L'ombre de Kyuubi (chap 2 et 3)
Publié : lun. 18 juin 2007, 22:05
Disclaimer : L’univers de Naruto appartient à Kishimoto. Les personnages et les animaux aussi, mais vous n’en rencontrerez pas beaucoup de lui… Fanfiction réalisée à des fins non lucratives.
Genre : Préquelle, Drame
Remerciements : Un grand merci à Akhésa, ma bêta-lectrice et un petit merci à Smog, qui m'a appris la subtile différence entre les tirets 6 (-) et les tirets 8 (_)^^
Lexique : Gros champ lexical autour du monde des esprits et des frontières entre les mondes, puisqu’il va en être beaucoup question dans cette fic.
Hogosha : Gardien, Gardienne
Tama : un des nombreux mots désignant « l’Esprit », donc ici Tama désigne le village ninja de l’Esprit.
Mission de rang 9 : C’est une mission spéciale de rang S, dont l'objet a toujours un lien avec l’un des 9 Bijuus (démons légendaires à queues).
Kuuki : Air, atmosphère. (Kuukikage)
Amado : Porte coulissante protégeant de l’orage.
L’ombre de Kyuubi
PROLOGUE
Jour-K
Mais qu’est-ce qui avait mal tourné ? Ce maudit Yondaime Hokage, où était-il ?… Lui et elle avaient pourtant bien négocié cette sale affaire. Si cette enflure comptait la laisser dans la panade… Non, chacun avait fait son possible, poussé par une conscience aigue des intérêts supérieurs qui dirigeaient l’accord secret, mais –ç’en était presque comique- tous deux restant farouchement fidèle à son propre village...
Après tant de compromis... C’en était rageant. Rageant ? Dramatique oui ! A croire que les dieux étaient contre eux ! Et ça allait se terminer dans un bain de sang. S’il y avait encore la moindre chance d’éviter cette issue tragique, il fallait d’abord arriver à temps. A temps, arriver à temps, par une course folle à travers bois, tentant d’atteindre la forêt de Konoha, éperdue, le souffle court, une main pressant sa cage thoracique, l’autre compressant le point qu’elle avait au côté, gestes aussi révélateurs de son épuisement, de son désarroi, que sa respiration haletante et saccadée. Elle lutta pour ne pas ralentir ; avec des enjeux pareils, les dieux se devaient d’être de leurs côtés ; elle serra les dents : Dans l’adversité (Yondaime inclus), elle ne cèderait pas d’un pas -pour l’avenir de son village… et pour le mien. Je ne fauterais pas. Sois en sûr Hokage ! Je réussirais, avec ou sans toi !
Bon sang, elle avait vu les choses venir de loin, pourtant ! Le temps, c’était pas ce qu’il lui… ce qui leur avait manqué.
Les limites de la forêt de Konoha !! Encore un petit effort, Hogosha ! Je dois les trouver… et arrêter cette folie. Mon frère m’obéira. Quand aux autres…ils n’auront pas le choix.
…
Mais où sont-ils, ses enfants de salauds ?! Et Yondaime, que fait-il ?! Je serais presque soulagée qu’il ramène ses fesses. Il paraît qu’il a le chic pour les entrées théâtrales ! Il s’rait du meilleur goût qu’il arrive avant le dénouement.
Il y avait quelque chose qui n’allait pas dans cette forêt. Définitivement. Quant à savoir ce que c’é… Le silence. Voilà d’où venait son malaise. Dans un biotope aussi familiarisé à la présence des ninjas, la forêt aurait du fourmiller de bruits et d’activités, même à la nuit tombée. Signe certain d’une activité inhabituelle par ailleurs conséquente, si l’on se basait sur la chape de plomb régnant dans les sous-bois. Mauvais signe. Les animaux sentent quelque chose que les humains ne perçoivent pas encore. Et d’un coup, la chair de poule. CA COMMENCE. Je ne vais avoir aucun mal à les situer maintenant.
CA prend aux tripes. La ninja ne maîtrise pas ses tremblements. Nausée. Bon sang, mais quelle idée de s’être planqué si loin !!
L’air change, subtilement. C’est toujours comme ça avec les invocations. Elle voudrait ne pas ralentir. J’ai dit que je ne fauterais pas. Je n’en peux plus. Où quand la volonté d’un ninja n’arrive plus à plier le corps à la nécessité.
C’est que mon esprit est moins exigeant que mon corps ces derniers temps.
Les arbres centenaires protégeant Konoha ne tremblent pas sous ses violents appels de pieds qui la propulsent vers l’inéluctable. Konoha endormie, Konoha qui ne serait plus protégée bien longtemps si elle ne se dépêchait pas. Et Tama, Tama qui chuterait avec Konoha si elle ne les trouvait pas…
Des mélopées. Elle se trouve à portée de voix du groupe. L’avancée de leur incantation la frappe de plein fouet. Ils en sont déjà là dans la chansonnette…
Garder la cadence. Ne pas prêter attention aux signaux d’alarme du corps à bout. Respiration depuis longtemps incontrôlable. Oppression dans la poitrine. Douleurs dans les mollets, les cuisses et les reins.
Une éclaircie à travers les frondaisons. Elle se rue dans la clairière :
« STTOOOOOPP !!!!!!!!!!!!!!!!!!! »
____________________
CHAPITRE 1 : Notre devoir
Un an plus tôt
« Hors de question !! »
Leiko AMADO, gardienne de Tama, village caché du pays de l’Air, fusilla du regard les deux ninjas en face d’elle.
« Agiter le démon à la barbe de Konoha ?! Mais à quoi pensez-vous ?
- Vous opposez-vous à cette démonstration de force ?
- Il… il ne s’agit pas de ça ! Mais envisager sérieusement de se servir d’un bijuu comme d’une marionnette… la voix devint moqueuse, ce plan est parfait… sur le papier!
- Tous les villages cachés qui comptent sont désormais pourvus d’un jinchuuriki stabilisé. Suna, Kumo, Kiri…, et maintenant Taki ! Il devient prioritaire pour les intérêts du village et du pays de faire croire que nous en possédons un… à nouveau ! »
Un silence. Puis l’un des ninjas s’inclina légèrement.
« Nous vous laissons y réfléchir. »
Et alors que les ninjas s’éloignaient, la kunoichi lança, d’un ton où la raillerie avait disparu :
« Les risques encourus pourraient coûter plus cher que les avantages à en tirer. Transmettez ces mots à qui de droit. »
Le « qui de droit » n’en resterait pas là ; s’ils avaient été jusqu’à elle lui soumettre la « proposition », c’est que cela avait déjà été longuement réfléchi et débattu… et sans elle. Cette prise de conscience la fit grimacer. La position de la famille Amado, la plus puissante de Tama une génération de cela, devenait maintenant controversée. Néanmoins, le prestige qu’elle auréolait encore -et accessoirement, la spécialisation ultime du clan dans la connaissance et la maîtrise des corps spirituels (esprits égarés, esprits malins et démons) et des frontières qui les séparent- aurait du l’inclure de facto dans la conduite du débat.
Amado, « le clan aux démons », affirmait la légende. Une réputation forgée par des ignorants. La tradition allait jusqu’à leur attribuer la création des jinchuuriki -et soutenait aussi qu’ils avaient inventé les parchemins d’invocation et les pactes de sang…- autant d’allégations invérifiables, tant les techniques ninjas se perdaient dans les âges. Il avait même été reporté à Leiko que les habitants du pays de l’Eau les tenaient pour responsables des revenants qu’ils croyaient apercevoir dans le brouillard… Dans l’imbroglio des rumeurs et des exagérations, perçait une vérité : L’emprise des Amado sur les esprits… et les démons étaient des esprits. Emprise héréditaire, affinée par des années de recherches, complétée par la mise au point de techniques, à tel point que l’on ne savait plus vraiment ce qui, dans le Style Amado, était du ressort de la génétique.
Pourtant ce n’était pas au nom d’un quelconque prestige clanique bafoué que s’irritait la Gardienne, mais bien la négation de sa propre utilité.
Membre du clan Amado et de la fonction honorifique qui allait avec : Hogosha du village ninja de Tama, Leiko Amado se sentait vexée de cette mise à l’écart. Ils connaissent mes compétences, nom d’un chien ! Le Conseil militaire aurait du faire appel à moi dès que le mot bijuu a été prononcé !
La gardienne n’était pas dupe quant à la portée de ses réticences : l’avis des Amado n’avait pas force de loi. Preuve en était cette stratégie concertée sans elle. Mais tant qu’elle aurait son mot à dire… Il fallait qu’elle se rende au temple.
La gardienne passa au rez-de-chaussée et sortit des affaires nécessaires à l’escapade. Son assistante Sora lui sourit :
« Où vous rendez-vous ? Un rapport avec les huiles de tout à l’heure ?
- Au temple de l’Air !
- Mais… c’est inattendu ! C’est à pratiquement une journée d’ici…
- Je dois parler à mon frère de toute urgence. Et après un instant de réflexion. A cause de la délégation oui. Ils nous préparent un…mic-mac… » Elle grimaça. Terme inapproprié. « Je préfèrerais en être à des kilomètres si je ne me savais pas directement concernée. » Sourire désabusé.
Sora la regarda s’éloigner, soucieuse. L’ironie mordante de son sempai n’avait d’égal que son sérieux. Ca n’augurait rien de bon.
****
La Gardienne estima avoir battu un nouveau record de vitesse en avalant le trajet Tama-Temple de l’Air. Ce dernier, construit au sommet d’un massif montagneux, occupait tout le terrassement disponible ; aussi, pour accéder au temple, ne restait-il que des aiguillons rocheux inégaux, des pentes abruptes et un chemin escarpé, presque plus dangereux à emprunter que l’escalade pure et simple. A l’abri dans des bosquets, à 160 mètres au-dessus du vide, Leiko marqua une pause, le temps de récupérer son souffle, avant de s’élancer en une dernière poussée à la porte du temple. Elle s’annonça. Une tête apparut en haut de la muraille et disparut tout aussi soudainement. Une porte, aussi solide que discrète, grinça à quelques mètres d’elle. Celle-ci n’avait pas du être ouverte depuis plusieurs mois.
« Bienvenue, Hogosha-sama. »
Leiko hocha brièvement la tête ; si elle ne reconnaissait pas ce moine, lui, en revanche la situait. Elle ne s’embarrassa donc pas de préambules :
« Je souhaiterais voir mon frère. »
Il s’était déjà effacé pour la laisser entrer.
Habituellement, on ne pénètre pas comme ça dans un temple, peu importe le pays, de l’Air… ou d’ailleurs. Mais avoir eu l’honneur d’y résider aplanit bien des difficultés. Et faire partie d’une lignée possédant une ascendance sur les démons aide aussi, accessoirement. D’ailleurs, le premier honneur découle directement du second.
La gardienne fut escortée à travers la cour de rassemblement jusqu’à l’escalier monumental. Le moine s’éclipsa aussitôt sa tâche accomplie. Elle trouva son frère au pied des marches, adossé à l’un des blocs de pierre sculptés flanquant le départ de l’escalier. Le nez dans un livre, indifférent à son environnement, le genin leva la tête et…
« Leiko-nee-chan ! » Le visage de Niko s’éclaira à sa vue.
Leiko le trouvait terriblement sérieux dans son accoutrement d’apprenti moine, mais un enfant restait un enfant. Enfin, à 15 ans, presque 16… Elle ne le considérerait sans doute jamais comme il le faudrait, ni comme il le voudrait, elle qui lui avait servi d’ombre protectrice, s’arrogeant ce droit que lui conférait ces douze années d’aînesse.
Personne n’aurait pu douter du lien de parenté unissant le frère et la sœur ; tous deux se ressemblaient terriblement. Un visage ovale encadrait des yeux noisette d’un ton chaud, lumineux, similitude encore accentuée par des cheveux si clairs qu’ils ressortaient plus beiges que blonds. Pour couronner le tout, Leiko portait les cheveux aussi courts que Niko. Là s’arrêtait cette comparaison frappante ; l’attitude de chacun les distinguaient autant qu’il était possible. Alors que la bouche de la Gardienne maintenait un pli permanent de fermeté, et des yeux aussi insondables que la statue ornant la place centrale du temple, l’adolescent conservait les traces de l’enfance, avec son rien d’innocence ; jeune homme souriant et plaisantin, il affichait un air constant de défi, accentué par la lueur frondeuse et amusée qui dansait dans ses yeux et que l’isolement spirituel n’avait qu’atténué.
Les trois années traditionnelles d’internat que le genin Niko Amado passait au temple, imposées à leur prestigieuse famille, lui avaient fait du bien, la Gardienne s’en rendait compte aujourd’hui. Elles l’avaient soustrait aux simagrées respectueuses des gamins de son âge, conventions qu’il n’avait jamais très bien su gérer en l’absence de don particulier… si ce n’était sa capacité héréditaire, bien sûr ; mais l’occasion de maîtriser un démon devant ses petits camarades se présentait rarement tous les jours… Au moins avait-il travaillé ici les jutsus du clan Amado avec le même vieux Maître qu’on avait attribué à l’aînée une fois atteint ses 13 ans.
« T’es venue me traîner hors du temple pour m’assassiner et devenir l’unique héritière du clan ? Je ne peux pas sortir, j’ai pas encore 16 ans, ô ma très respectée sœur aînée… » Leiko n’esquissa pas l’ombre d’un sourire.
« Quand cesseras-tu tes idioties ! Allons voir notre Maître, je te parlerais en chemin. »
Il se leva. Elle ajouta, pince-sans-rire :
« Et je n’ai pas besoin de t’assassiner, je suis tenante du titre. » Le sourire de Niko s’élargit encore.
Tous deux se dirigèrent à l’angle de la cour de rassemblement, avant d’entamer les premières marches de l’escalier secondaire qui les mènerait aux quartiers d’habitation. Quelques pas en silence, avant que Leiko n’aborde la raison de sa visite :
« Hanamichi et Mitsui-sama m’ont rendu visite.
- Deux pontes du Conseil en personne !! Qu’est-ce que t’as fait pour…
- Il suffit Niko !... L’affaire est grave. Le Conseil a monté un plan qui doit soi-disant faire plier le monde ninja à l’aide d’un bijuu… et de moi, par extension ! Et de toi également, si je regarde plus loin que le bout de mon nez. » Même s’ils affirment le contraire.
La stupéfaction la plus totale se peignit sur le visage de Niko. La Gardienne se demanda si elle n’avait pas forcé sur l’annonce. Il ne devait pas avoir eu bien le temps de digérer la nouvelle car sa voix manquait d’assurance lorsqu’il reprit :
« S’il… s’il faut le faire alors… C’est notre devoi…
- Ne lance pas cet argument à tort et à travers ! L’obéissance bête et servile n’est pas un devoir ! Spécialement si cela nous mène à la mort ! Demande-moi plutôt les raisons, les objectifs d’un tel plan ! »
Leiko s’agaça ; C’est notre devoir : Il semblait à Leiko avoir décelé autre chose qu’un parfait conditionnement ninja -et clanique- dans la voix de son frère… De l’excitation. Ce n’est pas exactement la réaction que j’attends de lui.
Pour sa part, Niko sembla surpris que sa sœur, parfaite chef de clan, conteste ainsi ouvertement les ordres du Conseil militaire de Tama. Elle ne faisait pourtant pas partie des voix pacifistes qui s’élevaient à travers tout le monde ninja en ces temps de guerre, phénomène qui n’épargnait pas leur village. C’était inhabituel.
« Alors…Pourquoi ?
- A ton avis ! Pour quelle autre raison que l’influence ? Il est encore et toujours question de rapport de force ! »
Elle reprit, s’efforçant de se calmer :
« Nous perdons dramatiquement du terrain depuis qu’Akane est décédée et le Sanbi envolé ! S’en parler que notre famille s’est réduite comme une peau de chagrin… Le village ne peut plus compter sur ces deux supports traditionnels et doit faire ses preuves avec ses forces de base.
- Et c’est là que le bât blesse, je le sais bien ! » compléta Niko. « Tama s’est construite sur les capacités de notre famille. Comme les forces des Amado sont au plus bas, que nous ne possédons plus de jinchuuriki et que très peu de démons restent à capturer… Il est plutôt dans l’intérêt du village de réagir ! »
Ils arrivèrent devant un long bâtiment bas, qui occupait la totalité de l’esplanade ; Niko s’arrêta devant la porte de sa cellule, entra ; Leiko l’entendit s’affairer, et il ressortit bientôt, paré d’une nouvelle tenue et débarrassé de son livre.
Sans se concerter, tous deux prirent la direction de l’esplanade supérieure, qui abritait les fonctions les plus importantes du temple. Niko reprit, ravi de pouvoir démontrer sa connaissance toute neuve des rapports politico-militaires.
« Je disais que c’était une bonne chose que Tama réagisse…
- Avant qu’il ne soit trop tard », le coupa t’elle. Niko secoua la tête :
« A t’entendre, on croirait à la fin du monde ! Ca ne peut pas être si grave !
- Critique. A l’extérieur de nos frontières, il n’y a jamais eu autant de forces indépendantes spontanées en quête de démons. Les plus intelligents se regroupent et forment un village une fois le démon capturé et enfermé dans un hôte humain... Le nombre d’organisations qui naissent de cette recherche et se consolident devient dramatique. »
Niko soupira.
« Bon, si comme tu le dis le réseau des forces est aussi éclaté, comment le Conseil pourrait dominer l’ensemble du monde ninja ? Même avec l’appui d’un bijuu, nous n’aurons jamais l’avantage, puisque tant d’autres en possède un ! Tout ce qu’on risque de faire, c’est d’activer une alliance inattendue entre deux villages ! »
Niko arborait un air interrogateur. La Gardienne se plongea dans l’observation d’une sculpture grotesque en bordure de toit, tandis qu’elle répondait :
« La configuration des pays et des forces militaires est arrivée à un point critique. Il y a trop de pays, trop de groupuscules indépendants qui minent la guerre et l’empêchent de fonctionner correctement. C’est une information de première main Niko, mais nous avons toutes les raisons de croire que les pays les plus organisés et les plus influents vont conclure un traité -secret- pour saper les plus petits et rester seuls en lice, et ceci que la guerre continue… ou s’éteigne. Et Tama, de par sa situation de faiblesse actuelle, est exclue du traité qui se prépare. C’est un pur miracle pour nous d’avoir obtenu cette information ! C’est pourquoi le Conseil a choisi de frapper aux portes de Konoha, qui est en passe de devenir le leader des villages cachés ninjas depuis que leur nouvel Hokage a pris les rênes et accompli quelques coups d’éclats... Se rappeler à leur bon souvenir… Si Konoha est impressionnée, pas besoin de plus pour affermir la position de Tama et participer à l’élaboration du traité. »
Niko hasarda :
« Balancer un bijuu, c’est un bon moyen de rappeler la suprématie de Tama sur les démons… Konoha n’en a pas, et l’effet de surprise jouera pour nous. Les arguments m’ont l’air bons… » Leiko secoua la tête :
« Pas le plan qui m’a été présenté. Il n’est pas viable. Je ne pourrais jamais maîtriser un bijuu toute seule. J’ai échoué avec le Trois Queues lorsque Akane-san a définitivement sombrée en lui… C’est tout bonnement impossible ! Nous ne sommes plus assez nombreux ! »
Niko fronça les sourcils. Akane KUBOTA, la dernière jinchuuriki du démon à 3 queues de Tama… Sujet tabou. J’étais trop jeune. Avec toute l’assurance de celui qui n’a pas connu, il pensa à part lui : Cette histoire la mine. Pourtant aucun Amado n’aurait pu réussir dans de telles conditions. Leiko devrait affirmer sa position au lieu d’afficher de tels doutes. C’est ce que je ferais si je dirigeais le clan.
Il se planta devant elle :
« Nee-chan… La jinchuuriki savait qu’elle devait résister au démon par elle-même, car ta propre influence était limitée ! »
Il inspira, comme pour se donner du courage :
« Tes réserves sur le plan du Conseil ne viennent-ils pas du fait que tu doutes de toi depuis la mort de la jinchuuriki ? »
Pour tout autre, Leiko Amado, chef du clan Amado, aurait certainement explosé la tête de l’impudent tenant de tels propos. Mais l’impudent en question était son jeune frère, irréfléchi, enthousiaste, et seul autre membre vivant de la famille -qu’elle se devait de préserver, cela va sans dire. Bien qu’elle n’en laisse rien paraître, Leiko fut stupéfaite. Elle ne s’était pas rendue compte à quel point ce séjour au temple était en train de changer son frère. Il prend de l’assurance, pensa t’elle. Sans doute est-ce un mieux. Même si ça ne signifie plus grand-chose, lui aussi sera Gardien le jour de ces 16 ans, et responsable devant le village.
Mais Niko était reparti sur sa lancée :
« Après tout, le Conseil connaît la portée réduite de notre champ d’action… Il a pu s’en rendre compte avec la perte du Sanbi… Il adaptera sa demande en conséquence ! »
De mieux en mieux. Elle plissa les yeux devant tant de confiance aveugle en leurs instances… et surtout devant tant d’empressement à tirer ses conclusions d’une affaire qu’elle n’avait pas fini d’exposer.
« Niko, il s’agit d’invoquer Ky-uu-bi ! » Elle avait détaché les dernières syllabes, d’un ton doucereux, histoire de pénétrer plus vite son enthousiasme et son petit crâne vide. Les mots acquirent une résonance particulière dans le préau qu’ils longeaient.
« K… Kyuubi… ». Sonné par ce nom évoquant des histoires d’anciens combattants et des parchemins déjà vieux du temps de leurs grands-parents, Niko bredouilla : « Mais… Et le Sanbi…
- A disparu dans les profondeurs de la Mer septentrionale, et il n’est pas assez bête pour retourner dans sa propre dimension, où nous pourrions de nouveau l’ennuyer ! »
Soudainement, Leiko perdit son calme. Il ne se rend pas compte.
« Youmas ! Bijuus ! Il y a des réalités derrière ces concepts ! Et ces réalités possèdent une personnalité, une mémoire, qui se souviendra de toi si tu croises leur route, et un instinct de nuisance qui passe par la case bête pensante et consciente ! Et Kyuubi est de loin la plus terrifiante ! Et incontrôlable ! Particulièrement quand il ne reste plus que deux personnes qui peuvent en saisir toute l’ampleur ! Enfin UNE quand je constate une telle inconscience de ta part !
- Je le sais, Nee-chan ! » Sa voix s’étrangla. « Je les sens, parfois, de façon fugace, puis la sensation disparaît... Mais le goût que ça me laisse après le frôlement… »
Une grimace, puis soudain Niko leva la tête avec conviction, les yeux brillants de colère :
« Je ne sais peut-être pas autant de choses que toi, Leiko, mais je reste un Amado, avec tout ce que ça implique !
- Je sais que tu possèdes ces capacités ! Mais le statut du clan a changé ! On ne peut plus se permettre de perdre bêtement des membres ! Alors juger ma position comme un excès de prudence ne fait que renforcer mon opinion que tu es irréfléchi !
- Que tu le veuilles ou non, je devrais un jour faire mes preuves ! Et notre valeur aux yeux du village, réside encore dans la valeur du clan Amado !
- résidait, tu veux dire ! »
Leiko fut surprise de voir son frère pâlir comme sous l’effet d’une gifle. Cette phrase eût le mérite de les calmer instantanément. Elle inspira profondément, et reprit d’une voix raisonnable :
« Tu feras tes preuves Niko, tu en auras mille fois l’occasion si tu es assez astucieux pour survivre. La mission dont je te parle n’est pour l’instant pas encore décidée. Mon avis, mon accord sont indispensables. Or la mission est mal ficelée, mais au moins ne requiert-elle pas ta participation. Mon seul souci en l’état, est de ne pas t’inclure involontairement à la mission lorsque je vais en souligner le taux d’échec probable. Tu risquerais d’en faire partie toi aussi, sans pour autant en changer l’issue. C’est donc inacceptable ! »
Il haussa les épaules.
« Pourquoi cherches-tu tant à me protéger ?
- Si nous mourrons tous les deux, il n’y aura plus de Gardiens à Tama », dit-elle d’un ton tranquille.
La pirouette était bonne, mais ce n’était pas la raison principale.Au vu du tour que prenait cette conversation, elle jugea qu’il valait mieux ne pas en dire plus pour l’instant. Considérant la brièveté de leur rencontre ces trois dernières années, c’était un pléonasme de dire qu’elle ne savait plus ce qui se passait dans la tête de son frère. Il fallait absolument qu’elle parle en tête à tête à son ancien maître. Niko boudera, mais cette mission nous envoie au casse-pipe et il n’est pas assez mûr pour s’en rendre compte. C’était sans compter l’opiniâtreté de son frère :
« S’il y a des changements à apporter à cette mission, tu comptes quoiqu’il arrive m’en écarter ? »
Elle soupira.
« Je te promets de mettre en balance les intérêts du clan et de la mission et de prendre la décision la plus profitable aux deux. Les objectifs de cette mission la classent en rang 9. C’est pour cela que je souhaite revoir cette mission de A à Z ; pour qu’elle réussisse, et rejaillisse sur le village. Pas pour écarter un genin bouillant du Chemin de sa Réalisation. »
Niko rougit, de honte ou de colère ? Mais sa sœur savait manier la parole. Niko l’avait vu, l’air de rien, en manipuler des plus vieux et coriaces qu’elle.
« Même si pour cela je dois y participer ?
- Même dans ce cas » prononça t’elle solennellement.
Niko se rassura. Elle avait utilisé la chief voice comme il l’appelait à part lui. S’il était écarté, ce serait la décision du chef de famille, pas celle de la grande sœur surprotectrice comme il l’avait craint un moment. Pour la même raison il pourrait être amené à participer au combat. Une vraie mission, en utilisant vraiment les capacités Amado !
La tension était retombée. Ils avaient retrouvé l’entente tacite, comme cela avait toujours été. Ce n’est que ses derniers temps maintenant qu’ils ne se comprenaient plus aussi bien qu’auparavant. Il se sentit même stupide d’avoir échangé des mots avec elle.
Comme mue par une impulsion, Leiko lui saisit le bras :
« Niko, reste prudent dans tes choix. Tu n’as rien à prouver ; Il convient que je fasse les missions les plus dangereuses ou que je les refuse… N’agis pas sans mon consentement ! »
Le ton était sans appel, mais teinté d’un peu d’angoisse, que lui seul pouvait remarquer.
« Bien bien, voilà des paroles qu’on est en droit d’attendre d’un chef de clan si précieux à la survie du village… »
Le frère et la sœur restèrent interdits devant l’entrée du salon des invités, qu’ils venaient d’atteindre. Théoriquement elle aurait du y patienter pendant que Niko allait chercher leur vieux Maître mais il s’y trouvait déjà, en compagnie du Kuukikage. Il l’avait précédé.
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NOTES
Les protagonistes Niko et Leiko : aucune signification en japonais, surtout Niko... C'est au départ un délire qui est resté :D
Les deux figurants Hanamichi et Mitsui : Copitage du manga Slam Dunk XD. Pour les prochains chapitres je fais des efforts et je ne copite plus de manière aussi flagrante.
Et pis ben.. l'épreuve du feu des commentaires !
Genre : Préquelle, Drame
Remerciements : Un grand merci à Akhésa, ma bêta-lectrice et un petit merci à Smog, qui m'a appris la subtile différence entre les tirets 6 (-) et les tirets 8 (_)^^
Lexique : Gros champ lexical autour du monde des esprits et des frontières entre les mondes, puisqu’il va en être beaucoup question dans cette fic.
Hogosha : Gardien, Gardienne
Tama : un des nombreux mots désignant « l’Esprit », donc ici Tama désigne le village ninja de l’Esprit.
Mission de rang 9 : C’est une mission spéciale de rang S, dont l'objet a toujours un lien avec l’un des 9 Bijuus (démons légendaires à queues).
Kuuki : Air, atmosphère. (Kuukikage)
Amado : Porte coulissante protégeant de l’orage.
L’ombre de Kyuubi
PROLOGUE
Jour-K
Mais qu’est-ce qui avait mal tourné ? Ce maudit Yondaime Hokage, où était-il ?… Lui et elle avaient pourtant bien négocié cette sale affaire. Si cette enflure comptait la laisser dans la panade… Non, chacun avait fait son possible, poussé par une conscience aigue des intérêts supérieurs qui dirigeaient l’accord secret, mais –ç’en était presque comique- tous deux restant farouchement fidèle à son propre village...
Après tant de compromis... C’en était rageant. Rageant ? Dramatique oui ! A croire que les dieux étaient contre eux ! Et ça allait se terminer dans un bain de sang. S’il y avait encore la moindre chance d’éviter cette issue tragique, il fallait d’abord arriver à temps. A temps, arriver à temps, par une course folle à travers bois, tentant d’atteindre la forêt de Konoha, éperdue, le souffle court, une main pressant sa cage thoracique, l’autre compressant le point qu’elle avait au côté, gestes aussi révélateurs de son épuisement, de son désarroi, que sa respiration haletante et saccadée. Elle lutta pour ne pas ralentir ; avec des enjeux pareils, les dieux se devaient d’être de leurs côtés ; elle serra les dents : Dans l’adversité (Yondaime inclus), elle ne cèderait pas d’un pas -pour l’avenir de son village… et pour le mien. Je ne fauterais pas. Sois en sûr Hokage ! Je réussirais, avec ou sans toi !
Bon sang, elle avait vu les choses venir de loin, pourtant ! Le temps, c’était pas ce qu’il lui… ce qui leur avait manqué.
Les limites de la forêt de Konoha !! Encore un petit effort, Hogosha ! Je dois les trouver… et arrêter cette folie. Mon frère m’obéira. Quand aux autres…ils n’auront pas le choix.
…
Mais où sont-ils, ses enfants de salauds ?! Et Yondaime, que fait-il ?! Je serais presque soulagée qu’il ramène ses fesses. Il paraît qu’il a le chic pour les entrées théâtrales ! Il s’rait du meilleur goût qu’il arrive avant le dénouement.
Il y avait quelque chose qui n’allait pas dans cette forêt. Définitivement. Quant à savoir ce que c’é… Le silence. Voilà d’où venait son malaise. Dans un biotope aussi familiarisé à la présence des ninjas, la forêt aurait du fourmiller de bruits et d’activités, même à la nuit tombée. Signe certain d’une activité inhabituelle par ailleurs conséquente, si l’on se basait sur la chape de plomb régnant dans les sous-bois. Mauvais signe. Les animaux sentent quelque chose que les humains ne perçoivent pas encore. Et d’un coup, la chair de poule. CA COMMENCE. Je ne vais avoir aucun mal à les situer maintenant.
CA prend aux tripes. La ninja ne maîtrise pas ses tremblements. Nausée. Bon sang, mais quelle idée de s’être planqué si loin !!
L’air change, subtilement. C’est toujours comme ça avec les invocations. Elle voudrait ne pas ralentir. J’ai dit que je ne fauterais pas. Je n’en peux plus. Où quand la volonté d’un ninja n’arrive plus à plier le corps à la nécessité.
C’est que mon esprit est moins exigeant que mon corps ces derniers temps.
Les arbres centenaires protégeant Konoha ne tremblent pas sous ses violents appels de pieds qui la propulsent vers l’inéluctable. Konoha endormie, Konoha qui ne serait plus protégée bien longtemps si elle ne se dépêchait pas. Et Tama, Tama qui chuterait avec Konoha si elle ne les trouvait pas…
Des mélopées. Elle se trouve à portée de voix du groupe. L’avancée de leur incantation la frappe de plein fouet. Ils en sont déjà là dans la chansonnette…
Garder la cadence. Ne pas prêter attention aux signaux d’alarme du corps à bout. Respiration depuis longtemps incontrôlable. Oppression dans la poitrine. Douleurs dans les mollets, les cuisses et les reins.
Une éclaircie à travers les frondaisons. Elle se rue dans la clairière :
« STTOOOOOPP !!!!!!!!!!!!!!!!!!! »
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CHAPITRE 1 : Notre devoir
Un an plus tôt
« Hors de question !! »
Leiko AMADO, gardienne de Tama, village caché du pays de l’Air, fusilla du regard les deux ninjas en face d’elle.
« Agiter le démon à la barbe de Konoha ?! Mais à quoi pensez-vous ?
- Vous opposez-vous à cette démonstration de force ?
- Il… il ne s’agit pas de ça ! Mais envisager sérieusement de se servir d’un bijuu comme d’une marionnette… la voix devint moqueuse, ce plan est parfait… sur le papier!
- Tous les villages cachés qui comptent sont désormais pourvus d’un jinchuuriki stabilisé. Suna, Kumo, Kiri…, et maintenant Taki ! Il devient prioritaire pour les intérêts du village et du pays de faire croire que nous en possédons un… à nouveau ! »
Un silence. Puis l’un des ninjas s’inclina légèrement.
« Nous vous laissons y réfléchir. »
Et alors que les ninjas s’éloignaient, la kunoichi lança, d’un ton où la raillerie avait disparu :
« Les risques encourus pourraient coûter plus cher que les avantages à en tirer. Transmettez ces mots à qui de droit. »
Le « qui de droit » n’en resterait pas là ; s’ils avaient été jusqu’à elle lui soumettre la « proposition », c’est que cela avait déjà été longuement réfléchi et débattu… et sans elle. Cette prise de conscience la fit grimacer. La position de la famille Amado, la plus puissante de Tama une génération de cela, devenait maintenant controversée. Néanmoins, le prestige qu’elle auréolait encore -et accessoirement, la spécialisation ultime du clan dans la connaissance et la maîtrise des corps spirituels (esprits égarés, esprits malins et démons) et des frontières qui les séparent- aurait du l’inclure de facto dans la conduite du débat.
Amado, « le clan aux démons », affirmait la légende. Une réputation forgée par des ignorants. La tradition allait jusqu’à leur attribuer la création des jinchuuriki -et soutenait aussi qu’ils avaient inventé les parchemins d’invocation et les pactes de sang…- autant d’allégations invérifiables, tant les techniques ninjas se perdaient dans les âges. Il avait même été reporté à Leiko que les habitants du pays de l’Eau les tenaient pour responsables des revenants qu’ils croyaient apercevoir dans le brouillard… Dans l’imbroglio des rumeurs et des exagérations, perçait une vérité : L’emprise des Amado sur les esprits… et les démons étaient des esprits. Emprise héréditaire, affinée par des années de recherches, complétée par la mise au point de techniques, à tel point que l’on ne savait plus vraiment ce qui, dans le Style Amado, était du ressort de la génétique.
Pourtant ce n’était pas au nom d’un quelconque prestige clanique bafoué que s’irritait la Gardienne, mais bien la négation de sa propre utilité.
Membre du clan Amado et de la fonction honorifique qui allait avec : Hogosha du village ninja de Tama, Leiko Amado se sentait vexée de cette mise à l’écart. Ils connaissent mes compétences, nom d’un chien ! Le Conseil militaire aurait du faire appel à moi dès que le mot bijuu a été prononcé !
La gardienne n’était pas dupe quant à la portée de ses réticences : l’avis des Amado n’avait pas force de loi. Preuve en était cette stratégie concertée sans elle. Mais tant qu’elle aurait son mot à dire… Il fallait qu’elle se rende au temple.
La gardienne passa au rez-de-chaussée et sortit des affaires nécessaires à l’escapade. Son assistante Sora lui sourit :
« Où vous rendez-vous ? Un rapport avec les huiles de tout à l’heure ?
- Au temple de l’Air !
- Mais… c’est inattendu ! C’est à pratiquement une journée d’ici…
- Je dois parler à mon frère de toute urgence. Et après un instant de réflexion. A cause de la délégation oui. Ils nous préparent un…mic-mac… » Elle grimaça. Terme inapproprié. « Je préfèrerais en être à des kilomètres si je ne me savais pas directement concernée. » Sourire désabusé.
Sora la regarda s’éloigner, soucieuse. L’ironie mordante de son sempai n’avait d’égal que son sérieux. Ca n’augurait rien de bon.
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La Gardienne estima avoir battu un nouveau record de vitesse en avalant le trajet Tama-Temple de l’Air. Ce dernier, construit au sommet d’un massif montagneux, occupait tout le terrassement disponible ; aussi, pour accéder au temple, ne restait-il que des aiguillons rocheux inégaux, des pentes abruptes et un chemin escarpé, presque plus dangereux à emprunter que l’escalade pure et simple. A l’abri dans des bosquets, à 160 mètres au-dessus du vide, Leiko marqua une pause, le temps de récupérer son souffle, avant de s’élancer en une dernière poussée à la porte du temple. Elle s’annonça. Une tête apparut en haut de la muraille et disparut tout aussi soudainement. Une porte, aussi solide que discrète, grinça à quelques mètres d’elle. Celle-ci n’avait pas du être ouverte depuis plusieurs mois.
« Bienvenue, Hogosha-sama. »
Leiko hocha brièvement la tête ; si elle ne reconnaissait pas ce moine, lui, en revanche la situait. Elle ne s’embarrassa donc pas de préambules :
« Je souhaiterais voir mon frère. »
Il s’était déjà effacé pour la laisser entrer.
Habituellement, on ne pénètre pas comme ça dans un temple, peu importe le pays, de l’Air… ou d’ailleurs. Mais avoir eu l’honneur d’y résider aplanit bien des difficultés. Et faire partie d’une lignée possédant une ascendance sur les démons aide aussi, accessoirement. D’ailleurs, le premier honneur découle directement du second.
La gardienne fut escortée à travers la cour de rassemblement jusqu’à l’escalier monumental. Le moine s’éclipsa aussitôt sa tâche accomplie. Elle trouva son frère au pied des marches, adossé à l’un des blocs de pierre sculptés flanquant le départ de l’escalier. Le nez dans un livre, indifférent à son environnement, le genin leva la tête et…
« Leiko-nee-chan ! » Le visage de Niko s’éclaira à sa vue.
Leiko le trouvait terriblement sérieux dans son accoutrement d’apprenti moine, mais un enfant restait un enfant. Enfin, à 15 ans, presque 16… Elle ne le considérerait sans doute jamais comme il le faudrait, ni comme il le voudrait, elle qui lui avait servi d’ombre protectrice, s’arrogeant ce droit que lui conférait ces douze années d’aînesse.
Personne n’aurait pu douter du lien de parenté unissant le frère et la sœur ; tous deux se ressemblaient terriblement. Un visage ovale encadrait des yeux noisette d’un ton chaud, lumineux, similitude encore accentuée par des cheveux si clairs qu’ils ressortaient plus beiges que blonds. Pour couronner le tout, Leiko portait les cheveux aussi courts que Niko. Là s’arrêtait cette comparaison frappante ; l’attitude de chacun les distinguaient autant qu’il était possible. Alors que la bouche de la Gardienne maintenait un pli permanent de fermeté, et des yeux aussi insondables que la statue ornant la place centrale du temple, l’adolescent conservait les traces de l’enfance, avec son rien d’innocence ; jeune homme souriant et plaisantin, il affichait un air constant de défi, accentué par la lueur frondeuse et amusée qui dansait dans ses yeux et que l’isolement spirituel n’avait qu’atténué.
Les trois années traditionnelles d’internat que le genin Niko Amado passait au temple, imposées à leur prestigieuse famille, lui avaient fait du bien, la Gardienne s’en rendait compte aujourd’hui. Elles l’avaient soustrait aux simagrées respectueuses des gamins de son âge, conventions qu’il n’avait jamais très bien su gérer en l’absence de don particulier… si ce n’était sa capacité héréditaire, bien sûr ; mais l’occasion de maîtriser un démon devant ses petits camarades se présentait rarement tous les jours… Au moins avait-il travaillé ici les jutsus du clan Amado avec le même vieux Maître qu’on avait attribué à l’aînée une fois atteint ses 13 ans.
« T’es venue me traîner hors du temple pour m’assassiner et devenir l’unique héritière du clan ? Je ne peux pas sortir, j’ai pas encore 16 ans, ô ma très respectée sœur aînée… » Leiko n’esquissa pas l’ombre d’un sourire.
« Quand cesseras-tu tes idioties ! Allons voir notre Maître, je te parlerais en chemin. »
Il se leva. Elle ajouta, pince-sans-rire :
« Et je n’ai pas besoin de t’assassiner, je suis tenante du titre. » Le sourire de Niko s’élargit encore.
Tous deux se dirigèrent à l’angle de la cour de rassemblement, avant d’entamer les premières marches de l’escalier secondaire qui les mènerait aux quartiers d’habitation. Quelques pas en silence, avant que Leiko n’aborde la raison de sa visite :
« Hanamichi et Mitsui-sama m’ont rendu visite.
- Deux pontes du Conseil en personne !! Qu’est-ce que t’as fait pour…
- Il suffit Niko !... L’affaire est grave. Le Conseil a monté un plan qui doit soi-disant faire plier le monde ninja à l’aide d’un bijuu… et de moi, par extension ! Et de toi également, si je regarde plus loin que le bout de mon nez. » Même s’ils affirment le contraire.
La stupéfaction la plus totale se peignit sur le visage de Niko. La Gardienne se demanda si elle n’avait pas forcé sur l’annonce. Il ne devait pas avoir eu bien le temps de digérer la nouvelle car sa voix manquait d’assurance lorsqu’il reprit :
« S’il… s’il faut le faire alors… C’est notre devoi…
- Ne lance pas cet argument à tort et à travers ! L’obéissance bête et servile n’est pas un devoir ! Spécialement si cela nous mène à la mort ! Demande-moi plutôt les raisons, les objectifs d’un tel plan ! »
Leiko s’agaça ; C’est notre devoir : Il semblait à Leiko avoir décelé autre chose qu’un parfait conditionnement ninja -et clanique- dans la voix de son frère… De l’excitation. Ce n’est pas exactement la réaction que j’attends de lui.
Pour sa part, Niko sembla surpris que sa sœur, parfaite chef de clan, conteste ainsi ouvertement les ordres du Conseil militaire de Tama. Elle ne faisait pourtant pas partie des voix pacifistes qui s’élevaient à travers tout le monde ninja en ces temps de guerre, phénomène qui n’épargnait pas leur village. C’était inhabituel.
« Alors…Pourquoi ?
- A ton avis ! Pour quelle autre raison que l’influence ? Il est encore et toujours question de rapport de force ! »
Elle reprit, s’efforçant de se calmer :
« Nous perdons dramatiquement du terrain depuis qu’Akane est décédée et le Sanbi envolé ! S’en parler que notre famille s’est réduite comme une peau de chagrin… Le village ne peut plus compter sur ces deux supports traditionnels et doit faire ses preuves avec ses forces de base.
- Et c’est là que le bât blesse, je le sais bien ! » compléta Niko. « Tama s’est construite sur les capacités de notre famille. Comme les forces des Amado sont au plus bas, que nous ne possédons plus de jinchuuriki et que très peu de démons restent à capturer… Il est plutôt dans l’intérêt du village de réagir ! »
Ils arrivèrent devant un long bâtiment bas, qui occupait la totalité de l’esplanade ; Niko s’arrêta devant la porte de sa cellule, entra ; Leiko l’entendit s’affairer, et il ressortit bientôt, paré d’une nouvelle tenue et débarrassé de son livre.
Sans se concerter, tous deux prirent la direction de l’esplanade supérieure, qui abritait les fonctions les plus importantes du temple. Niko reprit, ravi de pouvoir démontrer sa connaissance toute neuve des rapports politico-militaires.
« Je disais que c’était une bonne chose que Tama réagisse…
- Avant qu’il ne soit trop tard », le coupa t’elle. Niko secoua la tête :
« A t’entendre, on croirait à la fin du monde ! Ca ne peut pas être si grave !
- Critique. A l’extérieur de nos frontières, il n’y a jamais eu autant de forces indépendantes spontanées en quête de démons. Les plus intelligents se regroupent et forment un village une fois le démon capturé et enfermé dans un hôte humain... Le nombre d’organisations qui naissent de cette recherche et se consolident devient dramatique. »
Niko soupira.
« Bon, si comme tu le dis le réseau des forces est aussi éclaté, comment le Conseil pourrait dominer l’ensemble du monde ninja ? Même avec l’appui d’un bijuu, nous n’aurons jamais l’avantage, puisque tant d’autres en possède un ! Tout ce qu’on risque de faire, c’est d’activer une alliance inattendue entre deux villages ! »
Niko arborait un air interrogateur. La Gardienne se plongea dans l’observation d’une sculpture grotesque en bordure de toit, tandis qu’elle répondait :
« La configuration des pays et des forces militaires est arrivée à un point critique. Il y a trop de pays, trop de groupuscules indépendants qui minent la guerre et l’empêchent de fonctionner correctement. C’est une information de première main Niko, mais nous avons toutes les raisons de croire que les pays les plus organisés et les plus influents vont conclure un traité -secret- pour saper les plus petits et rester seuls en lice, et ceci que la guerre continue… ou s’éteigne. Et Tama, de par sa situation de faiblesse actuelle, est exclue du traité qui se prépare. C’est un pur miracle pour nous d’avoir obtenu cette information ! C’est pourquoi le Conseil a choisi de frapper aux portes de Konoha, qui est en passe de devenir le leader des villages cachés ninjas depuis que leur nouvel Hokage a pris les rênes et accompli quelques coups d’éclats... Se rappeler à leur bon souvenir… Si Konoha est impressionnée, pas besoin de plus pour affermir la position de Tama et participer à l’élaboration du traité. »
Niko hasarda :
« Balancer un bijuu, c’est un bon moyen de rappeler la suprématie de Tama sur les démons… Konoha n’en a pas, et l’effet de surprise jouera pour nous. Les arguments m’ont l’air bons… » Leiko secoua la tête :
« Pas le plan qui m’a été présenté. Il n’est pas viable. Je ne pourrais jamais maîtriser un bijuu toute seule. J’ai échoué avec le Trois Queues lorsque Akane-san a définitivement sombrée en lui… C’est tout bonnement impossible ! Nous ne sommes plus assez nombreux ! »
Niko fronça les sourcils. Akane KUBOTA, la dernière jinchuuriki du démon à 3 queues de Tama… Sujet tabou. J’étais trop jeune. Avec toute l’assurance de celui qui n’a pas connu, il pensa à part lui : Cette histoire la mine. Pourtant aucun Amado n’aurait pu réussir dans de telles conditions. Leiko devrait affirmer sa position au lieu d’afficher de tels doutes. C’est ce que je ferais si je dirigeais le clan.
Il se planta devant elle :
« Nee-chan… La jinchuuriki savait qu’elle devait résister au démon par elle-même, car ta propre influence était limitée ! »
Il inspira, comme pour se donner du courage :
« Tes réserves sur le plan du Conseil ne viennent-ils pas du fait que tu doutes de toi depuis la mort de la jinchuuriki ? »
Pour tout autre, Leiko Amado, chef du clan Amado, aurait certainement explosé la tête de l’impudent tenant de tels propos. Mais l’impudent en question était son jeune frère, irréfléchi, enthousiaste, et seul autre membre vivant de la famille -qu’elle se devait de préserver, cela va sans dire. Bien qu’elle n’en laisse rien paraître, Leiko fut stupéfaite. Elle ne s’était pas rendue compte à quel point ce séjour au temple était en train de changer son frère. Il prend de l’assurance, pensa t’elle. Sans doute est-ce un mieux. Même si ça ne signifie plus grand-chose, lui aussi sera Gardien le jour de ces 16 ans, et responsable devant le village.
Mais Niko était reparti sur sa lancée :
« Après tout, le Conseil connaît la portée réduite de notre champ d’action… Il a pu s’en rendre compte avec la perte du Sanbi… Il adaptera sa demande en conséquence ! »
De mieux en mieux. Elle plissa les yeux devant tant de confiance aveugle en leurs instances… et surtout devant tant d’empressement à tirer ses conclusions d’une affaire qu’elle n’avait pas fini d’exposer.
« Niko, il s’agit d’invoquer Ky-uu-bi ! » Elle avait détaché les dernières syllabes, d’un ton doucereux, histoire de pénétrer plus vite son enthousiasme et son petit crâne vide. Les mots acquirent une résonance particulière dans le préau qu’ils longeaient.
« K… Kyuubi… ». Sonné par ce nom évoquant des histoires d’anciens combattants et des parchemins déjà vieux du temps de leurs grands-parents, Niko bredouilla : « Mais… Et le Sanbi…
- A disparu dans les profondeurs de la Mer septentrionale, et il n’est pas assez bête pour retourner dans sa propre dimension, où nous pourrions de nouveau l’ennuyer ! »
Soudainement, Leiko perdit son calme. Il ne se rend pas compte.
« Youmas ! Bijuus ! Il y a des réalités derrière ces concepts ! Et ces réalités possèdent une personnalité, une mémoire, qui se souviendra de toi si tu croises leur route, et un instinct de nuisance qui passe par la case bête pensante et consciente ! Et Kyuubi est de loin la plus terrifiante ! Et incontrôlable ! Particulièrement quand il ne reste plus que deux personnes qui peuvent en saisir toute l’ampleur ! Enfin UNE quand je constate une telle inconscience de ta part !
- Je le sais, Nee-chan ! » Sa voix s’étrangla. « Je les sens, parfois, de façon fugace, puis la sensation disparaît... Mais le goût que ça me laisse après le frôlement… »
Une grimace, puis soudain Niko leva la tête avec conviction, les yeux brillants de colère :
« Je ne sais peut-être pas autant de choses que toi, Leiko, mais je reste un Amado, avec tout ce que ça implique !
- Je sais que tu possèdes ces capacités ! Mais le statut du clan a changé ! On ne peut plus se permettre de perdre bêtement des membres ! Alors juger ma position comme un excès de prudence ne fait que renforcer mon opinion que tu es irréfléchi !
- Que tu le veuilles ou non, je devrais un jour faire mes preuves ! Et notre valeur aux yeux du village, réside encore dans la valeur du clan Amado !
- résidait, tu veux dire ! »
Leiko fut surprise de voir son frère pâlir comme sous l’effet d’une gifle. Cette phrase eût le mérite de les calmer instantanément. Elle inspira profondément, et reprit d’une voix raisonnable :
« Tu feras tes preuves Niko, tu en auras mille fois l’occasion si tu es assez astucieux pour survivre. La mission dont je te parle n’est pour l’instant pas encore décidée. Mon avis, mon accord sont indispensables. Or la mission est mal ficelée, mais au moins ne requiert-elle pas ta participation. Mon seul souci en l’état, est de ne pas t’inclure involontairement à la mission lorsque je vais en souligner le taux d’échec probable. Tu risquerais d’en faire partie toi aussi, sans pour autant en changer l’issue. C’est donc inacceptable ! »
Il haussa les épaules.
« Pourquoi cherches-tu tant à me protéger ?
- Si nous mourrons tous les deux, il n’y aura plus de Gardiens à Tama », dit-elle d’un ton tranquille.
La pirouette était bonne, mais ce n’était pas la raison principale.Au vu du tour que prenait cette conversation, elle jugea qu’il valait mieux ne pas en dire plus pour l’instant. Considérant la brièveté de leur rencontre ces trois dernières années, c’était un pléonasme de dire qu’elle ne savait plus ce qui se passait dans la tête de son frère. Il fallait absolument qu’elle parle en tête à tête à son ancien maître. Niko boudera, mais cette mission nous envoie au casse-pipe et il n’est pas assez mûr pour s’en rendre compte. C’était sans compter l’opiniâtreté de son frère :
« S’il y a des changements à apporter à cette mission, tu comptes quoiqu’il arrive m’en écarter ? »
Elle soupira.
« Je te promets de mettre en balance les intérêts du clan et de la mission et de prendre la décision la plus profitable aux deux. Les objectifs de cette mission la classent en rang 9. C’est pour cela que je souhaite revoir cette mission de A à Z ; pour qu’elle réussisse, et rejaillisse sur le village. Pas pour écarter un genin bouillant du Chemin de sa Réalisation. »
Niko rougit, de honte ou de colère ? Mais sa sœur savait manier la parole. Niko l’avait vu, l’air de rien, en manipuler des plus vieux et coriaces qu’elle.
« Même si pour cela je dois y participer ?
- Même dans ce cas » prononça t’elle solennellement.
Niko se rassura. Elle avait utilisé la chief voice comme il l’appelait à part lui. S’il était écarté, ce serait la décision du chef de famille, pas celle de la grande sœur surprotectrice comme il l’avait craint un moment. Pour la même raison il pourrait être amené à participer au combat. Une vraie mission, en utilisant vraiment les capacités Amado !
La tension était retombée. Ils avaient retrouvé l’entente tacite, comme cela avait toujours été. Ce n’est que ses derniers temps maintenant qu’ils ne se comprenaient plus aussi bien qu’auparavant. Il se sentit même stupide d’avoir échangé des mots avec elle.
Comme mue par une impulsion, Leiko lui saisit le bras :
« Niko, reste prudent dans tes choix. Tu n’as rien à prouver ; Il convient que je fasse les missions les plus dangereuses ou que je les refuse… N’agis pas sans mon consentement ! »
Le ton était sans appel, mais teinté d’un peu d’angoisse, que lui seul pouvait remarquer.
« Bien bien, voilà des paroles qu’on est en droit d’attendre d’un chef de clan si précieux à la survie du village… »
Le frère et la sœur restèrent interdits devant l’entrée du salon des invités, qu’ils venaient d’atteindre. Théoriquement elle aurait du y patienter pendant que Niko allait chercher leur vieux Maître mais il s’y trouvait déjà, en compagnie du Kuukikage. Il l’avait précédé.
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NOTES
Les protagonistes Niko et Leiko : aucune signification en japonais, surtout Niko... C'est au départ un délire qui est resté :D
Les deux figurants Hanamichi et Mitsui : Copitage du manga Slam Dunk XD. Pour les prochains chapitres je fais des efforts et je ne copite plus de manière aussi flagrante.
Et pis ben.. l'épreuve du feu des commentaires !