Publié : sam. 18 nov. 2006, 18:18
Tout d'abord, j'aimerai vous remercier, tous autant que vous êtes, pour le chaleureux accueil que vous avez fait au chapitre 7 de Outcast. Quelle joie de découvrir tant d'enthousiasme et de ferveur ! Le détail de vos commentaires m'a tout simplement époustouflé ! Merci, merci mille fois pour vos minutes perdues.
Voilà la suite.
-¤ Outcast ¤-
Chapitre 08 : Une nuit entre Konoha et Suna
"Tu es maudit".
Naruto grimaça en serrant son bras droit contre lui, gestes qui étonnèrent Sasuke. C'était bien la première fois qu'il voyait son capitaine subir le coup d'une quelconque douleur, c'en devenait inquiétant. Kimimaro sourit ouvertement, remarquant que la tache noire s'étendait. Le jinchûriki recula un peu, renforçant sa garde, alors que ses autres bandages semblaient se désolidariser et tombaient les uns après les autres, glissant sous ses vêtements.
"Sans fûda, la malédiction prend de l'ampleur, constata Kimimaro en rétractant l'os de son bras. Ça a l'air douloureux."
Naruto ne répondit pas, se pliant en deux tout en fixant son adversaire. Kimimaro s'avança d'un pas, Naruto recula de trois. Sasuke s'apprêta à attaquer mais un regard mauvais de la part de son capitaine l'en dissuada.
"Cheveux blonds, yeux bleus … Il me semble que j'ai déjà entendu parler de toi, poursuivit Kimimaro. On parle d'un ninja de Konoha qu'on voit très peu, certains croient qu'il n'existe pas. Selon toutes vraisemblances, il pourrait bien s'agir de toi, je me trompe ?
- Et toi ? T'es qui ? grogna Naruto d'un air moqueur en se relevant un peu.
- Personne en particulier. Je chasse le ninja, c'est un métier comme un autre."
Naruto renifla de dédain avant de serrer encore un peu plus son bras. Quelques gouttes de sang perlèrent au bout de ses doigts. Sasuke fixa l'hémoglobine, remarquant un léger tremblement de l'auriculaire qui passait presque inaperçu. Kimimaro aussi semblait l'avoir vu mais n'y prêta pas attention, préférant fixer son regard sur cet étrange ninja. S'il croyait les rumeurs, cet adolescent n'était autre que la fameuse carte maîtresse de Konoha. Kimimaro n'y croyait pas trop. Comment un gosse déjà si mal en point pouvait se révéler être plus puissant que le Quatrième Hokage ? Le tremblement recommença, Sasuke le remarqua immédiatement. Les muscles ne bougeaient pas involontairement, il le savait. Cet obstiné de Naruto lui faisait signe. Il ne restait plus qu'à comprendre ce qu'il voulait faire savoir et ce n'était pas quelque chose de simple. Naruto ne faisait pas partie de l'équipe de Kakashi, il ne connaissait pas les codes secrets instaurés entre les trois membres, ni même leurs habitudes de combat. Sasuke préféra rester immobile plutôt que de risquer de faire une erreur qui leur coûterait la vie à tout les deux.
"J'espère que t'as bien profité de ton fric jusque là parce que tu meurs ce soir."
Ce fut à Kimimaro de renifler, souriant faiblement au gamin. Dans un horrible craquement, sa peau se perça pour laisser sortir de longs os effilés, un peu partout sur ses membres et son buste. Une technique héréditaire, pensa Sasuke, comme l'homme qu'il avait abattu. Concentrant son chakra dans ses yeux, il activa le Sharingan et ce fut une bonne intuition. Sasuke vit quelque chose bouger près d'un acacia, quelque chose qui allait se rapprocher des deux combattants. Il ne lui fallut pas plus pour désobéir aux ordres de Naruto et foncer vers lui. A l'instant même où il le touchait, le sol gronda sous leurs pieds. Sasuke poussa Naruto à terre, le plus loin possible, dérapant sur les herbes sèches. Face contre terre, Sasuke n'entendit qu'un terrible éboulement et des craquements d'os désagréables. Il avait mal rien que de les entendre et, pourtant, il n'était pas quelqu'un d'impressionnable. Le calme revint rapidement alors que les rares oiseaux cessaient leurs cris d'indignation. Sasuke releva la tête pour être plongé dans l'ombre. Devant lui se dressait un homme vêtu de noir de la tête aux pieds, comme devait l'être un maître marionnettiste. Kankuro s'accroupit dans l'herbe et sourit à Sasuke, faisant plisser le maquillage qu'il aimait arborer.
"Juste à temps."
Le sol trembla soudainement mais tout s'arrêta très vite. Kankuro siffla d'admiration.
"Il était résistant, le gars. Oh, Naruto, tu respires encore ?"
Sasuke sursauta en constatant que l'un de ses bras reposait en plein milieu du visage du capitaine mais celui-ci ne se manifestait pas. Mauvais plan, pensa Sasuke en se poussant soudainement, s'agenouillant à un mètre de là, s'apprêtant déjà à faire des excuses. Naruto tourna la tête vers son coéquipier, son œil à l'iris rouge sautant de temps en temps, comme s'il n'était pas maîtrisé, mais ne pipa mot. Il se releva à son tour, aidé par Kankuro. Toujours muet, Naruto se dirigea vers Kakashi qui reposait à quelques mètres de là.
"Tu veux que je m'en occupe ? demanda Kankuro à tout hasard.
- J'me démerde, répondit Naruto en jetant son sac à terre.
- Tiens, prends mes mitaines, soupira le jeune homme en lançant la paire. Si tu es effectivement maudit, il ne faut pas que tu touches quelqu'un directement. Et fais gaffe à ton sang, aussi.
- Je sais, marmonna le jinchûriki en attrapant les gantelets à la volée. Va voir les autres."
Kankuro regarda un instant de plus Naruto, comme songeur, avant de se tourner vers Sasuke qui était toujours assis par terre.
"Ça va ?
- Ouais.
- Et le sang ?
- Ah, tiqua Sasuke en regardant son bras gauche, c'est pas le mien."
Il avait appuyé ses paroles par un regard vers le corps de l'homme aux six bras un peu plus loin. Kankuro ne se préoccupa pas plus de la santé de Sasuke, se dirigeant vers Lee. Le chûnin était allongé dans les herbes et saignait suffisamment pour que son cas passe avant celui de Tenten, elle aussi inconsciente. Sasuke soupira, cherchant le calme. Il n'y avait plus qu'à attendre Maito Gai et Hyûga Neji. Il posa une main à terre et la remonta aussitôt, comme piqué par quelque chose. Sasuke regarda avec attention le sol pour y voir une petite tache de sang. Frottant la paume de sa main droite, il ne fit pas plus attention à cela avant de se relever.
"Uchiha."
Sasuke tourna à peine la tête vers le nouvel arrivant. Des trois enfants du Quatrième Kazekage, Gaara était le dernier, celui sur qui le sort s'était acharné dès le jour de sa naissance. Plus jeune que Sasuke d'environ six mois, Gaara restait bien plus petit que la moyenne, devant lever la tête pour croiser les orbes noirs du ninja de Konoha. Toujours accompagné de sa calebasse lourde du sable du désert, il semblait impassible, calme et raisonné. Sasuke ne l'avait pas toujours vu ainsi mais il appréciait la fin de la crise d'adolescence de son ancien adversaire. Il fallait dire que Gaara était l'un des shinobi les plus puissants de Suna, s'il n'était pas déjà le numéro un. Tant de puissance restait un atout majeur si son utilisateur n'en faisait pas qu'à sa tête. Vêtu d'un long manteau noir par-dessus un pantalon ample de la même teinte ainsi qu'un imposant harnais lui permettant de supporter le poids de son énorme gourde, Gaara fit la même impression à Sasuke que Naruto la première fois qu'il l'avait vu. Ces deux personnages restaient distants et froids quelque soit leur proximité, c'en était désagréable.
"Combien étiez-vous ? demanda laconiquement Gaara.
- Huit, deux équipes au total. Il y en a deux qui sont en train d'escalader la falaise, ils vont arriver."
Gaara jeta un coup d'œil à la plaine avant de reporter son attention sur Sasuke.
"Vous êtes cinq ici."
Sasuke frémit et se rendit soudainement compte que Sakura n'était pas avec eux. Avant que la panique ne le gagne, Gaara lui agrippa fermement le bras.
"On cherchera le membre manquant plus tard.
- Il commence à faire nuit ! protesta Sasuke.
- Réfléchit, ordonna Gaara d'une voix totalement neutre. Nous avons ici deux blessés graves et deux autres dont l'état est à déterminer. C'est largement suffisant pour l'instant.
- Suna se fout des pertes mais pas Konoha ! hurla le jônin. Sakura est peut-être blessée, il faut que je la retrouve !!
- Hyûga s'en chargera, avertit Naruto à quelques mètres de là.
- Mais le temps qu'il arrive …"
Naruto tourna obligeamment la tête vers Sasuke toujours retenu par Gaara. Le jeune homme reporta son attention sur Kakashi sans rien ajouter et Sasuke sut que la discussion était close, il n'y avait rien à ajouter. Serrant les poings, Sasuke baissa légèrement la tête.
"Y a-t-il quelque chose que je puisse faire ? demanda-t-il plus sur le ton d'un grognement que celui de rigueur.
- Il faut sceller le maléfice, répondit Gaara en lâchant prise. Tiens, prends ça."
Sortant d'une petite sacoche un rouleau de papier vierge qu'il confia à Sasuke, Gaara s'assit au sol et entreprit de fouiller le reste de ses poches pour finalement trouver un petit encrier et un pinceau un peu abîmé par les aléas des missions. Il demanda à Sasuke de découper l'intégralité du rouleax en bandes larges de cinq centimètres pendant qu'il préparait son encre. Sasuke ne posa pas plus de question, tranchant avec précision le papier à l'aide d'un petit sabre. Gaara prenait par la suite les bandes de papier et y traçait des incantations dans une écriture tellement stylisée qu'elle en était illisible. Une fois que Sasuke avait bien mémorisé les mouvements qu'il avait à faire, il s'autorisa un coup d'œil aux alentours. Kankuro avait visiblement terminé avec Lee, toujours allongé, et faisait à présent boire Tenten qui semblait ne pas apprécier l'attention. Quand à Naruto, il était assis en tailleur à côté de Kakashi, les mains jointes devant lui, les yeux fermés et l'air terriblement calme. Sasuke pouvait voir des gouttes de son sang perler sur le pull de son capitaine. Il devait beaucoup saigner pour que ses vêtements soient à ce point imbibé. Kankuro se releva en aidant Tenten, la soutenant par l'épaule, surveillant les alentours.
"Naruto, qu'est-ce que tu branles ?
- Laisse-le, répliqua Gaara. Il doit se concentrer, il n'a pas l'habitude.
- Je ferais mieux de m'en occuper, grommela Kankuro en se rapprochant. Je suis medic, pas lui."
Il déposa Tenten en face de Gaara puis resta debout, prêt à intervenir.
"Tu n'as pas assez de ressource, poursuivit Gaara. Passe-moi des bandes.
- Ce n'est pas Temari-san le médecin de votre équipe ? demanda Tenten d'une petite voix.
- Temari ? s'étonna Kankuro en sortant des bandages de son sac à dos. Cette bourrine ?"
Gaara sourit gentiment en recevant les bandes qu'il confia à Tenten.
"Place ces fûda une fois sur deux, bien parallèlement aux bords, puis enroule la bande."
Tenten se mit au travail, jetant parfois un coup d'œil vers Lee. Kankuro surveilla la pénombre qui s'installait, conscient qu'ils étaient plus que vulnérables en plein milieu de la plaine d'herbes. Ils devraient se déplacer vers un bosquet pour la nuit, ça limiterait les dégâts. Malgré les deux blessés, ils ne devraient pas faire de feu. Kankuro soupira. La nuit serait longue. Se tournant vers la falaise, il remarqua les deux jônin de Konoha. Maito Gai et Hyûga Neji arrivèrent le plus vite possible, essoufflés par la remontée du rift qu'ils avaient fait à toute vitesse. Kankuro se chargea de les mettre au parfum de ce qui s'était passé tandis que Sasuke serrait les dents. Gai et Neji prirent connaissance de l'état des deux autres membres de leur équipe avant de repartir, cherchant Sakura dans la nuit.
"Kankuro, ânonna Gaara."
Le cadet se tourna vers son petit frère, surpris d'une telle discrétion. Gaara pointa du menton Naruto avant de murmurer.
"Le kekkai."
Kankuro hocha la tête. Farfouillant à nouveau dans son sac à dos, il en ressortit quatre bougies à l'odeur désagréable qu'il planta en cercle dans le sol autour du petit groupe. Il composa une longue série de sceaux tout en récitant des formules incompréhensibles. Le dernier sceau, celui du rat, fit trembler le sol. Un vent frais souffla alors que les bougies s'allumèrent d'elles-mêmes. Kankuro garda sa position quelques instants avant de relâcher.
"C'est fait, marmonna-t-il en s'asseyant à côté de Tenten."
La jeune fille n'eut pas le temps de poser de question. L'air sembla s'alourdir d'un coup et devint plus chaud. La flamme des bougies vacilla sous le regard inquiet de Kankuro.
"Ça ira, le rassura Gaara."
Sasuke releva les yeux de sa tâche au moment crucial. A une dizaine de mètres de là, une lueur rouge naissait entre les mains de Naruto. C'était quelque chose de lumineux et de mouvant, qui semblait être contenue au prix de nombreux efforts. Naruto écarta ses mains suffisamment pour qu'une sphère de chakra –Sasuke avait reconnu cette énergie- d'une trentaine de centimètres de diamètre se forme ainsi. Approchant avec précaution la sphère de la plaie de Kakashi, Naruto semblait comme absorbé lui-même par cette lumière à la teinte violente. Le chakra toucha la jambe, perdant sa forme pour l'entourer de tentacules qui s'insinuèrent tant dans le vide de la plaie que dans les tissus. Gardant ses mains au dessus de cette énergie frénétique, Naruto tremblait un peu. Il n'avait qu'une peur : que Kakashi se réveille à ce moment-là à cause de la douleur. S'il bougeait, cela compliquerait les choses. Le blessé ouvrit effectivement son œil mais resta stoïque, comme on le lui avait toujours appris. Naruto lui sourit un peu, par-dessus la lumière qui s'intensifiait. Tout irait bien, la plaie allait se refermer, Kakashi serait juste fatigué par la suite. De longues minutes passèrent avant que la lumière ne meure petit à petit. Les bougies s'éteignirent elles aussi et Sasuke fut surpris de les voir si mal en point après ce peu de temps. On aurait dit qu'on avait essayé de les briser avec des billes de petite taille ou quelque chose de semblable. Sasuke entendit Kankuro soupirer de soulagement avant d'allumer une petite lampe électrique émettant un faible halo bleuté.
Gaara ordonna à Sasuke d'aider Naruto à porter Kakashi jusqu'au bosquet d'acacias voisin. Le jeune homme n'échangea pas un mot avec son coéquipier, se contentant de conseiller à Kakashi de se taire et de dormir le plus rapidement possible. Gaara arriva par la suite en portant tout son matériel tandis que Kankuro portait Lee sur son dos, Tenten ayant été chargée d'éclairer le chemin. Sasuke installa Kakashi le plus confortablement possible, le couvrant de plusieurs couvertures et s'assurant que tout irait bien. Gaara se rassit en silence, faisant signe à Naruto de s'approcher. Le jinchûriki obéit en rechignant un peu, retirant tout vêtement au dessus de la ceinture. Sasuke vit nettement l'étendue de la peau noircie. Recouvrant quasiment toute la partie droite du buste, de la nuque aux côtes flottantes, tant devant que derrière, la tache s'étendait toujours, suintant du sang à quelques endroits, surtout au niveau de l'impact, juste sous la clavicule droite, un peu excentré. Sasuke détailla également les bras qui avaient été touchés eux aussi par le noircissement. Le droit était bien plus entamé que le gauche et saignait abondamment au coude. Gaara rembobina les bandes avec soin puis commença à faire le pansement. Ce fut dans le plus grand silence que se déroula cet acte presque mystique. Gaara et Naruto auraient pu être seuls à cet instant, tout aurait été parfaitement identique dans leur gestuelle et leur comportement. Sasuke se sentit un peu gêné de regarder un pareil moment intimiste. Il détourna la tête, contemplant les étoiles loin au dessus de sa tête.
Gai et Neji ne les rejoignirent que bien des heures plus tard. Il était déjà plus de minuit et, à leur mine, Sasuke sut qu'ils n'avaient pas pu faire grand-chose. Naruto attendait en silence le compte rendu, à nouveau caché par ses bandages. Le pansement sur son visage prenait plus de place qu'avant, recouvrant presque entièrement la partie gauche. Gaara veillait tandis que Kankuro surveillait toujours Lee qui ne se réveillait pas et Kakashi qui restait obstinément conscient. Tenten posa amicalement sa main sur l'épaule de Sasuke qui se dégagea avec plus ou moins de conviction.
"Nous ne l'avons pas trouvé, confirma Gai. Le Byakugan a ses limites, lui aussi."
Kakashi accusa le coup, fermant un instant les yeux. Naruto se leva.
"Reste ici, ordonna Gaara. Il faut qu'on s'explique.
- Il n'y a rien à expliquer, grommela Naruto. En tant que capitaine, je n'ai pas su gérer les individus et n'ai donc, par conséquent, pas …
- Foutaises ! hurla Neji. Vous n'êtes pas capitaine, vous n'en connaissez pas les principes !
- Neji, tempéra Gai en lui posant la main sur l'épaule. Il y a plus important.
- Plus important ? s'emporta le jeune homme. Qu'un incompétent nous dirige, vous trouvez que ce n'est pas important ?!
- Ferme-la, coupa Gaara. Un subordonné n'a pas à l'ouvrir pour ce genre de trivialité. Laisse les grandes personnes en parler entre elles lorsque le moment sera venu."
Neji fulmina mais resta cependant silencieux, ignorant le sourire moqueur qu'affichait Kankuro.
"Nous en venons donc à la question du jour, continua le marionnettiste. Qu'est-ce que vous foutez ici ?
- Suna a reçu une note, expliqua Naruto, qui disait que vous étiez en difficulté.
- En difficulté ? railla Kankuro. C'est pas nous qui étions «en difficulté», Naruto.
- Nous n'avons rien envoyé de tel, assura Gaara. As-tu vu cette note de tes propres yeux ?
- Non mais Temari l'a lue dans le bureau du Kazekage, elle l'a tenue en main.
- La frangine mythonne ?"
Gaara fit non de la tête à l'intention de son frère.
"Temari ne mentirait pas à Naruto.
- Le problème viendrait du Kazekage, alors, murmura Kakashi qui s'était un peu relevé.
- Le vieux ferait pas ça, râla Kankuro. J'vois pas l'intérêt pour lui de faire paniquer tout Suna !
- Sauf si c'est pour m'éloigner, admit Naruto à contrecœur. Vous n'avez rien envoyé ?
- Un message, y'a trois jours pour dire qu'on mettrait plus de temps que prévu, répondit Kankuro.
- C'est moi qui l'ai écrit, continua Gaara. Ils ont pu copier mon écriture, ce n'est pas difficile quand on est shinobi.
- Trois jours ? répéta Sasuke. On tombe sur la date où nous sommes arrivés à Suna. On a vu le Kazekage vers midi, si je me rappelle bien.
- Le message a du arriver au petit matin, calcula Kankuro. J'avais invoqué une chouette pour qu'elle voyage de nuit uniquement."
Naruto fixa durement le sol en serrant les poings.
"Il le savait …
- Peut-être n'était-il pas encore informé, raisonna Kakashi. Les Kage ne reçoivent pas directement les messages, il y a des intermédiaires.
- Ça ne l'excuse pas ! persifla Naruto. Nous sommes restés deux jours et demi à ne rien faire !
- Preuve s'il en est que vous auriez du écouter Temari-san, commenta sèchement Neji.
- Tais-toi."
A la surprise générale, c'était Sasuke qui avait objecté, fusillant du regard son aîné. Kakashi haussa les sourcils, ouvrant légèrement sa bouche sous son masque. Il était réellement surpris de voir son élève prendre la défense de Naruto alors qu'ils ne s'entendaient pas vraiment. Kakashi se crispa en attendant de voir la réaction de son protégé. Réaction qui n'arriva jamais. Naruto restait de marbre, jetant à peine un regard à la dérobée vers Sasuke. Ce fut Kankuro qui mit un terme à la légère tension ambiante, en baillant.
"Braves gens, déclara-t-il théâtralement, je vous propose de dormir et de voir tout ça demain. On rentrera à Suna pour tabasser qui de droit. Il est tard et on a tous eu une journée bien remplie, je crois.
- Kankuro a raison, concéda Gaara. Je veillerai."
Tout le monde se mit à se préparer pour la nuit, sortant leur couverture, sauf Naruto qui restait obstinément debout. Gaara se leva tranquillement pour se planter devant l'autre jinchûriki.
"Tu as besoin de repos, pas de faire une nouvelle connerie.
- J'pourrais pas dormir, marmonna Naruto.
- Allonge-toi au moins."
Voyant que Naruto n'avait pas l'intention de bouger, Gaara soupira en fronçant légèrement les sourcils, contrarié. Il se tourna vers l'assemblée.
"Saviez-vous que Naruto, à sept ans, a …"
Gaara n'eut pas besoin d'aller plus loin dans son récit ; Naruto était allongé et sous sa couverture, grommelant des insanités à voix basse. Kankuro ricana en voyant la mine victorieuse de son petit frère qui se rassaillait, très satisfait de lui-même. Sasuke jugea la technique impressionnante. S'appuyant contre son sac à dos reposant lui-même contre le tronc épineux d'un acacia, Sasuke frissonna. Il avait mis sa couverture sur Kakashi pour que celui-ci passe la nuit dans de bonnes conditions, tant pis s'il attrapait un rhume ou une bronchopneumonie. Naruto tourna et vira quelques instants, jouant les crêpes avant de se retrouver sur le côté, regardant Sasuke qui croisait les bras pour tenter de rassembler la chaleur. Le jinchûriki se tourna de l'autre côté, ignorant le reste du monde alors que Gaara éteignait la petite lampe électrique. Naruto bougea encore un peu, fut rappelé à l'ordre par Gaara trois fois, se tourna une nouvelle fois et finit allongé sur le dos. Il détestait dormir avec des gens autour de lui.
"Gaara ?
- Dors.
- J'ai faim.
- Avale ta langue et étouffe toi avec."
Sasuke essaya tant bien que mal de retenir un pouffement mais cela ne passa pas inaperçu. Naruto se releva d'un coup et balança sa couverture sur son coéquipier qui grogna pour la forme. Puis, à quatre pattes, le jinchûriki vint se coller à Gaara, s'incrustant sous sa couverture et s'appuyant largement contre lui, en faisant son oreiller. Gaara ne dit rien, se contentant de dégager son bras pour être plus à l'aise. On n'entendit bientôt que les insectes et quelques rares oiseaux nocturnes ainsi que les respirations calmes des neuf shinobi. Il devait être quatre ou cinq heures du matin lorsque Sasuke ouvrit un œil, réveillé par le murmure d'une discussion. Il était question des dernières nouvelles de Konoha, détaillées par Naruto.
"Je ne les ai pas vus, soufflait Naruto. J'espère que tout va bien.
- Konoha est connue et reconnue pour ses médecins.
- Ça n'a pas empêché Fuyu de mourir.
- C'est comme ça.
- J'l'aimais bien, en toute franchise. Il n'avait pas l'air d'un ANBU mais plutôt d'un gars paumé, c'était amusant. Il semblait toujours étonné de tout et puis il avait souvent le mot pour rire.
- Baku-sensei est mort, il n'y a pas longtemps, murmura Gaara d'un ton égal. En retour de mission.
- Il a été attaqué ?
- On ne sait pas. Aucune information n'a filtré, même à nous qui avons été ses disciples.
- Ton oncle ?
- J'en ai bien l'impression. Cette histoire de message ne fait que renforcer mes soupçons envers lui.
- Il a accédé au pouvoir par un coup d'Etat, c'est bien ça ?
- Hum.
- En tant que shinobi de Konoha, je n'ai rien à dire, mais en tant qu'ami, je te conseillerai de faire très attention à Temari et Kankuro.
- La situation de Temari est plus inquiétante. A propos, tu as fait ce que je t'ai demandé ?
- Oui, j'ai déposé le dossier mais ce sera refusé.
- Même si ton père et son prédécesseur appuient la demande ?
- Je n'ai pas d'existence officielle. C'était l'idée de Sarutobi-sensei alors il ne va pas aller dans le sens inverse maintenant. Quant à mon père, moins je lui pose de problème et mieux il se porte.
- Tu ne retourneras pas à Konoha tout de suite, alors.
- Ouais … Je n'ai pas envie d'aller au temple, Sarutobi-sensei ne me manque pas, et puis je le verrai de toute façon mi-octobre.
- Tu vas aller de l'autre côté ?
- Pas avec tout ce monde, ce serait le bordel intégral. Dans l'immédiat, j'aimerais aller chercher cette Sakura.
- Naruto …
- Kakashi m'en voudra à mort et ce n'est pas quelque chose d'envisageable.
- Ce n'est pas ta faute.
- Alors qui ? C'est moi qui n'ai pas voulu écouter Temari, l'autre a raison.
- A ce stade là, ça ne sert à rien de chercher qui a tord et qui a raison. C'est fait et on ne peut pas revenir en arrière. Tu ne peux plus qu'aller de l'avant et assumer tes responsabilités. Chercher cette fille s'apparente à se débattre mais tes liens ne feront que se resserrer.
- Je ne peux pas faire ça à Kakashi …
- Ce ne sera pas la première fois qu'il perd un coéquipier.
- Justement !
- Il est shinobi, il fera avec.
- Putain, tu comprends pas !"
Sasuke s'était habitué à l'obscurité aussi put-il vaguement voir la silhouette de Naruto se relever, jetant la couverture sur Gaara qui ne bougeait pas.
"J'irai chercher Sakura, même si je dois te laisser pour mort derrière moi, s'emporta Naruto.
- Je ne me battrai pas avec toi, répondit platement Gaara. Ce serait stupide.
- T'as peur de te prendre une rouste, avoue !
- Je suis plus fatigué que ce que je laisse paraître. La mission a été longue et éprouvante. Tuer ce type tout à l'heure n'a pas été évident. Et puis, ça n'aurait pas de sens. Est-ce qu'on se bat entre frère ?"
Naruto renifla. Il s'accroupit à côté de son sac pour en sortir quelque chose. Sasuke reconnut une gourde au bruit.
"Ne les préviens pas, ils s'en douteront de toute façon. Le temps qu'ils se réveillent et se décident, je serai déjà en bas.
- Les fûda ne sont pas sans conséquence sur toi, Naruto, fais attention. Tu ne pourras pas malaxer ton chakra normalement, ça peut prendre plusieurs jours pour que ton état se stabilise. C'est une situation dangereuse.
- Vivre est dangereux.
- Si tu le prends comme ça, va mourir et bon débarras."
Naruto vérifia son sac à dos avant de se relever.
"A la prochaine.
- Je transmettrai tes excuses à Temari.
- Ouais ouais …"
Jetant son sac sur son dos, le jinchûriki s'éloigna, faisant bruisser les herbes sèches. Le silence reprit ses droits sur le petit bosquet quelques instants. Sasuke ferma les yeux. Il s'en fichait. Ne plus avoir ce type sur le dos l'arrangeait. Kakashi serait furieux à l'aube mais il ne pourrait rien faire dans son état. Naruto aurait pris trop d'avance et ils devraient le laisser aller de son côté pour rentrer à Suna du leur. Ce serait très bien comme ça.
"Uchiha."
Sasuke sursauta légèrement. Il rouvrit les yeux pour constater que Gaara le fixait, certainement depuis longtemps. Savait-il qu'il avait entendu leur conversation ? Sasuke resta sur la défensive.
"Si tu veux rattraper Naruto, c'est maintenant ou jamais."
Le jeune homme ne cligna même pas des yeux. Il se leva aussitôt, sa couverture dans une main et son sac dans l'autre, poursuivant son foutu capitaine. La nuit était fraîche et claire, le ciel déjà plus transparent à l'orient. Sasuke rangea la couverture à la hâte et remit son sac en place avant de rattraper Naruto au bord du rift. Le jinchûriki haussa un sourcil en voyant arriver Sasuke.
"La discrétion, ça s'apprend.
- Sauf le respect que je vous dois, fermez-la, répliqua sèchement Sasuke en regardant les brumes du rift. On descend là ?"
Naruto soupira mais il n'y avait aucun signe d'agacement dans ce souffle. Sasuke se tourna un peu vers lui pour voir un sourire disparaître des lèvres de son coéquipier.
"Il ne fait pas jour, ce serait du suicide. On va aller plus vers l'ouest, il y a un passage moins escarpé mais ça va nous prendre des heures.
- Les autres ne nous suivront pas, insista Sasuke, pas s'ils doivent descendre. Ils ne peuvent pas se le permettre.
- Oh, siffla Naruto, mais c'est que tu ferais un bon déserteur."
Sasuke n'apprécia guère la plaisanterie mais suivit tout de même Naruto le long du rift. La nuit était calme, Sasuke n'avait pas l'impression de s'éloigner autant de Kakashi et des autres. Une impression bizarre l'accaparait. Il se sentait à la fois serein et oppressé. Ce n'était pas quelque chose d'agréable mais de grisant. Sasuke imaginait respirer un air nouveau, aspiré qu'il était par une vie nouvelle. Il se fichait des conséquences et n'y pensait même pas. Il n'y avait plus que le bruissement des herbes et cette silhouette devant lui qu'il devait suivre pour ne pas faire de faux pas. C'était tout ce qu'il avait à faire s'il voulait retrouver Sakura.
***
Très loin de là, à Konoha, le Quatrième Hokage contemplait l'aube naissante depuis son futon. Allongé comme il l'était, il ne voyait guère plus qu'un léger rosissement du ciel par la fine ouverture entre les shôji. Repoussant sa lourde couverture d'un coup de pied, il frissonna avant de se raisonner : c'était le vingt-trois août et Konoha subissait une vague de chaleur depuis près de soixante-dix jours, il ne pouvait pas frissonner. Attrapant à tâtons le T-shirt blanc qu'il avait lâchement abandonné durant la nuit, il se retourna pour être sur le ventre, grommelant à propos de la dureté des tatami neufs de la pièce. La porte coulissa de quelques centimètres pour laisser apparaître le regard perçant d'une femme en kimono sobre. Tatsumaki releva la tête, jetant un regard endormi à la kunoichi.
"Une lettre de Sarutobi-sama est arrivée nuitamment.
- Aaaaaaaaah, gémit Tatsumaki, par pitié, pas maintenant … Que le vieux singe me foute la paix quand j'me lève …
- Il y a aussi un message important du capitaine de la garde d'élite.
- Itachi-kun ? Donne-la moi, implora le Hokage en battant des pieds comme un enfant.
- Votre petit déjeuner vous attend, répliqua la kunoichi sans la moindre once de pitié."
La porte se referma aussi silencieusement qu'elle ne s'était ouverte sous le regard ennuyé de Tatsumaki. Il avait une chance folle d'avoir toutes ses femmes sous ses ordres directs mais celles-ci le maltraitaient sans honte dès qu'elles le pouvaient. C'était le Premier Hokage qui avait instauré cette garde rapprochée faite de l'élite des kunoichi du village caché de la feuille. Tatsumaki s'était dit, au début, que ce n'était là que le phantasme mal assumé d'un homme de pouvoir mais il pensait aujourd'hui que cette garde était nécessaire pour la survie du village. Sans ces quelques femmes, aucun Hokage ne pouvait gérer correctement son administration. C'étaient elles qui dirigeaient et gardaient, jalousement, la vaste demeure octroyée au chef du village tandis que monsieur vaquait à des contraintes plus guerrières. C'étaient elles qui recevaient les lettres importantes la nuit, elles qui veillaient au calme du village, elles encore qui s'occupaient des autres habitants de cette maison. Tatsumaki ne s'imaginait guère aller faire des courses le soir après sa longue journée de paperasse. Il ne s'imaginait pas non plus briquer le plancher ou faire la poussière. Cela faisait tellement longtemps qu'il vivait ici qu'il ne savait même plus comment on branchait un aspirateur (si tant est qu'il y en eut un dans ce logement de fonction).
Tatsumaki se leva, s'étirant du plus qu'il put puis se suspendant au montant de la porte pour remettre ses vieilles vertèbres en place. Ces longues années passées assis lui faisaient parfois regretter d'avoir signé. C'était dans ces moments-là qu'il se rappelait tous les avantages qu'il avait, cela valait bien des fesses plates et un tassement de vertèbres. Se grattant négligemment la tête, Tatsumaki parcourut les interminables couloirs de cette vieille bicoque sombre. Il s'était toujours demandé pourquoi il y avait autant de chambres, de salons, de salles de réception et d'autres encore alors qu'il y avait eu, au maximum, quinze personnes logeant ici en comptant la garde rapprochée. Quand on savait que cette garde comptait dix kunoichi, il y avait de quoi se poser beaucoup de questions. La petite histoire voulait que l'empereur ait offert cette demeure au Premier lorsque celui-ci eût fondé Konoha, ce qui expliquait peut-être la multitude de pièces inutiles qui n'avaient d'autre utilité que de prendre la poussière et coûter une fortune lorsqu'il fallait changer les tatami. Arrivant dans le salon particulier, qui était devenu au fil des années le salon principal puisque Tatsumaki y passait ses soirées, le Hokage s'assit à la table basse laquée de noir qu'il connaissait si bien. Cette rayure là était l'œuvre de Kakashi, ce trou provenait d'un coup de kunai du même Kakashi, ce pied bancal n'avait pour autre origine qu'une dispute avec ce très cher Kakashi. Tatsumaki soupira. Encore un matin où il ne s'entraînerait pas avec Kakashi.
A moitié affalé sur la petite table, Tatsumaki attendit les deux kunoichi qui lui apportaient quotidiennement sa pitance. Un instant, il se demanda s'il savait toujours faire cuire du riz ou bien s'il pouvait encore maîtriser une omelette. Soupirant encore, Tatsumaki dût bien se faire à l'idée qu'il aurait certainement beaucoup de mal à reprendre une vie normale. Il comprenait chaque jour un peu plus le choix de la retraite du vieux Sarutobi dans un temple, même s'il n'était entouré que d'hommes. Les pas calmes des deux kunoichi résonnèrent dans les couloirs vides de la demeure. La porte coulissa sans un bruit, laissant apparaître une femme mince et terriblement solennelle dans son kimono noir de rigueur. Ses longs cheveux noirs ne bougeaient pas d'un millimètre, ni même ses yeux d'un blanc de neige. Tatsumaki sourit sournoisement en voyant apparaître Hyûga Fumie chargée du premier plateau du petit déjeuner. Il se redressa, toujours souriant, pour laisser la place libre à la doyenne de la garde rapprochée qui ignora royalement l'air victorieux de son supérieur. Elle se contenta de déposer les petites coupelles contenant divers plats avant de se lever en silence pour laisser la place à la seconde kunoichi. Tatsumaki ne fit pas attention à celle-ci, trop occupé à regarder du coin de l'œil Fumie restée dans le couloir. La jeune femme se retira, fermant avec douceur la porte. Il l'adorait. Fumie était exactement le genre de femme pour qui il craquait complètement et à qui il aurait pu offrir la Lune sans arrière pensée. Froide et distante, toujours très sûre d'elle, elle n'en restait pas moins l'épouse officielle du chef du clan Hyûga. Ce n'était qu'un détail pour Tatsumaki qui restait très optimiste quant à ses chances de réussite. Tôt ou tard, cette Fumie craquerait. Son masque d'impassibilité tomberait et il serait temps pour Tatsumaki d'agir.
Soupirant d'aise, le Hokage attrapa d'une main ses baguettes et de l'autre la première enveloppe scellée. Avalant à la hâte sa soupe miso quotidienne, il lut avec attention le compte rendu d'Itachi qui était plutôt bon mais qui signalait un possible retard de deux jours. Tatsumaki plissa le nez. Il n'aimait pas les retards, quelqu'ils soient. Personne n'avait son entière confiance à Konoha et surtout pas Itachi. Ce genre de délai lui faisait imaginer le pire. Tatsumaki se raisonna : Itachi n'était pas seul, Ebisu et Aoba l'accompagnaient. Même s'il était fort, il ne pouvait se défaire des deux autres. Le Hokage relut la lettre, garda bien en mémoire chaque détail puis la déposa dans une coupelle de bronze où il la fit brûler. Retournant son attention sur son saumon grillé, il ignora la lettre du vieux Sarutobi. Tatsumaki prit le temps de déguster son petit déjeuner, laissant de côté le nattô comme chaque matin –Fumie s'obstinait- pour s'attarder sur les germes de soja flottant dans sa soupe. S'étirant encore un peu, Tatsumaki s'allongea sur les tatami pour contempler le plafond qu'il avait déjà étudié des milliers de fois. Il resta à ne rien faire une petite dizaine de minutes, flânant et rêvassant encore un peu, avant de se relever d'un coup de rein. Il attrapa la lettre du vieux singe, l'ouvrit sans plus de manière et se dirigea à quatre pattes vers un goban situé devant une affreuse estampe représentant le mont Myoboku dans les brumes matinales. Tatsumaki attrapa une pierre blanche qu'il posa selon le point qui était indiqué au début de la lettre de Sarutobi. Leur partie avait commencé six mois plus tôt, ce qui était assez court comparée à toutes les autres, Tatsumaki sentait que le vieux s'essoufflait, il pourrait prendre l'avantage sur ce coup.
Tout en réfléchissant au meilleur moyen de couper d'une manière ou d'une autre le territoire de blanc, Tatsumaki lut distraitement le reste du courrier. Sarutobi lui parlait immanquablement de la beauté du temple et de son calme (à croire que Konoha était le plus grand foutoir du monde), l'assiduité des apprentis moines (juste pour lui rappeler que l'académie devait être révisée), le sérieux des plus anciens (un reproche à peine dissimuler du manque de discipline de certains) et enfin de la pluie et du beau temps. Tatsumaki n'avait pas réussi à trouver ce que voulait dire le vieux par "le ciel est toujours aussi désespérément vide, cet été" mais il se doutait bien que cela cachait une réflexion à propos de quelque chose que Sarutobi voulait encore régenter. L'attention du Quatrième Hokage fut attirée par un post scriptum écrit à la hâte avec un peu trop d'encre.
"Savais-tu, Tatsumaki-kun, qu'on dit qu'un jinchûriki ne peut blesser son sang ?"
Tatsumaki fronça les sourcils avant de comprendre toute l'étendue du caractère "sang". Souriant malgré lui, il en oublia sa partie de Go pour se précipiter à travers les couloirs de sa demeure. Arrivant dans une aile qu'il n'avait pas visitée depuis plus de dix ans, Tatsumaki arracha un fûda qui scellait une porte. Il l'ouvrit en grand, fixant de ses yeux de fou la personne assise dans son futon.
"Bonjour, madame, sourit-il. Je crains fort que votre participation soit requise, aujourd'hui."
A suivre …
Notes
#Fûda : bande de papier sur lequel des inscriptions "magiques" ont été notées. Toutes les notes explosives et autres scellés de nos chers shinobi sont des fûda.
#Kekkai : barrière de protection faite d'énergie spirituelle ou bien symbolique.
#Goban : plateau du jeu de Go.
#Jeu de Go (ou igo) : débrouillez-vous …
#Fumie : pas de signification particulière, j'aimais juste la sonorité. Et puis, je vous le rappelle, quasiment tous les prénoms dans Naruto sont écrits en katakana, soit dans un syllabaire. Il y a rarement des kanji pour écrire les prénoms, ce qui fait qu'il n'y a pas de signification autre que celles des homophones.
Voilà la suite.
-¤ Outcast ¤-
Chapitre 08 : Une nuit entre Konoha et Suna
"Tu es maudit".
Naruto grimaça en serrant son bras droit contre lui, gestes qui étonnèrent Sasuke. C'était bien la première fois qu'il voyait son capitaine subir le coup d'une quelconque douleur, c'en devenait inquiétant. Kimimaro sourit ouvertement, remarquant que la tache noire s'étendait. Le jinchûriki recula un peu, renforçant sa garde, alors que ses autres bandages semblaient se désolidariser et tombaient les uns après les autres, glissant sous ses vêtements.
"Sans fûda, la malédiction prend de l'ampleur, constata Kimimaro en rétractant l'os de son bras. Ça a l'air douloureux."
Naruto ne répondit pas, se pliant en deux tout en fixant son adversaire. Kimimaro s'avança d'un pas, Naruto recula de trois. Sasuke s'apprêta à attaquer mais un regard mauvais de la part de son capitaine l'en dissuada.
"Cheveux blonds, yeux bleus … Il me semble que j'ai déjà entendu parler de toi, poursuivit Kimimaro. On parle d'un ninja de Konoha qu'on voit très peu, certains croient qu'il n'existe pas. Selon toutes vraisemblances, il pourrait bien s'agir de toi, je me trompe ?
- Et toi ? T'es qui ? grogna Naruto d'un air moqueur en se relevant un peu.
- Personne en particulier. Je chasse le ninja, c'est un métier comme un autre."
Naruto renifla de dédain avant de serrer encore un peu plus son bras. Quelques gouttes de sang perlèrent au bout de ses doigts. Sasuke fixa l'hémoglobine, remarquant un léger tremblement de l'auriculaire qui passait presque inaperçu. Kimimaro aussi semblait l'avoir vu mais n'y prêta pas attention, préférant fixer son regard sur cet étrange ninja. S'il croyait les rumeurs, cet adolescent n'était autre que la fameuse carte maîtresse de Konoha. Kimimaro n'y croyait pas trop. Comment un gosse déjà si mal en point pouvait se révéler être plus puissant que le Quatrième Hokage ? Le tremblement recommença, Sasuke le remarqua immédiatement. Les muscles ne bougeaient pas involontairement, il le savait. Cet obstiné de Naruto lui faisait signe. Il ne restait plus qu'à comprendre ce qu'il voulait faire savoir et ce n'était pas quelque chose de simple. Naruto ne faisait pas partie de l'équipe de Kakashi, il ne connaissait pas les codes secrets instaurés entre les trois membres, ni même leurs habitudes de combat. Sasuke préféra rester immobile plutôt que de risquer de faire une erreur qui leur coûterait la vie à tout les deux.
"J'espère que t'as bien profité de ton fric jusque là parce que tu meurs ce soir."
Ce fut à Kimimaro de renifler, souriant faiblement au gamin. Dans un horrible craquement, sa peau se perça pour laisser sortir de longs os effilés, un peu partout sur ses membres et son buste. Une technique héréditaire, pensa Sasuke, comme l'homme qu'il avait abattu. Concentrant son chakra dans ses yeux, il activa le Sharingan et ce fut une bonne intuition. Sasuke vit quelque chose bouger près d'un acacia, quelque chose qui allait se rapprocher des deux combattants. Il ne lui fallut pas plus pour désobéir aux ordres de Naruto et foncer vers lui. A l'instant même où il le touchait, le sol gronda sous leurs pieds. Sasuke poussa Naruto à terre, le plus loin possible, dérapant sur les herbes sèches. Face contre terre, Sasuke n'entendit qu'un terrible éboulement et des craquements d'os désagréables. Il avait mal rien que de les entendre et, pourtant, il n'était pas quelqu'un d'impressionnable. Le calme revint rapidement alors que les rares oiseaux cessaient leurs cris d'indignation. Sasuke releva la tête pour être plongé dans l'ombre. Devant lui se dressait un homme vêtu de noir de la tête aux pieds, comme devait l'être un maître marionnettiste. Kankuro s'accroupit dans l'herbe et sourit à Sasuke, faisant plisser le maquillage qu'il aimait arborer.
"Juste à temps."
Le sol trembla soudainement mais tout s'arrêta très vite. Kankuro siffla d'admiration.
"Il était résistant, le gars. Oh, Naruto, tu respires encore ?"
Sasuke sursauta en constatant que l'un de ses bras reposait en plein milieu du visage du capitaine mais celui-ci ne se manifestait pas. Mauvais plan, pensa Sasuke en se poussant soudainement, s'agenouillant à un mètre de là, s'apprêtant déjà à faire des excuses. Naruto tourna la tête vers son coéquipier, son œil à l'iris rouge sautant de temps en temps, comme s'il n'était pas maîtrisé, mais ne pipa mot. Il se releva à son tour, aidé par Kankuro. Toujours muet, Naruto se dirigea vers Kakashi qui reposait à quelques mètres de là.
"Tu veux que je m'en occupe ? demanda Kankuro à tout hasard.
- J'me démerde, répondit Naruto en jetant son sac à terre.
- Tiens, prends mes mitaines, soupira le jeune homme en lançant la paire. Si tu es effectivement maudit, il ne faut pas que tu touches quelqu'un directement. Et fais gaffe à ton sang, aussi.
- Je sais, marmonna le jinchûriki en attrapant les gantelets à la volée. Va voir les autres."
Kankuro regarda un instant de plus Naruto, comme songeur, avant de se tourner vers Sasuke qui était toujours assis par terre.
"Ça va ?
- Ouais.
- Et le sang ?
- Ah, tiqua Sasuke en regardant son bras gauche, c'est pas le mien."
Il avait appuyé ses paroles par un regard vers le corps de l'homme aux six bras un peu plus loin. Kankuro ne se préoccupa pas plus de la santé de Sasuke, se dirigeant vers Lee. Le chûnin était allongé dans les herbes et saignait suffisamment pour que son cas passe avant celui de Tenten, elle aussi inconsciente. Sasuke soupira, cherchant le calme. Il n'y avait plus qu'à attendre Maito Gai et Hyûga Neji. Il posa une main à terre et la remonta aussitôt, comme piqué par quelque chose. Sasuke regarda avec attention le sol pour y voir une petite tache de sang. Frottant la paume de sa main droite, il ne fit pas plus attention à cela avant de se relever.
"Uchiha."
Sasuke tourna à peine la tête vers le nouvel arrivant. Des trois enfants du Quatrième Kazekage, Gaara était le dernier, celui sur qui le sort s'était acharné dès le jour de sa naissance. Plus jeune que Sasuke d'environ six mois, Gaara restait bien plus petit que la moyenne, devant lever la tête pour croiser les orbes noirs du ninja de Konoha. Toujours accompagné de sa calebasse lourde du sable du désert, il semblait impassible, calme et raisonné. Sasuke ne l'avait pas toujours vu ainsi mais il appréciait la fin de la crise d'adolescence de son ancien adversaire. Il fallait dire que Gaara était l'un des shinobi les plus puissants de Suna, s'il n'était pas déjà le numéro un. Tant de puissance restait un atout majeur si son utilisateur n'en faisait pas qu'à sa tête. Vêtu d'un long manteau noir par-dessus un pantalon ample de la même teinte ainsi qu'un imposant harnais lui permettant de supporter le poids de son énorme gourde, Gaara fit la même impression à Sasuke que Naruto la première fois qu'il l'avait vu. Ces deux personnages restaient distants et froids quelque soit leur proximité, c'en était désagréable.
"Combien étiez-vous ? demanda laconiquement Gaara.
- Huit, deux équipes au total. Il y en a deux qui sont en train d'escalader la falaise, ils vont arriver."
Gaara jeta un coup d'œil à la plaine avant de reporter son attention sur Sasuke.
"Vous êtes cinq ici."
Sasuke frémit et se rendit soudainement compte que Sakura n'était pas avec eux. Avant que la panique ne le gagne, Gaara lui agrippa fermement le bras.
"On cherchera le membre manquant plus tard.
- Il commence à faire nuit ! protesta Sasuke.
- Réfléchit, ordonna Gaara d'une voix totalement neutre. Nous avons ici deux blessés graves et deux autres dont l'état est à déterminer. C'est largement suffisant pour l'instant.
- Suna se fout des pertes mais pas Konoha ! hurla le jônin. Sakura est peut-être blessée, il faut que je la retrouve !!
- Hyûga s'en chargera, avertit Naruto à quelques mètres de là.
- Mais le temps qu'il arrive …"
Naruto tourna obligeamment la tête vers Sasuke toujours retenu par Gaara. Le jeune homme reporta son attention sur Kakashi sans rien ajouter et Sasuke sut que la discussion était close, il n'y avait rien à ajouter. Serrant les poings, Sasuke baissa légèrement la tête.
"Y a-t-il quelque chose que je puisse faire ? demanda-t-il plus sur le ton d'un grognement que celui de rigueur.
- Il faut sceller le maléfice, répondit Gaara en lâchant prise. Tiens, prends ça."
Sortant d'une petite sacoche un rouleau de papier vierge qu'il confia à Sasuke, Gaara s'assit au sol et entreprit de fouiller le reste de ses poches pour finalement trouver un petit encrier et un pinceau un peu abîmé par les aléas des missions. Il demanda à Sasuke de découper l'intégralité du rouleax en bandes larges de cinq centimètres pendant qu'il préparait son encre. Sasuke ne posa pas plus de question, tranchant avec précision le papier à l'aide d'un petit sabre. Gaara prenait par la suite les bandes de papier et y traçait des incantations dans une écriture tellement stylisée qu'elle en était illisible. Une fois que Sasuke avait bien mémorisé les mouvements qu'il avait à faire, il s'autorisa un coup d'œil aux alentours. Kankuro avait visiblement terminé avec Lee, toujours allongé, et faisait à présent boire Tenten qui semblait ne pas apprécier l'attention. Quand à Naruto, il était assis en tailleur à côté de Kakashi, les mains jointes devant lui, les yeux fermés et l'air terriblement calme. Sasuke pouvait voir des gouttes de son sang perler sur le pull de son capitaine. Il devait beaucoup saigner pour que ses vêtements soient à ce point imbibé. Kankuro se releva en aidant Tenten, la soutenant par l'épaule, surveillant les alentours.
"Naruto, qu'est-ce que tu branles ?
- Laisse-le, répliqua Gaara. Il doit se concentrer, il n'a pas l'habitude.
- Je ferais mieux de m'en occuper, grommela Kankuro en se rapprochant. Je suis medic, pas lui."
Il déposa Tenten en face de Gaara puis resta debout, prêt à intervenir.
"Tu n'as pas assez de ressource, poursuivit Gaara. Passe-moi des bandes.
- Ce n'est pas Temari-san le médecin de votre équipe ? demanda Tenten d'une petite voix.
- Temari ? s'étonna Kankuro en sortant des bandages de son sac à dos. Cette bourrine ?"
Gaara sourit gentiment en recevant les bandes qu'il confia à Tenten.
"Place ces fûda une fois sur deux, bien parallèlement aux bords, puis enroule la bande."
Tenten se mit au travail, jetant parfois un coup d'œil vers Lee. Kankuro surveilla la pénombre qui s'installait, conscient qu'ils étaient plus que vulnérables en plein milieu de la plaine d'herbes. Ils devraient se déplacer vers un bosquet pour la nuit, ça limiterait les dégâts. Malgré les deux blessés, ils ne devraient pas faire de feu. Kankuro soupira. La nuit serait longue. Se tournant vers la falaise, il remarqua les deux jônin de Konoha. Maito Gai et Hyûga Neji arrivèrent le plus vite possible, essoufflés par la remontée du rift qu'ils avaient fait à toute vitesse. Kankuro se chargea de les mettre au parfum de ce qui s'était passé tandis que Sasuke serrait les dents. Gai et Neji prirent connaissance de l'état des deux autres membres de leur équipe avant de repartir, cherchant Sakura dans la nuit.
"Kankuro, ânonna Gaara."
Le cadet se tourna vers son petit frère, surpris d'une telle discrétion. Gaara pointa du menton Naruto avant de murmurer.
"Le kekkai."
Kankuro hocha la tête. Farfouillant à nouveau dans son sac à dos, il en ressortit quatre bougies à l'odeur désagréable qu'il planta en cercle dans le sol autour du petit groupe. Il composa une longue série de sceaux tout en récitant des formules incompréhensibles. Le dernier sceau, celui du rat, fit trembler le sol. Un vent frais souffla alors que les bougies s'allumèrent d'elles-mêmes. Kankuro garda sa position quelques instants avant de relâcher.
"C'est fait, marmonna-t-il en s'asseyant à côté de Tenten."
La jeune fille n'eut pas le temps de poser de question. L'air sembla s'alourdir d'un coup et devint plus chaud. La flamme des bougies vacilla sous le regard inquiet de Kankuro.
"Ça ira, le rassura Gaara."
Sasuke releva les yeux de sa tâche au moment crucial. A une dizaine de mètres de là, une lueur rouge naissait entre les mains de Naruto. C'était quelque chose de lumineux et de mouvant, qui semblait être contenue au prix de nombreux efforts. Naruto écarta ses mains suffisamment pour qu'une sphère de chakra –Sasuke avait reconnu cette énergie- d'une trentaine de centimètres de diamètre se forme ainsi. Approchant avec précaution la sphère de la plaie de Kakashi, Naruto semblait comme absorbé lui-même par cette lumière à la teinte violente. Le chakra toucha la jambe, perdant sa forme pour l'entourer de tentacules qui s'insinuèrent tant dans le vide de la plaie que dans les tissus. Gardant ses mains au dessus de cette énergie frénétique, Naruto tremblait un peu. Il n'avait qu'une peur : que Kakashi se réveille à ce moment-là à cause de la douleur. S'il bougeait, cela compliquerait les choses. Le blessé ouvrit effectivement son œil mais resta stoïque, comme on le lui avait toujours appris. Naruto lui sourit un peu, par-dessus la lumière qui s'intensifiait. Tout irait bien, la plaie allait se refermer, Kakashi serait juste fatigué par la suite. De longues minutes passèrent avant que la lumière ne meure petit à petit. Les bougies s'éteignirent elles aussi et Sasuke fut surpris de les voir si mal en point après ce peu de temps. On aurait dit qu'on avait essayé de les briser avec des billes de petite taille ou quelque chose de semblable. Sasuke entendit Kankuro soupirer de soulagement avant d'allumer une petite lampe électrique émettant un faible halo bleuté.
Gaara ordonna à Sasuke d'aider Naruto à porter Kakashi jusqu'au bosquet d'acacias voisin. Le jeune homme n'échangea pas un mot avec son coéquipier, se contentant de conseiller à Kakashi de se taire et de dormir le plus rapidement possible. Gaara arriva par la suite en portant tout son matériel tandis que Kankuro portait Lee sur son dos, Tenten ayant été chargée d'éclairer le chemin. Sasuke installa Kakashi le plus confortablement possible, le couvrant de plusieurs couvertures et s'assurant que tout irait bien. Gaara se rassit en silence, faisant signe à Naruto de s'approcher. Le jinchûriki obéit en rechignant un peu, retirant tout vêtement au dessus de la ceinture. Sasuke vit nettement l'étendue de la peau noircie. Recouvrant quasiment toute la partie droite du buste, de la nuque aux côtes flottantes, tant devant que derrière, la tache s'étendait toujours, suintant du sang à quelques endroits, surtout au niveau de l'impact, juste sous la clavicule droite, un peu excentré. Sasuke détailla également les bras qui avaient été touchés eux aussi par le noircissement. Le droit était bien plus entamé que le gauche et saignait abondamment au coude. Gaara rembobina les bandes avec soin puis commença à faire le pansement. Ce fut dans le plus grand silence que se déroula cet acte presque mystique. Gaara et Naruto auraient pu être seuls à cet instant, tout aurait été parfaitement identique dans leur gestuelle et leur comportement. Sasuke se sentit un peu gêné de regarder un pareil moment intimiste. Il détourna la tête, contemplant les étoiles loin au dessus de sa tête.
Gai et Neji ne les rejoignirent que bien des heures plus tard. Il était déjà plus de minuit et, à leur mine, Sasuke sut qu'ils n'avaient pas pu faire grand-chose. Naruto attendait en silence le compte rendu, à nouveau caché par ses bandages. Le pansement sur son visage prenait plus de place qu'avant, recouvrant presque entièrement la partie gauche. Gaara veillait tandis que Kankuro surveillait toujours Lee qui ne se réveillait pas et Kakashi qui restait obstinément conscient. Tenten posa amicalement sa main sur l'épaule de Sasuke qui se dégagea avec plus ou moins de conviction.
"Nous ne l'avons pas trouvé, confirma Gai. Le Byakugan a ses limites, lui aussi."
Kakashi accusa le coup, fermant un instant les yeux. Naruto se leva.
"Reste ici, ordonna Gaara. Il faut qu'on s'explique.
- Il n'y a rien à expliquer, grommela Naruto. En tant que capitaine, je n'ai pas su gérer les individus et n'ai donc, par conséquent, pas …
- Foutaises ! hurla Neji. Vous n'êtes pas capitaine, vous n'en connaissez pas les principes !
- Neji, tempéra Gai en lui posant la main sur l'épaule. Il y a plus important.
- Plus important ? s'emporta le jeune homme. Qu'un incompétent nous dirige, vous trouvez que ce n'est pas important ?!
- Ferme-la, coupa Gaara. Un subordonné n'a pas à l'ouvrir pour ce genre de trivialité. Laisse les grandes personnes en parler entre elles lorsque le moment sera venu."
Neji fulmina mais resta cependant silencieux, ignorant le sourire moqueur qu'affichait Kankuro.
"Nous en venons donc à la question du jour, continua le marionnettiste. Qu'est-ce que vous foutez ici ?
- Suna a reçu une note, expliqua Naruto, qui disait que vous étiez en difficulté.
- En difficulté ? railla Kankuro. C'est pas nous qui étions «en difficulté», Naruto.
- Nous n'avons rien envoyé de tel, assura Gaara. As-tu vu cette note de tes propres yeux ?
- Non mais Temari l'a lue dans le bureau du Kazekage, elle l'a tenue en main.
- La frangine mythonne ?"
Gaara fit non de la tête à l'intention de son frère.
"Temari ne mentirait pas à Naruto.
- Le problème viendrait du Kazekage, alors, murmura Kakashi qui s'était un peu relevé.
- Le vieux ferait pas ça, râla Kankuro. J'vois pas l'intérêt pour lui de faire paniquer tout Suna !
- Sauf si c'est pour m'éloigner, admit Naruto à contrecœur. Vous n'avez rien envoyé ?
- Un message, y'a trois jours pour dire qu'on mettrait plus de temps que prévu, répondit Kankuro.
- C'est moi qui l'ai écrit, continua Gaara. Ils ont pu copier mon écriture, ce n'est pas difficile quand on est shinobi.
- Trois jours ? répéta Sasuke. On tombe sur la date où nous sommes arrivés à Suna. On a vu le Kazekage vers midi, si je me rappelle bien.
- Le message a du arriver au petit matin, calcula Kankuro. J'avais invoqué une chouette pour qu'elle voyage de nuit uniquement."
Naruto fixa durement le sol en serrant les poings.
"Il le savait …
- Peut-être n'était-il pas encore informé, raisonna Kakashi. Les Kage ne reçoivent pas directement les messages, il y a des intermédiaires.
- Ça ne l'excuse pas ! persifla Naruto. Nous sommes restés deux jours et demi à ne rien faire !
- Preuve s'il en est que vous auriez du écouter Temari-san, commenta sèchement Neji.
- Tais-toi."
A la surprise générale, c'était Sasuke qui avait objecté, fusillant du regard son aîné. Kakashi haussa les sourcils, ouvrant légèrement sa bouche sous son masque. Il était réellement surpris de voir son élève prendre la défense de Naruto alors qu'ils ne s'entendaient pas vraiment. Kakashi se crispa en attendant de voir la réaction de son protégé. Réaction qui n'arriva jamais. Naruto restait de marbre, jetant à peine un regard à la dérobée vers Sasuke. Ce fut Kankuro qui mit un terme à la légère tension ambiante, en baillant.
"Braves gens, déclara-t-il théâtralement, je vous propose de dormir et de voir tout ça demain. On rentrera à Suna pour tabasser qui de droit. Il est tard et on a tous eu une journée bien remplie, je crois.
- Kankuro a raison, concéda Gaara. Je veillerai."
Tout le monde se mit à se préparer pour la nuit, sortant leur couverture, sauf Naruto qui restait obstinément debout. Gaara se leva tranquillement pour se planter devant l'autre jinchûriki.
"Tu as besoin de repos, pas de faire une nouvelle connerie.
- J'pourrais pas dormir, marmonna Naruto.
- Allonge-toi au moins."
Voyant que Naruto n'avait pas l'intention de bouger, Gaara soupira en fronçant légèrement les sourcils, contrarié. Il se tourna vers l'assemblée.
"Saviez-vous que Naruto, à sept ans, a …"
Gaara n'eut pas besoin d'aller plus loin dans son récit ; Naruto était allongé et sous sa couverture, grommelant des insanités à voix basse. Kankuro ricana en voyant la mine victorieuse de son petit frère qui se rassaillait, très satisfait de lui-même. Sasuke jugea la technique impressionnante. S'appuyant contre son sac à dos reposant lui-même contre le tronc épineux d'un acacia, Sasuke frissonna. Il avait mis sa couverture sur Kakashi pour que celui-ci passe la nuit dans de bonnes conditions, tant pis s'il attrapait un rhume ou une bronchopneumonie. Naruto tourna et vira quelques instants, jouant les crêpes avant de se retrouver sur le côté, regardant Sasuke qui croisait les bras pour tenter de rassembler la chaleur. Le jinchûriki se tourna de l'autre côté, ignorant le reste du monde alors que Gaara éteignait la petite lampe électrique. Naruto bougea encore un peu, fut rappelé à l'ordre par Gaara trois fois, se tourna une nouvelle fois et finit allongé sur le dos. Il détestait dormir avec des gens autour de lui.
"Gaara ?
- Dors.
- J'ai faim.
- Avale ta langue et étouffe toi avec."
Sasuke essaya tant bien que mal de retenir un pouffement mais cela ne passa pas inaperçu. Naruto se releva d'un coup et balança sa couverture sur son coéquipier qui grogna pour la forme. Puis, à quatre pattes, le jinchûriki vint se coller à Gaara, s'incrustant sous sa couverture et s'appuyant largement contre lui, en faisant son oreiller. Gaara ne dit rien, se contentant de dégager son bras pour être plus à l'aise. On n'entendit bientôt que les insectes et quelques rares oiseaux nocturnes ainsi que les respirations calmes des neuf shinobi. Il devait être quatre ou cinq heures du matin lorsque Sasuke ouvrit un œil, réveillé par le murmure d'une discussion. Il était question des dernières nouvelles de Konoha, détaillées par Naruto.
"Je ne les ai pas vus, soufflait Naruto. J'espère que tout va bien.
- Konoha est connue et reconnue pour ses médecins.
- Ça n'a pas empêché Fuyu de mourir.
- C'est comme ça.
- J'l'aimais bien, en toute franchise. Il n'avait pas l'air d'un ANBU mais plutôt d'un gars paumé, c'était amusant. Il semblait toujours étonné de tout et puis il avait souvent le mot pour rire.
- Baku-sensei est mort, il n'y a pas longtemps, murmura Gaara d'un ton égal. En retour de mission.
- Il a été attaqué ?
- On ne sait pas. Aucune information n'a filtré, même à nous qui avons été ses disciples.
- Ton oncle ?
- J'en ai bien l'impression. Cette histoire de message ne fait que renforcer mes soupçons envers lui.
- Il a accédé au pouvoir par un coup d'Etat, c'est bien ça ?
- Hum.
- En tant que shinobi de Konoha, je n'ai rien à dire, mais en tant qu'ami, je te conseillerai de faire très attention à Temari et Kankuro.
- La situation de Temari est plus inquiétante. A propos, tu as fait ce que je t'ai demandé ?
- Oui, j'ai déposé le dossier mais ce sera refusé.
- Même si ton père et son prédécesseur appuient la demande ?
- Je n'ai pas d'existence officielle. C'était l'idée de Sarutobi-sensei alors il ne va pas aller dans le sens inverse maintenant. Quant à mon père, moins je lui pose de problème et mieux il se porte.
- Tu ne retourneras pas à Konoha tout de suite, alors.
- Ouais … Je n'ai pas envie d'aller au temple, Sarutobi-sensei ne me manque pas, et puis je le verrai de toute façon mi-octobre.
- Tu vas aller de l'autre côté ?
- Pas avec tout ce monde, ce serait le bordel intégral. Dans l'immédiat, j'aimerais aller chercher cette Sakura.
- Naruto …
- Kakashi m'en voudra à mort et ce n'est pas quelque chose d'envisageable.
- Ce n'est pas ta faute.
- Alors qui ? C'est moi qui n'ai pas voulu écouter Temari, l'autre a raison.
- A ce stade là, ça ne sert à rien de chercher qui a tord et qui a raison. C'est fait et on ne peut pas revenir en arrière. Tu ne peux plus qu'aller de l'avant et assumer tes responsabilités. Chercher cette fille s'apparente à se débattre mais tes liens ne feront que se resserrer.
- Je ne peux pas faire ça à Kakashi …
- Ce ne sera pas la première fois qu'il perd un coéquipier.
- Justement !
- Il est shinobi, il fera avec.
- Putain, tu comprends pas !"
Sasuke s'était habitué à l'obscurité aussi put-il vaguement voir la silhouette de Naruto se relever, jetant la couverture sur Gaara qui ne bougeait pas.
"J'irai chercher Sakura, même si je dois te laisser pour mort derrière moi, s'emporta Naruto.
- Je ne me battrai pas avec toi, répondit platement Gaara. Ce serait stupide.
- T'as peur de te prendre une rouste, avoue !
- Je suis plus fatigué que ce que je laisse paraître. La mission a été longue et éprouvante. Tuer ce type tout à l'heure n'a pas été évident. Et puis, ça n'aurait pas de sens. Est-ce qu'on se bat entre frère ?"
Naruto renifla. Il s'accroupit à côté de son sac pour en sortir quelque chose. Sasuke reconnut une gourde au bruit.
"Ne les préviens pas, ils s'en douteront de toute façon. Le temps qu'ils se réveillent et se décident, je serai déjà en bas.
- Les fûda ne sont pas sans conséquence sur toi, Naruto, fais attention. Tu ne pourras pas malaxer ton chakra normalement, ça peut prendre plusieurs jours pour que ton état se stabilise. C'est une situation dangereuse.
- Vivre est dangereux.
- Si tu le prends comme ça, va mourir et bon débarras."
Naruto vérifia son sac à dos avant de se relever.
"A la prochaine.
- Je transmettrai tes excuses à Temari.
- Ouais ouais …"
Jetant son sac sur son dos, le jinchûriki s'éloigna, faisant bruisser les herbes sèches. Le silence reprit ses droits sur le petit bosquet quelques instants. Sasuke ferma les yeux. Il s'en fichait. Ne plus avoir ce type sur le dos l'arrangeait. Kakashi serait furieux à l'aube mais il ne pourrait rien faire dans son état. Naruto aurait pris trop d'avance et ils devraient le laisser aller de son côté pour rentrer à Suna du leur. Ce serait très bien comme ça.
"Uchiha."
Sasuke sursauta légèrement. Il rouvrit les yeux pour constater que Gaara le fixait, certainement depuis longtemps. Savait-il qu'il avait entendu leur conversation ? Sasuke resta sur la défensive.
"Si tu veux rattraper Naruto, c'est maintenant ou jamais."
Le jeune homme ne cligna même pas des yeux. Il se leva aussitôt, sa couverture dans une main et son sac dans l'autre, poursuivant son foutu capitaine. La nuit était fraîche et claire, le ciel déjà plus transparent à l'orient. Sasuke rangea la couverture à la hâte et remit son sac en place avant de rattraper Naruto au bord du rift. Le jinchûriki haussa un sourcil en voyant arriver Sasuke.
"La discrétion, ça s'apprend.
- Sauf le respect que je vous dois, fermez-la, répliqua sèchement Sasuke en regardant les brumes du rift. On descend là ?"
Naruto soupira mais il n'y avait aucun signe d'agacement dans ce souffle. Sasuke se tourna un peu vers lui pour voir un sourire disparaître des lèvres de son coéquipier.
"Il ne fait pas jour, ce serait du suicide. On va aller plus vers l'ouest, il y a un passage moins escarpé mais ça va nous prendre des heures.
- Les autres ne nous suivront pas, insista Sasuke, pas s'ils doivent descendre. Ils ne peuvent pas se le permettre.
- Oh, siffla Naruto, mais c'est que tu ferais un bon déserteur."
Sasuke n'apprécia guère la plaisanterie mais suivit tout de même Naruto le long du rift. La nuit était calme, Sasuke n'avait pas l'impression de s'éloigner autant de Kakashi et des autres. Une impression bizarre l'accaparait. Il se sentait à la fois serein et oppressé. Ce n'était pas quelque chose d'agréable mais de grisant. Sasuke imaginait respirer un air nouveau, aspiré qu'il était par une vie nouvelle. Il se fichait des conséquences et n'y pensait même pas. Il n'y avait plus que le bruissement des herbes et cette silhouette devant lui qu'il devait suivre pour ne pas faire de faux pas. C'était tout ce qu'il avait à faire s'il voulait retrouver Sakura.
***
Très loin de là, à Konoha, le Quatrième Hokage contemplait l'aube naissante depuis son futon. Allongé comme il l'était, il ne voyait guère plus qu'un léger rosissement du ciel par la fine ouverture entre les shôji. Repoussant sa lourde couverture d'un coup de pied, il frissonna avant de se raisonner : c'était le vingt-trois août et Konoha subissait une vague de chaleur depuis près de soixante-dix jours, il ne pouvait pas frissonner. Attrapant à tâtons le T-shirt blanc qu'il avait lâchement abandonné durant la nuit, il se retourna pour être sur le ventre, grommelant à propos de la dureté des tatami neufs de la pièce. La porte coulissa de quelques centimètres pour laisser apparaître le regard perçant d'une femme en kimono sobre. Tatsumaki releva la tête, jetant un regard endormi à la kunoichi.
"Une lettre de Sarutobi-sama est arrivée nuitamment.
- Aaaaaaaaah, gémit Tatsumaki, par pitié, pas maintenant … Que le vieux singe me foute la paix quand j'me lève …
- Il y a aussi un message important du capitaine de la garde d'élite.
- Itachi-kun ? Donne-la moi, implora le Hokage en battant des pieds comme un enfant.
- Votre petit déjeuner vous attend, répliqua la kunoichi sans la moindre once de pitié."
La porte se referma aussi silencieusement qu'elle ne s'était ouverte sous le regard ennuyé de Tatsumaki. Il avait une chance folle d'avoir toutes ses femmes sous ses ordres directs mais celles-ci le maltraitaient sans honte dès qu'elles le pouvaient. C'était le Premier Hokage qui avait instauré cette garde rapprochée faite de l'élite des kunoichi du village caché de la feuille. Tatsumaki s'était dit, au début, que ce n'était là que le phantasme mal assumé d'un homme de pouvoir mais il pensait aujourd'hui que cette garde était nécessaire pour la survie du village. Sans ces quelques femmes, aucun Hokage ne pouvait gérer correctement son administration. C'étaient elles qui dirigeaient et gardaient, jalousement, la vaste demeure octroyée au chef du village tandis que monsieur vaquait à des contraintes plus guerrières. C'étaient elles qui recevaient les lettres importantes la nuit, elles qui veillaient au calme du village, elles encore qui s'occupaient des autres habitants de cette maison. Tatsumaki ne s'imaginait guère aller faire des courses le soir après sa longue journée de paperasse. Il ne s'imaginait pas non plus briquer le plancher ou faire la poussière. Cela faisait tellement longtemps qu'il vivait ici qu'il ne savait même plus comment on branchait un aspirateur (si tant est qu'il y en eut un dans ce logement de fonction).
Tatsumaki se leva, s'étirant du plus qu'il put puis se suspendant au montant de la porte pour remettre ses vieilles vertèbres en place. Ces longues années passées assis lui faisaient parfois regretter d'avoir signé. C'était dans ces moments-là qu'il se rappelait tous les avantages qu'il avait, cela valait bien des fesses plates et un tassement de vertèbres. Se grattant négligemment la tête, Tatsumaki parcourut les interminables couloirs de cette vieille bicoque sombre. Il s'était toujours demandé pourquoi il y avait autant de chambres, de salons, de salles de réception et d'autres encore alors qu'il y avait eu, au maximum, quinze personnes logeant ici en comptant la garde rapprochée. Quand on savait que cette garde comptait dix kunoichi, il y avait de quoi se poser beaucoup de questions. La petite histoire voulait que l'empereur ait offert cette demeure au Premier lorsque celui-ci eût fondé Konoha, ce qui expliquait peut-être la multitude de pièces inutiles qui n'avaient d'autre utilité que de prendre la poussière et coûter une fortune lorsqu'il fallait changer les tatami. Arrivant dans le salon particulier, qui était devenu au fil des années le salon principal puisque Tatsumaki y passait ses soirées, le Hokage s'assit à la table basse laquée de noir qu'il connaissait si bien. Cette rayure là était l'œuvre de Kakashi, ce trou provenait d'un coup de kunai du même Kakashi, ce pied bancal n'avait pour autre origine qu'une dispute avec ce très cher Kakashi. Tatsumaki soupira. Encore un matin où il ne s'entraînerait pas avec Kakashi.
A moitié affalé sur la petite table, Tatsumaki attendit les deux kunoichi qui lui apportaient quotidiennement sa pitance. Un instant, il se demanda s'il savait toujours faire cuire du riz ou bien s'il pouvait encore maîtriser une omelette. Soupirant encore, Tatsumaki dût bien se faire à l'idée qu'il aurait certainement beaucoup de mal à reprendre une vie normale. Il comprenait chaque jour un peu plus le choix de la retraite du vieux Sarutobi dans un temple, même s'il n'était entouré que d'hommes. Les pas calmes des deux kunoichi résonnèrent dans les couloirs vides de la demeure. La porte coulissa sans un bruit, laissant apparaître une femme mince et terriblement solennelle dans son kimono noir de rigueur. Ses longs cheveux noirs ne bougeaient pas d'un millimètre, ni même ses yeux d'un blanc de neige. Tatsumaki sourit sournoisement en voyant apparaître Hyûga Fumie chargée du premier plateau du petit déjeuner. Il se redressa, toujours souriant, pour laisser la place libre à la doyenne de la garde rapprochée qui ignora royalement l'air victorieux de son supérieur. Elle se contenta de déposer les petites coupelles contenant divers plats avant de se lever en silence pour laisser la place à la seconde kunoichi. Tatsumaki ne fit pas attention à celle-ci, trop occupé à regarder du coin de l'œil Fumie restée dans le couloir. La jeune femme se retira, fermant avec douceur la porte. Il l'adorait. Fumie était exactement le genre de femme pour qui il craquait complètement et à qui il aurait pu offrir la Lune sans arrière pensée. Froide et distante, toujours très sûre d'elle, elle n'en restait pas moins l'épouse officielle du chef du clan Hyûga. Ce n'était qu'un détail pour Tatsumaki qui restait très optimiste quant à ses chances de réussite. Tôt ou tard, cette Fumie craquerait. Son masque d'impassibilité tomberait et il serait temps pour Tatsumaki d'agir.
Soupirant d'aise, le Hokage attrapa d'une main ses baguettes et de l'autre la première enveloppe scellée. Avalant à la hâte sa soupe miso quotidienne, il lut avec attention le compte rendu d'Itachi qui était plutôt bon mais qui signalait un possible retard de deux jours. Tatsumaki plissa le nez. Il n'aimait pas les retards, quelqu'ils soient. Personne n'avait son entière confiance à Konoha et surtout pas Itachi. Ce genre de délai lui faisait imaginer le pire. Tatsumaki se raisonna : Itachi n'était pas seul, Ebisu et Aoba l'accompagnaient. Même s'il était fort, il ne pouvait se défaire des deux autres. Le Hokage relut la lettre, garda bien en mémoire chaque détail puis la déposa dans une coupelle de bronze où il la fit brûler. Retournant son attention sur son saumon grillé, il ignora la lettre du vieux Sarutobi. Tatsumaki prit le temps de déguster son petit déjeuner, laissant de côté le nattô comme chaque matin –Fumie s'obstinait- pour s'attarder sur les germes de soja flottant dans sa soupe. S'étirant encore un peu, Tatsumaki s'allongea sur les tatami pour contempler le plafond qu'il avait déjà étudié des milliers de fois. Il resta à ne rien faire une petite dizaine de minutes, flânant et rêvassant encore un peu, avant de se relever d'un coup de rein. Il attrapa la lettre du vieux singe, l'ouvrit sans plus de manière et se dirigea à quatre pattes vers un goban situé devant une affreuse estampe représentant le mont Myoboku dans les brumes matinales. Tatsumaki attrapa une pierre blanche qu'il posa selon le point qui était indiqué au début de la lettre de Sarutobi. Leur partie avait commencé six mois plus tôt, ce qui était assez court comparée à toutes les autres, Tatsumaki sentait que le vieux s'essoufflait, il pourrait prendre l'avantage sur ce coup.
Tout en réfléchissant au meilleur moyen de couper d'une manière ou d'une autre le territoire de blanc, Tatsumaki lut distraitement le reste du courrier. Sarutobi lui parlait immanquablement de la beauté du temple et de son calme (à croire que Konoha était le plus grand foutoir du monde), l'assiduité des apprentis moines (juste pour lui rappeler que l'académie devait être révisée), le sérieux des plus anciens (un reproche à peine dissimuler du manque de discipline de certains) et enfin de la pluie et du beau temps. Tatsumaki n'avait pas réussi à trouver ce que voulait dire le vieux par "le ciel est toujours aussi désespérément vide, cet été" mais il se doutait bien que cela cachait une réflexion à propos de quelque chose que Sarutobi voulait encore régenter. L'attention du Quatrième Hokage fut attirée par un post scriptum écrit à la hâte avec un peu trop d'encre.
"Savais-tu, Tatsumaki-kun, qu'on dit qu'un jinchûriki ne peut blesser son sang ?"
Tatsumaki fronça les sourcils avant de comprendre toute l'étendue du caractère "sang". Souriant malgré lui, il en oublia sa partie de Go pour se précipiter à travers les couloirs de sa demeure. Arrivant dans une aile qu'il n'avait pas visitée depuis plus de dix ans, Tatsumaki arracha un fûda qui scellait une porte. Il l'ouvrit en grand, fixant de ses yeux de fou la personne assise dans son futon.
"Bonjour, madame, sourit-il. Je crains fort que votre participation soit requise, aujourd'hui."
A suivre …
Notes
#Fûda : bande de papier sur lequel des inscriptions "magiques" ont été notées. Toutes les notes explosives et autres scellés de nos chers shinobi sont des fûda.
#Kekkai : barrière de protection faite d'énergie spirituelle ou bien symbolique.
#Goban : plateau du jeu de Go.
#Jeu de Go (ou igo) : débrouillez-vous …
#Fumie : pas de signification particulière, j'aimais juste la sonorité. Et puis, je vous le rappelle, quasiment tous les prénoms dans Naruto sont écrits en katakana, soit dans un syllabaire. Il y a rarement des kanji pour écrire les prénoms, ce qui fait qu'il n'y a pas de signification autre que celles des homophones.