Bob Dylan

Yo, ça pulse dans tes oreilles mec. Tu as un son qui te fait vibrer, où qui t'arrache les oreilles, parle-nous en ici, on est tout ouïe.

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Ancilla
Jounin
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Bob Dylan

Message par Ancilla »

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L’œuvre discographique de Dylan est tentaculaire, et il s’agit de procéder par période s’il on veut s’y retrouver...

Le Dylan folkeux.
Pour moi, l’un des plus grands quiproquos de la musique contemporaine. Dylan n’a jamais été un « protest singer ». Il n’a jamais été politisé. Dylan a toujours raisonné en son nom propre est n’a jamais eu l’esprit « collectif ». Il ne sait jamais senti responsable de qui que ce soit et toute son énergie a toujours été tourné vers sa musique. Faire de lui un porte-parole était absolument ridicule. Son comportement a toujours été celui d’un individualiste.
Ses premières chansons ne sont donc pas des chansons « politiques ». Ce sont des chansons humanistes. « The lonesome death of hattie Caroll » est le regard d’un homme sur un fait divers « raciste ». Et toutes les chansons de l’époque ne sont que des réactions d’un homme épris de liberté face au quotidien. Une exception cependant : « The Times They Are A-Changin'», chanson politique et « premier degré » qui a grandement contribué au malentendu.
Le problème est aussi venu de Joan Baez, artiste engagée au sens le plus naïf du terme, et qui a cru bon de ramener sa voix d’angelot sur cet hymne remarquable qu’est « Blowin in the wind ».
Ce Dylan-là n’est musicalement pas le Dylan que j’aime. D’abord parce qu’il n’est pas un guitariste hors-pair, ensuite parce que sa voix se cherche pas mal à l’époque…

Le Dylan seul au monde
La trilogie électrique est le sommet de la carrière de Dylan et le sommet du rock tout court. Dylan est alors sur un terrain qu’il est le seul à explorer. Les textes sont AHURISSANTS, profond, poétiques…A ce niveau, il enterre littéralement la concurrence. Il invente l’anti chanson d’amour, fait preuve d’une cruauté et d’une assurance que seul les génies peuvent se permettre. Il n’y a pas une chanson de ces trois disques (Bringing it all back home, Highway 61 et Blonde on Blonde) qui soit mauvaise. Sa voix y est tantôt pleine de morve, tantôt désespérée…Et cette tournée 66 est magistrale. Dylan est conspué dans le monde entier pour avoir le malheur ( ?) de s’entourer du Band. Il ne se démonte pas, il demande à son groupe de jouer « fuckin’ loud » et regarde le monde bien droit dans les yeux, persuadé que l’histoire lui donnera raison. Il ne se trompait pas et il n’y a pas une note de cette tournée (du moins tout ce que l’on peut trouver en boots) qui ne m’ait échappé. Jamais un homme n’a chanté comme il chantait à l’époque, sans contrôle aucun, sans la moindre technique, sans le moindre souci du résultat. Il chantait comme les mots lui venaient et « The Band » se démerdait derrière. Comme on dit, après ça, plus rien ne sera comme avant.

Le Dylan qui veut perdre Dylan
Accident de moto, le Zim sur les genoux et surtout fatigué de cette image de prophète. Il sort son premier disque rempli de bondieuseries (mais il fallait lire entre les lignes pour le deviner) mais manque de bol, le mec a tellement de talent qu’il est réussi (John Wesley Harding). Pas grave, il se met à la country avec son ami Johnny Cash, et vu que la presse en dit toujours du bien (malgré un chant à la limite du ridicule) il balance une horreur infâme (Self Portrait) pour qu’on lui fiche définitivement la paix.
Pour ceux qui douteraient de l’aspect « contrôlé » de sa chute artistique, écoutez « The Basement Tapes » enregistré avec le Band durant cette période qui nous montre un Dylan plus en forme que jamais.

Un génie ne meurt jamais
Au milieu des années 70, Dylan retrouve goût en son génie. Il rappelle ses potes du Band et enregistre un disque remarquable, malheureusement largement sous-estimé (« Planet Waves »). Le Zim renoue ici avec « les chansons venues d’ailleurs » grâce à un chant funèbre (« Dirge ») dont il est impossible de se lasser. Il repart ensuite sur les routes et l’on découvre un Dylan rockeur pur et dur, la voix rageuse, les guitares (toujours celle du Band) acérées et le phrasé énergique…La tournée déclenche un véritable vent de folie aux USA et marque (pour moi) un tournant dans sa carrière : il assume (enfin) son glorieux passé et n’a plus peur de s’y confronter. Il sait qu’il ne sera jamais plus au niveau de « Blonde » mais il sait aussi qu’il est capable de sortir de bons disques. Je crois que pendant quelques années (début 70), Dylan n’avait pas le courage de sortir des disques seulement « bons ». Il voulait plus mais c’est finalement aperçu que sa quête était veine…Le voilà donc revenu en 1975 à une humilité qui lui permettra de sortir l’un de ses plus beaux joyaux : « Blood on the tracks ».
A l’époque, Dylan s’est fait larguer par Sara (sa « Sad eyed lady »), lassée de ses infidélités répétées. Le Zim a le cœur en morceau et vide son sac dans des chansons qui retrouvent tout à coup leur esprit « folk ». Les premières versions de ces chansons, en mode guitare/voix sont superbes (voir le boots « Blood on the tape ») mais Dylan ré-enregistre finalement une bonne moitié du disque. On parle du « Blonde on Blonde » des années 70 pour un disque très personnel et très inspiré.

Le Dylan bohème
Revigoré par le succès de « Blood on the tracks », Dylan regarde à nouveau devant lui. Il laisse traîner ses bouclettes du côté du Greenwich Village où il retrouve quelques amis. Il nourrit alors un projet insensé : partir avec quelques amis (Roger McGuinn, Joni Mitchell, Joan Baez…) en tournée dans tout le pays. Une tournée qui n’aurait cependant aucune logistique pré-établie. La troupe de cirque ira ainsi de gymnase en gymnase, sans grande publicité, comme une troupe de bohémien. Dylan en profite pour ré-arranger ses plus grands succès, ce qui deviendra bientôt son sport favori (mais qui déconcertera bien des fans). Cela donnera notamment une version apocalyptique de « Hard Rain ».
Malheureusement, le Zim voulait faire un film de la tournée, et ce dernier coût très cher. Pour couvrir les frais, la « Rolling Thunder » rentre dans un schéma plus « classique » et s’installe notamment au « Madison Square Garden ».
Mais le souffle créateur ne retombe pas et Dylan s’attèle ensuite à l’enregistrement de « Desire », son meilleur disque de la décennie selon moi. Le violon de Scarlett Rivera fait merveille, et le Dylan lui offre ses plus belles mélodies. Dommage que la production ne soit pas à la hauteur des chansons. Cela me permet tout de même d’aborder un point important : Dylan n’a jamais apporté un soin particulier aux productions. Il n’a jamais refait 70 fois une prise pour enregistrer une chanson. Les amateurs de sons « polis » peuvent ainsi être rebuté par le Zim. Mais la musique est selon moi autant fait pour caresser l’oreille que pour l’interpeller. Dylan interpelle.

Dylan e(s)t Dieu
Les plus fanatiques disent que Dylan a rencontré dieu en se regardant dans un miroir…Pour ma part, je n’explique pas trop cette soudaine conversion. On savait que le Zim était attiré par le gospel depuis (« Street Legal ») mais les textes deviennent tout à coup plus explicite. Dylan se met à prier sur scène et repart dans une tournée mondiale qu’il voudrait sûrement « évangélique ». Je crois qu’il était assez paumé à l’époque et que ses différentes addictions (héroïne, vodka) l’ont toujours un peu poursuivi. Bref, Dylan écrit à Dieu trois album, un bon (« Slow Train Coming »), un mauvais (« Saved ») et un moyen (« Shot of love »). Le désamour christique est finalement consommé avec « Infidels », grand retour du Zim que l’on aime, tout en voix et en guitare (celle de Knopfler). Mais le pire est devant nous…

Ah, les années 80...
Quasi impossible d’y échapper : les affres des années 80. Dylan plongera comme tout le monde, enchaînant sans sourciller trois albums infâmes : « Empire Burlesque », « Knocked out loaded » et « Down in the groove ». Dylan y apparaît sans inspiration mais surtout sans énergie, sans souffle. Tous ces disques sont plus ou moins des chutes de « Infidels », le genre de trucs que l’on réédite généralement sous un joli packaging avec une étiquette genre « Bob Dylan, demo et rarities ».
Pour sauver les meubles, le Zim s’entoure tantôt du Grateful Dead, tantôt de Tom Petty, pour limiter la casse en live (et il s’en sort pas mal du tout, surtout avec les dernier cité).
Mais pourquoi de tels errements discographiques ? L’héroïne et la vodka, d’abord. Des problèmes de voix et de santé ensuite. Et le sentiment de n’avoir plus rien à dire. Sur cette période de sa vie, il s’agit de lire ses remarquables « Chroniques » que Dylan évoque très longuement et très dignement.
Bref, un soir, le Zim dîne chez Bono . Ce dernier l’entremet auprès de Daniel Lanois, pour que celui-ci nous remette la légende sur patte (Dylan ne peut plus jouer de guitares à l’époque). Dany séduit Zimy. Ce dernier recommence donc à écrire des chansons, dont quelques chef d’œuvre dont il a le secret (« Most of the time », « Disease of conceit »). Dylan se résout également à « chanter autrement », de manière plus posé, plus maîtrisé. Le résultat est de toute beauté.
Arrive alors les Wilburys, récréation sympathique pour Dylan et ses auditeurs.
Au début des années 90, il revient à ses premiers amours : les standards « folk », ceux par qui tout à commencer. Deux disques habités (« Good as i been to you » et « World Gone Wrong »), d’une pudeur et d’un respect remarquable. Entre les deux, Columbia convoque quelques un de ses amis pour fêter ses 30 ans de carrière. Pas forcément friand de ce genre d’honneur, le Zim massacre sa prestation. Mais la reprise (en chœur) de « My Back Pages » est un exemple d’hommage réussi. Alors, fin du bal ?

Un génie ne meurt jamais (2)
On l’annonce à l’hôpital presque mort. Mais le Zim a encore quelque chose à dire et quelques râles à poussé. Entre deux tournées (il a entamé son « Never Ending Tour » en 1989), il enregistre « Time Out Of Mind », chef d’œuvre Dylanien, que je classe facile dans son top 5. Dylan chante d’une voix crépusculaire et le son caverneux du disque lui va à merveille. Il y discute de mort avec un aplomb qui en dit long sur la suite de sa carrière, une fois que la faucheuse sera venu le chercher. Il racontera aux anges, comment Woody Guthrie lui a mis une guitare entre les mains et un harmonica autour du coup. Il racontera ce qu’il a fait de cet héritage et les anges le conduiront aussitôt auprès de Woody pour que ce dernier le félicite. Voilà ce que je cherche Dylan : être fidèle à la musique qu’il aime. Il l’a été puisque ceux qui n’ont pas son âge, l’on découvert grâce à lui.
Mais il n’est pas encore mort et sort le 11 septembre 2001 (si, si..) « Love and Theft » recueil de boogy poisseux et de folk bastringue (dixit Rock’n Folk »). Le disque est encensé par la critique (qui y voit son meilleur album depuis BOTT). Ce n’est pas mon avis et je lui préfère haut la main « Time Out Of Mind ».
Cinq ans. Il aura fallu attendre cinq ans pour avoir des nouvelles discographiques du Zim. A priori, le monde entier était impatient : numéro 1 aux USA, des critiques dithyrambiques dans le monde entier…Dylan, 66 ans, est intouchable. Sa voix est en-dehors du temps. Ici, une moitié du disque est remarquable, l’autre un peu plus quelconque. Mais on s’en fout. Rien que pour « Ain’t Talkin », on le remercie d’être encore debout.


Pour aider les curieux qui voudraient découvrir le Zim, je vais tenter une classification des albums du Zim.

Les indispensables : « Freewheelin’ », « Bringing it all back home », « Highway 61 », « Blonde on Blonde », « John Wesley Harding », « Blood on the tracks », « Desire », « Oh Mercy », « Time out of mind », “Modern Times”

Les bons albums : “Bob Dylan”, “Times are a-changin”, “Another side”, “Planet Waves”, “Street Legal”, “Love and Theft” et les deux albums de reprise folk.

Les albums moyens :
“Nashville Skyline”, “New Morning”, “Slow Train Coming”, “Shot of Love”, “Under The Red Sky”

Le reste est mauvais.

Côté live : le Live 66 est INDISPENSABLE. Toute la « Bootlegs Series » en fait (seul moyen, par exemple, de connaître cette perle de « Blind Willie McTell »).
Sinon le live « Before The flood » avec The Band est sympa et l’Unplugged est réussi.


Voilà. J’espère ne pas avoir été trop chiant, et avoir donné envie à ceux qui ne connaissent pas cet artiste immense de le découvrir.
DesLife
Jounin
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Inscription : lun. 12 févr. 2007, 20:40

Message par DesLife »

Je peux t'assurer que ton topic n'a rien de chiant, j'ai dévoré ton message, et ça fait plaisir de voir quelqu'un d'aussi passioné. :grin:
Personellement je ne connais pas trop Bob Dylan, tout ce que je peux dire de lui c'est que c'est un Dieu, et que voilà, si j'étais pas un gros flemmard, j'irai chercher ses chansons...

Superbe présentation, vrailent ;-)
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shinzo
Gennin
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Message par shinzo »

Un génie. thx for topic Ancilla.

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Pas trop le temps de faire large.


Blowing in the wind : http://www.deezer.com/track/1375

Knocking on heaven's door : http://www.deezer.com/track/2937

Mr tambourine man : http://www.youtube.com/watch?v=Ia06DeCx ... re=related

etc...

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PS/ D'ailleurs j'ai eu la chance de le voir sur scène, un must.

Pour les fans, je conseil hardament : I'm Not There de Todd Haynes, sortie : 05 Décembre 2007

synopsis : Un voyage à travers les âges de la vie de Bob Dylan. Six acteurs incarnent Dylan tel un kaléïdoscope de personnages changeants : poète, prophète, hors-la-loi, imposteur, comédien, martyr et "Born Again". Ils participent tous à l'esquisse d'un portrait de cette icône américaine définitivement insaisissable.

ainsi que le documentaire de Scorsese ( 8-) ) : No Direction Home: Bob Dylan

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edit:


sinon il y a aussi :

"Album Bob Dylan 1955-1966" Editions Fayard qui reste intéressant mais onéreux.
Dernière modification par shinzo le ven. 03 avr. 2009, 17:03, modifié 3 fois.
coup de cœur : "Persepolis" de Marjane Satrapi, Vincent Paronnaud
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pyjama
Jounin
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Inscription : mar. 02 août 2005, 18:37

Message par pyjama »

J'adore Bob Dylan. Beaucoup beaucoup.

Même que je me suis fait une super cassette Bobby pour mettre dans ma voiture avec toutes les chansons que je lui préfère et que je viens quasi de l'écouter en boucle pendant ces deux dernières semaines. D'ailleurs, afin d'assurer leur survie mentale mes covoitureurs ont été forcés de devenir des fans.

Bref, j'aime. Je développerais bien le pourquoi du comment, mais là il est tard et j'ai la flemme.
J'y reviendrais sans doute, surtout que j'ai pas lu en entier le post d'Ancilla.

LA chanson du monsieur que je pourrais écouter en boucle pendant toussa de temps, c'est certainement Hurricane.
C'est dingue à quel point j'adore cette chanson. Je ne sais même pas vraiment pourquoi celle là particulièrement, j'ai même connu le sens des paroles pourtant super important qu'après en être tombée amoureuse.
La mélodie de cette chanson est tout simplement énorme. Et la voix de Dylan va tellement bien dessus... Je kiffe quoi.

Et y'en a plein d'autre, je developperais bientôt plus. Si si, ca vous interesse.

Encore une fois, félicitation pour la création du topic Ancilla!
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