[SF] Seigneur de Lumière, de Zelazny
Publié : dim. 12 févr. 2006, 21:56
Seigneur de Lumière, par Roger Zelazny (1967)
J'avais fait cette fiche pour un autre forum. Mais comme j'ai quelques minutes à tuer et que (on sait jamais quoi...) ça pourrait intéresser quelqu'un ici, je vous en fais part de cette présentation d'un de mes bouquins préférés!
314 pages
7 chapitres, chacun introduits par un extrait d’un texte sacré indien
Prix Hugo 1968
Traduction: Claude SAUNIER
Couverture :
C’est celle que j’ai et qui se trouve sans doute le plus facilement (édition de 1999). Même si ce bouquin n’a pas encore été réédité par Folio SF, on peut trouver assez facilement cet exemplaire dans les fnac et autres librairies de neuf .
Résumé :
(J’en ai pas trouvé de potable donc celui ci est de moi. Soyez indulgents… )
Une poignée d'hommes et de femmes, fuyant notre Terre, s’est réfugiée sur une planète éloignée. Après en avoir neutraliser les habitants, ils l’ont peuplée de leurs enfants. La réincarnation étant rendue possible par leur technologie, ils ont atteint la quasi immortalité et se sont réfugiés dans l’ancien vaisseau en orbite autour de la planète, leur Cité Céleste.
De là, ils gouvernent la vie de leur descendants qu’ils maintiennent dans l’obscurantisme, loin de leur science.
Afin d’asseoir leur pouvoir, ils ont repris les figures du panthéon hindouiste et sont devenus Brahma, Krishna, Vichnou, Kali, Civa… Par le biais des prêtres, ils n’autorisent la réincarnation qu’après un sondage psychique et maintiennent ainsi un système de castes et l’asservissement du peuple.
Mais un jour, l’un de ces colons, révolté face à cette situation scandaleuse, décide de s’opposer aux dieux. Il a de nombreux noms. Le plus courant est Sam. D’autres l’appellent Siddharta ou reconnaissent en lui le Seigneur de Lumière. Mais bientôt, il deviendra le Bouddha…
Mon avis :
Comme dis plus haut, j’adore ce bouquin. Parmi les Zelazny, celui ci est de loin le plus marquant même s’il est généralement classé dans ses bouquins secondaire par rapport aux Princes d’Ambre.
Vous l’aurez compris, l’histoire est bâtie sur la mythologie hindouiste et l’apparition du bouddhisme. Et les personnages sont des hommes qui jouent aux Dieux.
Sur ces bases, Zelazny a écrit un récit flamboyant ("baroque" selon les critiques) et complexe.
On croise de nombreux personnages chacun possédant généralement plusieurs noms et l’auteur ne précise jamais directement le changement de nom. Il arrive ainsi qu’on nous parle pendant une dizaine de pages d’un personnage qu’on suppose nouveau avant de se rendre compte qu’il s’agit en fait de Sam présenté sous un nouveau corps et un nouveau nom.
Vous aurez donc compris qu’on est à l’opposé du livre ou sauter une page n’empêche pas du tout à suivre l’histoire. Ici, on peut vite être perdu…
Certains détestent ça. Moi j’adore !
De plus, toute la narration est extérieure aux personnages (il y a sans doute un terme technique que je ne connais pas pour dire ça). Leurs actions sont décrites, leurs paroles rapportés, mais on ne sait jamais ce qu’ils pensent. Pour des dieux, cet effet rend vraiment bien. Et le style narratif de l’auteur est parfaitement adapté au livre : audacieux et beau (voir les quelques citations que j’ai mises plus bas)
Enfin, les personnages sont forts et attachants. A commencer par Sam, celui qui, après avoir en partie participé au système, se révolte contre lui.
Yama aussi. Il est le dieu de la Mort et un des plus virulents adversaires de Sam avant de s’allier à lui.
Puis tous les autres…
Et la fin est digne de tout le récit. A la fois grandiose et très humaine, elle laisse le lecteur émut et songeur.
Bref, un livre que je conseille très fortement, que vous soyez amateur de science-fiction ou pas !
C'est vraiment un de ces livres dont ont ressort différent...
Quelques citations :
Le tout début du livre :
Ses disciples l’appelaient Mahasamatman et disaient qu’il était un dieu. Il préférait cependant supprimer Maha- et –atman de son nom et se faire appeler Sam. Il ne prétendit jamais être un dieu, mais n’affirma jamais le contraire. Les circonstances étant ce qu’elles étaient, admettre l’un ou l’autre n’eût été d’aucun profit, à la différence du silence.
Il était donc entouré de mystères.
Tak, l’Archiviste de la Cité Céleste, explique ce qu’est l’accélérationisme à une jeune Déesse (p200) :
Les chromosomes ne signifient rien pour nous, en réalité. Si nous vivons, nous ne transportons pas ces estampilles à travers les âges. […] A la longue, le corps finit pas si peu signifier qu’il est beaucoup plus intéressant de méditer sur les opérations mentales qui nous ont arrachées au chaos.
[…]
A présent, parlons un peu de l’accélérationisme. C’est une doctrine très simple qui veut le partage. Elle propose que nous, habitants du Ciel, donnions à ceux qui habitent là en bas notre savoir, nos pouvoir et nos biens. […] Alors, voyez vous, chaque homme serait un dieu. Le résultat de tout cela serait bien entendu qu’il n’y aurait pas de dieux, mais seulement des hommes. […] Ce faisant, nous détruirions leur foi toute simple et tout fondement à leur espoir que les choses vont s’améliorer – car la meilleure manière d’anéantir l’espérance et la foi, c’est de faire se réaliser les croyances et les espérances.
Sam traverse le port de Mahartha à la recherche d’un vieil ami (p56) :
Il s’assit sur une caisse au pied d’un appontement. L’aurore vint balayer l’obscurité du monde. Il regarda les navires bouger avec la marée, voiles carguées, couverts d’un lacis de câbles, la proue sculptée en forme de monstre ou de demoiselle. Chacune de ses visites à Mahartha le ramenait un moment sur le port. […]
Il regarda un navire partir vers le large, les voiles comme de hautes tentes s’élevant sur les mats et se gonflant dans l’air salin. Sur d’autres bateaux à l’ancre, on commençait à voir du mouvement. L’équipage s’apprêtait à charger ou à décharger des cargaisons d’encens, de corail, d’huile, de tissus, de métaux, de bétail, de bois, d’épices. Il sentit les odeurs et les parfums de ces commerces, écouta les jurons des marins, qu’il admirait également, les premiers parce qu’ils annonçaient la richesse, les autres parce qu’ils tiraient leur source de ses deux autres sujets d’intérêt, la théologie et l’anatomie.
(eh, si vous lisez cette ligne, prevenez moi, ici ou par mp, juste pour savoir si y'en a qui vont jusqu'au bout des présentations comme ça...)
J'avais fait cette fiche pour un autre forum. Mais comme j'ai quelques minutes à tuer et que (on sait jamais quoi...) ça pourrait intéresser quelqu'un ici, je vous en fais part de cette présentation d'un de mes bouquins préférés!
314 pages
7 chapitres, chacun introduits par un extrait d’un texte sacré indien
Prix Hugo 1968
Traduction: Claude SAUNIER
Couverture :
C’est celle que j’ai et qui se trouve sans doute le plus facilement (édition de 1999). Même si ce bouquin n’a pas encore été réédité par Folio SF, on peut trouver assez facilement cet exemplaire dans les fnac et autres librairies de neuf .
Résumé :
(J’en ai pas trouvé de potable donc celui ci est de moi. Soyez indulgents… )
Une poignée d'hommes et de femmes, fuyant notre Terre, s’est réfugiée sur une planète éloignée. Après en avoir neutraliser les habitants, ils l’ont peuplée de leurs enfants. La réincarnation étant rendue possible par leur technologie, ils ont atteint la quasi immortalité et se sont réfugiés dans l’ancien vaisseau en orbite autour de la planète, leur Cité Céleste.
De là, ils gouvernent la vie de leur descendants qu’ils maintiennent dans l’obscurantisme, loin de leur science.
Afin d’asseoir leur pouvoir, ils ont repris les figures du panthéon hindouiste et sont devenus Brahma, Krishna, Vichnou, Kali, Civa… Par le biais des prêtres, ils n’autorisent la réincarnation qu’après un sondage psychique et maintiennent ainsi un système de castes et l’asservissement du peuple.
Mais un jour, l’un de ces colons, révolté face à cette situation scandaleuse, décide de s’opposer aux dieux. Il a de nombreux noms. Le plus courant est Sam. D’autres l’appellent Siddharta ou reconnaissent en lui le Seigneur de Lumière. Mais bientôt, il deviendra le Bouddha…
Mon avis :
Comme dis plus haut, j’adore ce bouquin. Parmi les Zelazny, celui ci est de loin le plus marquant même s’il est généralement classé dans ses bouquins secondaire par rapport aux Princes d’Ambre.
Vous l’aurez compris, l’histoire est bâtie sur la mythologie hindouiste et l’apparition du bouddhisme. Et les personnages sont des hommes qui jouent aux Dieux.
Sur ces bases, Zelazny a écrit un récit flamboyant ("baroque" selon les critiques) et complexe.
On croise de nombreux personnages chacun possédant généralement plusieurs noms et l’auteur ne précise jamais directement le changement de nom. Il arrive ainsi qu’on nous parle pendant une dizaine de pages d’un personnage qu’on suppose nouveau avant de se rendre compte qu’il s’agit en fait de Sam présenté sous un nouveau corps et un nouveau nom.
Vous aurez donc compris qu’on est à l’opposé du livre ou sauter une page n’empêche pas du tout à suivre l’histoire. Ici, on peut vite être perdu…
Certains détestent ça. Moi j’adore !
De plus, toute la narration est extérieure aux personnages (il y a sans doute un terme technique que je ne connais pas pour dire ça). Leurs actions sont décrites, leurs paroles rapportés, mais on ne sait jamais ce qu’ils pensent. Pour des dieux, cet effet rend vraiment bien. Et le style narratif de l’auteur est parfaitement adapté au livre : audacieux et beau (voir les quelques citations que j’ai mises plus bas)
Enfin, les personnages sont forts et attachants. A commencer par Sam, celui qui, après avoir en partie participé au système, se révolte contre lui.
Yama aussi. Il est le dieu de la Mort et un des plus virulents adversaires de Sam avant de s’allier à lui.
Puis tous les autres…
Et la fin est digne de tout le récit. A la fois grandiose et très humaine, elle laisse le lecteur émut et songeur.
Bref, un livre que je conseille très fortement, que vous soyez amateur de science-fiction ou pas !
C'est vraiment un de ces livres dont ont ressort différent...
Quelques citations :
Le tout début du livre :
Ses disciples l’appelaient Mahasamatman et disaient qu’il était un dieu. Il préférait cependant supprimer Maha- et –atman de son nom et se faire appeler Sam. Il ne prétendit jamais être un dieu, mais n’affirma jamais le contraire. Les circonstances étant ce qu’elles étaient, admettre l’un ou l’autre n’eût été d’aucun profit, à la différence du silence.
Il était donc entouré de mystères.
Tak, l’Archiviste de la Cité Céleste, explique ce qu’est l’accélérationisme à une jeune Déesse (p200) :
Les chromosomes ne signifient rien pour nous, en réalité. Si nous vivons, nous ne transportons pas ces estampilles à travers les âges. […] A la longue, le corps finit pas si peu signifier qu’il est beaucoup plus intéressant de méditer sur les opérations mentales qui nous ont arrachées au chaos.
[…]
A présent, parlons un peu de l’accélérationisme. C’est une doctrine très simple qui veut le partage. Elle propose que nous, habitants du Ciel, donnions à ceux qui habitent là en bas notre savoir, nos pouvoir et nos biens. […] Alors, voyez vous, chaque homme serait un dieu. Le résultat de tout cela serait bien entendu qu’il n’y aurait pas de dieux, mais seulement des hommes. […] Ce faisant, nous détruirions leur foi toute simple et tout fondement à leur espoir que les choses vont s’améliorer – car la meilleure manière d’anéantir l’espérance et la foi, c’est de faire se réaliser les croyances et les espérances.
Sam traverse le port de Mahartha à la recherche d’un vieil ami (p56) :
Il s’assit sur une caisse au pied d’un appontement. L’aurore vint balayer l’obscurité du monde. Il regarda les navires bouger avec la marée, voiles carguées, couverts d’un lacis de câbles, la proue sculptée en forme de monstre ou de demoiselle. Chacune de ses visites à Mahartha le ramenait un moment sur le port. […]
Il regarda un navire partir vers le large, les voiles comme de hautes tentes s’élevant sur les mats et se gonflant dans l’air salin. Sur d’autres bateaux à l’ancre, on commençait à voir du mouvement. L’équipage s’apprêtait à charger ou à décharger des cargaisons d’encens, de corail, d’huile, de tissus, de métaux, de bétail, de bois, d’épices. Il sentit les odeurs et les parfums de ces commerces, écouta les jurons des marins, qu’il admirait également, les premiers parce qu’ils annonçaient la richesse, les autres parce qu’ils tiraient leur source de ses deux autres sujets d’intérêt, la théologie et l’anatomie.
(eh, si vous lisez cette ligne, prevenez moi, ici ou par mp, juste pour savoir si y'en a qui vont jusqu'au bout des présentations comme ça...)