Entièrement d'accord avec toi en ce qui concerne le premier article que je qualifierai de... sommaire
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Pour le copier/collé... je vais y songer
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En fait ça ne m'était même pas venu à l'esprit .
Edit : Du coup, je vous les copie
et en intégralité
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Edogawa Ranpo, maître du polar japonais
Ce film de Barbet Schroeder constitue la première adaptation cinématographique non japonaise d'un roman d'Edogawa Ranpo. Né en 1894 à Nabari, Hirai Taro choisit comme nom de plume Edogawa Rampo. Ce qui signifie "flânerie au bord des rives du fleuve Edo", mais phonétiquement évoque Edgar Allan Poe qui fut son auteur favori. Considéré comme le père du roman policier japonais, Edogawa Ranpo a écrit une trentaine de romans et de nombreuses nouvelles. L'exercice de la déduction policière s'y frotte au fantastique et au surnaturel. Rampo cultive un goût pour les histoires monstrueuses et macabres dont certaines ont inspiré des cinéastes dont l'univers était proche des visions de l'écrivain. Le dérèglement psychologique, la soumission sexuelle, le naufrage de la raison sous les coups de pulsions irrépressibles sont au coeur de son oeuvre. Les thèmes abordés lui vaudront parfois des ennuis avec la censure.
Ces romans ont fait l'objet d'adaptation pour le cinéma dès les années 1920. Parmi les transpositions les plus réussies, on compte notamment Le Lézard noir, de Kinju Fukasaku (1968). C'est un film aux décors et à l'ambiance pop qui met en scène un voleur joué par un transsexuel. Yukio Mishima, qui avait signé l'adaptation pour le théâtre, y fait une apparition en statue vivante. Dans La Bête aveugle, de Yasuzo Masumura (1969), un sculpteur aveugle séquestre une jeune femme mannequin de mode pour réaliser son chef-d'oeuvre. C'est un huis clos angoissant qui débouche sur une intense relation sadomasochiste culminant par des démembrements réciproques. On peut signaler aussi, la même année, Horrors of Malformed Men, de l'inventif et trop méconnu Teruo Ishii où l'imagerie horrifique est proche d'un certain surréalisme. Plus récemment, en 1999, Gemini, de Shunya Tsukamoto, sera aussi une adaptation d'Edogawa Ranpo. Il faut signaler, en 1994, The Mystery of Rampo, de Rintaro Mayuzumi et Kazuyoshi Okiyama. L'écrivain, qui est l'un des personnages du film, y rencontre sa créature, le détective Kogoro Akeshi.
Jean-François Rauger
"Inju, la bête dans l'ombre" : un thriller déroutant
Thriller peut-être, mais pimenté d'ingrédients sadomasochistes et des giclements générés par les coups de sabre du chambara. Ou bien réflexion sur le cinéma, la confusion entre réalité et fiction, orchestrée par de ludiques mises en abîme. Le nouveau film de Barbet Schroeder est tout cela à la fois, un divertissement voué au trompe-l'oeil.
On y entre par un moment magistral, où la tête d'une geisha préparant du thé roule à terre en projetant du sang sur les murs, bientôt suivie par celle de son amoureux décapité par un samouraï masqué. Le souffle coupé par la beauté de la séquence et par sa violence baroque, nous sommes ainsi initiés d'emblée à l'univers de l'écrivain Shundei Oe, auteur de best-sellers japonais. Un romancier adulé, maître dans l'art de la manipulation, qui se cache des médias, et jubile d'écrire des histoires où le mal triomphe, de décrire des situations sordides, des intrigues baignant dans le sexe et la terreur dont les héros sont des pervers.
Figurez-vous que, fasciné par l'oeuvre de cet écrivain amoral, un dénommé Alex Fayard (Benoît Magimel) se pique d'écrire des romans à la manière de Shundei Oe, et, usurpateur inconscient, de venir faire le fanfaron au Japon en dépit des mystérieux avertissements qui lui ont été adressés. Le bridé plagié va lui mener la vie dure, être suspecté d'être lui-même un serial-killer. Ensorcelé par une belle geisha nommée Tamao qui lui a confié sa détresse, Alex Fayard entreprend de délivrer la belle des tourments physiques et moraux que lui inflige un ancien amant, qui pourrait bien être Shundei Oe lui-même. Quoique...
PERVERSITÉ SEXUELLE
Délassant, ce film n'en finit pas de dérouter le spectateur, assis entre deux chaises. On s'y délecte et s'insurge à la fois d'être cahotés dans un maelström de clichés, de situations de roman à deux sous et de répliques naïves, tour à tour furieux d'être pris pour un imbécile et sidéré par la dextérité avec laquelle le récit s'amuse à brouiller les cartes. Schroeder y mélange les indices qui nous permettraient de savoir s'il nous conte le périple d'Alex, s'il nous promène dans ses fantasmes, si la duplice Tamao est victime ou complice de son tortionnaire, et quelle est sa propre démarche, si elle se situe du côté du réel ou de la fiction...
Tout, dans le film, est à double sens. Le titre, Inju, qui désigne la bête qui sommeille en chacun, à la fois endormie et prête à bondir. Le romancier japonais, Shundei Oe, qui est l'illustration fictive d'un véritable auteur, Edogawa Ranpo, considéré comme l'inventeur de la littérature policière japonaise, auteur d'intrigues à suspense plongeant dans les méandres de la perversité sexuelle. Le film est d'ailleurs adapté d'un roman de Ranpo nommé... Inju. Et le personnage mythique de la geisha, dont il est dit que sa raison d'être est de "plonger celui qui la regarde dans un monde de fiction".
La facture du film est superbe, peaufinée de façon à faire naître, dit l'auteur, "une splendeur de labyrinthe", et suffisamment documentée pour que tout ce qui touche au quartier de Gion, aux costumes et aux gestes de la manipulatrice, soit culturellement inattaquable. Scénario à chausse-trapes, Inju convoque une série d'avatars : Fayard l'innocent comme double de Shundei Oe le ténébreux, Tamao comme courtisane et courtisée, douce aimante et adepte du bondage, femme espionnée et femme piège... pour ne pas en dire plus.
Ce qui se savoure un temps avec le recul de qui n'est pas dupe, comme si l'on suivait les aventures obscures d'un Tintin à Kyoto, se clôt par une cascade de rebondissements qu'il faut accepter comme une délicieuse malice, à condition d'être amateur de feuilletons populaires, filmés avec maestria.
Film français de Barbet Schroeder avec Benoît Magimel, Lika Minamoto. (1 h 45.)
Jean-Luc Douin