Re: Le topic des footeux
Publié : ven. 20 mars 2009, 14:56
Pas de souci pour le Bayern, le match du Barça contre Lyon a dû laisser des traces dans les organismes 

Faut en profiter, au moins jusqu'à demain1 Bordeaux 53 +18
2 Lyon 53 +15
Ah lala autant je suis d'accord avec lui autant je trouve qu'il use de sa prose comme d'une grande gueule de comptoirLos rigolos, grand classique du championnat, par François Bégaudeau
LE MONDE | 23.03.09 | 13h37 • Mis à jour le 23.03.09 | 18h27
Comme il arrive qu'un film soit décrété culte avant sa sortie, il arriva qu'un match entre deux clubs qu'aucune histoire commune n'unissait, l'un ayant été fondé à l'époque ou l'autre commençait à décliner (le milieu des années 1970), soit décrété classique. L'histoire est connue : au début des années 1990, les gens de Canal et ceux de Bernard Tapie s'entendent pour faire mousser les rencontres au moins deux fois l'an entre leurs troupes. A partir de ce deal, chaque OM-PSG est l'occasion de gros titres, d'invectives entre joueurs par presse interposée, de bastons entre supporteurs au pied du stade et d'un match aussi rugueux que techniquement affligeant. Encore, à l'époque, le niveau des deux équipes concernées pallie en partie l'absence de fondement historique d'une appellation que seule l'épreuve du temps légitime - façon Citizen Kane, quoi. Mais, par la suite, le label classique résista aussi à la médiocrité de leurs performances (pas un titre d'un côté ni de l'autre depuis 1994), faisant rire du côté de Monaco, Auxerre, Nantes, Lens et Bordeaux, dont les titres de champions furent des doigts d'honneur adressés aux géants aux crampons d'argile, avant que Lyon n'en remette sept couches.
La semaine dernière, on put rire en entendant Sylvain Armand déclarer que "OM-PSG, avant, c'était une affiche du passé". Rire, puisque précisément cette "affiche" a souffert de s'être érigée sur une absence de passé. Cependant, le latéral parisien exprimait là le sincère soulagement des joueurs de ne plus subir, grâce à leur présente position en haut du classement, l'humiliation d'un "grand classique de la Ligue 1" (entendu sur Infosport) confrontant le 16e et le 14e.
Or, à peine s'est-on amendé d'un numéro de claquettes qu'on est reparti pour un tour de piste en appelant cette rencontre "clasico", sur le modèle des Barça-Real. Qui a lancé cette manie verbale ? Mystère. Pas plus qu'on ne saura ce qui a pris soudain l'ensemble des journalistes chroniquant le récent Angleterre-France à Twinckenham de reprendre à son compte sa pourtant vieille désignation d'outre-Manche ("the crunch"). Toujours est-il que, déjà lesté par la honte de son indigence sportive, la Ligue 1 s'impose celle d'assumer à perte la comparaison avec un sommet espagnol vieux comme Franco et dont les protagonistes ont depuis lors occupé sans discontinuer les premières places de leur championnat. Un duo de clowns mégalos n'aurait pas mieux orchestré sa débandade burlesque.
Mais il y a quelque chose de sympathique dans cette propension de nos journalistes à importer leurs références. Fidèle à l'idée deleuzienne selon laquelle l'homme de gauche préfère le lointain au proche, le chroniqueur viril mais correct ne peut pas pester contre certains relents ruralos-pétainistes de la rhétorique footeuse comme il a pu le faire, et ne pas se réjouir de cette soudaine xénophilie sémantique.
François Bégaudeau est écrivain.