eh ben…en fait c’est plus vos capacités que votre enseignement qui seront utiles. Mais bon, pourquoi discuter…
Kakashi se contenta de lever le bras et de faire un signe de la main en direction de la forêt.
Une faible brise se leva et se lova lentement autour d’eux. Elle se fit bientôt vent doux et faible. Le froid entra insidieusement dans leurs membres, comme s’il traversait leur corps pour en glacer chaque partie et n’y laisser qu’une faible impression de vide. Ce n’était guère qu’une simple sensation, mais qui semblait venir du plus profond de leur vie, comme s’ils frissonnaient sous une menace cachée sous la surface. Le vent venait se briser sur leur dos, comme la houle d’une mer hivernale sur le rivage gelé, mais transperçait leur poitrail, laissant sur leur cœur son empreinte sinistre, puis serpentait sur le sol en volutes malsaines, couchant l’herbe et brouillant l’air.
Le chemin d’herbe soumise s’enfonçait dans la forêt, et une silhouette sembla naître du vent, sortant des ombres des arbres. Et comme il s’approchait, de sa démarche lente, régulière, pesante, posée, le froid qui rampait dans leurs membres s’intensifiait, passant du stade de sensation à celui de présence inquiétante, presque consciente, comme une volonté à l’œuvre dans leur cœur. Il leva la tête, dévoilant un visage aux traits sévères, la joue droite balafrée par une cicatrice cruciforme, et des yeux qu’on sentait seulement à moitié humains, dont les iris brillaient d’une inquiétante couleur d’airain.
Mais lorsque leurs regards se croisèrent, ses yeux redevinrent mordorés et le vent retomba, tandis que la surprise se peignait sur son visage. Après quelques secondes il laissa échapper un soupir.
-Oh c’est pas vrai…
-Toi !! fit Naruto, son visage exprimant, tout comme celui de Sakura, un étonnement auquel la rancœur et la colère se mêlèrent bien vite.
Kakashi sourit d’un air satisfait.
-J’étais sûr que vous vous connaissiez déjà.