Re: Konoha Gaiden
Publié : dim. 10 févr. 2008, 11:59
La chambre d’hôpital était la même que deux jours, une heure auparavant. Ou presque, c’était tout comme.
Mêmes murs d’un gris poussiéreux déprimant, même lit aux montants de fer solidement boulonnés dans le sol, même vue imprenable sur les écailles de peinture qui pelait par plaques lépreuses sur le métal de la porte.
Seules deux choses avaient changées : il était maintenant libre des contentions, et pouvait se moucher ou se gratter le nez sans l’aide de l’omniprésent anbu qui jouait les ombres dans un angle de la pièce (si ce n’était pas le même, rien ne permettait de le deviner. Ils étaient aussi interchangeables que les gobelets en cartons dans lesquels on lui donnait à boire de l’eau trop froide au goût de produits chimiques.).
L’autre différence était qu’à présent, la chambre était pleine, et s’il fallait être honnête, il préférait presque les contentions à la perspective de Naruto et Sakura installés sur le pied de son lit à discuter le bout de gras et à refaire verbalement le combat.
Certainement, il n’avait rien fait pour mériter cela ?
Même la désertion ne méritait pas une justice immanente aussi radicale.
C’était l’idée de Naruto –bien entendu.
Au lieu de retourner s’empiffrer de ramen au terme du test et de lui foutre la paix, il leur avait adressé un sourire éclatant, avait baragouiné quelque chose comme quoi si Kakashi-sensei trouvait qu’ils avaient été passables c’est qu’ils avaient tout déchiré, et avait unilatéralement décidé –une fois de plus- de pourrir un peu plus la vie de Sasuke en le raccompagnant à sa chambre-cellule à l’hôpital.
Sakura avait un instant hésité, son regard avait couru de l’un à l’autre, sans qu’il ne parvienne à y lire ce qu’elle pensait, et puis elle avait soudainement acquiescé. Ils avaient suivi l’anbu quand à un geste de l’Hokage celui-ci les avait de nouveau téléporté jusqu’à l’hôpital, et moins d’une minute après son arrivée, ils frappaient à la porte blindée de la chambre.
Et à présent ils étaient dans sa cellule comme au salon de thé, et Naruto s’était mis à babiller avec enthousiasme sur dieu sait quoi, sans sembler remarquer l’hostilité ouverte de Sasuke, ni la gêne de Sakura, qui glissait à ce dernier de coups d’oeils censé être furtifs tout en jouant machinalement avec ses gants noirs.
Seigneur, comme il les haïssait tous les deux à cet instant précis… Pas autant qu’il haïssait son frère, mais…
Quel besoin avaient-ils de faire cela, de le poursuivre, encore et toujours alors qu’il était déjà défait, qu’il était en leur pouvoir ? Malgré les mots de Sakura tu devrais comprendre, toi qui vis dans le passé, leur obstination désespéré lui était incompréhensible, étrangère. C’était une conception des choses qui lui était inaccessible.
Il n’avait rien fait pour mériter cela, il n’en voulait pas, et pourtant ils persévéraient dans leurs tentatives de l’attacher à eux, dans l’entretien de ce lien débilitant et illusoire. Ne voyaient-ils pas le poids qu’ils étaient ? La futilité de leurs espoirs ?
Il n’aurait pas dû avoir à s’en plaindre, car c’était après tout ce qui l’avait gardé en vie. Mais malgré lui cela le perturbait profondément : ils étaient des ninjas. Comment pouvaient-ils se permettre de s’accrocher à ce genre de chance, qu’est-ce qui les poussait à vouloir son retour si désespérément qu’ils soient près à prendre tous les risques, à lui faire confiance à lui, qui les avait trahis, avait tenté de tuer Naruto ? Qui ne vivait que parce qu’Itachi vivait aussi.
Il n’avait rien à offrir que des paroles mordantes et l’abandon à plus à moins long terme, rien à apporter qui puisse expliquer leur présence sur le pied de son lit alors qu’il avait exprimé plus que clairement le fait qu’ils n’étaient pas les bienvenus…
Et pourtant.
« Vous êtes pathétiques. »
Sakura sursauta, et se tourna vers lui, suivi avec un peu de retard par Naruto. Il n’avait pas parlé fort, juste assez pour se faire entendre, mais ça avait été amplement suffisant. Ils étaient tellement réceptifs au moindre souffle passant ses lèvres, c’en était écoeurant, presque.
Naruto grimaça, et son regard bleu s’assombrit.
« Quoi ? »
« Tu cumules la surdité avec l’idiotie ? J’ai dit que vous êtes pathétiques. »
Naruto grimaça.
« Ça vaut mieux que d’être un sale crétin arrogant. »
« Que tu t’obstines à vouloir garder à tes côtés. Ce qui en dit long sur ta crétinerie, » siffla-t-il avec dédain.
Le masque calme et détaché du nouveau Naruto ne faisait pas long feu dès qu’on poussait un peu, constata Sasuke avec une étincelle de satisfaction vicieuse quand l’expression du ninja blond se tendit, et qu’il découvrit les crocs dans un mouvement de menace inconscient qui aurait plus convenu à un Inuzuka.
Puis le masque perturbant glissa de nouveau en place, et le sourire se fit plus mordant, féroce.
Sakura lui jeta un très bref coup d’œil, et posa sa main sur son bras.
« Ça suffit… »
« Imbécile, c’est toi qui ne comprends rien à rien. T’es qu’un-»
« Trou du cul, t’es vraiment un cas encore plus désespéré que je ne le pensais… »
« Dit le type qui a déserté pour proposer son corps à un Sannin pédophile… »
« Ça suffit comme ça j’ai dit. »
Sakura s’interposa entre eux, le regard menaçant, et une fraction de seconde s’imposa le souvenir d’une scène semblable, sur un toit, une éternité auparavant.
À la différence que cette fois-ci, il lui suffit d’infuser le chakra dans son poing droit pour capter toute leur attention –parce qu’avec ledit poing, elle pouvait facilement les tuer, et que même sans cela ils savaient qu’elle n’hésiterait pas à frapper, et à faire mal.
« Je n’y crois pas. Vous n’avez pas changé d’un poil, c’est affligeant. »
« Hé, Sakura, » protesta Naruto en battant en retraite à l’autre bout du lit –mauviette.
« Ne me forcez pas à vous frapper. »
« Mais Sakura-chan, c’est lui qui a commencéééé… »
Sasuke envisagea une réplique au vitriol sur sa mauvaise foi affligeante, mais préféra finalement les foudroyer du regard.
« Naruto… »
« Non, mais c’est vrai, il nous a traité de pathétiques, c’est pas de la provocation ça ? »
« Si tu appelles l’expression de la vérité de la provocation, tu es mal parti, imbécile. »
« Arrêtez vous deux, on a mieux à faire que de s’engueuler. »
« On s’engueule pas, on- »
« s’engueule, » termina Sasuke à sa place avec une pointe de sarcasme mordant qui provoqua chez Naruto une nouvelle grimace. Puis, adressant à Sakura un regard évaluateur. « Mieux à faire ? Tu veux dire mieux que de vous regarder pinailler sur des sujets encore moins intéressants que vous ? »
Elle lui jeta un coup d’œil acide avant de se laisser glisser du bord du lit sur lequel elle était assise.
« Si on doit être une équipe, tu devrais laisser tomber les tentatives de te faire détester –ou casser la gueule à coup de poing- Sasuke. Si on veut qu’ils donnent une vraie chance à l’équipe Sept pour retrouver un minimum de liberté de mouvement et pouvoir t’aider à rattraper ton frère, il faut qu’on soit exemplaire. Alors si vous pouviez éviter de détruire la chambre en me forçant à vous frapper ou en vous pourrissant mutuellement la gueule, ce serait bien. »
Au lieu de réagir par une protestation du type “Maaaaaais, Sakura-chaaaan !”, Naruro se contenta de faire la grimace, et de rentrer la tête dans les épaules. Sasuke, lui, resta parfaitement immobile là où il se trouvait, le visage soigneusement inexpressif.
Il le savait, bien entendu, mais que ce soient eux qui jouent l’apaisement, qui soient près à le supporter pour qu’il puisse atteindre ses objectifs… Il ne comprenait toujours pas, cela le perturbait, et sous la surface bouillonnait une colère impuissante.
Mais Sakura avait raison, et il n’avait pas le choix.
« Bien. Mais qu’une chose soit claire. Ce n’est pas parce que nous sommes équipiers que nous sommes amis. »
Et Naruto, au lieu de protester comme il l’aurait fait deux ans ou une semaine auparavant, se contenta de hausser les épaules avec une étrange expression, un pli amer à la commissure des lèvres.
« Bien entendu. »
Et Sasuke n’aurait su dire d’où venait l’indéfinissable sentiment de trahison qui se mêla au soulagement.
---
D’une manière générale, les ninjas ont très peu de certitudes.
La mort est l’une d’elles, la toute première, immédiatement suivie par sa sœur jumelle, son ombre : la promesse de la douleur.
A elles deux, elles résument de manière efficace et brillamment concise ce qu’un ninja peut espérer avec certitude de son avenir, à n’importe quel moment de sa vie.
La troisième certitude d’un ninja était, du moins au Pays du Feu, que Shiranui Genma trichait au jeu.
Mais à vrai dire celle-là n’était pas fondée, pour la bonne et simple raison que personne n’avait jamais réussi à le prouver. Toutefois il gagnait, c’était une certitude. Et s’il gagnait le corollaire évident était qu’il trichait. Donc cela revenait au même.
Quelque soit la partie, dés, osselets, tuiles, jeux de mains, de cartes ou une quinzaine de variantes plus ou moins retorses du poker ninja, Genma arrivait, air affable et sembon aux lèvres, jouait, perdait parfois un peu, mais finissait toujours par rafler la mise.
Il trichait, c’était forcé. Tout le monde trichait, cela faisait parti des règles : tous les coups étaient permis tant que l’on ne se faisait pas prendre. Et nul n’avait jamais pris Genma la main dans le sac, pas même Ibiki qui était pourtant unanimement considéré comme un maître suprême dans l’art de la tricherie, pas même Kakashi au sharingan duquel rien n’échappait... Ce qui laissait ouverte la possibilité certes fort improbable que Genma ne trichait finalement pas, et qu’il soit simplement un joueur doué et très chanceux, et rien de plus.
Ce à quoi, bien entendu, personne ne croyait.
Cela aurait pu sembler tout aussi improbable que le ninja au sembon trouve encore des adversaires disposés à tenter leur chance, et il était vrai qu’au terme de quelques cruelles expériences, Hijo avait opté pour l’option fuite à chaque fois que Genma et un paquet de cartes se trouvaient dans la même pièce.
Mais mis à part quelques individus dotés d’un bon sens bien ancré et d’un fort instinct de conservation (de leur paye), le jounin spécial n’avait pas de mal à trouver des adversaires. Le refus viscéral de ses collègues d’accepter que l’on puisse rester en veine près de vingt ans sans aucune tricherie faisait sa fortune. Si ce ne pouvait décemment pas être de la chance, c’était forcément de la triche. Et si c’était de la triche, il devait exister un moyen de découvrir le subterfuge.
C’était mathématique, c’était un défi qu’un ninja digne de ce nom ne pouvait ignorer.
Ce qui n’empêchait pas Genma de continuer à gagner, pas à tous les coups -et si on jouait intelligemment et qu’on se retirait suffisamment tôt on pouvait s’en mettre plein les poches-, mais de manière éhontément régulière, et toujours à la fin, quand on en était arrivé à quitte ou double.
Certitude numéro trois donc : Shiranui Genma trichait, et gagnait.
-
Raidou passa la tête brièvement par la porte, la retira, et se tourna vers Shizune qui fulminait dans un silence d’autant plus dangereux à ses côtés.
« Elle est là, mais… »
Sans écouter la suite, la kunoichi poussa à son tour la porte de la salle de repos des jounins, et il la suivit avec fatalisme, et la décision de se faire le plus discret possible. Et il buta contre elle parce qu’elle s’était immobilisée net dans l’encadrement de la porte.
La salle était éclairée par la lumière hivernale qui filtrait des fenêtres à demi obscurcies par les rideaux en longs rayons blafards, dans lesquels dansait la poussière.
Kakashi zonait vaguement le long d’un mur, livre vert en main mais ayant oublié de faire semblant d’être plongé dedans, Kotetsu, Izumo et une poignée d’autres jounins étaient massés entre les armoires d’archives (transformées depuis longtemps en garde-manger privé, réserve de sachets de thé, de la cafetière, de petits gâteaux et de saké à l’occasion) et l’un des divans défoncé.
D’un geste souverain, Genma, assis à la table au centre de la pièce, dévoila une Quinte Flush. Le souffle collectif des jounins se relâcha, avant de se bloquer dans un silence choqué lorsqu’en face de lui la Cinquième Hokage de Konoha –aussi connue sous le surnom peu laudatif de “Pigeon Légendaire” pour son incapacité chronique à gagner ne serait-ce qu’à pile ou face- abattit tour à tour un Dix, un Valet, une Dame, un Roi. Et pour finir un As.
Tous rouges. Suite Royale.
Le silence qui tomba sur la pièce était de ceux qui précédent ou suivent les moments historiques, lourd et plein de stupéfaction contenue, comme si un certain laps de temps était nécessaire pour appréhender toute la portée de l’événement.
Raidou se fit la réflexion que le reflet blanc sur l’un des angles de la table ressemblait presque à un dragon, si on penchait un peu la tête sur le côté, et qu’on louchait.
Puis, livide, Genma poussa vers Tsunade la totalité de la confortable montagne de ryo qui s’entassait devant lui.
« Vous avez gagné, Hokage-sama. »
« Shizune. »
La voix de l’Hokage était calme –anormalement calme. Raidou sentit un frisson remonter le long de sa colonne vertébrale, tandis qu’à ses côtés, Shizune se tendait.
« À vos ordres Tsunade-sama. Passage en alerte jaune. »
L’aigle en provenance de Mailhoe se posa dans la volière à peine dix minutes après.
La rumeur, elle, avait déjà bien atteint plus de la moitié du pays du Feu, et n’allait plus tarder à toucher Konoha.
---
TBC
The note in the end :
Tout d’abord, je m’excuse pour le temps qu’a mis ce chapitre à arriver, et celui que mettra le prochain (je ne me fait pas d’illusions).
Les raisons sont toujours les mêmes : vraie vie, boulot, autres fics, inspiration capricieuse. Je ne suis pas resté inactive, et j’ai posté sur six autres projets depuis le dernier chapitre de KG (des Drabbles et One-shot, Clair-Obscur, De Sabres et de Sang… etc.)
Toutefois, pour ceux qui ont posé la question et la reposeront, la réponse est : ne vous inquiétez pas, je n’abandonne nullement Konoha Gaiden. Je l’aime, cette fic. :)
Ensuite, petit disclamer : la partie avec Madara a été écrite avant que les scans qui nous en apprennent plus sur lui ne sortent (avant même qu’il ne devienne officiel qu’Itachi savait qui il était d’ailleurs.) :)
Setsuma appartient à mon cher et tendre, et j’ai emprunté Hijo à Arakasi (a ce propos, pour ceux qui ont remarqué que ce n’était originalement pas lui sous le serpent, ce détail a été modifié, je n’ai juste pas eu le temps de reposter vu que le formatage ff.net prend une éternité.
Vous l’aurez peut-être remarqué, j’ai à présent une bêta-lectrice. Donc merci à Sevee qui a traqué les fautes et incorrections qui restaient dans le texte. :)
A la prochaine !
Mêmes murs d’un gris poussiéreux déprimant, même lit aux montants de fer solidement boulonnés dans le sol, même vue imprenable sur les écailles de peinture qui pelait par plaques lépreuses sur le métal de la porte.
Seules deux choses avaient changées : il était maintenant libre des contentions, et pouvait se moucher ou se gratter le nez sans l’aide de l’omniprésent anbu qui jouait les ombres dans un angle de la pièce (si ce n’était pas le même, rien ne permettait de le deviner. Ils étaient aussi interchangeables que les gobelets en cartons dans lesquels on lui donnait à boire de l’eau trop froide au goût de produits chimiques.).
L’autre différence était qu’à présent, la chambre était pleine, et s’il fallait être honnête, il préférait presque les contentions à la perspective de Naruto et Sakura installés sur le pied de son lit à discuter le bout de gras et à refaire verbalement le combat.
Certainement, il n’avait rien fait pour mériter cela ?
Même la désertion ne méritait pas une justice immanente aussi radicale.
C’était l’idée de Naruto –bien entendu.
Au lieu de retourner s’empiffrer de ramen au terme du test et de lui foutre la paix, il leur avait adressé un sourire éclatant, avait baragouiné quelque chose comme quoi si Kakashi-sensei trouvait qu’ils avaient été passables c’est qu’ils avaient tout déchiré, et avait unilatéralement décidé –une fois de plus- de pourrir un peu plus la vie de Sasuke en le raccompagnant à sa chambre-cellule à l’hôpital.
Sakura avait un instant hésité, son regard avait couru de l’un à l’autre, sans qu’il ne parvienne à y lire ce qu’elle pensait, et puis elle avait soudainement acquiescé. Ils avaient suivi l’anbu quand à un geste de l’Hokage celui-ci les avait de nouveau téléporté jusqu’à l’hôpital, et moins d’une minute après son arrivée, ils frappaient à la porte blindée de la chambre.
Et à présent ils étaient dans sa cellule comme au salon de thé, et Naruto s’était mis à babiller avec enthousiasme sur dieu sait quoi, sans sembler remarquer l’hostilité ouverte de Sasuke, ni la gêne de Sakura, qui glissait à ce dernier de coups d’oeils censé être furtifs tout en jouant machinalement avec ses gants noirs.
Seigneur, comme il les haïssait tous les deux à cet instant précis… Pas autant qu’il haïssait son frère, mais…
Quel besoin avaient-ils de faire cela, de le poursuivre, encore et toujours alors qu’il était déjà défait, qu’il était en leur pouvoir ? Malgré les mots de Sakura tu devrais comprendre, toi qui vis dans le passé, leur obstination désespéré lui était incompréhensible, étrangère. C’était une conception des choses qui lui était inaccessible.
Il n’avait rien fait pour mériter cela, il n’en voulait pas, et pourtant ils persévéraient dans leurs tentatives de l’attacher à eux, dans l’entretien de ce lien débilitant et illusoire. Ne voyaient-ils pas le poids qu’ils étaient ? La futilité de leurs espoirs ?
Il n’aurait pas dû avoir à s’en plaindre, car c’était après tout ce qui l’avait gardé en vie. Mais malgré lui cela le perturbait profondément : ils étaient des ninjas. Comment pouvaient-ils se permettre de s’accrocher à ce genre de chance, qu’est-ce qui les poussait à vouloir son retour si désespérément qu’ils soient près à prendre tous les risques, à lui faire confiance à lui, qui les avait trahis, avait tenté de tuer Naruto ? Qui ne vivait que parce qu’Itachi vivait aussi.
Il n’avait rien à offrir que des paroles mordantes et l’abandon à plus à moins long terme, rien à apporter qui puisse expliquer leur présence sur le pied de son lit alors qu’il avait exprimé plus que clairement le fait qu’ils n’étaient pas les bienvenus…
Et pourtant.
« Vous êtes pathétiques. »
Sakura sursauta, et se tourna vers lui, suivi avec un peu de retard par Naruto. Il n’avait pas parlé fort, juste assez pour se faire entendre, mais ça avait été amplement suffisant. Ils étaient tellement réceptifs au moindre souffle passant ses lèvres, c’en était écoeurant, presque.
Naruto grimaça, et son regard bleu s’assombrit.
« Quoi ? »
« Tu cumules la surdité avec l’idiotie ? J’ai dit que vous êtes pathétiques. »
Naruto grimaça.
« Ça vaut mieux que d’être un sale crétin arrogant. »
« Que tu t’obstines à vouloir garder à tes côtés. Ce qui en dit long sur ta crétinerie, » siffla-t-il avec dédain.
Le masque calme et détaché du nouveau Naruto ne faisait pas long feu dès qu’on poussait un peu, constata Sasuke avec une étincelle de satisfaction vicieuse quand l’expression du ninja blond se tendit, et qu’il découvrit les crocs dans un mouvement de menace inconscient qui aurait plus convenu à un Inuzuka.
Puis le masque perturbant glissa de nouveau en place, et le sourire se fit plus mordant, féroce.
Sakura lui jeta un très bref coup d’œil, et posa sa main sur son bras.
« Ça suffit… »
« Imbécile, c’est toi qui ne comprends rien à rien. T’es qu’un-»
« Trou du cul, t’es vraiment un cas encore plus désespéré que je ne le pensais… »
« Dit le type qui a déserté pour proposer son corps à un Sannin pédophile… »
« Ça suffit comme ça j’ai dit. »
Sakura s’interposa entre eux, le regard menaçant, et une fraction de seconde s’imposa le souvenir d’une scène semblable, sur un toit, une éternité auparavant.
À la différence que cette fois-ci, il lui suffit d’infuser le chakra dans son poing droit pour capter toute leur attention –parce qu’avec ledit poing, elle pouvait facilement les tuer, et que même sans cela ils savaient qu’elle n’hésiterait pas à frapper, et à faire mal.
« Je n’y crois pas. Vous n’avez pas changé d’un poil, c’est affligeant. »
« Hé, Sakura, » protesta Naruto en battant en retraite à l’autre bout du lit –mauviette.
« Ne me forcez pas à vous frapper. »
« Mais Sakura-chan, c’est lui qui a commencéééé… »
Sasuke envisagea une réplique au vitriol sur sa mauvaise foi affligeante, mais préféra finalement les foudroyer du regard.
« Naruto… »
« Non, mais c’est vrai, il nous a traité de pathétiques, c’est pas de la provocation ça ? »
« Si tu appelles l’expression de la vérité de la provocation, tu es mal parti, imbécile. »
« Arrêtez vous deux, on a mieux à faire que de s’engueuler. »
« On s’engueule pas, on- »
« s’engueule, » termina Sasuke à sa place avec une pointe de sarcasme mordant qui provoqua chez Naruto une nouvelle grimace. Puis, adressant à Sakura un regard évaluateur. « Mieux à faire ? Tu veux dire mieux que de vous regarder pinailler sur des sujets encore moins intéressants que vous ? »
Elle lui jeta un coup d’œil acide avant de se laisser glisser du bord du lit sur lequel elle était assise.
« Si on doit être une équipe, tu devrais laisser tomber les tentatives de te faire détester –ou casser la gueule à coup de poing- Sasuke. Si on veut qu’ils donnent une vraie chance à l’équipe Sept pour retrouver un minimum de liberté de mouvement et pouvoir t’aider à rattraper ton frère, il faut qu’on soit exemplaire. Alors si vous pouviez éviter de détruire la chambre en me forçant à vous frapper ou en vous pourrissant mutuellement la gueule, ce serait bien. »
Au lieu de réagir par une protestation du type “Maaaaaais, Sakura-chaaaan !”, Naruro se contenta de faire la grimace, et de rentrer la tête dans les épaules. Sasuke, lui, resta parfaitement immobile là où il se trouvait, le visage soigneusement inexpressif.
Il le savait, bien entendu, mais que ce soient eux qui jouent l’apaisement, qui soient près à le supporter pour qu’il puisse atteindre ses objectifs… Il ne comprenait toujours pas, cela le perturbait, et sous la surface bouillonnait une colère impuissante.
Mais Sakura avait raison, et il n’avait pas le choix.
« Bien. Mais qu’une chose soit claire. Ce n’est pas parce que nous sommes équipiers que nous sommes amis. »
Et Naruto, au lieu de protester comme il l’aurait fait deux ans ou une semaine auparavant, se contenta de hausser les épaules avec une étrange expression, un pli amer à la commissure des lèvres.
« Bien entendu. »
Et Sasuke n’aurait su dire d’où venait l’indéfinissable sentiment de trahison qui se mêla au soulagement.
---
D’une manière générale, les ninjas ont très peu de certitudes.
La mort est l’une d’elles, la toute première, immédiatement suivie par sa sœur jumelle, son ombre : la promesse de la douleur.
A elles deux, elles résument de manière efficace et brillamment concise ce qu’un ninja peut espérer avec certitude de son avenir, à n’importe quel moment de sa vie.
La troisième certitude d’un ninja était, du moins au Pays du Feu, que Shiranui Genma trichait au jeu.
Mais à vrai dire celle-là n’était pas fondée, pour la bonne et simple raison que personne n’avait jamais réussi à le prouver. Toutefois il gagnait, c’était une certitude. Et s’il gagnait le corollaire évident était qu’il trichait. Donc cela revenait au même.
Quelque soit la partie, dés, osselets, tuiles, jeux de mains, de cartes ou une quinzaine de variantes plus ou moins retorses du poker ninja, Genma arrivait, air affable et sembon aux lèvres, jouait, perdait parfois un peu, mais finissait toujours par rafler la mise.
Il trichait, c’était forcé. Tout le monde trichait, cela faisait parti des règles : tous les coups étaient permis tant que l’on ne se faisait pas prendre. Et nul n’avait jamais pris Genma la main dans le sac, pas même Ibiki qui était pourtant unanimement considéré comme un maître suprême dans l’art de la tricherie, pas même Kakashi au sharingan duquel rien n’échappait... Ce qui laissait ouverte la possibilité certes fort improbable que Genma ne trichait finalement pas, et qu’il soit simplement un joueur doué et très chanceux, et rien de plus.
Ce à quoi, bien entendu, personne ne croyait.
Cela aurait pu sembler tout aussi improbable que le ninja au sembon trouve encore des adversaires disposés à tenter leur chance, et il était vrai qu’au terme de quelques cruelles expériences, Hijo avait opté pour l’option fuite à chaque fois que Genma et un paquet de cartes se trouvaient dans la même pièce.
Mais mis à part quelques individus dotés d’un bon sens bien ancré et d’un fort instinct de conservation (de leur paye), le jounin spécial n’avait pas de mal à trouver des adversaires. Le refus viscéral de ses collègues d’accepter que l’on puisse rester en veine près de vingt ans sans aucune tricherie faisait sa fortune. Si ce ne pouvait décemment pas être de la chance, c’était forcément de la triche. Et si c’était de la triche, il devait exister un moyen de découvrir le subterfuge.
C’était mathématique, c’était un défi qu’un ninja digne de ce nom ne pouvait ignorer.
Ce qui n’empêchait pas Genma de continuer à gagner, pas à tous les coups -et si on jouait intelligemment et qu’on se retirait suffisamment tôt on pouvait s’en mettre plein les poches-, mais de manière éhontément régulière, et toujours à la fin, quand on en était arrivé à quitte ou double.
Certitude numéro trois donc : Shiranui Genma trichait, et gagnait.
-
Raidou passa la tête brièvement par la porte, la retira, et se tourna vers Shizune qui fulminait dans un silence d’autant plus dangereux à ses côtés.
« Elle est là, mais… »
Sans écouter la suite, la kunoichi poussa à son tour la porte de la salle de repos des jounins, et il la suivit avec fatalisme, et la décision de se faire le plus discret possible. Et il buta contre elle parce qu’elle s’était immobilisée net dans l’encadrement de la porte.
La salle était éclairée par la lumière hivernale qui filtrait des fenêtres à demi obscurcies par les rideaux en longs rayons blafards, dans lesquels dansait la poussière.
Kakashi zonait vaguement le long d’un mur, livre vert en main mais ayant oublié de faire semblant d’être plongé dedans, Kotetsu, Izumo et une poignée d’autres jounins étaient massés entre les armoires d’archives (transformées depuis longtemps en garde-manger privé, réserve de sachets de thé, de la cafetière, de petits gâteaux et de saké à l’occasion) et l’un des divans défoncé.
D’un geste souverain, Genma, assis à la table au centre de la pièce, dévoila une Quinte Flush. Le souffle collectif des jounins se relâcha, avant de se bloquer dans un silence choqué lorsqu’en face de lui la Cinquième Hokage de Konoha –aussi connue sous le surnom peu laudatif de “Pigeon Légendaire” pour son incapacité chronique à gagner ne serait-ce qu’à pile ou face- abattit tour à tour un Dix, un Valet, une Dame, un Roi. Et pour finir un As.
Tous rouges. Suite Royale.
Le silence qui tomba sur la pièce était de ceux qui précédent ou suivent les moments historiques, lourd et plein de stupéfaction contenue, comme si un certain laps de temps était nécessaire pour appréhender toute la portée de l’événement.
Raidou se fit la réflexion que le reflet blanc sur l’un des angles de la table ressemblait presque à un dragon, si on penchait un peu la tête sur le côté, et qu’on louchait.
Puis, livide, Genma poussa vers Tsunade la totalité de la confortable montagne de ryo qui s’entassait devant lui.
« Vous avez gagné, Hokage-sama. »
« Shizune. »
La voix de l’Hokage était calme –anormalement calme. Raidou sentit un frisson remonter le long de sa colonne vertébrale, tandis qu’à ses côtés, Shizune se tendait.
« À vos ordres Tsunade-sama. Passage en alerte jaune. »
L’aigle en provenance de Mailhoe se posa dans la volière à peine dix minutes après.
La rumeur, elle, avait déjà bien atteint plus de la moitié du pays du Feu, et n’allait plus tarder à toucher Konoha.
---
TBC
The note in the end :
Tout d’abord, je m’excuse pour le temps qu’a mis ce chapitre à arriver, et celui que mettra le prochain (je ne me fait pas d’illusions).
Les raisons sont toujours les mêmes : vraie vie, boulot, autres fics, inspiration capricieuse. Je ne suis pas resté inactive, et j’ai posté sur six autres projets depuis le dernier chapitre de KG (des Drabbles et One-shot, Clair-Obscur, De Sabres et de Sang… etc.)
Toutefois, pour ceux qui ont posé la question et la reposeront, la réponse est : ne vous inquiétez pas, je n’abandonne nullement Konoha Gaiden. Je l’aime, cette fic. :)
Ensuite, petit disclamer : la partie avec Madara a été écrite avant que les scans qui nous en apprennent plus sur lui ne sortent (avant même qu’il ne devienne officiel qu’Itachi savait qui il était d’ailleurs.) :)
Setsuma appartient à mon cher et tendre, et j’ai emprunté Hijo à Arakasi (a ce propos, pour ceux qui ont remarqué que ce n’était originalement pas lui sous le serpent, ce détail a été modifié, je n’ai juste pas eu le temps de reposter vu que le formatage ff.net prend une éternité.
Vous l’aurez peut-être remarqué, j’ai à présent une bêta-lectrice. Donc merci à Sevee qui a traqué les fautes et incorrections qui restaient dans le texte. :)
A la prochaine !