Jusqu'en enfer de Sam Raimi :
Synthèse de plus de deux décennies de cinéma,
Drag Me To Hell est à l'image de son réalisateur; contemporain mais aussi
old school. C'est l'ombre du cinéma horrifique des années 80 qui, à l'image du
Lamia, s'insère dans notre quotidien et le bouleverse. Ce cinéma qui fit vibrer des générations et que l'on a peut-être trop vite enterré, resurgit; polymorphe et plus agressif que jamais.
Véritable
rollercoaster jouissif et grisant,
Drag Me To Hell à tout d'un classique et porte l'empreinte de son auteur. Si le rapprochement avec
Evil dead - film horrifique générationnel - est légitime, ce nouvel opus n'est plus pas dépourvu d'une forte personnalité individuelle. A la fois fable horrifique et sociale,
Drag Me To Hell marque particulièrement l'idée de "synthèse" dans le sens où deux cinémas se manifestent. Ainsi, le réalisateur allie a cette vaste attraction typiquement évocatrice de ses débuts, un construction narrative solide; fruit de ses multiples expériences scénaristiques et filmiques. Dépeignant en parallèle de la trame initiale une vision critique au travers de personnages vivants et consistants,
Raimi oppose une conception occidentale très cartésienne dans ses fondements par le recours à une méthode critique, scientifique et par le biais du rationalisme (dont le personnage interprété par
Long est l'exemple le plus caractéristique et dont l'effondrement ne sera que plus grand par la suite); à une autre, ironiquement issue de l'immigration.
Chafouin,
Raimi n'a rien perdu de sa grandeur et de son aisance déconcertante dans l'alternance des registres filmiques. Retour aux sources,
Drag Me To Hell est la preuve que le cinéma peut encore surprendre tout en usant de rouages classiques et faire passer du rire à l'effroi. Bienvenue dans le dernier train fantôme - bien huilé - de
Sam.
Vengeance de Johnnie To :
Johnnie To, maitre incontesté du polar hong-kongais contemporain revient avec
Vengeance - film somme -, aux fondements même de son cinéma. Troisième volet d'une trilogie qu'il définit lui même comme étant celle des «
Tueurs associés »,
Vengeance clôture non sans brio, l'un des segments clés de la filmographie - considérable - du prolifique
To, après
The Mission et le vibrant hommage à l'univers
Léonien que constitue
Exiled.
A travers le parcours de
Francis Costello, littéralement lost in translation, - interprété par un
Johnny Hallyday déroutant et percutant -
To sonde de nouveau ses thématiques fétiches dont le sentiment de fraternité demeure le plus manifeste.
A l'odyssée vengeresse ultra stylisée et sublimée par une photographie bleutée époustouflante s'ajoute un second élément porteur de la thématique centrale du long métrage : l'amnésie. D'où la questionsuivante,
"qu'est ce que la vengeance et que vaut elle dans un contexte de perte de mémoire ?"
Si elle peut être définie comme la volonté d'obtenir une compensation pour un acte jugé offensant et l'action de châtier un ou des individus en réponse à cette offense, que devient-elle si l'individu animé de cette attitude vengeresse perd, à l'image de
Costello, peu à peu la mémoire ? Parce qu'elle est le fruit d'une subjectivité évidente et repose sur des souvenirs, cette vengeance-ci, traitée tout en pudeur par
To et son scénariste
Wai Ka-Fai se révèle déconcertante et bouleverse le schéma mis en place jusqu'à lors, car étant à la fois salvatrice - à l'image de cette scène de clôture, synonyme de nouveau départ - et contraignante, suffocante : qui est qui ? Qui venger et pourquoi ? Le dédale mémoriel saisit l'ensemble du récit et en ouvre une nouvelle dimension.
Fidèle à sa réputation d'esthète,
To embarque ses personnages à contre-courant; passant du statu d'alliés à celui d'ennemis pour l'un, et d'employés à «
best friends » pour l'autre. Ce sont les différents rapports de force entre les personnages qui conduisent aux trois scènes de
gunfight majeures du film pour lesquelles
To met à contribution tout son savoir faire. Quintessence du cinéma du réalisateur, ces scènes de fusillades, aériennes, - la scène dans la décharge est un monument de beauté visuelle - ne font que confirmer la maestria de l'artiste en matière de séquences d'action.
Onirique, virtuose et maniéré, ce film de frères d'armes unis dans une croisade vengeresse peut paraître convenu pour certains trouvant que
Johnnie To tourne à vide. Pour d'autres,
Vengeance est la pure et simple confirmation que le réalisateur domine la scène cinématographique hongkongaise.