Le sensei a pas l'air mal non plus, plutôt déjanté pour un Hyuga, non? Ca doit être le honte du clan, hin, hin, hin!
Voici justement le 3e chapitre, qui aborde les rapports de Kanji et de son sensei au reste du clan :
Par un froid matin d’hiver…
Lorsque Kanjiro ouvrit enfin ses yeux de nacre, la première chose qu’il vit fut l’orbe doré du soleil s’élever paresseusement au-dessus des frondaisons de Konoha. Il s’assit sur le bord de son lit et bâilla à s’en décrocher la mâchoire, puis se demanda s’il n’allait pas se recoucher : il n’y voyait qu’à moitié, pour cause de paupières pesant 2 tonnes chacune, sa bouche était pâteuse et ses muscles tenaient plus de la guimauve que des câbles d’acier. Mais plus que tout, il croyait se rappeler qu’aujourd’hui, il allait devoir se soumettre à une obligation particulièrement pénible…Rien que le fait d’y penser le fit bâiller à nouveau.
« Kanjiro, descends ! » fit la voix grave de Keitaro à travers le plancher.
Pendant une seconde, Kanjiro se demanda comment Keitaro-sensei pouvait savoir qu’il était réveillé…puis il se dit qu’il était vraiment à côté de ses pompes…pour oublier que son maître avait les mêmes yeux que lui.
« Ouais, ouais, j’arrive… »
L’odeur subtile du thé parvint à le motiver très légèrement, assez du moins pour qu’il traîne les pieds jusqu’au rez de chaussée.
Il s’attendait à voir Keitaro en train de préparer le petit déjeuner, dans ses habits de trois jours, mal rasé et mal coiffé. Mais dans la salle de séjour se tenait un homme très différent de Keitaro-sensei : ses cheveux soyeux attachés en un long catogan, le visage parfaitement imberbe, vêtu d’un yukata noir, Hyûga Keitaro, Kagemusha et membre de la Bunke, se tenait droit devant lui. Son front, comme d’habitude, laissait apparaître la marque de sa famille, et ses bras étaient ornés de protections d’acier ; celle de son bras droit portait une plaque métallique frappée du symbole de Konoha.
C’était bien ce qu’il craignait…Kanjiro fit la moue et demanda :
« Tout de suite ? »
« Non, vous avez le temps de prendre un petit déjeuner et une douche. »
« Eh ben j’suis presque rassuré… »
Le ton de Keitaro avait radicalement changé : c’était une conversation de maître à serviteur. Ce n’était pas étonnant : vu à quel point ils étaient tatillons, autant s’y réhabituer tout de suite.
Kanjiro se fit presque violence pour s’agenouiller convenablement devant le plateau et pour articuler :
« Itadakimasu… »
Il prit son temps pour mâcher et avaler le riz et le poisson, sans se presser, en veillant bien à tenir les baguettes et à manger correctement…l’ennui profond qui s’empara de lui lui fit repenser à son clan…
Curieusement, bien qu’il se soit juré de dépasser les Uchiha pour honorer son clan, beaucoup de choses lui déplaisaient dans ce qu’il souhaitait honorer, que ce soit la rigidité, l’hypocrisie ou la séparation des deux familles : le clan Hyûga était le plus ancien, le plus illustre et le plus aristocratique du village, et était sans doute le seul qui s’attache tant à ces vieilles traditions. Tous les autres, que ce soit les Akimichi, les Nara, les Yamanaka ou même les Uchiha, pourtant très anciens, avaient adopté les usages de leur époque et s’étaient tournés vers l’avenir, alors que les Hyûga donnaient encore l’impression de vivre au Moyen-Âge… Kanjiro n’avait jamais compris cet attachement aux anciennes coutumes, et même si son clan le soutenait et le considérait comme un élément prometteur, il savait qu’il ne le faisait qu’à moitié ; lui aussi, comme beaucoup de jeunes du clan, vivait dans l’espoir de s’émanciper : chaque fois qu’il mettait les pieds dans le domaine familial, il avait l’impression de renier tout ce qu’il était. Peut-être était-ce son sang qui l’avait habitué aux faux-semblants et à la comédie qu’il jouait au reste du monde…. Le riz prit soudain un goût amer dans sa bouche, aussi amer que les pensées qu’il ruminait.
Il arrêta là son repas et remonta les escaliers avec lassitude. Il se dirigea vers le fond du couloir et poussa la porte de la salle de bain. Mais son regard s’arrêta sur le spectacle qui s’offrait à lui au-delà de la fenêtre : les trois visages de pierre… Kanjiro savait quels héros étaient les Hokage, mais il se demanda tout de même : comment avaient-ils pu accepter l’existence d’une telle famille ? Konoha honorait les valeurs de franchise, d’amitié et de sacrifice de soi : comment un clan tel que les Hyûga, une famille hypocrite, hautaine et attachée à ses privilèges, pouvait-il être honoré comme le clan le plus illustre du village ?…
Mensonge…hypocrisie…malgré tout, Kanjiro ne pouvait comprendre, refusait de comprendre.
La douche presque brûlante le requinqua un peu ; il retourna dans sa chambre, une serviette ceignant ses reins, et se prépara. Lorsqu’il descendit les marches à nouveau, ses cheveux étaient attachés en une queue de cheval, à l’exception de la mèche au bout de laquelle pendait son fude ; il était vêtu du yukata noir et blanc du clan et arborait le bandeau de Konoha sur son front. Ses traits, bien que toujours las et fatigués, s’étaient légèrement durcis, et ses yeux blancs n’exprimaient aucun sentiment. Pendant un instant, le regard de Keitaro se chargea de tristesse et de nostalgie ; ses traits reprirent bien vite le froid sérieux caractéristique des membres du clan.
« Allons-y. » dit-il avant de chausser ses sandales et de franchir le seuil, rapidement suivi par son maître.
Il avait sans doute neigé pendant la nuit : malgré le soleil resplendissant, Konoha était plongé dans une torpeur hivernale, sous une chape immaculée de neige fraîche. La matinée n’était pas très avancée et peu de gens avaient quitté leurs maisons : la vie semblait s’être réfugiée dans les salles chaudes et accueillantes des foyers et des échoppes. Kanjiro et Keitaro ne s’arrêtèrent pas pour regretter leur devoir. Les deux Hyûga parcourrant les rues blanches offraient un spectacle étrange : ils semblaient irréels dans leurs habits irréprochables, marchant sur l’épaisse couche de neige comme s’ils ne pesaient rien, leurs pieds nimbés d’une faible aura bleutée. Un simple citoyen sortant à ce moment aurait pu croire que deux esprits hivernaux arpentaient silencieusement le village, se remémorant et rappelant à Konoha de lointains souvenirs d’un temps oublié des hommes où le monde était encore jeune et sauvage. Le silence parfait dans lequel ils progressaient ajoutait au mystère de leur présence.
Il atteignirent leur destination quelque dix minutes après leur départ ; la demeure ancestrale des Hyûga était à l’écart du reste du village, hors du centre-ville, mais n’en contrastait pas moins avec les environs : ce grand domaine, tout comme le quartier Uchiha, abritait la majorité du clan. Derrière le mur d’enceinte s’étendaient jardins, maisons et cours, tous recouvertes par le blanc manteau de l’hiver. Keitaro et Kanjiro franchirent le modeste portail côte à côte et arpentèrent les rues du domaine jusqu’à la place centrale, ornée de la flamme des Hyûga.
Devant eux, le santuaire de Tôshi attendait, coiffé de neige, comme un vieillard patient. Ils franchirent le seuil de pierre, s’inclinèrent devant l’autel et se dirigèrent vers la salle de réunion. En passant dans le cloître, ils virent le jardin de méditation, lui aussi vêtu de sa parure hivernale : Kanjiro s’arrêta un instant. La neige avait formé d’étranges architectures sur les flancs accidentés des rochers, et des tapis immaculés entre les lignes du gravier. Mais ce qui attirait son attention plus que tout était les arbres : le froid avait déposé sur leurs branches nues des sculptures transparentes de glace ; le givre s’était fait ornement, comme pour remplacer les fleurs que le froid avait chassé : Kanjiro resta un moment en admiration devant l’art de la nature. Des fleurs figées et froides, d’une beauté étrange et nostalgique….mais leurs couleurs avaient disparu, avec le reste de la vie. L’hiver allait bien à cette demeure…
« Pressons-nous, Kanjiro-sama. » fit doucement la voix de Keitaro.
Le jeune Hyûga se détourna du merveilleux spectacle de l’hiver et suivi son Kagemusha jusqu’à une cloison de papier. La main de Keitaro l’écarta, et elle révéla l’assemblée. Tous les acteurs majeurs du clan étaient agenouillées, aussi hiératiques que les statues qui veillaient sur le parvis du temple. Au centre, Kûsai, chef du clan ; l’encadrant, Hiashi et Hizashi, ses fils jumeaux ; à la gauche du patriarche, les membres de la Sôke, dont Hiashi, portant tous le yukata et le catogan traditionnel du clan : rien n’indiquait leur appartenance à Konoha. A sa droite, les membres de la Bunke, dont Hizashi, leur marque cachée par leur bandeau ninja. Pour Kanjiro et Keitaro, c’était à droite, du bon côté, qu’était la Sôke : toujours privilégier les yeux du monde, pas les siens propres…
Maître et ombre s’agenouillèrent et leur front toucha le parquet froid alors qu’ils témoignaient leur respect à l’assemblée. Ils se redressèrent, et le regard de Kûsai se durcit légèrement lorsqu’il posa les yeux sur le front nu de Keitaro de la Bunke et le front voilé par le bandeau de Kanjiro de la Sôke. Les deux eurent un léger sourire : sans même y faire attention ils défiaient déjà la tradition… Keitaro prit la parole :
« Kanjiro-sama est maintenant genin ; il a fait honneur à notre clan par son talent. »
« J’ai cependant appris que les Uchiha t’avaient surpassé, Kanjiro-kun. »
La voix de Kûsai était incisive et son regard était probablement inquisiteur : Kanjiro ne pouvait le savoir, baissant les yeux en signe de respect.
« Le clan compte beaucoup sur toi et sur ton talent ; une voie prometteuse s’ouvre devant toi, sur laquelle tu auras l’occasion de faire la fierté de ta famille et de ton père. »
Kanjiro et Keitaro plissèrent les yeux à l’unisson : ce sujet devait être abordé de toute façon, mais le patriarche y était venu bien vite.
« Keitaro. Ne te blâme pas trop pour la mort de Meiji, mais applique-toi à porter Kanjiro-kun aussi loin que tu le peux. »
« Il sera d’ici deux semaines placé sous la garde d’un jônin, et probablement un autre que moi. »
« Oui ; nous avons souhaité que Kanjiro-kun progresse dans les mêmes conditions que les autres shinobis : le clan se doit d’affirmer sa force. Et Konoha pourra s’enorgueillir de compter dans ses rangs un Hyûga de premier ordre. »
Kanjiro fronça les sourcils tandis qu’il considérait ces paroles : le clan, comme d’habitude, se démarquait des autres. Une lutte de prestige avait lieu entre eux et les Uchiha, mais les Hyûga s’isolaient du reste du village. Kanjiro réfléchit à ce qui le poussait en avant : pourquoi vouloir dépasser les Uchiha ? C’était certes la volonté de son clan, mais était-ce la vrai raison ? Pourquoi ? Pour le clan ? Pour lui-même ? Ou pour elle ?
La voix de Kûsai le tira de ses pensées.
« Kanjiro-kun ; la mort de ton père a été un coup terrible pour le clan : aujourd’hui, c’est ton oncle Hiashi qui est destiné à prendre ma succession ; mais tu restes de sang noble, et il est bien possible que tu hérites de cette place lorsque Hiashi devra à son tour choisir un successeur. Tu représentes l’avenir du clan, beaucoup pèse donc sur tes épaules : tu dois te montrer digne de notre lignée. »
Kanjiro releva la tête et regarda Kûsai droit dans les yeux.
« Je vous promets que le clan n’aura pas à rougir de ma conduite : je ferai honneur aux Hyûga. C’est là le but de mon existence. »
Le patriarche parut satisfait de cette réponse.
« Keitaro ; il reste deux semaines avant la formation des équipes : je compte sur toi pour les mettre à profit. »
« Oui. »
« Félicitations pour ta promotion, Kanjiro-kun. »
Kanjiro ne répondit pas : l’ambiance glaciale de la réunion et les regards posés sur lui le mettaient mal à l’aise.
« La séance est levée. Vous pouvez disposer. »
Lorsque Keitaro et Kanjiro sortirent du temple, le domaine avait gagné en animation : les membres du clan avaient pour la plupart commencé leur journée. Alors qu’ils retournaient vers le portail, Kanjiro remarqua une tête rousse au beau milieu de tous ces cheveux noirs. Il sourit et se dirigea vers cet élément si atypique. Sur les marches d’entrée de la salle d’entraînement était assise une jeune femme en yukata noir, portant le bandeau de Konoha : ses longs cheveux roux la désignaient clairement comme une étrangère au clan, mais ses yeux de nacre ne laissaient planer aucun doute quant à son héritage. A ses côtés se tenait un Hyûga bien plus commun, du même âge que la jeune fille, à savoir la vingtaine, qui portait lui aussi le bandeau, ainsi qu'un sourire amical.
Kanjiro arriva à leur niveau et les salua de sa voix redevenue fatiguée.
« Yô, Mayumi-san, Saitô-san. »
Les trois Byakugan se croisèrent et leurs possesseurs sourirent. Le jeune homme salua Kanjiro.
« Ohayô, Kanjiro-kun. »
« Ohayô. » fit la jeune femme.
Kanjiro remarqua un sac à dos aux pieds de Mayumi. Il comprit presque tout de suite de quoi il retournait.
« Alors ça y est, tu t’en vas ? »
« Oui. Maintenant que je suis chuunin, Hokage-sama me renvoie dans mon village pour en prendre soin. »
« T’y arriveras, surveiller une frontière à toi toute seule ? »
« Oh ce n’est qu’un petit village ; et puis je suis grande maintenant ! Qui sait, je vais peut-être même trouver à me marier… »
Kanjiro sourit : Mayumi avait toujours été pleine de vie. Elle n’avait pas remarqué le sourire gêné de Saitô : cela faisait près de 10 ans qu’ils s’entraînaient ensemble, et il n’avait jamais osé l’inviter à sortir…
« Et toi Saitô-san ? Qu’est-ce que tu vas faire maintenant que tu es un chuunin ? »
« Oh, eh bien je pense bien m’engager dans l’équipe médicale : Tsunade-sama m’a dit qu’elle m’y aiderait. »
Saitô était un autre talent du clan : un des rares Hyûga s’engageant dans la voie du ninja médical.
Un ange passa alors que tous trois réalisaient que leurs voies respectives les séparait pour longtemps.
Du coin de l’œil, Kanjiro vit Keitaro lui faire un signe de la main.
« Ben bonne continuation, vous deux. »
« A toi aussi Kanjiro-kun. » dit Saitô
« Oui, et bonne nuit… » fit Mayumi, riant doucement en voyant Kanjiro bailler largement.
Kanjiro s’éloigna en les saluant de la main, et pensa à eux sur le chemin du retour.
Byakugan no Mayumi n’était pas du clan Hyûga : elle avait développé un Byakugan presque par hasard, par une coïncidence génétique…Kanjiro n’avait jamais compris les explications alambiquées que Saitô lui martelait pour clarifier l’incroyable exception qu’était Mayumi. Elle avait été découverte dans un village frontalier, et avait été ramenée ; le clan l’avait intégrée à la Bunke et l’avait entraînée pendant 10 ans, pour en faire un agent frontalier : elle retournait maintenant dans son village pour surveiller et assister les ninjas franchissant la frontière dans un sens et dans l’autre. Etant totalement étrangère au clan, elle avait tout de suite plu à Kanjiro : joviale et franche, elle plaisantait souvent et n’avait pas son pareil pour remonter le moral. Ils s’étaient connus il y a 3 ans, peu de temps après la mort du père de Kanjiro : la jeune fille, déjà âgée de 17 ans à l’époque, avait été un grand réconfort pour Kanjiro dans le monde toujours un peu froid des Hyûga. Elle était chuunin depuis des années mais s’était débrouillée pour rester le plus longtemps possible : même maintenant qu’elle devait partir, elle ne perdait pas sa jovialité. Kanjiro sentait qu’il allait regretter cette sorte de grande sœur…
Hyûga Saitô était un membre de la Bunke très intelligent et talentueux ; mais malgré son grade de chuunin, il restait quelqu’un d’assez timide, et n’osait pas encore intégrer l’équipe médicale, estimant qu’il devait encore s’améliorer. Ayant étudié hors des limites du clan, Saitô était quelqu’un d’assez atypique, spontané et donc sympathique aux yeux de Kanjiro ; très compétent, poli et cordial, il n’hésitait jamais à offrir son aide. Camarade de toujours de Mayumi, il semblait plutôt bien digérer le départ de son amie.
Alors qu’ils revenaient au parc et à la cabane de Keitaro, Kanjiro remarqua l’air soucieux de son sensei, et repensa à cette journée.
Cela faisait maintenant 4 ans… il n’était pas encore entré à l’Académie que son père, Hyûga Meiji, héritier de la Sôke, mourrait en mission à l’étranger ; son Kagemusha, Hyûga Keitaro, n’avait pu l’accompagner dans cette mission en solitaire. Quelques mois plus tard, sa mère mourrait de chagrin ; Keitaro avait mis un point d’honneur à réparer sa faute en élevant leur fils : le clan avait perdu son héritier et il avait perdu un ami proche. Kanjiro avait toujours vécu avec son deuil, et s’était attaché à honorer le clan comme son père l’aurait fait ; mais aujourd’hui il se demandait si le clan valait la peine d’être honoré. Kûsai avait évoqué sa succession à la tête du clan…. Peut-être pouvait-il changer sa famille…Mais maintenant, sa vie prenait d’autres tournants et d’autres voies que celle de son clan, et il ne pouvait ignorer Setsuko plus longtemps.
Puis il trouva un semblant de réponse : il ne pouvait changer le clan sans en devenir le chef. Pour ce faire, il devait s’en montrer digne ; et quelle meilleure manière d’honorer son clan que de le faire s’élever au dessus de ses rivaux de toujours ? Finalement, la réponse restait la même : il fallait progresser et trouver la force de faire face à son destin, sans trahir ce qu’il était. Et il ne pouvait renier son sang…
Ce soir-là, Kanjiro se coucha l’esprit tranquille : peu importe le problème, on ne trouvait la solution qu’en avançant…