Publié : dim. 22 oct. 2006, 00:59
J'ai eu du mal à écrire ce chapitre ... Et ça se ressent, je trouve. Navrée. Entre la fac, le changement de collocataire, les déboires administratifs et financiers, j'ai quand même pu penser à Outcast T^T Le scnéario se complexifie de jour en jour, tant que je me demande si je vais m'en sortir ... Advienne que pourra. Vue l'heure, je ne vais pas tenter de m'exprimer plus longuement.
Bonne lecture.
-¤ Outcast ¤-
Chapitre 05 : Déformation
Lorsque Anko arriva ce matin-là à l'administration, ce fut pour la trouver en effervescence. La plupart des jônin qu'elle connaissait courait d'un côté à l'autre en portant différents cartons visiblement bien remplis. Haussant un sourcil, la jeune femme agrippa par le col un môme pas bien haut et rondouillard qui suivait son professeur et le souleva du sol sans aucune difficulté. Le gamin pesta et remua du plus qu'il put mais ce fut bien vain face à Anko.
"Qu'est-ce qui se passe ? demanda Anko sans même regarder le genin.
- Mission secrète, répondit effrontément l'enfant en croisant les bras. C'est pas tes oignons."
Le jônin en charge du gamin arriva bien heureusement juste à temps pour le sauver d'une mort certaine par rencontre un peu trop violente avec le mur. Anko traversa l'agitation sans y prêter attention puisqu'il s'agissait d'une "mission secrète". Elle trouva le bureau des assignations étrangement vide : il n'y avait qu'un chûnin en faction, Umino Iruka, corrigeant les copies de ses élèves et ne prêtant pas attention au reste du monde. Anko resta à la porte, observant à la dérobée le jeune homme. Selon les dernières rumeurs, il était en proie à une déroutante passion pour Kakashi mais Anko en doutait fortement. Kakashi ne s'intéressait pas ouvertement au reste du monde alors de là à le voir gay, il y avait un gouffre. Ce devait encore être une rumeur lancée par Gai pour décrédibiliser son rival éternel ou bien un coup du Quatrième lui-même. Anko s'était toujours demandée pourquoi Kakashi n'avait pas encore déserté avec ces deux cinglés sur le dos. Partant en quête d'un peu d'activité, Anko se dirigea cette fois vers la salle de repos réservée aux jônin. Il y aurait toujours moyen d'y trouver quelqu'un à défier même si l'endroit n'était presque pas fréquenté, maniaque du travail oblige. A sa grande surprise, Anko y vit Yakushi Kabuto en grande conversation avec Shizune, les deux en train de discuter de la nouvelle recrue dont s'occupait le jeune homme. Anko s'approcha sans chercher à se dissimuler et donna un coup de pied aux fesses de Kabuto.
"Depuis quand tu dragues les dames respectables, merdeux ?
- Bonjour, Anko-senpai, répondit Kabuto avec un soupire alors que Shizune ricanait doucement à côté.
- Sache, mon grand, que Shizune-chan ne s'intéresse pas aux hommes, continua Anko en venant frotter son épaule contre celle de son aînée. Il serait bien embêtant qu'un puceau dans son genre vienne t'indisposer, n'est-ce pas ma belle ?
- Calme donc tes ardeurs, Anko, fit Shizune toujours en riant, Kabuto-kun est au courant depuis longtemps. Et puis, je sais me défendre toute seule au cas où.
- Laisse-moi me complaire avec l'image que j'ai de toi, gémit Anko en la prenant dans ses bras. Une belle petite chose fragile à protéger plus que tout au monde et qui … Tiens, tu sais ce qui se passe dans cette maison de fou ?"
Posant sa tête sur l'épaule de Shizune, Anko fit un grand sourire à l'intention de Kabuto, sachant pertinemment que son comportement enfantin mettait hors de lui le deuxième disciple de leur maître commun.
"Le Hokage a soudainement décidé de réorganiser les bâtiments.
- Ce ne sera que la troisième fois en cinq ans, marmonna Anko. Il a le feu au cul notre Tatsu national ou quoi ?
- Tu devrais faire attention à ce que tu dis, Anko-senpai. Le Hokage n'apprécie pas ce genre de familiarité.
- Bah, il est pas là, répondit Anko. Et puis ce n'est pas comme si j'étais en train de dire qu'il a le plus beau cul de Konoha ou bien qu'il a des pectoraux de rêve et une peau de bébé … Il faut aussi avouer qu'il a une belle gueule, le vieux …
- Le vieux te remercie."
Les trois jônin se tournèrent d'un bloc vers la porte de la salle de repos, blêmissant en voyant Uzumaki Tatsumaki planté devant eux, les bras croisés et l'air énervé.
"Sur ce, je vais y aller, j'ai du travail, risqua Shizune en s'éclipsant timidement.
- Et moi j'ai laissé l'eau du bain couler chez moi, il faut que j'aille l'arrêter, murmura Kabuto en suivant le mouvement."
Le Hokage les laissa filer d'un œil désintéressé et finit par sourire à Anko en s'avançant dans la salle.
"Ça fait toujours plaisir de savoir qu'on est apprécié, surtout à mon grand âge, mais si tu pouvais éviter de faire mes éloges en d'aussi bons termes, ça m'arrangerait.
- Je peux continuer si j'utilise un vocabulaire moins courant ? tenta Anko.
- Allons, un peu de sérieux, répondit Tatsumaki en fourrant ses mains dans ses poches. J'ai trouvé une occupation pour tout le monde alors on a le champ libre pour la journée.
- Quelle proposition indécente, se moqua Anko en s'appuyant contre une table.
- Ce genre d'activité ne me dérangerait pas mais j'ai prévu autre chose. Toi et moi allons dans le terrain d'entraînement cinquante et un jusqu'à demain matin.
- Un test ? s'étonna Anko. Si je peux me permettre, mes résultats sont tous excellents et je ne vois pas l'intérêt d'une mise à l'épreuve en ce qui me concerne.
- Ça, je m'en fous, avertit le Hokage. C'est un ordre et tu dois t'y plier. D'ici à demain matin, tu dois me prouver ce que tu vaux. Tu as droit à tout ton attirail si ça te chante et bats-toi sérieusement parce que je ne vais pas me retenir non plus."
Anko fronça quelque peu les sourcils. Elle savait qu'elle faisait partie de l'élite des jônin mais elle n'aurait jamais pensé qu'elle puisse faire l'objet de tant d'attention. Peut-être que le Hokage préparait sa succession et qu'elle était l'une des candidates à la candidature ? Anko réfuta cette possibilité. Il y avait plus fort qu'elle dans ce pays et la liste commençait par Hatake Kakashi, bien entendu. Même si le Hokage ne pouvait souffrir son disciple plus de cinq minutes, il était normal qu'il pense à lui en premier pour la succession. Anko se renfrogna et accepta, laissant partir le Hokage en premier. Elle avait une heure pour se préparer et rallier le terrain d'entraînement, c'était peu. Le cinquante et un se trouvait au nord de Konoha, à plus de dix kilomètres du village. Il était tellement peu fréquenté qu'on le considérait comme le parc privé du Hokage et de son élève qui s'y entraînaient chaque matin. Anko avait entendu dire que Kakashi était parti quatre jours plus tôt avec ses disciples pour Suna, cela signifiait que le Hokage n'avait pas combattu depuis autant de temps. Elle ne sut pas sur l'instant si c'était une bonne ou une mauvaise chose.
***
Sakura ouvrit la porte de la chambre réservée à son équipe avec un peu d'appréhension. Elle avait un peu l'impression d'essayer de cacher à ses parents qu'elle avait découché, ce qui n'était pas spécialement faux si l'on considérait que Kakashi pouvait être bien plus envahissant que la mère de Sakura.
"On a commencé le petit déjeuner sans toi, Sakura …"
La jeune fille frémit à peine en entendant la voix de son professeur susurrer à son oreille une douce complainte pleine de tension et d'aigreur. Kakashi referma la porte d'un coup de pied et poussa son élève à travers le vestibule pour la poser sur une chaise dans la salle principale de leur appartement. Sasuke et Naruto, assis l'un en face de l'autre, mangeaient déjà avec plus ou moins d'entrain. Kakashi prit place à droite de Naruto, en face de Sakura, et reprit son petit déjeuner là où il l'avait laissé. Sakura se sentit mal à l'aise devant le silence de Kakashi, les regards insistants de Sasuke et l'absence totale de commentaire venant de Naruto. Elle se tortilla un peu sur sa chaise.
"Mange, ordonna Kakashi."
Sakura se précipita sur les différents plats à sa disposition et garnit son assiette. La petite table était surchargée de plats de Suna, allant du simple plateau de fruits à un assortiment de viandes séchées. Trois pichets de jus de fruits ainsi qu'un de lait étaient aussi présents. Sakura avala rapidement une sorte de gruau de sorgho au goût de datte avant d'oser jeter un coup d'œil vers l'assiette de Naruto. A ce qu'elle put en voir, son nouveau coéquipier avait un régime très porté sur la viande et ça ne l'étonna qu'à moitié. Kakashi remonta son masque de tissu et posa calmement ses mains sur la table.
"Ecoutez-moi bien."
Sakura et Sasuke levèrent les yeux de leur assiette tandis que Naruto continuait à manger.
"Nous sommes ici en tant que représentants de Konoha, poursuivit Kakashi, et il est hors de question que nous ridiculisions notre village. Alors à partir de maintenant, aucune faute ne sera tolérée. Me suis-je bien fait comprendre ?"
Les deux nouveaux promus hochèrent la tête sèchement. Kakashi tourna à peine la sienne vers Naruto.
"Mes avertissements vont aussi dans ton sens, Naruto.
- Je sais, capitaine, répondit d'un ton sec le jinchûriki.
- Peux-tu me dire où tu étais cette nuit, à ce propos ?
- J'ai obéi aux ordres du Kazekage. Ils sont supérieurs aux tiens, à ce qu'il me semble.
- Le Hokage a bien précisé que tu devais suivre mes ordres et pas ceux d'un autre, rectifia Kakashi. J'attends de toi plus que quiconque, ne me déçois pas."
Naruto fronça clairement les sourcils en se tournant vers Kakashi. Les deux hommes se dévisagèrent dans une atmosphère tendue et Kakashi sut qu'il avait commis une erreur de bonne taille. Il avait employé par mégarde la même phrase que son professeur, celle que le Hokage sortait toujours à Naruto ou bien à son disciple. Kakashi se demanda un instant comment allait réagir Naruto. Il n'avait jamais été son capitaine, tous les rapports qu'ils avaient entretenus jusque là allaient toujours dans le sens du gosse. Kakashi représentait un peu le grand frère protégeant son cadet de l'adversité et des ambitions un peu trop grandes de son père. Il n'y avait jamais eu aucun rapport de force entre les deux disciples. Ce nouveau statut ne plaisait pas à Kakashi. Il n'était finalement pas fait pour être le capitaine de Naruto. Peut-être avait-il la force nécessaire pour pouvoir veiller sur lui mais les seize années qu'ils avaient partagées sapaient totalement son semblant d'autorité. L'adolescent tourna finalement la tête et sortit de table, s'éclipsant dans la chambre adjacente, sous le regard toujours tendu de Kakashi. Celui-ci se jura une nouvelle fois qu'il n'aurait jamais descendance pour s'éviter tout problème. Kakashi soupira, reportant son attention sur Sasuke et plus particulièrement sur Sakura.
"Où étais-tu la nuit dernière ?
- Temari-san m'a demandé de venir la voir alors, je …, murmura Sakura.
- Nous ne sommes pas en territoire ennemi mais ce n'est pas pour autant une raison de jouer les naïves, coupa Kakashi d'un ton sec. Vous êtes jônin à l'épreuve pour l'année, une commission d'enquête jugera si vous êtes ou non admissibles en se basant sur nos rapports de mission. Tatsu-sensei me connaît parfaitement et croyez-moi que d'ici à la fin de l'année il aura épluché tout ce qui vous concerne, il vous connaîtra mieux que vous-même. Il détectera le moindre détail, le moindre mensonge. Alors mettez-vous bien en tête que vous n'avez plus le droit à l'erreur. Vous en avez déjà suffisamment cumulé pour l'année en trois jours ! Ne me faites pas regretter de vous avoir choisi comme mes disciples, ajouta-t-il en baissant la voix. J'ai confiance en vous et je sais que vous êtes capables de bien mieux. Ressaisissez-vous, il n'y aura plus d'avertissement."
Sasuke et Sakura hochèrent à nouveau la tête, assez mal à l'aise. Kakashi n'eut pas le temps de rajouter quoi que ce soit, Naruto sortit de la chambre commune, visiblement plus armé que lorsqu'il y était entré. Il se planta au bout de la table, les mains dans les poches et l'air trop neutre pour l'être vraiment.
"Au cas où vous ne seriez pas au courant, capitaine, la seconde équipe est arrivée cette nuit à cause d'un retard inopiné. Mais vous ne devez pas le savoir parce que vous vous fiez trop aux nouvelles conventionnelles, rajouta Naruto en haussant les épaules.
- Espionner alors qu'on n'en a pas reçu l'ordre peut compromettre notre mission, rappela Kakashi en se levant.
- Oui, bien sûr, sauf si les types qui nous surveillent ne s'en rendent pas compte.
- Naruto, gronda Kakashi, tu …
- Je suis meilleur ninja que ces soit disants jônin de Suna, coupa le jinchûriki. Je me permettrai de rajouter, capitaine, que ma sécurité est prioritaire, n'est-ce pas ? Qu'importent les moyens employés.
- Fais preuve d'un peu de modestie, ça ne te fera pas de mal."
Naruto renifla, étrécissant légèrement les yeux. Kakashi savait qu'il avait pris une mauvaise pente dès le départ. Il passa sa main dans ses cheveux, vaguement énervé par la situation.
"Très bien, changement de plan les enfants, finit-il par soupirer. Naruto a un niveau plus élevé que le mien, il est donc normal qu'il soit capitaine d'équipe à ma place.
- Kakashi-sensei ! s'offusqua Sakura.
- Kakashi, t'es sérieux ? grimaça Sasuke.
- Tu vas à l'encontre des ordres du Hokage ? s'étonna Naruto.
- Ce ne sera pas la première fois, ricana Kakashi. Je te cède la place à une condition, Naruto.
- Laquelle ?
- Pense d'abord à l'équipe, sourit Kakashi. Dans les sections spéciales, l'objectif est de réussir la mission, pas de ramener son équipe entière. Dans les sections plus régulières, ça fait tache d'avoir un membre manquant quand on revient, ce n'est pas vraiment apprécié. Qui plus est, Sakura et Sasuke sont importants pour moi, tu comprends ?"
Naruto jeta un coup d'œil aux deux adolescents toujours assis, jugeant rapidement la situation. S'il devenait capitaine à la place de Kakashi, il aurait un champ d'action plus libre mais il serait aussi retenu par ces deux-là. Naruto n'appréciait pas trop l'idée d'avoir des novices accrochés aux basques. Il avait pu évaluer leurs compétences et ce n'était pas brillant. Sakura était forte d'un point de vue strictement technique mais faible psychologiquement. Naruto savait qu'elle pouvait parfaitement laisser tomber inconsciemment, ce qui se ressentirait sur ses aptitudes. Elle était pourtant kunoichi. Ce statut impliquait qu'elle eut un moral bien meilleur que celui de n'importe quel homme. Etre une femme dans un univers aussi violent n'était pas simple, il fallait s'armer d'une façon bien différente. Quant à Sasuke, il était impressionné par Naruto, c'était certain. Il cumulait en plus avec un esprit de compétition mal venu en mission. Naruto pensait honnêtement que Sasuke avait beaucoup de potentiel en tant que ninja mais il fallait qu'il apprenne à mettre de côté ses émotions. Les benjamins étaient toujours plus faibles que les aînés, se rappela Naruto. Sasuke avait un grand frère, Itachi, ce qui impliquait bon nombre de troubles inconscients. La peur du rejet, l'envie de dépasser l'aîné, le désir de prouver qu'il existait, le fort lien familial, toutes ces choses étaient à prendre en considération. Naruto s'en passait volontiers. Sur Kakashi, il n'avait pas grand-chose à dire. C'était un excellent shinobi qu'il connaissait bien. Cela compliquait leurs relations de travail mais c'était aussi un avantage : Naruto pouvait parfaitement suivre la logique de Kakashi et donc prédire ce qu'il allait faire. Le plus gros point faible de Kakashi résidait en vérité en ses disciples. Le lien entre eux était bien trop fort pour que le travail d'équipe soit satisfaisant. Naruto finit par baisser la tête.
"Très bien. Mais que les choses soient claires dès le départ, continua-t-il en se tournant vers Sasuke et Sakura, toute forme d'impolitesse, que ce soit envers Kakashi ou bien moi, sera très mal perçue. En devenant capitaine, ce sont mes rapports de mission qui comptent le plus pour votre mise à l'épreuve, alors tenez-vous à carreaux. Et, Sasuke, on ne tutoie pas son professeur.
- A vos ordres, marmonna Uchiha.
- Il est plus que temps de bouger, dépêchons."
Sakura déposa ses couverts et se rua dans la chambre pour prendre ses affaires au même titre que Sasuke. Ils suivirent par la suite Kakashi et Naruto à travers les couloirs du bâtiment réservé aux logements des shinobi étrangers. Ils croisèrent une équipe venant d'Iwa, au Pays de la Terre, mais Naruto les ignora royalement. Il nota cependant que Suna privilégiait une délégation d'un pays a priori ennemi à celle d'un allié. Le vent tourne, pensa-t-il en jetant un coup d'œil par-dessus son épaule. Le chef de l'équipe de jônin d'Iwa le dévisagea, gardant bien en mémoire le visage du gamin. Naruto lui sourit un bref instant. Il devrait s'occuper de ça avant que la délégation ne parte. L'équipe arriva devant l'appartement numéro quinze et le capitaine frappa à la porte. Un simple "entrez" leur répondit, aucun signe distinctif ne fut demandé. Ça commençait mal, pensa Kakashi en voyant Naruto froncer les sourcils. Naruto entra, suivi de près par Kakashi qui interviendrait en cas de problème. La suite fut plus confuse. Un nuage de fumée épaisse envahit la pièce et Kakashi se retrouva plaqué au sol sans qu'il ne comprenne trop pourquoi. Il entendit des bruits de lutte et, avant qu'il n'ait pu faire quoi que ce soit, la fumée disparue, aspirée par la fenêtre. Kakashi vit alors très nettement Gai au dessus de lui, le serrant dans ses bras et, un peu plus loin, Lee et Tenten à terre ainsi que la table, les chaises et un fauteuil. La pièce était sans dessus dessous. Naruto se tenait près de la fenêtre, refermant d'un geste sec le volet de bois ouvragé.
"Gai, murmura Kakashi, t'es dans la merde.
- Ah ?
- Je ne suis plus capitaine.
- Ah, effectivement …"
Maito Gai se releva, tirant Kakashi par la même occasion. Sasuke et Sakura n'avaient même pas pu rentrer dans la pièce, la porte s'était refermée sur eux. Ils osèrent à peine l'entrouvrir, jetant un œil dans la pièce dévastée. Cet appartement était identique au leur : une grande pièce principale faisant office de salle à manger et de salon avec quelques canapés pas vraiment confortables, à la mode de Suna, ainsi qu'un passage taillé dans le mur pour arriver à la chambre commune. Le tout était frais et plongé dans la pénombre que créaient les panneaux de bois sculptés. Un jeune homme à peine habillé d'un pantalon blanc arriva par la chambre, regardant le carnage de ses yeux blancs, ses longs cheveux trempant son dos. Neji se dit soudainement qu'il aurait mieux fait de rester sous la douche.
"Et bien …, hésita Gai, merci d'être venu aussi vite, Naruto-dono."
Il s'inclina avec respect, s'aventurant à penser que cette simple marque de respect suffirait à calmer le jinchûriki. Gai savait que c'était la meilleure chose à faire devant l'un de ces ninja. Les jinchûriki aimaient qu'on les reconnaisse en tant que tel mais il ne fallait pas non plus trop flatter leur ego. Naruto claqua sa langue et Gai se redressa, ordonnant par la même occasion à ses élèves de ranger la chambre. Les trois adolescents comprirent vite qu'il ne fallait pas s'attarder et se mirent au travail. Sasuke et Sakura se joignirent à eux, restant tout de même très discrets. En un rien de temps, le salon fut en ordre et Neji habillé plus règlementairement. Les deux équipes s'installèrent sur les sofas autour d'une petite table basse. Tenten et Sakura préparèrent du thé dans la foulée, préférant se taire. Naruto s'adossa à la fenêtre, fixant avec intérêt les sept personnes assises. Il attendit que les deux demoiselles finissent de servir le thé pour parler.
"Ça me surprend de vous voir ici, Gai-san."
Sasuke et Sakura furent tout autant surpris d'entendre Naruto s'adresser poliment à quelqu'un.
"Nous étions en mission au Pays du Thé, répondit Gai en s'inclinant légèrement. Mon équipe était la plus proche, voilà pourquoi nous avons été envoyés ici. Cependant, le navire qui nous a transporté du Pays du Thé aux côtes du Pays du Vent a eu un problème de cordage et nous n'avons pu récupérer plus de douze heures sur notre retard. Je m'en excuse. Si vous me le permettez, poursuivit-il, je vais vous présenter mes élèves. Ils n'ont pas eu l'honneur de vous côtoyer jusqu'à présent."
Gai tendit sa main vers Neji qui parut soudainement dépassé par les évènements. Il s'inclina avec respect et Naruto remarqua qu'il avait l'habitude de ce mouvement. Il devait le répéter autant de fois que ses kata. Naruto le fixa de cette manière que Sakura avait su décrypter : la situation ne lui plaisait pas.
"Hyûga Neji, dix-sept ans, jônin depuis deux années. Neji est mon second lors des missions, il m'est d'une aide précieuse grâce à son …
- Byakugan, coupa Naruto. Ce n'est pas comme si ça ne se voyait pas."
Neji resta impassible, tant que Gai s'empressa de lui baisser la tête en l'accompagnant d'un rire nerveux. Naruto rapporta son attention sur l'Ombrageuse Panthère de Jade de Konoha.
"Ensuite ?
- Rock Lee, s'empressa de répondre l'intéressé en se levant rapidement. J'aurai dix-sept ans le vingt-sept novembre prochain, monsieur, et je suis actuellement chûnin mais je compte bien progresser encore !!"
Pour conclure sa tirade, Lee s'inclina bien trop bas. Naruto le fixa à peine avant de se tourner vers Tenten. La jeune fille se sentit mal à l'aise. Elle tira Lee pour qu'il s'asseye avant de se lever elle-même et s'incliner respectueusement comme le protocole l'indiquait.
"Nigori Tenten, j'ai dix-sept ans et je suis la plus âgée du groupe. J'ai le grade de chûnin et je poursuis mon entraînement auprès de Gai-sensei.
- Cela fait cinq ans que je m'occupe d'eux, continua Gai alors que Tenten reprenait place, et je ne suis pas déçu des avancées phénoménales qu'ils ont fait. En particulier Lee.
- J'en ai déjà entendu parler, persifla Naruto en tournant la tête. Plus important, que comptez-vous faire ?
- Je n'ai pas été mis au courant de la situation actuelle à Suna, tempéra Maito. Nous sommes arrivés très tôt ce matin et le Kazekage n'a pas accepté de nous recevoir.
- Ça ajouté aux ninja d'Iwa que nous avons croisé tout à l'heure, intervint Kakashi, ce n'est pas bon signe.
- Des ninja d'Iwa ? s'inquiéta Gai.
- Je m'en occuperai plus tard, répondit évasivement Naruto. Pour la situation, c'est simple : Gaara et Kankuro doivent revenir demain pour l'anniversaire de Temari. Jusque là, je dois me la jouer profile bas parce que le Kazekage a peur d'une attaque sur Suna.
- J'ajouterai que nous sommes tolérés et non pas accueillis, conclut Kakashi."
Gai baissa la tête, perdu dans ses pensées. C'était bien ce qu'il craignait : quelque chose de mauvais se préparait. Il se reprit : non, Suna pouvait simplement prendre contact avec Iwa afin de faciliter par la suite une alliance avec Konoha. Cependant, il fallait être naïf pour y croire ne serait-ce qu'un seul instant.
"Pas la peine de se prendre la tête avec ça, reprit Naruto en haussant les épaules. Vous êtes tendus, ça n'apportera rien de bon. Pour que je puisse me faire une idée de votre niveau, nous partons immédiatement pour le sud de Suna. Il y a un massif rocheux où nous serons tranquilles et on n'attirera pas l'attention non plus. Entraînement.
- Nous sept contre vous ? demanda Gai en relevant la tête.
- Je vais demander à Temari de participer aussi. Elle sera avec moi.
- Tu fais plus confiance à un ninja de Suna qu'à tes camarades de Konoha ? soupira Kakashi."
Naruto ne répondit pas, partant d'un pas souple jusqu'à la porte en laissant derrière lui ses compatriotes. Ce fut au tour de Kakashi de baisser la tête. Tatsumaki n'avait pas transmis que des qualités à son fils et c'était toujours désagréable pour Kakashi de s'en rappeler. Tatsumaki et Naruto partageaient un point commun flagrant en dehors de leur blondeur : une trop grande confiance en soi. Le Hokage savait à présent doser ses efforts bien qu'il fut un adolescent des plus turbulents aux dires de son professeur et de son prédécesseur mais Naruto avait une trop grande marge de progression pour se soucier d'une quelconque barrière. Son corps se régénérait à une vitesse à peine croyable, c'était son plus gros point faible. Naruto ne connaissait aucune limite et se fichait éperdument des blessures. Il évitait le pire à chaque fois mais ne rechignait pas contre une épaule transpercée, comme il l'avait prouvé deux jours plus tôt. Kakashi ne savait pas où cela pouvait emmener Naruto mais il espérait sincèrement qu'il se calmerait un peu en prenant de l'âge. C'était vraiment important.
"Kakashi, j'ai à te parler sérieusement, déclara Gai en se frottant les mains. Ça concerne aussi nos élèves puisqu'ils sont avec nous sur cette mission.
- Tenten et Lee aussi ? demanda Kakashi en se vautrant dans le sofa. Ils sont chûnin, après tout, et je te rappelle qu'on n'est pas sensé divulguer ce genre d'information.
- Ils risques gros alors autant qu'ils soient au courant."
Kakashi haussa les épaules. Il n'interviendrait que si Gai en disait trop.
"Les enfants, reprit Gai en s'adressant aux cinq adolescents, il faut que vous vous rendiez bien compte d'une chose.
- Ce type n'est pas normal, coupa Neji.
- Bingo, renchérit Sasuke avant de recevoir un coup de coude de la part de Sakura.
- Le capitaine Naruto, continua Sakura en insistant bien sur le capitaine, est un shinobi très puissant, à tel point que Kakashi-sensei lui a cédé sa place.
- En quoi est-il si fort ? demanda Tenten. Il a surtout l'air très sévère …
- Il n'a pas arrêté de nous provoquer, poursuivit Neji sans répondre à la question de sa coéquipière.
- Il a l'air … volontairement distant, en fait, bredouilla Lee. C'est comme s'il s'interdisait toute sorte de lien avec qui que ce soit …
- Naruto est méfiant, confirma Kakashi, mais je l'ai trouvé assez ouvert cette fois-ci.
- Vous semblez le connaître depuis longtemps, Kakashi-sensei, reprit Tenten.
- Assez, oui.
- Reprenons depuis le début, intervint Gai. Vous savez que le Quatrième Hokage a combattu il y a de cela bientôt seize ans le démon renard Kyûbi, n'est-ce pas ?"
Neji, Tenten et Lee hochèrent la tête. Gai jeta un coup d'œil à Sasuke et Sakura sans que ceux-ci ne tiquent.
"Je leur ai déjà raconté, s'empressa d'expliquer Kakashi. Ils sont au courant depuis une année, environ.
- Et après c'est toi qui viens me dire qu'on n'a pas le droit de divulguer ce genre d'information … ?
- Gai-sensei, nous n'avons pas beaucoup de temps, coupa Neji.
- Ah, oui … Et bien, pour faire simple et court, le Hokage a enfermé l'âme du démon dans un enfant. Cet enfant, c'est Naruto. Cela fait de lui un jinchûriki, un «sacrifice humain».
- Et ce jinchûriki en question n'est autre que le fils de Tatsu-sensei, rajouta Kakashi.
- C'est un pari hasardeux, souffla Neji.
- Il faut savoir prendre des risques, rectifia sèchement Kakashi en fixant Neji. Tatsu-sensei ne prend pas toujours la meilleure solution possible, il jongle même assez avec les gaffes, mais il fait en sorte que tout se déroule selon ce qu'il a prévu.
- Kakashi, gronda Gai, ne réagis pas aussi vite. Les capacités du Hokage ne sont plus à démontrer, pas la peine de monter sur tes grands chevaux. Les enfants, recentra le gars fort, il faut que vous sachiez qu'un jinchûriki est une arme très précieuse, difficile à maîtriser. Lorsqu'une grande puissance possède l'un de ces jinchûriki, elle fait tout pour le garder, quitte à déclencher des guerres.
- Cependant, poursuivit Kakashi, du fait de leur statut assez ambigu, les jinchûriki sont mal connus et très souvent détestés parmi les ninja. Pour éviter le pire, Tatsu-sensei et le vieux Sarutobi ont pris la décision de cacher Naruto tant que sa formation n'est pas terminée. Il n'y a qu'une petite vingtaine de personnes qui le connaissent, à Konoha, et à peu près autant en dehors des frontières du Pays du Feu.
- Comme tout shinobi d'élite, une prime est sur sa tête, expliqua à son tour Gai. Nous avons un système de Bingo Book et on sait que les déserteurs ont en aussi un. Kakashi et moi y sommes, comme tout jônin qui se démarque suffisamment. Malgré le tabou qui règne autour de Naruto, les chasseurs de tête savent qui il est, plus ou moins, et n'attendent que l'occasion propice pour recevoir la prime.
- Mais Naruto est très fort, ne put s'empêcher de rajouter Sakura. Il a …
- Un point faible, comme tout le monde, rappela Kakashi.
- Un point faible, répéta Neji."
Kakashi se contenta d'hocher la tête. Il connaissait ce point faible, tout comme Gai, mais ce n'était pas le genre de chose à révéler à des gamins, même s'ils faisaient partie de l'équipe s'assurant du bon vouloir du jinchûriki. Au pire, ils le découvriraient pendant le combat qui les attendait mais Kakashi en doutait fortement. Si on ne le lui avait pas dit, il n'aurait jamais trouvé. C'était bien mieux comme ça. Un jinchûriki était par définition imbattable. Il valait mieux que tout le monde y croie dur comme fer.
"Quoi qu'il en soit, notre mission est de protéger et de gérer le jinchûriki jusqu'à notre possible retour à Konoha, ajouta Kakashi. Même s'il est capitaine de mon équipe, il aura besoin de l'accord de Gai pour entreprendre quelque chose. Naruto suit les règles, plus ou moins, et c'est une chance. Vous n'aurez aucun souci avec lui si vous le respectez comme il se doit. Vous aurez juste droit à quelques tests comme cet entraînement. Osez lui montrer ce que vous valez, même si vous suivez ses ordres.
- Tout donner, en quelque sorte, ajouta Neji."
Kakashi hocha la tête. Neji n'avait pas eu don diplôme dans une pochette surprise, contrairement à ce que les mauvaises langues distillaient sur lui. Neveu de Hiashi, il avait été placé dans la branche inférieure du clan Hyûga à l'âge de quatre ans. Neji n'avait pas eu une vie facile et restait quelqu'un de très froid et distant. Cependant, son talent avait été exposé au grand jour lorsque Gai l'avait pris sous son aile. Il n'était plus à lors un enfant de la bunke mais un ninja de Konoha. L'examen de classe moyenne dans lequel il s'était confronté à Sasuke avait été de toute beauté. Kakashi se rappelait encore le combat qu'ils s'étaient livrés. Toute l'arène avait retenu son souffle, s'intéressant soudainement à ce Hyûga alors que le deuxième fils d'Uchiha Fugaku passait au second plan. Sasuke avait perdu ce jour-là. Son combat précédent contre Gaara du Désert l'avait trop affaibli et il n'avait pas pu tenir longtemps. Kakashi s'était toujours dit qu'il serait intéressant de voir Neji et Sasuke combattre à nouveau. Ils avaient tout deux acquis plus de force et de maîtrise, le combat promettait d'être magnifique. Kakashi se leva juste au moment où Naruto revenait avec Temari le suivant. Les autres prirent exemple sur le ninja copieur alors que celui-ci posait tranquillement sa main sur la tête de son protégé.
"Encore une quinzaine de centimètres et tu me rattrapes.
- Mais encore ?
- Je veux que Sasuke soit avec toi et Temari pour l'entraînement."
Sasuke sentit très nettement le regard de Naruto se poser sur lui. Ce n'était pas agréable. Il tourna ensuite la tête vers Temari qui haussa les épaules. Naruto reporta son attention sur son coéquipier.
"Ne nous gêne pas."
***
Itachi admira un instant le panorama qui s'offrait devant eux : une immense cascade tonitruante s'écrasait dans un large bassin naturel humide et glissant, le tout planté au milieu d'un massif rocheux surélevé. Le village caché de Taki se trouvait dans le Pays de la Cascade et n'était pas vraiment ce qu'on pourrait appeler une grande force militaire. Son seul point fort résidait dans sa géographie : de grandes structures rocheuses nommées karst. On pouvait difficilement escalader ces pics rocheux du fait de leur friabilité mais les plateaux au sommet étaient suffisamment résistants pour que des villages puissent y être construits. Il n'y avait souvent qu'un chemin d'accès pour aller dans chaque village et passait immanquablement par l'intérieur du karst. Il était facile de protéger une place forte naturelle comme celle-ci. Le village de Taki manquait juste de discrétion : l'immense cascade se jetant du haut du karst n'avait rien de bien secret. C'était même la seule cascade de la région. Itachi comprenait facilement pourquoi ce village n'avait jamais obtenu la moindre attention d'aucune des grandes puissances du continent bien qu'il ait quelques moyens. Aoba et Ebisu en arrivaient à la même conclusion après quelques minutes de divagation.
"Comment fait-on pour entrer à Taki ? demanda Ebisu.
- Et comment être sûr que notre revendeur se trouve bien ici ? insista Aoba."
Itachi soupira. Il en avait assez de ces deux-là. Il voulait rentrer à Konoha, faire son rapport et aller se coucher. Ils avaient passé toute la nuit à effacer les traces du combat du jinchûriki et ça n'avait pas été simple. Reboucher un cratère n'était pas quelque chose de particulièrement reposant. Ils avaient trouvé par la même occasion la source du brouillard intempestif : une source d'eau bouillonnait au centre du cratère et produisait plus de vapeur que de raison. Même cinq jours après l'affrontement, le sol était encore chaud et craquant. Une odeur désagréable planait sur l'endroit, comme si on avait fait brûler quelque chose de vivant – un corps humain en l'occurrence. Itachi s'était demandé sur l'instant s'il était vraiment de taille contre le jinchûriki. Rien ne lui avait paru plus violent que ce simple cratère et, pourtant, il en avait vu plus qu'il ne le fallait à son jeune âge.
"Itachi-kun ?
- Ah … Oui, et bien … Taki est la capitale et le seul village du pays qui fait vraiment du commerce avec l'extérieur. Il y a des regroupements de commerçant du pays qui tiennent ensemble des magasins, ou plutôt des dépôts de marchandise. Il sera facile d'obtenir nos informations avec ça."
Joignant le geste à la parole, il sortit une enveloppe scellée portant l'écriture du Quatrième Hokage. Ebisu haussa un sourcil.
"On va aussi faire du marchandage alors.
- Hokage-sama propose gentiment l'accueil ainsi que la formation de cinq enfants du pays de la Cascade contre les informations que nous désirons, expliqua Itachi en rangeant l'enveloppe dans une poche étanche.
- Le chef du village fera pression sur les marchands, compléta Aoba.
- Les mômes peuvent disparaître pendant une mission, reprit Itachi en haussant les épaules. Les pertes de genin ont toujours été importantes.
- Et Konoha garde ainsi ses petits secrets, conclut Ebisu."
Uzumaki Tatsumaki serait facilement qualifié de pourri par ses confrères de très haut niveau s'ils n'utilisaient pas le même genre de ruse, les trois jônin en avaient parfaitement conscience. Il ne fallait pas se soucier de l'individu pour être Hokage mais simplement garder son objectif en tête. Un ninja se fichait du groupe tant que sa mission était réussie. Cela n'empêchait pas à des amitiés et des amours plutôt sérieux de voir le jour, ça ne rendait que les liens unissant les uns et les autres plus uniques. Un bon ninja devait pouvoir tuer sans remord parents, enfants, disciples ou n'importe qui d'autre sur simple ordre du Hokage, Itachi le savait bien. Seulement, il ne connaissait pas grand monde de cette trempe là.
"Ça ne règle pas la question du jour, rappela Ebisu. Comment entre-t-on ?
- Grâce à notre ami Yamashiro Aoba, répondit Itachi sans même se tourner vers l'intéressé.
- Hé … ? gémit le concerné en sentant les deux regards se poser sur lui.
- Par la voie des airs, appuya Itachi.
- Ah …"
***
Shikamaru regardait avec envie des enfants jouer à cache-cache dans la cours de l'administration, attendant très certainement leurs parents alors occupés à ranger l'incroyable bordel que le Hokage avait mis en une nuit seulement. Il tourna douloureusement la tête vers l'intérieur de la salle où il se trouvait en compagnie des cinq autres de corvée. Six tables avaient été placées en forme de U dans la pièce, une pour chacun d'entre eux. Un seul dossier, épais de trois pages, siégeait face à Shikamaru. C'était tout ce que les sections spéciales avaient pu trouver à propos du cadavre et des alentours : trois pages, écrites seulement sur le recto, au texte très aéré. Shikamaru se demanda si la désertion serait plus pénible que cette maudite mission.
Chôji grignotait à côté. Ino regardait le ciel, les yeux rêveurs. Shino restait impassible. Kiba somnolait. Hinata jetait des coups d'œil inquiet de temps à autre. Shikamaru admirait son calme intérieur tout autant que son désappointement. Il relut pour la quatrième fois les informations qu'on pouvait synthétiser ainsi : pas de trace de l'assassin, aucune précision sur lui non plus. De là, on pouvait considérer que c'était un homme suffisamment fort pour s'introduire à Konoha et en partir sans se faire voir. Shikamaru n'excluait pas la possibilité qu'il y ait un traître au sein même du village. Après tout, il y avait pas mal de monde qui ne supportait pas les Uchiha, à commencer par eux-mêmes. Les dissensions entre cousins étaient connues de tous. Les Hyûga avaient trouvé un moyen simple pour briguer ce genre de lutte intestine mais les Uchiha, et surtout Fugaku, refusaient de diviser. Shikamaru aurait aimé avoir Sasuke sous la main pour en savoir un peu plus. Toutes les informations qu'il avait en sa disposition venaient de Hinata et de son propre père, Shikaku. Entendre la version d'un Uchiha aurait été plus judicieux.
Que fallait-il faire ? Shikamaru n'arrêtait pas de penser à toutes les possibilités. Aller parler à Fugaku serait suicidaire et provoquerait un retrait du clan qui se refermerait automatiquement. Trouver Sasuke prendrait au moins trois jours mais il n'était pas dit que ce type serait encore à Suna au moment où eux y arriveraient, et puis Shikamaru voyait mal six héritiers partir sans problème faire une petite promenade. Il leur fallait une autorisation écrite de la main du Hokage qui ne se trouvait pas à Konoha aujourd'hui. Le départ serait remis au lendemain dans le meilleur des cas mais là encore il fallait compter sur l'inertie de leur système archaïque : l'autorisation du Kazekage était également nécessaire s'ils voulaient entrer dans le pays sans risquer de se faire abattre à vue. Shikamaru savait que le Hokage les enverrait sans autorisation, prévenant juste son confrère par un message urgent – le deuxième en moins d'une semaine, ce n'était pas vraiment bon signe. Il se permettait un peu trop de choses au goût du chûnin mais ce n'était pas là son affaire.
D'un autre côté, Shikamaru n'avait pas du tout envie de partir à la recherche de Sasuke. Il était, après tout, avec son instructeur, sa coéquipière et un autre shinobi a priori assez fort pour faire partie des sections spéciales – encore un renseignement soutiré à Hinata. Ses yeux étaient sous bonne garde. Quant au grand frère de Sasuke, Itachi ou quelque chose comme ça, ce n'était même pas la peine d'aller l'informer : sa force faisait frémir d'envie n'importe quel Uchiha, voire n'importe quel shinobi de Konoha ; Shikamaru savait qu'il pouvait se débrouiller seul en cas de besoin. De plus, il doutait fortement que l'héritier accepte une quelconque aide extérieure venant d'un simple chûnin. Shikamaru se racla la gorge pour obtenir l'attention de l'assistance.
"Nous avons deux options qui se présentent à nous. Soit on reste à Konoha et on étudie minutieusement le peu d'élément qu'on a pour ensuite se présenter devant le Hokage et s'en prendre plein la tronche parce qu'on aura fait chou blanc, soit on quitte le village pour mener l'enquête.
- La deuxième est la meilleure, y'a pas à réfléchir, s'empressa de répondre Kiba.
- Crétin, coupa Ino. Tu crois vraiment que des chûnin dans notre genre auront carte blanche en dehors du village ?
- Ino a raison, renchérit Chôji. Nous n'avons jamais été très brillants, nous n'attirons pas l'attention. C'est très bien pour un ninja mais, si l'on quitte le village, ce sera un inconvénient.
- Je ne vois pas en quoi «quitter le village» est si problématique, intervint Shino.
- Par quitter le village, je pensais à nous faire passer pour des déserteurs."
Shino, Kiba et Hinata fixèrent Shikamaru comme s'il eut été une bizarrerie de la Nature. Le chef de l'équipe d'investigation se gratta le crâne en marmonnant des propos peu flatteurs avant de s'affaler sur sa chaise.
"Je ne crois pas que notre bonhomme soit du village pour une simple et bonne raison : il ne savait pas à qui il avait à faire. Uchiha Gôrô était jônin, un homme fort faisant partie de la police. Quelqu'un en a déjà entendu parler ?
- Il … Il a souvent été remarqué pour ses capacités, murmura Hinata.
- 'paraît qu'il était très bon en espionnage, poursuivit Kiba.
- C'est exacte, reprit Shikamaru. Uchiha Gôrô était l'un des cinq meilleurs membres de son clan. Connu pour ses capacités de déduction, sa maîtrise inégalée de la dissimulation et son sens inné du devoir, c'était un homme exemplaire. N'importe quel bourrin sait ça et ne se frotterait pas à lui. Notre bonhomme ne savait visiblement pas qui il était. A mon avis, il l'a attaqué parce qu'il est tombé dessus par hasard. Il lui fallait le Sharingan, peu importe sa provenance.
- Et s'il l'avait attaqué en toute connaissance de cause ? demanda Shino.
- C'est une possibilité mais les chances sont faibles. A ce que je sais, le Sharingan ne varie pas d'un individu à l'autre. Celui du chef n'est pas plus puissant que celui du premier genin venu. Il aurait été plus simple de s'en prendre à un môme.
- Alors notre cible se balade dans Konoha après s'être infiltré, trouve un Uchiha et se dit «chouette, j'ai pas à aller jusque dans leur quartier», il le tue, lui prend ses yeux et se barre, résuma Kiba en se grattant la tête, assez incrédule.
- En moins d'un quart d'heure, compléta Shikamaru. C'est ce que dit le rapport : combat bref et violent. Le Uchiha est mort suite à une hémorragie ventrale due à l'éclatement de la rate et du foie. Il a ensuite été poignardé au niveau du cœur et sa carotide a été tranchée. Les yeux ont été retirés après ça.
- C'est de l'acharnement, gémit Ino.
- Notre assassin ne doit pas être bien dans sa tête pour commettre pareil massacre, tenta Shino. Un ninja tue en un coup, rapidement et si possible sans effusion de sang.
- La discrétion n'est pas son fort, confirma Shikamaru, ce qui renforce mon idée : il est, ou il se croit, tellement fort qu'il ne prend pas la peine de respecter les bases ninja. Sa force lui permet de créer ses propres règles du jeu."
Chôji lorgna en direction de Shikamaru et remarqua immédiatement le léger pincement des lèvres de son ami. La situation ne lui plaisait pas mais à qui aurait-elle plue ? Chôji savait que Shikamaru avait une sainte horreur de tout ce qui n'était pas bien réglé parce qu'il fallait réfléchir un peu plus que d'habitude. Si le génie de leur promotion trouvait cette mission délicate, c'était alors le cas, Chôji le savait bien. Shikamaru croisa les bras sur sa poitrine et ferma les yeux, l'air tendu. Ino et Chôji s'échangèrent un regard tendu avant de soupirer.
"On vote ? proposa Ino."
Shikamaru fit non de la tête.
" Ino, tu prendras la tête de l'équipe formée avec Chôji et Hinata. Vous enquêterez de manière plus régulière, ici. Je vous fais confiance pour ça. Shino, Kiba et moi, on partira de Konoha dès ce soir.
- Et Akamaru, râla le maître-chien.
- Et Akamaru, rajouta Shikamaru de mauvaise foi.
- Dès ce soir ? demanda Shino. Et le Hokage ?
- Est-ce que des déserteurs demandent la permission de déserter ? grogna Shikamaru en se levant."
Shino ne répondit pas, se levant lui aussi pour aller préparer ses affaires en secret. Personne ne devait être au courant, s'il comprenait bien. Il ne restait plus qu'à le faire comprendre à Kiba qui s'enthousiasmait déjà à l'approche des grands espaces vierges de toute présence humaine et les échappées sauvages. Shino soupira. Pour reprendre une expression du chef de l'équipe, la mission allait être galère.
A suivre …
Note
Nigori Tenten : Les "tenten" sont les deux appostrophes que l'on met à un hiragana ou un katakana pour en changer le son (ka => ga, ta => da, etc ...). Il y a d'autres marques de ce genre et tout ceci est appelé "nigori", qu'on apprend avec joie dans l'ordre =D
Bonne lecture.
-¤ Outcast ¤-
Chapitre 05 : Déformation
Lorsque Anko arriva ce matin-là à l'administration, ce fut pour la trouver en effervescence. La plupart des jônin qu'elle connaissait courait d'un côté à l'autre en portant différents cartons visiblement bien remplis. Haussant un sourcil, la jeune femme agrippa par le col un môme pas bien haut et rondouillard qui suivait son professeur et le souleva du sol sans aucune difficulté. Le gamin pesta et remua du plus qu'il put mais ce fut bien vain face à Anko.
"Qu'est-ce qui se passe ? demanda Anko sans même regarder le genin.
- Mission secrète, répondit effrontément l'enfant en croisant les bras. C'est pas tes oignons."
Le jônin en charge du gamin arriva bien heureusement juste à temps pour le sauver d'une mort certaine par rencontre un peu trop violente avec le mur. Anko traversa l'agitation sans y prêter attention puisqu'il s'agissait d'une "mission secrète". Elle trouva le bureau des assignations étrangement vide : il n'y avait qu'un chûnin en faction, Umino Iruka, corrigeant les copies de ses élèves et ne prêtant pas attention au reste du monde. Anko resta à la porte, observant à la dérobée le jeune homme. Selon les dernières rumeurs, il était en proie à une déroutante passion pour Kakashi mais Anko en doutait fortement. Kakashi ne s'intéressait pas ouvertement au reste du monde alors de là à le voir gay, il y avait un gouffre. Ce devait encore être une rumeur lancée par Gai pour décrédibiliser son rival éternel ou bien un coup du Quatrième lui-même. Anko s'était toujours demandée pourquoi Kakashi n'avait pas encore déserté avec ces deux cinglés sur le dos. Partant en quête d'un peu d'activité, Anko se dirigea cette fois vers la salle de repos réservée aux jônin. Il y aurait toujours moyen d'y trouver quelqu'un à défier même si l'endroit n'était presque pas fréquenté, maniaque du travail oblige. A sa grande surprise, Anko y vit Yakushi Kabuto en grande conversation avec Shizune, les deux en train de discuter de la nouvelle recrue dont s'occupait le jeune homme. Anko s'approcha sans chercher à se dissimuler et donna un coup de pied aux fesses de Kabuto.
"Depuis quand tu dragues les dames respectables, merdeux ?
- Bonjour, Anko-senpai, répondit Kabuto avec un soupire alors que Shizune ricanait doucement à côté.
- Sache, mon grand, que Shizune-chan ne s'intéresse pas aux hommes, continua Anko en venant frotter son épaule contre celle de son aînée. Il serait bien embêtant qu'un puceau dans son genre vienne t'indisposer, n'est-ce pas ma belle ?
- Calme donc tes ardeurs, Anko, fit Shizune toujours en riant, Kabuto-kun est au courant depuis longtemps. Et puis, je sais me défendre toute seule au cas où.
- Laisse-moi me complaire avec l'image que j'ai de toi, gémit Anko en la prenant dans ses bras. Une belle petite chose fragile à protéger plus que tout au monde et qui … Tiens, tu sais ce qui se passe dans cette maison de fou ?"
Posant sa tête sur l'épaule de Shizune, Anko fit un grand sourire à l'intention de Kabuto, sachant pertinemment que son comportement enfantin mettait hors de lui le deuxième disciple de leur maître commun.
"Le Hokage a soudainement décidé de réorganiser les bâtiments.
- Ce ne sera que la troisième fois en cinq ans, marmonna Anko. Il a le feu au cul notre Tatsu national ou quoi ?
- Tu devrais faire attention à ce que tu dis, Anko-senpai. Le Hokage n'apprécie pas ce genre de familiarité.
- Bah, il est pas là, répondit Anko. Et puis ce n'est pas comme si j'étais en train de dire qu'il a le plus beau cul de Konoha ou bien qu'il a des pectoraux de rêve et une peau de bébé … Il faut aussi avouer qu'il a une belle gueule, le vieux …
- Le vieux te remercie."
Les trois jônin se tournèrent d'un bloc vers la porte de la salle de repos, blêmissant en voyant Uzumaki Tatsumaki planté devant eux, les bras croisés et l'air énervé.
"Sur ce, je vais y aller, j'ai du travail, risqua Shizune en s'éclipsant timidement.
- Et moi j'ai laissé l'eau du bain couler chez moi, il faut que j'aille l'arrêter, murmura Kabuto en suivant le mouvement."
Le Hokage les laissa filer d'un œil désintéressé et finit par sourire à Anko en s'avançant dans la salle.
"Ça fait toujours plaisir de savoir qu'on est apprécié, surtout à mon grand âge, mais si tu pouvais éviter de faire mes éloges en d'aussi bons termes, ça m'arrangerait.
- Je peux continuer si j'utilise un vocabulaire moins courant ? tenta Anko.
- Allons, un peu de sérieux, répondit Tatsumaki en fourrant ses mains dans ses poches. J'ai trouvé une occupation pour tout le monde alors on a le champ libre pour la journée.
- Quelle proposition indécente, se moqua Anko en s'appuyant contre une table.
- Ce genre d'activité ne me dérangerait pas mais j'ai prévu autre chose. Toi et moi allons dans le terrain d'entraînement cinquante et un jusqu'à demain matin.
- Un test ? s'étonna Anko. Si je peux me permettre, mes résultats sont tous excellents et je ne vois pas l'intérêt d'une mise à l'épreuve en ce qui me concerne.
- Ça, je m'en fous, avertit le Hokage. C'est un ordre et tu dois t'y plier. D'ici à demain matin, tu dois me prouver ce que tu vaux. Tu as droit à tout ton attirail si ça te chante et bats-toi sérieusement parce que je ne vais pas me retenir non plus."
Anko fronça quelque peu les sourcils. Elle savait qu'elle faisait partie de l'élite des jônin mais elle n'aurait jamais pensé qu'elle puisse faire l'objet de tant d'attention. Peut-être que le Hokage préparait sa succession et qu'elle était l'une des candidates à la candidature ? Anko réfuta cette possibilité. Il y avait plus fort qu'elle dans ce pays et la liste commençait par Hatake Kakashi, bien entendu. Même si le Hokage ne pouvait souffrir son disciple plus de cinq minutes, il était normal qu'il pense à lui en premier pour la succession. Anko se renfrogna et accepta, laissant partir le Hokage en premier. Elle avait une heure pour se préparer et rallier le terrain d'entraînement, c'était peu. Le cinquante et un se trouvait au nord de Konoha, à plus de dix kilomètres du village. Il était tellement peu fréquenté qu'on le considérait comme le parc privé du Hokage et de son élève qui s'y entraînaient chaque matin. Anko avait entendu dire que Kakashi était parti quatre jours plus tôt avec ses disciples pour Suna, cela signifiait que le Hokage n'avait pas combattu depuis autant de temps. Elle ne sut pas sur l'instant si c'était une bonne ou une mauvaise chose.
***
Sakura ouvrit la porte de la chambre réservée à son équipe avec un peu d'appréhension. Elle avait un peu l'impression d'essayer de cacher à ses parents qu'elle avait découché, ce qui n'était pas spécialement faux si l'on considérait que Kakashi pouvait être bien plus envahissant que la mère de Sakura.
"On a commencé le petit déjeuner sans toi, Sakura …"
La jeune fille frémit à peine en entendant la voix de son professeur susurrer à son oreille une douce complainte pleine de tension et d'aigreur. Kakashi referma la porte d'un coup de pied et poussa son élève à travers le vestibule pour la poser sur une chaise dans la salle principale de leur appartement. Sasuke et Naruto, assis l'un en face de l'autre, mangeaient déjà avec plus ou moins d'entrain. Kakashi prit place à droite de Naruto, en face de Sakura, et reprit son petit déjeuner là où il l'avait laissé. Sakura se sentit mal à l'aise devant le silence de Kakashi, les regards insistants de Sasuke et l'absence totale de commentaire venant de Naruto. Elle se tortilla un peu sur sa chaise.
"Mange, ordonna Kakashi."
Sakura se précipita sur les différents plats à sa disposition et garnit son assiette. La petite table était surchargée de plats de Suna, allant du simple plateau de fruits à un assortiment de viandes séchées. Trois pichets de jus de fruits ainsi qu'un de lait étaient aussi présents. Sakura avala rapidement une sorte de gruau de sorgho au goût de datte avant d'oser jeter un coup d'œil vers l'assiette de Naruto. A ce qu'elle put en voir, son nouveau coéquipier avait un régime très porté sur la viande et ça ne l'étonna qu'à moitié. Kakashi remonta son masque de tissu et posa calmement ses mains sur la table.
"Ecoutez-moi bien."
Sakura et Sasuke levèrent les yeux de leur assiette tandis que Naruto continuait à manger.
"Nous sommes ici en tant que représentants de Konoha, poursuivit Kakashi, et il est hors de question que nous ridiculisions notre village. Alors à partir de maintenant, aucune faute ne sera tolérée. Me suis-je bien fait comprendre ?"
Les deux nouveaux promus hochèrent la tête sèchement. Kakashi tourna à peine la sienne vers Naruto.
"Mes avertissements vont aussi dans ton sens, Naruto.
- Je sais, capitaine, répondit d'un ton sec le jinchûriki.
- Peux-tu me dire où tu étais cette nuit, à ce propos ?
- J'ai obéi aux ordres du Kazekage. Ils sont supérieurs aux tiens, à ce qu'il me semble.
- Le Hokage a bien précisé que tu devais suivre mes ordres et pas ceux d'un autre, rectifia Kakashi. J'attends de toi plus que quiconque, ne me déçois pas."
Naruto fronça clairement les sourcils en se tournant vers Kakashi. Les deux hommes se dévisagèrent dans une atmosphère tendue et Kakashi sut qu'il avait commis une erreur de bonne taille. Il avait employé par mégarde la même phrase que son professeur, celle que le Hokage sortait toujours à Naruto ou bien à son disciple. Kakashi se demanda un instant comment allait réagir Naruto. Il n'avait jamais été son capitaine, tous les rapports qu'ils avaient entretenus jusque là allaient toujours dans le sens du gosse. Kakashi représentait un peu le grand frère protégeant son cadet de l'adversité et des ambitions un peu trop grandes de son père. Il n'y avait jamais eu aucun rapport de force entre les deux disciples. Ce nouveau statut ne plaisait pas à Kakashi. Il n'était finalement pas fait pour être le capitaine de Naruto. Peut-être avait-il la force nécessaire pour pouvoir veiller sur lui mais les seize années qu'ils avaient partagées sapaient totalement son semblant d'autorité. L'adolescent tourna finalement la tête et sortit de table, s'éclipsant dans la chambre adjacente, sous le regard toujours tendu de Kakashi. Celui-ci se jura une nouvelle fois qu'il n'aurait jamais descendance pour s'éviter tout problème. Kakashi soupira, reportant son attention sur Sasuke et plus particulièrement sur Sakura.
"Où étais-tu la nuit dernière ?
- Temari-san m'a demandé de venir la voir alors, je …, murmura Sakura.
- Nous ne sommes pas en territoire ennemi mais ce n'est pas pour autant une raison de jouer les naïves, coupa Kakashi d'un ton sec. Vous êtes jônin à l'épreuve pour l'année, une commission d'enquête jugera si vous êtes ou non admissibles en se basant sur nos rapports de mission. Tatsu-sensei me connaît parfaitement et croyez-moi que d'ici à la fin de l'année il aura épluché tout ce qui vous concerne, il vous connaîtra mieux que vous-même. Il détectera le moindre détail, le moindre mensonge. Alors mettez-vous bien en tête que vous n'avez plus le droit à l'erreur. Vous en avez déjà suffisamment cumulé pour l'année en trois jours ! Ne me faites pas regretter de vous avoir choisi comme mes disciples, ajouta-t-il en baissant la voix. J'ai confiance en vous et je sais que vous êtes capables de bien mieux. Ressaisissez-vous, il n'y aura plus d'avertissement."
Sasuke et Sakura hochèrent à nouveau la tête, assez mal à l'aise. Kakashi n'eut pas le temps de rajouter quoi que ce soit, Naruto sortit de la chambre commune, visiblement plus armé que lorsqu'il y était entré. Il se planta au bout de la table, les mains dans les poches et l'air trop neutre pour l'être vraiment.
"Au cas où vous ne seriez pas au courant, capitaine, la seconde équipe est arrivée cette nuit à cause d'un retard inopiné. Mais vous ne devez pas le savoir parce que vous vous fiez trop aux nouvelles conventionnelles, rajouta Naruto en haussant les épaules.
- Espionner alors qu'on n'en a pas reçu l'ordre peut compromettre notre mission, rappela Kakashi en se levant.
- Oui, bien sûr, sauf si les types qui nous surveillent ne s'en rendent pas compte.
- Naruto, gronda Kakashi, tu …
- Je suis meilleur ninja que ces soit disants jônin de Suna, coupa le jinchûriki. Je me permettrai de rajouter, capitaine, que ma sécurité est prioritaire, n'est-ce pas ? Qu'importent les moyens employés.
- Fais preuve d'un peu de modestie, ça ne te fera pas de mal."
Naruto renifla, étrécissant légèrement les yeux. Kakashi savait qu'il avait pris une mauvaise pente dès le départ. Il passa sa main dans ses cheveux, vaguement énervé par la situation.
"Très bien, changement de plan les enfants, finit-il par soupirer. Naruto a un niveau plus élevé que le mien, il est donc normal qu'il soit capitaine d'équipe à ma place.
- Kakashi-sensei ! s'offusqua Sakura.
- Kakashi, t'es sérieux ? grimaça Sasuke.
- Tu vas à l'encontre des ordres du Hokage ? s'étonna Naruto.
- Ce ne sera pas la première fois, ricana Kakashi. Je te cède la place à une condition, Naruto.
- Laquelle ?
- Pense d'abord à l'équipe, sourit Kakashi. Dans les sections spéciales, l'objectif est de réussir la mission, pas de ramener son équipe entière. Dans les sections plus régulières, ça fait tache d'avoir un membre manquant quand on revient, ce n'est pas vraiment apprécié. Qui plus est, Sakura et Sasuke sont importants pour moi, tu comprends ?"
Naruto jeta un coup d'œil aux deux adolescents toujours assis, jugeant rapidement la situation. S'il devenait capitaine à la place de Kakashi, il aurait un champ d'action plus libre mais il serait aussi retenu par ces deux-là. Naruto n'appréciait pas trop l'idée d'avoir des novices accrochés aux basques. Il avait pu évaluer leurs compétences et ce n'était pas brillant. Sakura était forte d'un point de vue strictement technique mais faible psychologiquement. Naruto savait qu'elle pouvait parfaitement laisser tomber inconsciemment, ce qui se ressentirait sur ses aptitudes. Elle était pourtant kunoichi. Ce statut impliquait qu'elle eut un moral bien meilleur que celui de n'importe quel homme. Etre une femme dans un univers aussi violent n'était pas simple, il fallait s'armer d'une façon bien différente. Quant à Sasuke, il était impressionné par Naruto, c'était certain. Il cumulait en plus avec un esprit de compétition mal venu en mission. Naruto pensait honnêtement que Sasuke avait beaucoup de potentiel en tant que ninja mais il fallait qu'il apprenne à mettre de côté ses émotions. Les benjamins étaient toujours plus faibles que les aînés, se rappela Naruto. Sasuke avait un grand frère, Itachi, ce qui impliquait bon nombre de troubles inconscients. La peur du rejet, l'envie de dépasser l'aîné, le désir de prouver qu'il existait, le fort lien familial, toutes ces choses étaient à prendre en considération. Naruto s'en passait volontiers. Sur Kakashi, il n'avait pas grand-chose à dire. C'était un excellent shinobi qu'il connaissait bien. Cela compliquait leurs relations de travail mais c'était aussi un avantage : Naruto pouvait parfaitement suivre la logique de Kakashi et donc prédire ce qu'il allait faire. Le plus gros point faible de Kakashi résidait en vérité en ses disciples. Le lien entre eux était bien trop fort pour que le travail d'équipe soit satisfaisant. Naruto finit par baisser la tête.
"Très bien. Mais que les choses soient claires dès le départ, continua-t-il en se tournant vers Sasuke et Sakura, toute forme d'impolitesse, que ce soit envers Kakashi ou bien moi, sera très mal perçue. En devenant capitaine, ce sont mes rapports de mission qui comptent le plus pour votre mise à l'épreuve, alors tenez-vous à carreaux. Et, Sasuke, on ne tutoie pas son professeur.
- A vos ordres, marmonna Uchiha.
- Il est plus que temps de bouger, dépêchons."
Sakura déposa ses couverts et se rua dans la chambre pour prendre ses affaires au même titre que Sasuke. Ils suivirent par la suite Kakashi et Naruto à travers les couloirs du bâtiment réservé aux logements des shinobi étrangers. Ils croisèrent une équipe venant d'Iwa, au Pays de la Terre, mais Naruto les ignora royalement. Il nota cependant que Suna privilégiait une délégation d'un pays a priori ennemi à celle d'un allié. Le vent tourne, pensa-t-il en jetant un coup d'œil par-dessus son épaule. Le chef de l'équipe de jônin d'Iwa le dévisagea, gardant bien en mémoire le visage du gamin. Naruto lui sourit un bref instant. Il devrait s'occuper de ça avant que la délégation ne parte. L'équipe arriva devant l'appartement numéro quinze et le capitaine frappa à la porte. Un simple "entrez" leur répondit, aucun signe distinctif ne fut demandé. Ça commençait mal, pensa Kakashi en voyant Naruto froncer les sourcils. Naruto entra, suivi de près par Kakashi qui interviendrait en cas de problème. La suite fut plus confuse. Un nuage de fumée épaisse envahit la pièce et Kakashi se retrouva plaqué au sol sans qu'il ne comprenne trop pourquoi. Il entendit des bruits de lutte et, avant qu'il n'ait pu faire quoi que ce soit, la fumée disparue, aspirée par la fenêtre. Kakashi vit alors très nettement Gai au dessus de lui, le serrant dans ses bras et, un peu plus loin, Lee et Tenten à terre ainsi que la table, les chaises et un fauteuil. La pièce était sans dessus dessous. Naruto se tenait près de la fenêtre, refermant d'un geste sec le volet de bois ouvragé.
"Gai, murmura Kakashi, t'es dans la merde.
- Ah ?
- Je ne suis plus capitaine.
- Ah, effectivement …"
Maito Gai se releva, tirant Kakashi par la même occasion. Sasuke et Sakura n'avaient même pas pu rentrer dans la pièce, la porte s'était refermée sur eux. Ils osèrent à peine l'entrouvrir, jetant un œil dans la pièce dévastée. Cet appartement était identique au leur : une grande pièce principale faisant office de salle à manger et de salon avec quelques canapés pas vraiment confortables, à la mode de Suna, ainsi qu'un passage taillé dans le mur pour arriver à la chambre commune. Le tout était frais et plongé dans la pénombre que créaient les panneaux de bois sculptés. Un jeune homme à peine habillé d'un pantalon blanc arriva par la chambre, regardant le carnage de ses yeux blancs, ses longs cheveux trempant son dos. Neji se dit soudainement qu'il aurait mieux fait de rester sous la douche.
"Et bien …, hésita Gai, merci d'être venu aussi vite, Naruto-dono."
Il s'inclina avec respect, s'aventurant à penser que cette simple marque de respect suffirait à calmer le jinchûriki. Gai savait que c'était la meilleure chose à faire devant l'un de ces ninja. Les jinchûriki aimaient qu'on les reconnaisse en tant que tel mais il ne fallait pas non plus trop flatter leur ego. Naruto claqua sa langue et Gai se redressa, ordonnant par la même occasion à ses élèves de ranger la chambre. Les trois adolescents comprirent vite qu'il ne fallait pas s'attarder et se mirent au travail. Sasuke et Sakura se joignirent à eux, restant tout de même très discrets. En un rien de temps, le salon fut en ordre et Neji habillé plus règlementairement. Les deux équipes s'installèrent sur les sofas autour d'une petite table basse. Tenten et Sakura préparèrent du thé dans la foulée, préférant se taire. Naruto s'adossa à la fenêtre, fixant avec intérêt les sept personnes assises. Il attendit que les deux demoiselles finissent de servir le thé pour parler.
"Ça me surprend de vous voir ici, Gai-san."
Sasuke et Sakura furent tout autant surpris d'entendre Naruto s'adresser poliment à quelqu'un.
"Nous étions en mission au Pays du Thé, répondit Gai en s'inclinant légèrement. Mon équipe était la plus proche, voilà pourquoi nous avons été envoyés ici. Cependant, le navire qui nous a transporté du Pays du Thé aux côtes du Pays du Vent a eu un problème de cordage et nous n'avons pu récupérer plus de douze heures sur notre retard. Je m'en excuse. Si vous me le permettez, poursuivit-il, je vais vous présenter mes élèves. Ils n'ont pas eu l'honneur de vous côtoyer jusqu'à présent."
Gai tendit sa main vers Neji qui parut soudainement dépassé par les évènements. Il s'inclina avec respect et Naruto remarqua qu'il avait l'habitude de ce mouvement. Il devait le répéter autant de fois que ses kata. Naruto le fixa de cette manière que Sakura avait su décrypter : la situation ne lui plaisait pas.
"Hyûga Neji, dix-sept ans, jônin depuis deux années. Neji est mon second lors des missions, il m'est d'une aide précieuse grâce à son …
- Byakugan, coupa Naruto. Ce n'est pas comme si ça ne se voyait pas."
Neji resta impassible, tant que Gai s'empressa de lui baisser la tête en l'accompagnant d'un rire nerveux. Naruto rapporta son attention sur l'Ombrageuse Panthère de Jade de Konoha.
"Ensuite ?
- Rock Lee, s'empressa de répondre l'intéressé en se levant rapidement. J'aurai dix-sept ans le vingt-sept novembre prochain, monsieur, et je suis actuellement chûnin mais je compte bien progresser encore !!"
Pour conclure sa tirade, Lee s'inclina bien trop bas. Naruto le fixa à peine avant de se tourner vers Tenten. La jeune fille se sentit mal à l'aise. Elle tira Lee pour qu'il s'asseye avant de se lever elle-même et s'incliner respectueusement comme le protocole l'indiquait.
"Nigori Tenten, j'ai dix-sept ans et je suis la plus âgée du groupe. J'ai le grade de chûnin et je poursuis mon entraînement auprès de Gai-sensei.
- Cela fait cinq ans que je m'occupe d'eux, continua Gai alors que Tenten reprenait place, et je ne suis pas déçu des avancées phénoménales qu'ils ont fait. En particulier Lee.
- J'en ai déjà entendu parler, persifla Naruto en tournant la tête. Plus important, que comptez-vous faire ?
- Je n'ai pas été mis au courant de la situation actuelle à Suna, tempéra Maito. Nous sommes arrivés très tôt ce matin et le Kazekage n'a pas accepté de nous recevoir.
- Ça ajouté aux ninja d'Iwa que nous avons croisé tout à l'heure, intervint Kakashi, ce n'est pas bon signe.
- Des ninja d'Iwa ? s'inquiéta Gai.
- Je m'en occuperai plus tard, répondit évasivement Naruto. Pour la situation, c'est simple : Gaara et Kankuro doivent revenir demain pour l'anniversaire de Temari. Jusque là, je dois me la jouer profile bas parce que le Kazekage a peur d'une attaque sur Suna.
- J'ajouterai que nous sommes tolérés et non pas accueillis, conclut Kakashi."
Gai baissa la tête, perdu dans ses pensées. C'était bien ce qu'il craignait : quelque chose de mauvais se préparait. Il se reprit : non, Suna pouvait simplement prendre contact avec Iwa afin de faciliter par la suite une alliance avec Konoha. Cependant, il fallait être naïf pour y croire ne serait-ce qu'un seul instant.
"Pas la peine de se prendre la tête avec ça, reprit Naruto en haussant les épaules. Vous êtes tendus, ça n'apportera rien de bon. Pour que je puisse me faire une idée de votre niveau, nous partons immédiatement pour le sud de Suna. Il y a un massif rocheux où nous serons tranquilles et on n'attirera pas l'attention non plus. Entraînement.
- Nous sept contre vous ? demanda Gai en relevant la tête.
- Je vais demander à Temari de participer aussi. Elle sera avec moi.
- Tu fais plus confiance à un ninja de Suna qu'à tes camarades de Konoha ? soupira Kakashi."
Naruto ne répondit pas, partant d'un pas souple jusqu'à la porte en laissant derrière lui ses compatriotes. Ce fut au tour de Kakashi de baisser la tête. Tatsumaki n'avait pas transmis que des qualités à son fils et c'était toujours désagréable pour Kakashi de s'en rappeler. Tatsumaki et Naruto partageaient un point commun flagrant en dehors de leur blondeur : une trop grande confiance en soi. Le Hokage savait à présent doser ses efforts bien qu'il fut un adolescent des plus turbulents aux dires de son professeur et de son prédécesseur mais Naruto avait une trop grande marge de progression pour se soucier d'une quelconque barrière. Son corps se régénérait à une vitesse à peine croyable, c'était son plus gros point faible. Naruto ne connaissait aucune limite et se fichait éperdument des blessures. Il évitait le pire à chaque fois mais ne rechignait pas contre une épaule transpercée, comme il l'avait prouvé deux jours plus tôt. Kakashi ne savait pas où cela pouvait emmener Naruto mais il espérait sincèrement qu'il se calmerait un peu en prenant de l'âge. C'était vraiment important.
"Kakashi, j'ai à te parler sérieusement, déclara Gai en se frottant les mains. Ça concerne aussi nos élèves puisqu'ils sont avec nous sur cette mission.
- Tenten et Lee aussi ? demanda Kakashi en se vautrant dans le sofa. Ils sont chûnin, après tout, et je te rappelle qu'on n'est pas sensé divulguer ce genre d'information.
- Ils risques gros alors autant qu'ils soient au courant."
Kakashi haussa les épaules. Il n'interviendrait que si Gai en disait trop.
"Les enfants, reprit Gai en s'adressant aux cinq adolescents, il faut que vous vous rendiez bien compte d'une chose.
- Ce type n'est pas normal, coupa Neji.
- Bingo, renchérit Sasuke avant de recevoir un coup de coude de la part de Sakura.
- Le capitaine Naruto, continua Sakura en insistant bien sur le capitaine, est un shinobi très puissant, à tel point que Kakashi-sensei lui a cédé sa place.
- En quoi est-il si fort ? demanda Tenten. Il a surtout l'air très sévère …
- Il n'a pas arrêté de nous provoquer, poursuivit Neji sans répondre à la question de sa coéquipière.
- Il a l'air … volontairement distant, en fait, bredouilla Lee. C'est comme s'il s'interdisait toute sorte de lien avec qui que ce soit …
- Naruto est méfiant, confirma Kakashi, mais je l'ai trouvé assez ouvert cette fois-ci.
- Vous semblez le connaître depuis longtemps, Kakashi-sensei, reprit Tenten.
- Assez, oui.
- Reprenons depuis le début, intervint Gai. Vous savez que le Quatrième Hokage a combattu il y a de cela bientôt seize ans le démon renard Kyûbi, n'est-ce pas ?"
Neji, Tenten et Lee hochèrent la tête. Gai jeta un coup d'œil à Sasuke et Sakura sans que ceux-ci ne tiquent.
"Je leur ai déjà raconté, s'empressa d'expliquer Kakashi. Ils sont au courant depuis une année, environ.
- Et après c'est toi qui viens me dire qu'on n'a pas le droit de divulguer ce genre d'information … ?
- Gai-sensei, nous n'avons pas beaucoup de temps, coupa Neji.
- Ah, oui … Et bien, pour faire simple et court, le Hokage a enfermé l'âme du démon dans un enfant. Cet enfant, c'est Naruto. Cela fait de lui un jinchûriki, un «sacrifice humain».
- Et ce jinchûriki en question n'est autre que le fils de Tatsu-sensei, rajouta Kakashi.
- C'est un pari hasardeux, souffla Neji.
- Il faut savoir prendre des risques, rectifia sèchement Kakashi en fixant Neji. Tatsu-sensei ne prend pas toujours la meilleure solution possible, il jongle même assez avec les gaffes, mais il fait en sorte que tout se déroule selon ce qu'il a prévu.
- Kakashi, gronda Gai, ne réagis pas aussi vite. Les capacités du Hokage ne sont plus à démontrer, pas la peine de monter sur tes grands chevaux. Les enfants, recentra le gars fort, il faut que vous sachiez qu'un jinchûriki est une arme très précieuse, difficile à maîtriser. Lorsqu'une grande puissance possède l'un de ces jinchûriki, elle fait tout pour le garder, quitte à déclencher des guerres.
- Cependant, poursuivit Kakashi, du fait de leur statut assez ambigu, les jinchûriki sont mal connus et très souvent détestés parmi les ninja. Pour éviter le pire, Tatsu-sensei et le vieux Sarutobi ont pris la décision de cacher Naruto tant que sa formation n'est pas terminée. Il n'y a qu'une petite vingtaine de personnes qui le connaissent, à Konoha, et à peu près autant en dehors des frontières du Pays du Feu.
- Comme tout shinobi d'élite, une prime est sur sa tête, expliqua à son tour Gai. Nous avons un système de Bingo Book et on sait que les déserteurs ont en aussi un. Kakashi et moi y sommes, comme tout jônin qui se démarque suffisamment. Malgré le tabou qui règne autour de Naruto, les chasseurs de tête savent qui il est, plus ou moins, et n'attendent que l'occasion propice pour recevoir la prime.
- Mais Naruto est très fort, ne put s'empêcher de rajouter Sakura. Il a …
- Un point faible, comme tout le monde, rappela Kakashi.
- Un point faible, répéta Neji."
Kakashi se contenta d'hocher la tête. Il connaissait ce point faible, tout comme Gai, mais ce n'était pas le genre de chose à révéler à des gamins, même s'ils faisaient partie de l'équipe s'assurant du bon vouloir du jinchûriki. Au pire, ils le découvriraient pendant le combat qui les attendait mais Kakashi en doutait fortement. Si on ne le lui avait pas dit, il n'aurait jamais trouvé. C'était bien mieux comme ça. Un jinchûriki était par définition imbattable. Il valait mieux que tout le monde y croie dur comme fer.
"Quoi qu'il en soit, notre mission est de protéger et de gérer le jinchûriki jusqu'à notre possible retour à Konoha, ajouta Kakashi. Même s'il est capitaine de mon équipe, il aura besoin de l'accord de Gai pour entreprendre quelque chose. Naruto suit les règles, plus ou moins, et c'est une chance. Vous n'aurez aucun souci avec lui si vous le respectez comme il se doit. Vous aurez juste droit à quelques tests comme cet entraînement. Osez lui montrer ce que vous valez, même si vous suivez ses ordres.
- Tout donner, en quelque sorte, ajouta Neji."
Kakashi hocha la tête. Neji n'avait pas eu don diplôme dans une pochette surprise, contrairement à ce que les mauvaises langues distillaient sur lui. Neveu de Hiashi, il avait été placé dans la branche inférieure du clan Hyûga à l'âge de quatre ans. Neji n'avait pas eu une vie facile et restait quelqu'un de très froid et distant. Cependant, son talent avait été exposé au grand jour lorsque Gai l'avait pris sous son aile. Il n'était plus à lors un enfant de la bunke mais un ninja de Konoha. L'examen de classe moyenne dans lequel il s'était confronté à Sasuke avait été de toute beauté. Kakashi se rappelait encore le combat qu'ils s'étaient livrés. Toute l'arène avait retenu son souffle, s'intéressant soudainement à ce Hyûga alors que le deuxième fils d'Uchiha Fugaku passait au second plan. Sasuke avait perdu ce jour-là. Son combat précédent contre Gaara du Désert l'avait trop affaibli et il n'avait pas pu tenir longtemps. Kakashi s'était toujours dit qu'il serait intéressant de voir Neji et Sasuke combattre à nouveau. Ils avaient tout deux acquis plus de force et de maîtrise, le combat promettait d'être magnifique. Kakashi se leva juste au moment où Naruto revenait avec Temari le suivant. Les autres prirent exemple sur le ninja copieur alors que celui-ci posait tranquillement sa main sur la tête de son protégé.
"Encore une quinzaine de centimètres et tu me rattrapes.
- Mais encore ?
- Je veux que Sasuke soit avec toi et Temari pour l'entraînement."
Sasuke sentit très nettement le regard de Naruto se poser sur lui. Ce n'était pas agréable. Il tourna ensuite la tête vers Temari qui haussa les épaules. Naruto reporta son attention sur son coéquipier.
"Ne nous gêne pas."
***
Itachi admira un instant le panorama qui s'offrait devant eux : une immense cascade tonitruante s'écrasait dans un large bassin naturel humide et glissant, le tout planté au milieu d'un massif rocheux surélevé. Le village caché de Taki se trouvait dans le Pays de la Cascade et n'était pas vraiment ce qu'on pourrait appeler une grande force militaire. Son seul point fort résidait dans sa géographie : de grandes structures rocheuses nommées karst. On pouvait difficilement escalader ces pics rocheux du fait de leur friabilité mais les plateaux au sommet étaient suffisamment résistants pour que des villages puissent y être construits. Il n'y avait souvent qu'un chemin d'accès pour aller dans chaque village et passait immanquablement par l'intérieur du karst. Il était facile de protéger une place forte naturelle comme celle-ci. Le village de Taki manquait juste de discrétion : l'immense cascade se jetant du haut du karst n'avait rien de bien secret. C'était même la seule cascade de la région. Itachi comprenait facilement pourquoi ce village n'avait jamais obtenu la moindre attention d'aucune des grandes puissances du continent bien qu'il ait quelques moyens. Aoba et Ebisu en arrivaient à la même conclusion après quelques minutes de divagation.
"Comment fait-on pour entrer à Taki ? demanda Ebisu.
- Et comment être sûr que notre revendeur se trouve bien ici ? insista Aoba."
Itachi soupira. Il en avait assez de ces deux-là. Il voulait rentrer à Konoha, faire son rapport et aller se coucher. Ils avaient passé toute la nuit à effacer les traces du combat du jinchûriki et ça n'avait pas été simple. Reboucher un cratère n'était pas quelque chose de particulièrement reposant. Ils avaient trouvé par la même occasion la source du brouillard intempestif : une source d'eau bouillonnait au centre du cratère et produisait plus de vapeur que de raison. Même cinq jours après l'affrontement, le sol était encore chaud et craquant. Une odeur désagréable planait sur l'endroit, comme si on avait fait brûler quelque chose de vivant – un corps humain en l'occurrence. Itachi s'était demandé sur l'instant s'il était vraiment de taille contre le jinchûriki. Rien ne lui avait paru plus violent que ce simple cratère et, pourtant, il en avait vu plus qu'il ne le fallait à son jeune âge.
"Itachi-kun ?
- Ah … Oui, et bien … Taki est la capitale et le seul village du pays qui fait vraiment du commerce avec l'extérieur. Il y a des regroupements de commerçant du pays qui tiennent ensemble des magasins, ou plutôt des dépôts de marchandise. Il sera facile d'obtenir nos informations avec ça."
Joignant le geste à la parole, il sortit une enveloppe scellée portant l'écriture du Quatrième Hokage. Ebisu haussa un sourcil.
"On va aussi faire du marchandage alors.
- Hokage-sama propose gentiment l'accueil ainsi que la formation de cinq enfants du pays de la Cascade contre les informations que nous désirons, expliqua Itachi en rangeant l'enveloppe dans une poche étanche.
- Le chef du village fera pression sur les marchands, compléta Aoba.
- Les mômes peuvent disparaître pendant une mission, reprit Itachi en haussant les épaules. Les pertes de genin ont toujours été importantes.
- Et Konoha garde ainsi ses petits secrets, conclut Ebisu."
Uzumaki Tatsumaki serait facilement qualifié de pourri par ses confrères de très haut niveau s'ils n'utilisaient pas le même genre de ruse, les trois jônin en avaient parfaitement conscience. Il ne fallait pas se soucier de l'individu pour être Hokage mais simplement garder son objectif en tête. Un ninja se fichait du groupe tant que sa mission était réussie. Cela n'empêchait pas à des amitiés et des amours plutôt sérieux de voir le jour, ça ne rendait que les liens unissant les uns et les autres plus uniques. Un bon ninja devait pouvoir tuer sans remord parents, enfants, disciples ou n'importe qui d'autre sur simple ordre du Hokage, Itachi le savait bien. Seulement, il ne connaissait pas grand monde de cette trempe là.
"Ça ne règle pas la question du jour, rappela Ebisu. Comment entre-t-on ?
- Grâce à notre ami Yamashiro Aoba, répondit Itachi sans même se tourner vers l'intéressé.
- Hé … ? gémit le concerné en sentant les deux regards se poser sur lui.
- Par la voie des airs, appuya Itachi.
- Ah …"
***
Shikamaru regardait avec envie des enfants jouer à cache-cache dans la cours de l'administration, attendant très certainement leurs parents alors occupés à ranger l'incroyable bordel que le Hokage avait mis en une nuit seulement. Il tourna douloureusement la tête vers l'intérieur de la salle où il se trouvait en compagnie des cinq autres de corvée. Six tables avaient été placées en forme de U dans la pièce, une pour chacun d'entre eux. Un seul dossier, épais de trois pages, siégeait face à Shikamaru. C'était tout ce que les sections spéciales avaient pu trouver à propos du cadavre et des alentours : trois pages, écrites seulement sur le recto, au texte très aéré. Shikamaru se demanda si la désertion serait plus pénible que cette maudite mission.
Chôji grignotait à côté. Ino regardait le ciel, les yeux rêveurs. Shino restait impassible. Kiba somnolait. Hinata jetait des coups d'œil inquiet de temps à autre. Shikamaru admirait son calme intérieur tout autant que son désappointement. Il relut pour la quatrième fois les informations qu'on pouvait synthétiser ainsi : pas de trace de l'assassin, aucune précision sur lui non plus. De là, on pouvait considérer que c'était un homme suffisamment fort pour s'introduire à Konoha et en partir sans se faire voir. Shikamaru n'excluait pas la possibilité qu'il y ait un traître au sein même du village. Après tout, il y avait pas mal de monde qui ne supportait pas les Uchiha, à commencer par eux-mêmes. Les dissensions entre cousins étaient connues de tous. Les Hyûga avaient trouvé un moyen simple pour briguer ce genre de lutte intestine mais les Uchiha, et surtout Fugaku, refusaient de diviser. Shikamaru aurait aimé avoir Sasuke sous la main pour en savoir un peu plus. Toutes les informations qu'il avait en sa disposition venaient de Hinata et de son propre père, Shikaku. Entendre la version d'un Uchiha aurait été plus judicieux.
Que fallait-il faire ? Shikamaru n'arrêtait pas de penser à toutes les possibilités. Aller parler à Fugaku serait suicidaire et provoquerait un retrait du clan qui se refermerait automatiquement. Trouver Sasuke prendrait au moins trois jours mais il n'était pas dit que ce type serait encore à Suna au moment où eux y arriveraient, et puis Shikamaru voyait mal six héritiers partir sans problème faire une petite promenade. Il leur fallait une autorisation écrite de la main du Hokage qui ne se trouvait pas à Konoha aujourd'hui. Le départ serait remis au lendemain dans le meilleur des cas mais là encore il fallait compter sur l'inertie de leur système archaïque : l'autorisation du Kazekage était également nécessaire s'ils voulaient entrer dans le pays sans risquer de se faire abattre à vue. Shikamaru savait que le Hokage les enverrait sans autorisation, prévenant juste son confrère par un message urgent – le deuxième en moins d'une semaine, ce n'était pas vraiment bon signe. Il se permettait un peu trop de choses au goût du chûnin mais ce n'était pas là son affaire.
D'un autre côté, Shikamaru n'avait pas du tout envie de partir à la recherche de Sasuke. Il était, après tout, avec son instructeur, sa coéquipière et un autre shinobi a priori assez fort pour faire partie des sections spéciales – encore un renseignement soutiré à Hinata. Ses yeux étaient sous bonne garde. Quant au grand frère de Sasuke, Itachi ou quelque chose comme ça, ce n'était même pas la peine d'aller l'informer : sa force faisait frémir d'envie n'importe quel Uchiha, voire n'importe quel shinobi de Konoha ; Shikamaru savait qu'il pouvait se débrouiller seul en cas de besoin. De plus, il doutait fortement que l'héritier accepte une quelconque aide extérieure venant d'un simple chûnin. Shikamaru se racla la gorge pour obtenir l'attention de l'assistance.
"Nous avons deux options qui se présentent à nous. Soit on reste à Konoha et on étudie minutieusement le peu d'élément qu'on a pour ensuite se présenter devant le Hokage et s'en prendre plein la tronche parce qu'on aura fait chou blanc, soit on quitte le village pour mener l'enquête.
- La deuxième est la meilleure, y'a pas à réfléchir, s'empressa de répondre Kiba.
- Crétin, coupa Ino. Tu crois vraiment que des chûnin dans notre genre auront carte blanche en dehors du village ?
- Ino a raison, renchérit Chôji. Nous n'avons jamais été très brillants, nous n'attirons pas l'attention. C'est très bien pour un ninja mais, si l'on quitte le village, ce sera un inconvénient.
- Je ne vois pas en quoi «quitter le village» est si problématique, intervint Shino.
- Par quitter le village, je pensais à nous faire passer pour des déserteurs."
Shino, Kiba et Hinata fixèrent Shikamaru comme s'il eut été une bizarrerie de la Nature. Le chef de l'équipe d'investigation se gratta le crâne en marmonnant des propos peu flatteurs avant de s'affaler sur sa chaise.
"Je ne crois pas que notre bonhomme soit du village pour une simple et bonne raison : il ne savait pas à qui il avait à faire. Uchiha Gôrô était jônin, un homme fort faisant partie de la police. Quelqu'un en a déjà entendu parler ?
- Il … Il a souvent été remarqué pour ses capacités, murmura Hinata.
- 'paraît qu'il était très bon en espionnage, poursuivit Kiba.
- C'est exacte, reprit Shikamaru. Uchiha Gôrô était l'un des cinq meilleurs membres de son clan. Connu pour ses capacités de déduction, sa maîtrise inégalée de la dissimulation et son sens inné du devoir, c'était un homme exemplaire. N'importe quel bourrin sait ça et ne se frotterait pas à lui. Notre bonhomme ne savait visiblement pas qui il était. A mon avis, il l'a attaqué parce qu'il est tombé dessus par hasard. Il lui fallait le Sharingan, peu importe sa provenance.
- Et s'il l'avait attaqué en toute connaissance de cause ? demanda Shino.
- C'est une possibilité mais les chances sont faibles. A ce que je sais, le Sharingan ne varie pas d'un individu à l'autre. Celui du chef n'est pas plus puissant que celui du premier genin venu. Il aurait été plus simple de s'en prendre à un môme.
- Alors notre cible se balade dans Konoha après s'être infiltré, trouve un Uchiha et se dit «chouette, j'ai pas à aller jusque dans leur quartier», il le tue, lui prend ses yeux et se barre, résuma Kiba en se grattant la tête, assez incrédule.
- En moins d'un quart d'heure, compléta Shikamaru. C'est ce que dit le rapport : combat bref et violent. Le Uchiha est mort suite à une hémorragie ventrale due à l'éclatement de la rate et du foie. Il a ensuite été poignardé au niveau du cœur et sa carotide a été tranchée. Les yeux ont été retirés après ça.
- C'est de l'acharnement, gémit Ino.
- Notre assassin ne doit pas être bien dans sa tête pour commettre pareil massacre, tenta Shino. Un ninja tue en un coup, rapidement et si possible sans effusion de sang.
- La discrétion n'est pas son fort, confirma Shikamaru, ce qui renforce mon idée : il est, ou il se croit, tellement fort qu'il ne prend pas la peine de respecter les bases ninja. Sa force lui permet de créer ses propres règles du jeu."
Chôji lorgna en direction de Shikamaru et remarqua immédiatement le léger pincement des lèvres de son ami. La situation ne lui plaisait pas mais à qui aurait-elle plue ? Chôji savait que Shikamaru avait une sainte horreur de tout ce qui n'était pas bien réglé parce qu'il fallait réfléchir un peu plus que d'habitude. Si le génie de leur promotion trouvait cette mission délicate, c'était alors le cas, Chôji le savait bien. Shikamaru croisa les bras sur sa poitrine et ferma les yeux, l'air tendu. Ino et Chôji s'échangèrent un regard tendu avant de soupirer.
"On vote ? proposa Ino."
Shikamaru fit non de la tête.
" Ino, tu prendras la tête de l'équipe formée avec Chôji et Hinata. Vous enquêterez de manière plus régulière, ici. Je vous fais confiance pour ça. Shino, Kiba et moi, on partira de Konoha dès ce soir.
- Et Akamaru, râla le maître-chien.
- Et Akamaru, rajouta Shikamaru de mauvaise foi.
- Dès ce soir ? demanda Shino. Et le Hokage ?
- Est-ce que des déserteurs demandent la permission de déserter ? grogna Shikamaru en se levant."
Shino ne répondit pas, se levant lui aussi pour aller préparer ses affaires en secret. Personne ne devait être au courant, s'il comprenait bien. Il ne restait plus qu'à le faire comprendre à Kiba qui s'enthousiasmait déjà à l'approche des grands espaces vierges de toute présence humaine et les échappées sauvages. Shino soupira. Pour reprendre une expression du chef de l'équipe, la mission allait être galère.
A suivre …
Note
Nigori Tenten : Les "tenten" sont les deux appostrophes que l'on met à un hiragana ou un katakana pour en changer le son (ka => ga, ta => da, etc ...). Il y a d'autres marques de ce genre et tout ceci est appelé "nigori", qu'on apprend avec joie dans l'ordre =D