Un jeu que je viens de finir et qui m'a beaucoup donné à réfléchir.
C'était pas ma guerre
Je viens de finir Far Cry 2 et comment dire... J'ai rarement joué à un jeu qui me prenne autant par les tripes. J'ai passé 25h30 de jeu et je dois avouer que c'est franchement 25h de ma vie que je ne regrette. Pourtant, c'est assez étrange. Ce n'est pas un jeu qui est
fun à jouer à proprement parler mais c'est un jeu sur lequel on ne peut s'empêcher de revenir, que l'on se sent obligé de finir. Mais non, ce n'est pas un jeu pour tout le monde. Ni qui plaira à tout le monde.
Mais commençons par le commencement.
Une mission, tuer le Chacal
J'ai envie de dire que le pitch du jeu est d'une simplicité enfantine. On a un objectif, tuer le Chacal.
Qui est le Chacal ? Un marchand d'arme.
Qui nous a demandé de le tuer ? On en sait rien et ça n'a aucune importance d'ailleurs. Peut-être un gouvernement de manière à pouvoir réglementer le marché des armes. Peut-être un concurrent. On n'en saura pas plus mais comme je l'ai dit, ça n'a aucune importance.
Où est le Chacal ? Dans un petit pays d'Afrique en plein milieu d'une guerre civile dont on ne connaîtra jamais le nom. 50 km carré de forêt, de ravin, de marécage etc...
Qui sommes nous ? Un mercenaire. On en saura pas plus non plus. Avant de commencer le jeu, on nous demande de choisir notre avatar avec un court descriptif de son existence mais ça n'a aucune influence sur le jeu. On ne voit jamais notre visage, on ne parle pas. C'est juste un avatar.
Le jeu s'ouvre sur notre arrivé à l'aéroport. On monte dans une voiture qui va nous amener dans la capital. Là s'en suit une séquence typique des Half-Life, c'est à dire qu'on suit un chemin prévu à l'avance et on se contente d'observer ce qu'il se passe aux alentours, les discussions entre les gens, ceux qui cherchent à vous provoquez, ceux qui vous explique vaguement la situation.
Finalement, on est sur le point d'arriver et tout d'un coup, notre vue se fait trouble, des points blancs apparaissent à l'écran et l'on s'évanouit.
Saleté de malaria.
On se réveille et le Chacal est devant nous, parle avec nous. Secoué par le fièvre, on ne peut rien faire, on s'attend à ce qu'il nous exécute mais non, il s'en va tranquillement, nous laissant en plein milieu d'une escarmouche entre les deux factions dont on ne sortira pas indemne.
Voilà comment débute Far Cry 2. Dans un pays secoué par une guerre civile dont on se fout royalement et qui nous éloigne de notre mission principale.
Pourtant, on a besoin de travail si on veut pouvoir obtenir des diamants (l'argent n'ayant aucune valeur) et on se retrouvera à bosser pour les deux factions, l'APR et l'UFLL, à faire des missions avec des camarades mercenaires, à filer un coup de main au marchant d'arme, à exécuter des personnes sans trop savoir pourquoi etc...
Je vais commencer par ça mais il y a pas mal de défaut dans ce jeu. D'une part, il est assez répetitif. C'est souvent le même type de missions. Va là, tue tout le monde, ou fait péter ça etc...
Le monde est super vaste. Parfois un peu trop.
Le respawn des ennemis sur les postes de surveillances est assez lourd par moment. Ils auraient au moins pu attendre qu'on s'éloigne davantage pour que le respawn commence.
C'est un peu vide je trouve. Il n'y a aucun civil dans tout le pays, sauf quelques NPC obligatoire comme le prêtre ou le journaliste.
Pourtant... Pourtant malgré tous ces défauts, je ne peux m'empêche d'adorer ce jeu.
Parce que, à l'heure actuel, c'est le seul jeu nihiliste que je connaisse et qui s'assume comme tel.
D'habitude, dans la plupart des FPS, on a une bonne raison de tuer les gens. Ou tout du moins, une raison valable. On doit sauver le monde, sa fiancée, etc... On essaie un peu de rendre le monde meilleur ou tout du moins, de faire avancer quelque chose.
Là, on se rend compte que quoiqu'on fasse, quelque soit la façon dont on avance dans le jeu, on est, comme le dit si "le Chacal", un cancer.
On ne fait que empirer la situation, en travaillant pour les deux organisations en même temps, qui de toute façon, ne cherche qu'une solution d'équilibre pour s'en mettre plein les fouilles. On ne cherche que son propre bénéfice, qu'une façon d'avancer vers notre objectif morbide.
On se rend compte que dans ce conflit tous les personnages sont interchangeables. Alors oui, c'est vrai que les NPC n'ont pas beaucoup de caractères, mais c'est justifier par cet état de fait. On en tue un, aucune importance, un autre prendra sa place.
On perd un camarade mercenaire, aucune importance, y'en aura un autre etc...
C'est un jeu super morbide, super nihiliste. Quoiqu'on fasse, ça ne sert à rien. Petit à petit, on devient un meilleur tueur, on a de meilleurs armes, de meilleurs stratégies. Pourtant, ça nous dégoûte tout en étant jouissif (aligner dix personnes au snip, sans se faire remarquer, qu'est-ce que c'est bon).
Et c'est là que le jeu est bon, c'est dans cette approche qu'on peut l'apprécier. Ne pas le trouver fun mais l'apprécier comme on apprécie certains films qui vous prennent au tripes sans vous lâcher.
Et puis, à mes yeux, le jeu tient beaucoup grâce au personnages du Chacal. Son temps de présence est minime (environs 20 minutes à tout casser et encore, je suis gentil) pourtant, je crois que c'est de loin l'un des personnages les plus intéressants qu'il m'est été donné de voir.
Par l'intermédiaire de cassettes, éparpillées sur toutes la carte, on apprend à le connaître, à comprendre sa façon de raisonner, de percevoir le monde. Et le pire, c'est qu'on est foutrement d'accord avec lui.
Ce personnage gagne au fur et à mesure une putain d'aura. D'un personnage super simpliste dans sa présentation (marchand d'arme), on se rend compte que c'est quelqu'un d'extrêmement compliqué, qui a compris beaucoup trop de choses.
Je crois bien que je n'ai jamais trouvé de personnages plus intéressants, plus juste que lui dans un jeu vidéo.
Un autre point que je trouve intéressant est que ce jeu video démontre d'une certaine maturation du jeu vidéo.
En effet, je trouve que pendant pas mal de temps, le jeu vidéo s'est refusé à traiter de l'actualité ou d'évènement assez marquant.
Par exemple, on peut citer Capcom avec Resident Evil 5. Dès que certaines personnes ont commencé à faire des remarques comme quoi le fait de se faire attaquer par des zombies noirs étaient très gênant et politiquement incorrect car faisant un renvoi à certains évènements actuel, Capcom s'est tout de suite caché en disant que ça n'avait rien à voir, que jamais ô grand jamais il n'avait voulu donner ce cachet au jeu, que ce n'était qu'une pure fiction etc...
C'est assez con comme réaction, ce refus de donner au jeu vidéo tout volonté de traiter de quelques choses d'autres, d'avoir un double niveau de lecture. D'autant que s'il y a bien un truc qui s'est toujours prêté à ça au cinéma, c'est les films de zombie.
Donc je reconnais avoir été particulièrement déçu par la position de Capcom, trouillarde au possible et refusant toute double lecture ou de tenter d'aborder quelque chose d'autres.
Far Cry 2 ne s'ennuie avec de tels considérations. On y dépeint une Afrique en guerre, des factions aux idéaux complètement absent, arguant se battre pour les civils, pour la révolution, la liberté ou je ne sais quoi. On combat pour deux factions juste identiques. La seule chose qui importe, c'est le pouvoir, l'argent, et surtout, la guerre, la recherche d'un équilibre où personne ne perd ou ne gagne mais où tout le monde s'enrichit. Le but n'est pas de faire de coup décisif mais juste de faire en sorte que personne ne perde.
On peut tuer les chefs de factions à certain moment du jeu mais cela n'a aucune influence. Il meurt, un autre prend ça place.
On voit un monde qui se contre-fout complètement de cette guerre civile. Comme on peut le lire dans le notes du personnage principale, le seul lien empathique que l'on ait avec lui, auparavant, cette guerre ne méritait qu'une breve dans les journaux, tout le monde ne se donnant bonne conscience avec un cheque aux associations. Tout ça bien évidemment avant que le chacal n'arrive avec sa vente d'arme.
On croisera un journaliste africain qui cherche à raconter au monde ce qu'il se passe tout en ayant conscience que tout le monde s'en fout. Ce pays est pourri jusqu'à la moelle.
À côté de ça on a les autres mercenaires, vos compagnons par moment. Ils peuvent venir vous sauver les fesses en cas de pépins, ils peuvent vous donner des missions, des alternatives de missions. Ils peuvent mourir sur le champs de bataille, vous demander des les achever. D'une balle dans la tête, alors que l'on tourne pudiquement la tête, ou à la morphine si on a des réserves à gaspiller.
Mais bon, c'est la vie.
Far Cry 2 est un excellent jeu. En tout cas un de ceux que j'ai adoré sans pour autant le trouver fun. Prenant, intéressant, et surtout une voie à suivre si l'on veut que le genre mature.