Allez,
bam (!), suite et fin du
Quatuor de Los Angeles d'
Ellroy. L.A. la grande, la garce, la dégueulasse, la vicieuse.
Le Dahlia Noir, j'ai mis le temps pour le finir. Autour de moi, ça en jactait des vertes et des pas mûres, façon : "
chef-d'oeuvre (!)", "
magnifique", "
le plus beau Ellroy". Le genre un chouia retondant. Parce qu'une fois le livre bouclé (
ouf !),
patatras (!), j'étais pas d'accord. Oui le livre est bien - oui, l'intrigue est plaisante - oui, c'est bien écrit - oui, y a du personnage. Oui mais non. Même si c'est bien, putain, c'est loin d'être - AMHA -
géééénial. Plus encore, on est loin de la puissance de la
Trilogie Américaine. Pour moi, y manque clairement quelque chose.
Deuxième arrêt à L.A..
Le Grand Nulle Part.
Boooom, dans ma gueule.
Ellroy s'envole littéralement. C'est le roman
bigger par excellence. Chronologiquement, et en me basant sur les ouvrages que j'ai lu de l'auteur, c'est le premier chef-d'oeuvre.
Ellroy vole, haut,
haaaaut.
Ellroy vrille.
Ellroy me fait vriller.
Graaaave.
Changement radical, l'auteur abandonne la narration à la première personne. Nouveau programme : trois personnages principaux - la troisième personne. Trois hommes avec un aller simple pour l'enfer : l'inspecteur
Danny Upshaw, le lieutenant
Mal Considine et l'homme de main, ex-flic,
Buzz Meeks. Trois hommes amenés à se rencontrer, à travailler ensemble. Le programme : tueur en série, communistes. Accessoirement, et en un sens comme toujours, pouvoir et corruption. Ça fait mal, c'est dingue, c'est atroce. À trop gratter le vernis, on découvre l'horreur, version
technicolor.
Ellroy se permet tout dans ce deuxième volet. Outre le fait qu'il y ait un nombre considérable de personnages, de faits, d'informations et autres joyeusetés, c'est vraiment le style qui évolue. Plus dense, plus dur et surtout, souvent impossible à lire en public, à haute voix. Y a de l'homophobie, oui - à un point inimaginable. Y de la misogynie, oui - version compétition. Y a de la violence, oui - dégueulasse, outrancière.
Le Grand Nulle Part, ça m'a fait l'impression d'un gros
fuck, le doigt bien levé. Un gros
"tiens mon gars, bouffe ça." Le pire, c'est qu'à la rigueur, j'aurais pu lire ça de manière détâché, genre
"laisse bét', ça me touche pas mec. Même pas tu m'atteins." Mais même pas. J'étais avec les personnages, j'ai vécu leur quotidien, j'ai suivi leurs enquêtes et surtout leur chute. C'est implacable. Ellroy - comme lors de la Trilogie Américaine - m'a cassé en deux.
Mais j'en ai redemandé. Acte III :
L.A. Confidential. Même M.O., à savoir trois protagonistes et une narration à la troisième personne. Déjà, un prologue qui éclabousse. Un truc bien visuel qui ébranle en une poignée de pages : suite et fin du dernier personnage encore d'aplomb dans le précédent roman. Ensuite, intronisation des nouveaux personnages :
Bud White,
"un bloc de fureur, une bombe à retardement portant un insigne" -
Jack Vincennes,
Poubelle ou
Poub' pour les intimes : un flic qui palpe du pèze en copinant avec quelques canards, histoire de livrer des scandales de stars
qualité supérieure -
Ed Exley, le jeunot écrasé par l'image du père, ambitieux et assoiffé de gloire. Nouveaux trio, nouvelles emmerdes, nouveau cercle infernal. Aucune pitié, seulement la loi du plus fort.
Ellroy évolue. Encore.
Ellroy vole
haaaaut. Encore. Les interactions entre les personnages sont complètement différentes, le temps se dilate, la presse s'en mêle. L'auteur commence à balancer de gros paquets de coupures de presse gorgés d'informations. Logique. Le programme : meurtre collector (boucherie de compétition), mafia, arcanes de la police, Hollywood et ses scandales. Bonus : pouvoir et corruption. Aussi : ascension ou chute. Stylistiquement, on est proche du précédent roman. C'est grand, beau, complexe, labyrinthique. Par contre, faut dire également que progressivement
Ellroy transforme sa prose. J'entends au sein même du roman. On arrive vers un style beaucoup plus aride, désossé. C'est l'émergence du
machine gun style. Un truc
fouuuu. Un truc qui vrille la carafe. C'est de l'art avec un grand
A. Comme pour
Le Grand Nulle Part, j'ai fini carpette. Un putain roman, mais un chouia moins intense que le précédent. Ça reste absolument dément.
Du coup, conclusion.
White Jazz.
Ellroy explose. Rien que le titre me fait partir en
live tellement il m'évoque quantité de choses. Histoire d'être clair, j'ai fraîchement commencé le roman. Genre à peine la première centaine de page. Autant dire que je suis
super-exxxxcité de connaitre la fin du
Quatuor. Non parce que niveau réputation,
White Jazz, ça semble se poser
LÀ. Petit
background check : un bouquin de 900 pages donné à l'éditeur. Apparemment, c'est trop gros, trop tout.
"Faut retravailler ton histoire mon gars !" La réponse, à c'qui paraît :
"GO F*** YOURSELF !" Le bouquin de nouveau entre les mains,
Ellroy tranche. Net, précis. Les mots dégagent - grosse dégringolade. L'équivalent de 400 pages de mots à la poubelle. Le
machine gun style, c'est maintenant du 100% télégraphique. Retour à l'éditeur, plein cadre,
"dans ta face."
Le lecteur, il est un peut comme l'éditeur. Cette fois, il a droit à un double
fuck vengeur, bien tendu. On aime ou on aime pas. Mais dans tous les cas, ça laisse pas indifférent. Nouveaux changements donc. Un personnage, la première personne. Un mec qui se souvient et qui raconte. Ce mec, c'est
Dave Klein, lieutenant du LAPD. À L.A., gros bordel. Klein est sur plusieurs fronts : tueur en série, trafic, attaque sur des indics. Bonus : intrigues inter-services et politiques. C'est
chaaaaud. Le style cogne, mais ça, je l'ai déjà dis. Là, ça fait vraiment très très mal. Du genre, pas attentif (?) et
pouf, c'est à plus rien y biter. Surtout, avec ce bouquin, je comprends la puissance de la ponctuation. C'est une arme d'une violence inouïe avec laquelle
Ellroy fait mal.
Y a pas de place pour les sentiments. C'est fou, beau, hyper-exigeant, d'une rigueur mathématique, plein de trous, etc. Donc concrètement, le lecteur doit fournir un sacré effort. Mais
mamma mia, comment c'est énorme. Ca me rappelle
American Death Trip, mon préféré de la
Trilogie Américaine. Pour le moment, je trouve que ça démonte.
Bilan, c'est génial. 'Fin, en ce qui concerne les trois derniers roman.
Le Dahlia Noir, c'est juste bien. D'autant qu'excepté le lieu, L.A., ainsi que quelques personnages comme
Ellis Loew par exemple, y a pas de liens directs avec les trois autres romans. Limite, on peut donc commencer le
Quatuor part
Le Grand Nulle Part. Par contre après, faut tout se taper dans l'ordre car là, les livres se suivent.
Dudley L. Smith, c'te magnifique clé de voûte.
Ellroy, un dieu de la littérature.