Shinfei a écrit :lebibou a écrit :
Parce que Grant Morisson est à mon sens un des meilleurs scénaristes de comics (il suffit de lire le #5 de Animal Man pour prendre conscience de l'importance du bonhomme) et que j'adore sa vision du Batman.
Pourtant, j'accroche pas tant que ça à RIP. Donc je vais essayer de le relire en bouquin plutôt qu'en scan. Peut-être que ça fera comme pour Dark Knight Return et que le papier me fera beaucoup plus accroché.
Mouais Morisson m'enerve. Il en fait toujours qu'à sa tête quitte à changer la personnalité d'un perso pour que ça colle avec son scenar, au détriment de la cohérence.
D'ailleurs pour l'instant son Bruce Wayne Return est assez chiant.
Ouai, enfin la personnalité de Batman, c'est un truc qui varie complètement d'un auteur à l'autre. J'ai jamais était gran fan du Batman des dernières années (un Batman complètement paranoiaque, à la limite du Big Brother) ni de celui de Miller que je n'aime pas du tout.
Le Batman a sa personnalité qui a évolué au fil des années, au gré des auteurs et des styles. Tu prends le Batman des années 60, tu te retrouves avec des trucs quand même assez hallucinant.
Et son run sur Bruce Wayne Return est tout simplement monstrueux, à l'opposé complet de son Batman RIP dans la thématique.
Alors que dans RIP, on arrivait en milieu de l'histoire avec un Batman sans Bruce Wayne (le Batman de Zur en Ahrrrr) qui n'est qu'un Batman complètement timbré, à l'opposé du bon sens avec ces couleurs flashy qu'il justifie par "
The color shows total confidence"qui poussent au paroxysme le concept de Miller qui expliquait que le cerclage jaune de son insigne servait de cible. Et on se rendait compte que le Batman ne pouvait exister sans Bruce Wayne.
Dans Bruce Wayne Return, c'est le contraire. On suit un Bruce Wayne sans Batman. Et on se rend compte que le bonhomme réussit.
Et au départ, alors qu'on partait avec un pitch assez fun : "Batman botte cul au cours de l'histoire" on arrive à quelque chose avec une importance capital, où Batman va devoir se retrouver à sauver le DC universe.
C'est aussi une reconstruction complète du Batman et de Gotham par Bruce Wayne.
Dans Batman RIP, à un moment les gargouilles (!) disent :
People make the city and the city makes people et Batman of Zur En Arrh enchaine sur : "
Birnley, Newtown, Jerold -- The streets where Batman was born. A checkboard, a blueprint, a machine designed to make Batman.
Ensuite, dans Bruce Wayne Return, deuxième épisode, on découvre que Bruce Wayne tient aussi le rôle de l'archiviste à Vanishing Point, un endroit où sont indiqué toutes les lignes temporels de tous les univers.
Et qu'ils s'arrêtent sur la mort d'Annie, qui maudira toutes la lignée des Waynes.
La mort des parents de Bruce Wayne n'ont pas eu lieu par hasard. Et on se demande qui d'autre que le Batman de Grant Morrison, le Batman qui pensent à tout, aurait pu mettre ça sur pied.
Batman en gros est en train de recréer complètement toute son histoire, pour créer un Batman parfait.
(Et ne parlons pas du coup de crayon magnifique de Irving, mélange de 2D et 3D, d'aquarelle, d'une beauté et à mourir. Et Anna, croisement entre Selina et Zatanna).
À côté de ça, le run de Morrison est un vrai plaisir tant au premier degré où Batman botte le cul du Black Glove avec aisance, mais aussi à tous les autres degré.
Morrison l'a clairement dit, pour lui, toute l'histoire du Batman a réellement eu lieu d'une façon ou d'une autre. Par exemple, il évacue le Batman des débuts, où il est armé d'un pistolet, en le transférant sur un double de Batman. Tous les délires de Batman de la période de 50's/60's où Batman est confronté à des menaces extraterrestres, ce sont des délires lié à une isolation absolu.
Tout a eu lieu.
J'adore comment il justifie le style Hard-boiled des monologues intérieur que l'on retrouve dans la plupart des oeuvres sur le Batman (Year One de Miller en tête) par le fait qu'il compile toutes ces aventures dans un bouquin qui est ensuite lu par Alfred et il s'applique à les rendre intéressante. Et c'est comme ça pour tout. On a le Batman de la vieille époque bardé de gadget qui pousse le vice à avoir sa fusée (!) dans son jardin.
En plus tout au long du run, et c'est surtout visible dans le Batman RIP, Morrison joue avec les fans. Il seme des pistes, tellement de piste, de niveau d'interprétation qu'on en vient à souffrir d'apophénie (comme Batman d'une certaine façon) en cherchant des liens entre tous les évènements, tous les indices qui sont glissé tout au long du run.
Par exemple, les couleurs prédominantes sont le rouge et le noir, référence au plateau d'un roulette. Mais à un moment, quand Batman est enfermé dans un cercueil, la couleur prédominante devient le vert. Et quel est le seul personnage qui parle avec une typo en vert. Le Joker. Et 3 pages plus loin, on a Hurt qui dit :
Air inside the coffin will run out in exactly thirty minutes. His brain will begin to die seconds after that, whereupon he will be raised up like a drooling lazarus. et à un autre personnage d'enchainer :
Permanently brain damaged ! Like the way I like them. We can disfigure him to look like his worst enemy.
Et là, dans le cerveau ça fait Tilt. Est-ce que le Joker est une version complètement biaisé et détruite du Batman, qui aurait perdu contre le Black Glove ?
La question se pose d'autant plus avec un plan sur le sourire d'un Batman empoisonné par la toxine du Joker quelques pages avant, où son sourire ressemble étrangement à celui du Joker.
Autre exemple : Batman qui a toujours craint un adversaire qui le connaitrait depuis toujours et qui connaîtrait tout sur lui. Qui d'autre que le lecteur le connait aussi bien ?
La question se pose d'autant plus quand on a un plan sur les lèvres de Jezebel, dont on a l'impression qu'elle s'addresse directement au lecteur et qui dit :
What if the Black Glove is You ?
Et c'est comme ça partout, presque tout le temps. Morrison seme tellement de piste, de question, qu'on vient chacun avec ces réponses. Le rouge symbolise le bien, le noir, le mal. Mais Batman est tout de noir vêtu.
Le diable, qu'est-ce qui c'est sinon quelqu'une qui sort de l'ombre pour aller punir les mauvais ? Ça vous rappelle quelqu'un ?
Mais on peut toujours lire ça comme une oeuvre fun. C'est vraiment le lecteur qui se fait plaisir.
Je peux comprendre qu'on ne soit pas grand fun de Morrison. Et qu'on aime pas trop le bonhomme. Mais je prend tellement plaisir à lire son run, à chercher des pistes, à jouer au Detective (quoi de plus normal que pour un personnage qui est apparu dans le Detective Comics) à essayer de comprendre, que je ne peux m'empêcher de trouver que c'est un génie.
D'ailleurs, si tu veux relire son oeuvre avec des clefs de lecture, essaie ce topic :
http://forum.superpouvoir.com/showthrea ... ge=1&pp=10 assez passionnant et bien documenté.
(Je pourrais continuer sur Batman qui prend conscience de son propre caractère fictif car le Batman pense à tout et qu'il a même envisagé cette solution, sur ce gant noir (celui de Batman) qui traverse littéralement la page sur la fin de RIP, sur ce Batman dont Morrison en retire l'essence la plus pur en le confrontant à différentes versions de lui-même tout au long de son run, en créant un Batman dénué de Bruce Wayne et un Bruce Wayne dénué de Batman, du retour d'Alfred en tant que figure paternel et de son hommage au cours de 2 chapitres : The Butler did it et The Butler saw it. etc... Aucun autre auteur sur Batman ne m'aura donné autant à disserter sur un personnage.)