Nouveau chapitre où pleuvent les bons sentiments, la joie de vivre et les petits zoziaux dans le ciel.
L'auteur est incapable d'avoir un avis objectif sur ses chapitres mais elle a bien aimé écrire celui-là. Quant à savoir ce qu'il vaut...
Bonne lecture et ne soyez pas avare de commentaires quels qu'ils soient!
CH16 : Colère.
Une gifle lui cingla la joue la tirant violemment de l’inconscience.
Sakura gémit quand sa tête projetée sur le côté frappa une surface dure, elle essaya d’ouvrir les yeux, mais ne put rien distinguer, des larmes de douleur lui embrumant la vue. Quelque chose lui fouetta de nouveau le visage. Une douleur aiguée à l’œil droit la fit sursauter, elle tenta de reculer, de protéger son visage de ses bras repliés. Mais ses efforts se soldèrent par un lamentable échec : ses poignet ficelés dans son dos lui étaient inutiles et empêchaient toute tentative de fuite. Quelqu’un se mit à rire, un rire gras, vicieux, auquel ne tarda pas à se joindre une salve de ricanements.
- Hé Hukiro ! brailla une voix masculine, modère tes coups, pauvre abruti, tu vas abîmer la p’tite demoiselle ! C’serait bien dommage, r’gardez moi cette gueule de p’tit ange…
- Va t’faire foutre, tas de merde ! grogna en réponse le dénommé Hukiro.
- Si c’est avec la pitiote, moi je veux bien ! gloussa une troisième voix.
Des nouveaux éclats de rire saluèrent ce trait d’esprit.
Enthousiasmé par son succès, l’homme continua :
- D’un aut’côté, c’pas vraiment à sa trogne qu’on en a, hein les gars ?
Nouvelle crise d’hilarité générale.
Sakura battit des cils, tentant de chasser les larmes et considéra avec stupeur son nouvel entourage. Les rieurs devaient être au nombre d’une dizaine, tous vêtus d’habits sale et raccommodés à la diable, mal rasés, les cheveux et la barbe sales et poussiéreux. Tous puaient la crasse et la sueur en hommes pour qui les mots « eau », « savon » et « douche » relevaient de la mythologie. Tous ricanaient, s’esclaffaient et posaient des regards ouvertement appréciateurs sur les cuisses fines et sur la poitrine haletante de la jeune shinobi.
A moitié assommée par les coups et l’incompréhension, il lui fallut quelques secondes pour réaliser le sens de leur discussion. Son sang se gela dans ses veines et elle se recroquevilla, jambes ramassées contre la poitrine, rempart dérisoire contre les coups et les regards libidineux. Les deux hommes dressés devant elle continuaient bruyamment leur dispute :
- Pauvre connard ! Si t’crois être le seul à avoir envie de t’taper la môme, tu…
- Chacun son tour, ducon. J’finis de tirer mon coup, l’mecs rigolent un peu et si t’es un gentil merdeux, j’te laisserai faire un peu joujou…
- Tu tires pas ton coup ! Tu la cognes !
- Et alors ? Chacun ses goûts, rétorqua Hukiro adressant un sourire mauvais et édenté à la ronde.
- ‘nculé, tu… éructa son interlocuteur.
Un coup de poing foudroyant le projeta en arrière, cul par-dessus tête. Les autres se reculèrent prudemment, observant avec une certaine circonspection le vainqueur. La fille était jolie certes, mais méritait-elle un coup de kunai entre les omoplates pour le plaisir de la chevaucher en premier, c’était une tout autre question… La brute ricana et ramena le regard sur la chuunin pétrifiée, les yeux d’un marron glauque croisèrent le regard écarquillé de la jeune fille. Il grimaça un sourire.
- Réveillée, mignonne ? Tant mieux. Bien plus marrant comme ça.
Il gloussa et se tapota d’un geste amène le bas-ventre.
- T’fais pas de bile, assura-t-il. T’en mourras pas… Enfin, pas tout de suite… Y en a même qu’aime ça, à c’qui paraît ! Si faut t’as pt’être encore jamais eu l’occasion. Devrais nous remercier ! Pas vrai les gars, devrait nous remercier, la p’tite pute ?
Les autres acquiescèrent en cœur, l’air sincèrement navré que personne ne puisse reconnaître l’altruisme évident de ce qu’ils s’apprêtaient à faire. Une voix un peu geignarde s’éleva pourtant dont Sakura ne put deviner le propriétaire :
- Hu… Hukiro ! Chuis… Chuis pas si sûr que c’soit une bonne idée…
- De quoi tu te mêles, spéce de tapette ? Pas les couilles de torcher une donzelle ?
- Mais… Mais… Mais il a dit de ne pas toucher à la fille ! Qu’elle lui était réservée ! Il va…
L’ombre d’un malaise tomba sur le groupe et quelques-uns jetèrent des regards vaguement inquiets aux alentours. Mais Hukiro ne se laissa pas démonter pour autant. L’homme cracha à terre, ou plus précisément sur le ventre de Sakura affalée contre un arbre.
- Rien à foutre, gronda-t-il. Pas peur de cet enfoiré. Aura qu’à attendre son tour comme tout le monde.
Des regards nerveux furent échangés, laissant entendre que ses compagnons commençaient à trouver le temps un peu long et qu’un désolidarisation massive était peut-être à envisager. Joignant le geste à la parole, le meneur s’agenouillait déjà devant la captive et étendait une main impatiente vers le bas de sa tunique. La panique submergea Sakura, elle se rejeta en arrière pour échapper au touché repoussant mais ne parvint qu’à heurter rudement du crâne le tronc. La douleur la ramena brutalement à la réalité, lui rendant l’usage de la parole comme celui de ses membres. Elle ne cria pas. N’appela pas à l’aide. Ne sanglota pas. Des gestes bien inutiles, puérils. Avec un hochet, elle releva d’un geste instinctif le genoux droit qui s’écrasa avec un claquement mou sur l’entrejambe d’Hukiro.
L’homme gargouilla, l’œil exorbité, recula d’un pas titubant, manqua de s’effondrer en arrière, retenu à temps par un de ses compagnons.
- Essaies encore de me toucher, salopard puant, et je t’arrache tes couilles de merde avec les dents avant de te les faire bouffer!
Les brigands fixèrent avec ahurissement, voire une pointe de respect, la jeune fille écarlate, écumante de rage. Folle de terreur et de colère, Sakura les foudroya du regard, tandis qu’une partie d’elle-même horrifiée balbutiait :
« Je n’ai pas dit ça ?! Oh mon dieu, je ne parle pas comme ça ! Pas moi ! » De toute évidence, les leçons de Tsunade avaient porté leurs fruits et pas forcément ceux escomptés.
Mais son agresseur se relevait déjà en titubant, pourpre de colère et de douleur, tenta de parler et ne produisit qu’un sifflement enroué déclenchant quelques rires nerveux parmi les spectateurs. Les yeux vitreux se posèrent sur la chuunin emplis de haine : non comptant de lui broyer les testicules et de l’insulter, elle l’avait humilié devant ses camarades. Il ne le lui pardonnerait pas. Elle allait payer pour cela, oh oui ! Et chèrement...
- Sal… Sale… Sale petite PUTE ! finit-il par réussir à émettre. Kagan ! Tiens lui ses foutues jambes ! Vais t’apprendre moi…
Son ami arbora un air peu convaincu mais un rugissement le fit obtempérer. Sakura tenta de ruer tandis que l’homme essayait d’agripper ses chevilles, il lâcha une obscénité quand un pied l’atteignit à la bouche, brisant une dent déjà branlante. Il cracha la dent arrachée et la gifla à la volée. La tête sonnante comme une cloche, elle vit Hukiro s’agenouiller auprès de son compagnon. Une main se saisit de l’avant de sa tunique, un déchirement et le tissu se fendit dévoilant la peau blanche et les formes épanouies de la jeune femme.
Sakura hoqueta et l’insulte qui lui venait aux lèvres s’étrangla dans sa gorge. De nouveaux rires mauvais, moqueurs et stupides. Une main rugueuse se saisit d’un sein, le tordit brutalement, tandis que des doigts sales se glissaient sous ses vêtements griffant sa peau, descendant de plus en plus bas.
Les larmes lui montèrent aux yeux, elle se mordit les lèvres, refusant de les laisser jaillir.
Ne pleure pas. Surtout ne pleure pas. Un ninja ne pleure jamais. Jamais. Ce n’est qu’un moment à passer ! Rien qu’un moment à passer ! Oh, ne pleure pas !
Et elle lutta contre les larmes amères, contre la terreur et l’humiliation. Lutta de son mieux, de toutes ses forces.
J’espère juste que cela sera rapide… Mon Dieu, faites que cela soit rapide ! Mais ils auront leur tour. Ils l’ont dit, les uns après les autres ! Oh, je ne veux pas ! Je ne veux pas ! Je ne veux pas…
Que quelqu’un vienne ! S’il vous plait ! S’il vous plait…
Naruto ! Kakashi-sensei…
Mais les doigts avaient atteint leur destination et l’homme abaissait déjà son propre pantalon en ricanant. Naruto n’était visible nulle part et Kakashi… Kakashi…
Le souvenir des flammes lui revint en mémoire, les flammes dansantes et meurtrières. La village réduit en cendres. Le grondement du feu. Le fou rire d’Ohira. Le jounin souriant aux cheveux gris et aux yeux chaleureux.
« Ne t’inquiète pas, Sakura… »
- Ben, tu pleures, p’tite garce ? Regrettes d’jà d’pas avoir été plus gentille, hein ?
Les pleurs brouillaient sa vue mais elle put voir Hukiro se pencher sur elle, sentit son haleine échauffée contre son épaule.
Oh, Sasuke… SASUKE !
Une poigne de fer saisit la brute par la nuque et la tira en arrière, l’arrachant à sa victime.
Hukiro n’eut pas même l’occasion de pousser un cri. Un horrible bruit de déchirement, un râle aussitôt interrompu et une pluie écarlate s’abattit sur le sol. Le nommé Kagan gisait déjà sur le sol, la gorge tranchée, tripes répandues sur la terre. Le corps de son ami relâché dédaigneusement ne tarda pas à le rejoindre.
Sakura battit des paupières, le cœur rempli d’un espoir insensé, absurde :
- Sas…
Ohira haussa un sourcil moqueur.
- Navré, jeune fille : le prince charmant est actuellement occupé. Déçue ?
Sur ces mots, il se tourna vers les mercenaires horrifiés. Les hommes chancelèrent sous le regard acéré, l’un essaya bravement de prendre la parole, de donner une justification dans un vague balbutiement à peine audible.
- La ferme, le coupa Meiyamoto. Nous nous connaissons depuis assez peu de temps mais vous savez tous, n’est-ce-pas messieurs, que je suis quelqu’un d’affable, de tolérant et de patient ?
Les brigands hochèrent énergiquement la tête, blanc comme linge. Ohira parut satisfait.
- Et vous êtes bien conscients que seules cette patience, cette tolérance et cette affabilité expliquent que vous ne partagiez pas le sort de vos deux malheureux compagnons ?
Hochements de têtes. Quelques faces virèrent au verdâtre.
- Bien, sourit-il. Je me sens d’humeur généreuse. Assez pour vous prévenir que j’émasculerai à mains nues le prochain imbécile qui tentera de violer cette fille. Des questions ? Non ? Parfait. Faites votre travail et foutez-moi le camp.
Trop heureux de conserver leur bras, jambes et autres possessions intimes en bonne état, les hommes s’empressèrent de déguerpir. Avec un rire de gorge, Ohira les regarda filer ventre à terre, puis abaissa les yeux sur la jeune femme.
- Une belle bande d’abrutis, commenta-il. Mais on ne peut pas toujours se montrer difficile, hein ? On prend ce que l’on trouve. Plus de peur que de mal ?
Elle ne lui offrit aucune réponse, consciente qu’il n’en attendait pas vraiment. Il badinait, se moquait ouvertement d’elle, et des insultes ou une tentative de révolte n’auraient fait qu’accroître son amusement. Sans prévenir, l’homme s’accroupit auprès d’elle et lui saisit le menton d’un geste ferme mais dépourvu de brutalité, la forçant à relever le visage vers lui. Sakura lui décocha son regard le plus sanglant. Il lui sourit, fit glisser son index le long de la joue humide.
- Vous avez pleuré, jeune fille ? murmura-t-il. Vous ne devriez pas, les larmes déparient votre visage. Les belles jeunes femmes ne devraient pas en verser. Vous ont-ils fait mal ? Ou est-ce pour une autre raison…
Il effleura du doigt la courbe de la mâchoire et le cheveux roses empoissés de boue, jouit du frémissement de dégoût et de peur qui la traversa.
Silence. Les yeux émeraudes flamboyèrent.
- Bah… Je doute que vous pleuriez ces deux canailles. Votre sensei peut-être et son ahuri de coéquipier ? Un satané gâchis, je dois l’avouer : un homme si brillant, si intéressant… Quel dommage... Si cela peut vous être d’un quelconque réconfort, sachez que sa mort me navre presque autant que vous.
- Vous êtes bien pire qu’eux, souffla Sakura.
- Tout à fait exact, acquiesca-t-il. De véritables petits agneaux. Déserteurs affamés et mercenaires avides, mais des agneaux.
- Pourquoi ne pas m’avoir tué ? demanda-t-elle. Que puis-je vous apporter ?
Sa voix sonna trop aigue à ses propres oreilles, ne pas détourner le regard de celui de Meiyamoto s’avéra bien plus difficile qu’elle ne l’avait imaginé. Sa question alluma une lueur hilare au fond des prunelles grises.
- Vous n’imaginez tout de même pas sincèrement que je vais vous répondre ? Vous respirez toujours car vous m’êtes plus utile vive que morte. Pour l’instant. Et si vous vous conduisez comme une douce et conciliante enfant, vous avez une chance de le rester encore un certain temps.
- Et si je ne le fais pas ?
Sans prendre la peine de répondre, Leur ancien client fit glisser sa main encore encroûtée de sang séché du visage de la shinobi, jusqu’à en caresser nonchalamment les seins à moitié dénudés. Sakura se tendit, envisagea de mordre si l’autre essayait d’approfondir l’expérience. Mais le toucher ne dura qu’un instant et Meiyamoto Ohira se laissa retomber sur ses talons.
- Inutile de trembler pour cela, petite. Triste à dire mais ce genre de choses ne m’excite pas. Et vous ne tenez pas à savoir ce qui m’excite, vous pouvez m’en croire… En revanche… Je ne doute pas que mes charmants compagnons de voyage ne vous trouvent à leur goût. Mais vous serez sage, n’est ce pas ?
C’est cela, comptez-y…
- Qui sont ces hommes ? préféra-t-elle demander. Pourquoi vous suivent-ils ? Ceux qui se trouvaient dans Hashika… Vos hommes… Vous les avez tous…
Ohira haussa les épaules :
- Brigands et mercenaires. Pour la plupart des incompétents. Pourquoi me serais-je soucié d’eux ? Des gibiers de potence ne demandant qu’à suivre celui qui leur propose fortune et gloire et qui accessoirement leur a flanqué la plus grosse trouille de leur misérable vie.
- Quel genre de monstre… ? murmura Sakura vacillant entre l’horreur et une certaine fascination.
L’autre s’esclaffa doucement, se relevant et balayant du regard les arbres entre lesquels d’autre hommes aussi patibulaires que les premiers commençaient à émerger.
Une dizaine transportait deux solides cages de fer rouillé. Les espaces entre les barreaux colossaux avaient été comblés par d’épaisses plaques métallique. Des sceaux formés d’entrelacs complexes aux formes sinueuse tracés à l’encre brune, si d’encre il s’agissait bien, sur du parchemin garantissaient leur solidité. La chuunin n’avait jamais eu l’occasion d’en voir de ce genre.
Les mercenaires titubaient sous le poids de leur fardeau. L’un à la barbe ébouriffée trébucha sur une pierre basse, faillit s’effondrer entraînant avec lui tout l’édifice vacillant, se rétablit de justesse avec un blasphème. Quelque chose heurta le paroi de la cage avec un choc sourd. Un bruit étrange s’éleva de la prison opaque, un grondement bas, vibrant, lourd de menaces qui suscita les regard atterrés des porteurs. Nul doute qu’ils auraient planté là leur fardeau et décampé au plus vite sans la présence de leur employeur.
Aucun bruit ne s’élevait de la seconde caisse, mais ses gardiens n’en semblaient pas particulièrement rassurés pour autant.
- Quel genre de monstre ? consentit à répondre Ohira. Une question intéressante à laquelle je n’ai malheureusement pas le loisir de répondre pour l’instant. Plus tard peut-être… Je crains bien qu’il ne soit temps de partir d’ici. Les renforts de votre cher village ne sauraient tarder et nous avons encore un bout de chemin à faire.
Il se détournait quand elle le rappela :
- Non ! Attendez…
- Mmmh ?
- Et… Et Naruto ? Qu’avez-vous fait de Naruto ?!
L’homme aux longs cheveux noirs se fendit d’un large sourire, et leva un bras pointant un pouce désinvolte au dessus de son épaule.
Quelque chose bougeait dans les profondeurs de la cage d’acier. Quelque chose grondait. Griffait les parois, tentant vainement de les déchirer.
Et brusquement jaillit un hurlement. Un rugissement discordant, d’une sauvagerie inhumaine, vrillant les oreilles de tous les auditeurs, déchirant le vent glacé. Cri de fureur, de rage et d’angoisse qui s’éleva se muant en un long hululement aigu et perçant qui dura, dura, dura…
* * * * * * * * * * * * * * *
Ils l’avaient enfermé.
Ils s’étaient saisis de lui et l’avaient enfermé.
Enfermé.
Dans cette prison de métal exigu. Comme si une simple boite de fer pouvait le retenir ! Comme si l’on pouvait l’enfermer, l’emprisonner, lui ! Comment avaient-ils pu oser ? Comment avaient-ils… ? Mais les parois ne cédaient pas sous ses coups, le fer lui résistait. Impossible. Impossible de déchirer l’acier glacé, impossible de se frayer un chemin vers la liberté, vers la lumière.
Il faisait noir. Entièrement noir.
Il ne voulait pas rester dans le noir, il voulait courir dans la lumière caressante du soleil, sentir le vent sur son visage, entendre les bruissements et les craquements des arbres couverts de copeaux de glaces, le froid de la neige sous ses pattes.
Il voulait sortir.
Nul n’avait le droit. Nul ne pouvait.
L’obscurité le paniquait, le rendait fou de terreur. Terreur insensée du fauve emprisonné, de la bête prise au piége. Les parois obscures se refermaient sur lui, lui broyaient les muscles, lui broyaient les os, lui broyaient l’esprit. On voulait le tuer. On voulait le réduire en charpie sanglante. L’abattre. Abattre la bête. Abattre le démon.
Pas un démon…
Il ne voulait pas mourir. Ils avaient décidé de se débarrasser de lui, il avait toujours su qu’ils finiraient par tenter de le faire. Toujours su que viendrait un jour ce moment, celui de la cage.
Faut l’emprisonner… Trop dangereux… Finira par faire du mal à quelqu’un… Faut le tuer… Ouais, serait plus sûr de le tuer… Mais il ne les laisserait pas faire. Les tuer. Les tuer tous avant qu’ils ne le tuent lui.
Suis pas un démon…
Mais il avait beau lacérer les parois, gratter, griffer, mordre, rien n’y faisait. Enfermé. Prisonnier, voilà ce qu’il était. Et il s’arrachait les ongles et le sang coulait des blessures sitôt cicatrisées. Et le chakra rouge dansait, se jetait de tous côtés tentant d’ébranler la muraille inflexible. Et les griffes de feu écarlates ricochaient sans parvenir à trancher. Ses muscles se tendaient, ses habits se déchiraient sous la rage et la pression de l’énergie démoniaque qui se déchaînait dans un espace si réduit.
Il voulait sortir.
Il devait sortir.
Cela où perdre l’esprit.
Je ne suis pas un démon…
Il rejeta la tête en arrière et hurla.
* * * * * * * * * * * * * * * *
Hashika n’était plus que cendres et pierres noircies.
Où que se posa le regard régnait un paysage de dévastation : arbres carbonisés, maisons brûlées jusqu’au frondaisons, formes noirâtres, tordues par une agonie aussi brève que violente qui avaient du avoir l’apparence de corps humains… A court de mots et momentanément de pensées, Hijo considérait avec stupeur les maigres ruines du village.
Rien n’avait survécu à l’incendie, pas même l’étrange autel où dansaient les flammes de chakra noires. Des fissures béantes fendaient la roche mise à nue et ses pieds baignaient dans une boue épaisse, presque brûlante, mélange de cendre, de terre, de neige fondue et d’autres substances dont il ne tenait absolument pas à savoir l’origine.
La gorge sèche, les jambes flageolantes, un tremblement violent l’agita, semblable à celui du somnambule découvrant au petit matin qu’il a passé la nuit à arpenter de long en large le bord d’un abîme. Être passé si prés, si terriblement prés du gouffre… le ciel se mit à tournoyer au dessus de sa tête et il envisagea un instant de tourner de l’œil. Un grognement à ses côtés l’en dissuada.
Le copy ninja se releva en chancelant un peu et considéra en silence la scène dévastée.
Hijo lui jeta un regard et réussit de justesse à ravaler un rire nerveux.
Les cheveux gris hérissés à un point défiant l’imagination, encroûtés de terre à moitié séchée, couvert de sang et marron de la tête aux pieds suite à un séjour assez prolongé dans la boue, le pas mal assuré, le jounin frôlait le burlesque. Si l’on exceptait les yeux dépareillés injectés de sang. Quelque chose dans leur regard convainquit le ninja que se mettre à ricaner maintenant serait la plus grande erreur et probablement la dernière de sa vie.
Bien qu’à y réfléchir, la plus grande erreur de ma vie doit remonter au jour où j’ai fait la connerie de m’inscrire à l’Académie des ninjas de Konoha… Si seulement j’avais su… C’était plutôt cool de cultiver des choux après réflexion… C’est bien un choux… Ca ne tente pas de vous égorger. Ni de vous étriper. Ni de vous arracher les bras. Ni de vous carboniser d’ailleurs.
Kakashi n’émettait pas un son et Hijo, que le silence avait toujours mis épouvantablement mal-à-l’aise, se racla la gorge. Pas de réaction.
- Ah… J’imagine qu’on l’a échappé belle, hein ?
- …
- Pas eu de chance les anbus. Et les autres mecs aussi… Sale mort… Euh… Oui ?
- …
- Béh.. Crever comme ça, je veux dire, continua-t-il au désespoir. Affreux, vous… Euh… Vous pensez pas ?
- …
- Hum… On… On fait quoi maintenant ?
- Je ne sais pas.
La voix du jounin sonna creuse, hésitante, il tourna enfin les yeux vers son subordonnée. Ce qu’il y vit fit courir un frisson dans les veines du chuunin. L’homme qui lui faisait face ne ressemblait pas à un génie redouté pour ses prouesses meurtrières dans tous les villages cachés du pays, pas plus qu’à un des plus puissants jounins du village de Konoha : l’œil vide, indécis, le geste vacillant, l’air hébété et déboussolé, le terrible ninja au sharingan semblait soudain incroyablement vulnérable. Incroyablement humain.
Et l’idée effleura Hijo, s’infiltra au milieu de ses convictions que peut-être… peut-être les génies et les ninjas d’élites étaient-ils faits des mêmes chairs et sang que les pauvres types comme lui. Peut-être qu’un génie aussi pouvait hésiter, commettre des erreurs ou se ronger les sangs dans la crainte d’en commettre, trembler à l’approche de la mort.
Peut-être qu’un génie n’était au fond qu’un homme comme les autres.
Juste un peu plus allumé et imprévisible.
Mais cela ne dura qu’un instant.
Kakashi Hatake prit une brève inspiration et se redressa vaille que vaille. Le regard chancelant s’assura et s’assombrit. Les mains tâtonnantes reprirent leur gestes vifs et fermes. Il ne fallut que quelques secondes au visage encore marqué par le choc pour revêtir à nouveau le masque impassible du ninja professionnel, de l’anbu qu’il avait été. Mais pas tout à fait. Pas tout à fait. Sous le masque neutre et d’apparence calme et maître de soi, le jounin bouillait de rage.
Et Hijo ne s’en sentit absolument pas rassuré.
De son passage à l’académie il avait tout de même réussi à retenir quelques règles vitales, entre autres : ne jamais,
jamais et aucun cas se laisser submerger par la haine et le désir de meurtre. Un homme sous l’emprise de la colère a déjà perdu les trois-quarts de ses moyens. Un ninja aveuglé par la fureur est déjà aux trois-quarts un cadavre en sursis. Le copy ninja parvenait à garder un fragile contrôle sur ses actions, mais nul ne pouvait prévoir combien de temps il durerait encore.
Sans un mot, Kakashi se détourna et avant que son subordonné ait osé hasarder une timide opinion sur l’état mental de son chef d’équipe, celui-ci se précipitait déjà vers la forêt.
* * * * * * * * * * * * * * *
La neige avait avidement bu le sang versé, prenant un aspect rosâtre et cristallisé assez agréable à l’œil. On ne pouvait en dire autant des cadavres. Agenouillé, Kakashi fit doucement rouler sur le dos le corps de l’ancien capitaine de la sixième unité et grimaça. L’anbu avait été une satané tête de mule mais personne n’aurait du mériter une telle mort : peut-être qu’à la réflexion le sort des ninjas massacrés dans les rues du village avait-il été le plus enviable.
Masque arraché et traits décomposés par la peur, l’officier paraissait extrêmement jeune. Presque un adolescent. Lui-même n’avait guère été plus qu’un gamin quand il s’était engagé au sein des anbus, il y avait si peu de temps de cela, du moins lui semblait-il.
Tu paieras pour cela aussi, Ohira…
Oh, si j’y peux quoi que ce soit, je jure que tu finiras par payer pour cela comme pour tout le reste. Si j’y peux quoi que ce soit…
A la vue des cadavres réduits en pièces, il avait senti distinctement son cœur bondir de sa poitrine et se loger quelque part dans sa gorge, bloquant sa respiration. Saisi d’une brusque frénésie, il avait dévoré les lieux du combat des yeux à la recherche d’un nouveau corps dépecé. De quelques mèches de cheveux roses. D’une crinière blonde indisciplinée. Avait retourné sans précaution les cadavres. La peur au ventre. Mais n’avait rien trouvé à son grand soulagement. Ohira ne se serait pas embarrassé de cadavres ; si ses élèves ne gisaient pas ici, ils ne pouvaient qu’être encore vivants.
Quand Hijo essoufflé avait déboulé à ses côtés, il avait réussi à reprendre un minimum de sang-froid.
Retenant un soupir navré, Kakashi étendit la main et ferma les yeux blancs et révulsés, donnant un semblant de repos au visage de l’officier, puis se releva ignorant de son mieux le gémissement de protestation de sa hanche malmenée.
- Meiyamoto Ohira les a amené, commenta-il avec calme.
Une précision bien inutile mais qui lui avait permis de vérifier le contrôle qu’il gardait sur sa propre voix. Pas mal du tout en somme. Même si Hijo ne semblait pas tout à fait convaincu.
- Qu’est ce que… ?
- Tsunade a du envoyer des renforts du village, voire faire appel aux unités anbus. Ils ne vont pas tarder à arriver mais ils ne peuvent savoir que nous nous trouvons à Hashika. Tu vas aller à leur rencontre et les mener ici. Je ne peux affronter Ohira seul, il me faut de l’aide.
L’œil de chuunin s’arrondit :
- Mais vous… Vous ne comptez tout de même pas… ? bredouilla-t-il.
Le regard froid du jounin le cloua sur place :
- Je pars à sa poursuite. Seul. La piste est encore fraîche, j’ai une chance de parvenir à les rejoindre. Si j’attend encore suivre leurs traces deviendra impossible.
- Mais…
- Il n’y a pas de temps à perdre, tu as entendu ?! cracha Kakashi. C’est un ordre. Je me charge du reste, compris ?
Le shinobi fit le gros dos et prit un air de chien battu. De façon surprenante l’ombre d’un remord effleura Kakashi devant son apparence assez pitoyable et franchement inquiète. Il finit par murmurer un peu à contrecœur :
- Oh… Et beau travail.
- Hein ?
- Pour Hashika, tu t’en ais bien tiré.
La mâchoire d’Hijo béa et il fixa son supérieur d’un œil hébété, le temps d’assimiler le choc psychologique causé par le compliment, incapable de s’arracher un son ne serait-ce que pour remercier. Un froncement de sourcils agacé le ramena à la réalité et il tourna les talons s’éloignant comme à regret dans l’ombre des bois, marmonnant tout seul dans sa barbe. L’oreille aiguisée par trente ans de bons et loyaux services du copy ninja parvint à saisir les mots « choux » et « tous givrés », ce qui le perturba un peu.
Le son des pas du shinobi s’éteignit rapidement, happé par le silence écrasant de l’hiver, le laissant seul parmi les cadavres. Pas vraiment un problème, les morts avaient cessé de l’inquiéter depuis bien des années. Du moins physiquement. Les fantômes persistaient eux, il ne le savait que trop bien. Les fantômes ne pouvaient pas vous enfoncer un kunai entre les côtes, pas plus qu’il ne pouvaient se glisser dans votre dos pour vous trancher la gorge… Mais ils pouvaient s’accrocher à vos épaules, se coller contre vous au plus noir de la nuit, leur contact glacé rendant tout sommeil impossible, susurrer à vos oreilles toute leur haine et leur souffrance…
Les fantômes ne vous quittaient jamais complètement, ils entraient en vous, s’y mêlaient si intimement qu’ils en devenaient presque une partie.
Mais ce n’était pas des morts dont il devait se soucier à présent. Les morts pourraient attendre un peu, ne leur consacrait-il pas déjà tout le reste de sa vie ?
Kakashi scruta les environs, le sharingan s’arrêtant sur chaque petit détail significatif d’une fuite : branches brisées, empreintes encore bien visibles dans la neige. Ils étaient bien plus nombreux que prévu, trente à trente-cinq environ mais une appréciation plus détaillée était difficile. Une piste claire, facile à suivre s’il s’y attelait dés maintenant.
Et quand tu les auras rejoint, que feras-tu… ?
Il chassa la question irritante d’un haussement d’épaules. Pas temps de songer à cela, il serait toujours possible d’improviser. Il l’espérait. Kakashi hésita un instant à convoquer un chien ninja mais il ne pouvait se permettre de gaspiller du chakra, ses talents de pisteurs devraient suffire.
Une douleur brûlante lui déchira l’œil gauche, il jura à voix basse, portant vivement la main au sharingan dilaté. Se raidit quelques secondes la main crispée sur son visage, mâchoires serrées contre la souffrance. La brûlure s’évanouit aussi vite qu’elle était venue, ne lui laissant qu’un vague mal de crâne et une vision un peu floue.
Un pressentiment. Aussi brusque et violent qu’un coup de canon.
Le sentiment d’un regard posé sur lui.
Un mouvement vif dans son dos.
Sifflement d’une lame.
Kakashi se jeta à plat ventre, roula sur le sol, étouffant un cri de douleur quand son épaule blessée frappa une pierre, sa jambe droite repliée rencontra celle de son agresseur encore en position instable, le projetant à terre. Celui-ci se releva d’un bond, au moment où le jounin se redressait sur un genoux hors de portée.
Les arbres merde ! Les putains d’arbres ! Toujours vérifier ses abords immédiats et toujours prendre garde aux attaques venues du haut… Gai se bidonnerait à s’en péter la cage thoracique…
Nullement décontenancé par son premier échec, l’autre se remit calmement en garde, les deux sabres soigneusement entretenus entrecroisés devant sa poitrine. Les yeux bleus pâles posèrent un regard morne sur le jounin.
- Vous auriez du vous laisser tuer, dit-il. Cela nous aurait simplifié la tâche à vous comme à moi.
Le yeux du ninja croisèrent ceux vagues de l’inconnu.
- Chien d’Ohira, hein ? gronda Kakashi.
Le spectre d’un sourire désabusé passa sur les lèvres de son vis-à-vis :
- On ne saurait mieux dire, murmura-t-il.
- Et vous êtes … ?
- Teshiro Nihame. Kakashi Hatake, n’est-ce-pas ? Il ne pensait pas que vous vous en tiriez. Surprenant, j’imagine… J’était censé retenir le plus longtemps possible vos renforts, mais puisque vous voilà… Il semble que mon rôle consiste également à vous tuer.
- Ohira et mes élèves, où sont-ils ?
Un imperceptible cillement, un vacillement dans le regard pâle.
- Vous ne pouvez plus rien faire pour eux, finit-il par répondre.
Kakashi se tendit en avant, les mains descendant instinctivement au niveau de ses hanches. Le sharingan rougeoya dans son orbite, tournoyant et se dilatant, brûlant et concentré. Ignorant la fatigue, ignorant ses membres engourdis et maltraités, il se prépara à l’attaque. Se prépara à lutter pour sa vie. Se prépara à tuer.
La colère trop longtemps contenue déferla en lui, accompagnée d’une envie de meurtre comme il ne se rappelait pas en avoir connu depuis l’époque où, encore enfant, le cœur et l’âme déchirés il luttait contre la douleur par le biais du sang et de l’acier. Il avait besoin de se battre. Besoin de faire couler le sang. Besoin de risquer sa vie. Et d’arracher celle d’autrui.
Les yeux bleu de Nihame virèrent au rouge, très semblables à ceux d’Ohira : même folie, même bestialité, avec quelque chose en moins pourtant ou en plus.
Un frisson remonta la colonne vertébrale du jounin. Frisson de peur. Frisson de haine. Frisson d’excitation. Le lent sourire qui se dessina sous le masque de tissu n’avait rien d’aimable ni de chaleureux.
Nihame bondit en avant et les sabres étincelants entrèrent dans la danse.
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Sakura n'est pas morte: pas trop décue Tayuya?
Je suis trop gentille...
Bon maintenant je casse la croute et je viens commenter ton nouveau chapitre ^ ^