Bon, ça va faire un certain temps que je n'avais pas posté mais j'ai beaucoup de circonstances atténuantes, si, si! Je vous assure.
Entre autres: ordi en rade, beaucoup de déplacement et acquisitions simmultannées de la 2e saison de Desperate Housewives et de la 4e de 24h chrono (comment ça c'est pas des bonnes excuses?!
)
Nouveau chapitre où l'on commet des petites lâchetés, l'on mâche des pierres et shoote dans les poubelles.
Bonne lecture, msieurs'dames!
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CH21 : Des murmures dans la nuit.
Les étoiles brillaient haut dans le ciel nocturne, myriade de lucioles gratifiant de leur froide lumière le plateau au sol gelé et la végétation rachitique qui le couvrait. Vision d’une beauté étrange, un peu triste, un peu morbide mais belle tout de même. Les nuages sombres qui avaient obscurci l’après-midi, avaient fui vers l’Est en début de soirée et n’étaient plus à présent qu’un mauvais souvenir.
« Je suis revenu. »
Les mots flottèrent un instant dans l’air glacé, avant de s’évanouir, happés par le silence environnant. Le cri d’un oiseau de nuit résonna loin, très loin au dessus du sol, réduit à un faible gémissement perçant par la distance. Les oiseaux ne s’aventuraient pas dans ces territoires glacés, jamais au point d’effleurer dans leur vol la cime des quelques arbres qui daignaient y pousser.
Ils avaient leurs raisons pour cela.
« Je… suis… revenu.»
Pieds bien écartés, mains appuyées sur les hanches dans une pose un peu théâtrale, Ohira éleva un regard souriant vers le firmament. Les yeux gris parurent un instant refléter l’éclat blafard des étoiles avant de se détourner, balayant lentement les lieux.
« … revenu. » répéta-t-il dans un murmure, tendant l’oreille aux faibles échos qu’éveillait ce mot dans son esprit, goûtant sa saveur si particulière, douceur et amertume entremêlées. Rehaussées d’une pointe d’ironie. Un mot qu’il ne s’était guère attendu à s’entendre prononcer, du moins pas avant des années, voire peut-être bien davantage. Mais ses pas l’avaient finalement ramené en ces lieux, peut-être les seuls qu’il soit capable de considérer comme un « chez-lui » ; non pas une demeure mais un endroit où il pouvait s’arrêter un instant, le temps d’une pensée, le temps de se souvenir.
Le sourire moqueur qui flottait en permanence sur ses lèvres vacilla et disparut. Une ombre glissa sur le visage dur à nouveau dressé vers le ciel. Un bref instant, si bref qu’un éventuel témoin aurait peiné à s’en apercevoir, les traits de l’homme faiblement éclairés semblèrent s’adoucir, perdre un peu de leur calme cruauté. Il éleva la main, s’en frotta distraitement la nuque d’un geste songeur, un peu las. La ramena devant son visage pour y étouffer un bâillement.
Un instant, il parut presque humain.
Un instant.
Puis Ohira gloussa et l’illusion se dissipa.
Un léger haussement d’épaule chassa la brume de souvenirs et il reprit son chemin à grands pas silencieux, un rire muet secouant ses épaules, tournant en dérision ce qui aurait pu presque passer pour une démonstration de sentimentalisme déplacée.
Les lumières du feu de camp s’étaient depuis longtemps évanouies derrière lui. Il s’était éloigné à dessein : les ronflements des hommes, leur grognements et leur proximité grouillante réveillaient ses instincts de prédateur. Ses sens en étaient brouillés et il n’avait ni le temps, ni l’intention de se livrer à un massacre général.
La tentation avait pourtant été forte et seul un contrôle de soi particulièrement rigide l’avait empêché d’en arriver à cette extrémité : ces sombres imbéciles avaient laissé échapper la gamine. Une adolescente d’à peine quinze ans, attachée et à moitié morte de faim et de fatigue ! Il s’étonnait qu’un de ces pleutres ait eu assez de tripes pour oser passer à l’acte et tenter une trahison. Lui-même aurait du en toute logique lui faire payer chèrement son audace et exécuter par la même occasion quelques uns de ses compagnons à titre d’exemple.
Il n’en avait rien fait.
Avait à peine élevé la voix pour commenter la disparition de la jeune fille.
Etrangement, la peur au fond des yeux des mercenaires en avait été décuplée. Aucun d’eux n’avait deviné ses raisons d’agir ainsi. Comment l’auraient-ils pu ? Les hommes sont parfois si prévisibles, dans leurs craintes comme dans leurs désirs…
« Seuls… Ils nous ont laissés… seuls…»
Ohira se figea, tous ses sens en éveil, ses yeux mi-clos fouillant les ténèbres. Un vent léger inexistant quelques secondes auparavant soufflait à présent sur la roche aride. Et ce vent charriait des murmures, des sanglots étouffés, râles presque inaudibles mais emplis d’une sombre tristesse se glissant entre deux bourrasques.
« Pas le droit… pas le DROIT… Pas NOUS… »
L’homme immobile esquissa un sourire un peu méprisant avant de s’avancer vers un amas de rocher fracassés qu’il avait failli ignorer, plongé dans ses réflexions. Il lâcha un ricanement.
Des lamentations ! Encore et toujours. A croire qu’ils ne sont plus capables d’émettre quoi que ce soit d’autre. Quelle pitié…
Les chuchotement devinrent de plus en plus audibles et quand il s’immobilisa au pied de l’amoncellement rocheux, il pouvait presque y distinguer des phrases entières.
« Comment ont-il osé ? Comment… ? NOUS qui FÛMES… qui SOMMES… »
Ohira chassa d’un haussement d’épaules agacé les gémissements aigus qui lui transperçaient le crâne. L’entrée sombre d’une grotte se dessinait dans la pénombre, s’enfonçant au cœur de la roche dans les entrailles gelées de la terre. Arrivé sous son porche, le rôdeur nocturne cessa soudain sa progression, le regard fixé sur le sol humide qu’il foulait.
Les yeux gris s’écarquillèrent, incrédules. Un rire où se disputaient le ravissement et la surprise lui échappa.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, quelqu’un semblait bel et bien être arrivé avant lui. Et il avait une petite idée sur l’identité de l’intrus.
Eh bien, eh bien…En voilà une surprise ! Et moi qui commençait à craindre de m’ennuyer…
* * * * * * * * * * * * * * * *
Des voix résonnaient autour de lui.
Des voix d’hommes et de femmes, irritées pour la plupart, inquiètes ou courroucées qui s’entrecroisaient au dessus de sa tête, s’invectivant furieusement. Un femme aboya un ordre. Un homme marmonna des blasphèmes. Des formes floues s’agitaient derrière ses paupières closes. Les membres lourds, la crâne douloureux, il tenta sans conviction de trouver un sens aux sons qu’il percevait. Sans résultat. Ses pensées le fuyaient obstinément, se dissimulant craintivement dans les méandres douteux de son cerveau, soldats terrifiés désertant le champ de bataille dévasté.
Je devrais être mort.
Une constatation amère sur un état des faits qu’il ne pouvait espérer changer. Pas tout de suite. Un brusque accès de colère suivit, absurde et violent : contre lui-même, trop faible ou trop indécis pour porter de sa propre main le coup final, et contre son adversaire qui avait négligé de terminer proprement le travail. Il avait pourtant fait en sorte de lui faciliter la tâche. Avait voulu mourir, pouvoir enfin lâcher prise. Sa première décision prise en toute liberté depuis si longtemps. Et on la lui avait déniée.
C’était injuste, tellement injuste.
Tellement…
Une voix au timbre sec et autoritaire chassa brusquement ses pensées, le forçant sans douceur à reprendre pied dans la réalité :
« Il est éveillé.
- Hokage-sama ? Vous êtes sûre… ? Il parait…
- La ferme. Je suis médic, merde ! Je sais reconnaître quand un homme simule l’inconscience ou quand il se paie ma tête. VOUS ! Ouvrez moi les yeux immédiatement ou je vous flanque par terre moi-même. Je n’en éprouverai aucun remord et dans votre état, je vous jure que vous le regretterez amèrement. »
Teshiro s’exécuta docilement. Fixa une portion de plafond grisâtre, éclairé chichement par une ampoule dénudée fixée à une cloison. Un pâle visage de femme se pencha sur lui, encadré de cheveux noirs coupés mi-longs. De grands yeux sombres au regard plus perplexe qu’agressif, surplombés de sourcils bruns légèrement froncés. Le souffle lui manqua. Une bouffée d’espoir, si stupidement humaine.
« Kisura… ? » murmura-t-il.
Le visage fin se durcit.
« Je ne pense pas, non. » répondit la jeune femme.
Et effectivement ce n’était ni la voix de Kisura, ni son visage. Juste une vague ressemblance sans plus, une illusion surgie du passé. Il n’en éprouva pas moins un pincement de cœur quand elle se recula. Il se redressa un peu en la suivant des yeux et fut bien forcé de constater la présence d’une demi-douzaine d’autres personnes dans la pièce. Et aucune ne semblait dotée de pensées amènes à son égard.
« Savez-vous où vous êtes ? »
La voix sèche et incisive encore. Elle appartenait à une autre femme, aux longs cheveux blonds et au visage crispé semblable à un ciel d’orage. Teshiro songea qu’elle devait probablement être belle mais il n’était plus à même de juger réellement ces choses-là, ni d’y accorder une quelconque importance.
« Répondez. Je vous ai demandé si vous saviez où vous vous trouviez. Répondez immédiatement ou il vous en cuira. »
Non, il ne savait pas.
Et pour tout dire, il s’en moquait. Le ninja blessé se contenta donc de dévisager son interlocutrice d’un œil bovin.
Celle-ci réprima un mouvement de colère. La jeune médic aux cheveux sombres esquissa un vague geste d’apaisement et fut repoussée sans ménagement. Un shinobi de haute taille marmonna énergiquement dans sa barbe, exigeant qu’on le laisse mener l’interrogatoire de cette ordure, ce qui était tout à fait son droit en tant que meilleur rival auto proclamé de la victime et que… L’homme fut réduit au silence par ses compagnons. Le regard de Teshiro glissa d’un coin à l’autre de la pièce, une chambre d’hôpital semblait-il, si l’on se fiait au sol blanc et carrelé et au mobilier réduit au stricte minimum. Tous les yeux étaient fixés sur lui, froids et dénués de toute compassion, si l’on exceptait ceux d’un homme vautré sur l’encadrement de la fenêtre qui observait avec intérêt la rue en contrebas, une pipe fumante à la main, un masque de chat rejeté sur la nuque.
Il se surprit à chercher distraitement l’homme aux cheveux gris qu’il avait affronté prés des ruines d’Hashika. Ne le trouva pas. Se demanda un instant s’il l’avait tué. Etrangement, il en éprouva comme un regret.
La femme blonde changea d’approche.
« Vous êtes à l’hôpital militaire de Konoha où JE me suis occupée personnellement de sauver votre misérable vie, asséna-elle. Savez-vous qui je suis ? »
Oui, Teshiro le savait.
Mais il garda le silence, s’absorbant dans le contemplation du plafond au dessus de sa tête.
« Regardez-moi. Vous êtes un complice de Meiyamoto Ohira. » continua-t-elle.
Une affirmation nette et claire.
L’homme blessé ne nia, ni n’acquiesça. Il commençait à avoir mal maintenant. La douleur se réveillait doucement, envahissant ses membres les uns après les autres. Un épais bandage lui couvrait presque la totalité de la poitrine et des plaies en bonne voie de cicatrisation striaient ses jambes et ses bras.
« Regardez-moi. Vous avez participé à l’enlèvement de trois de nos ninja. Au massacre d’une patrouille d’anbus. Une équipe entière a également été exterminée, il y a plus d’une semaine. On a retrouvé leur corps dans une forêt au sud du village. J’imagine que vous n’y êtes pas étranger. »
Un nouveau silence.
Les ninjas présents échangèrent des regards nerveux. Le géant excité s’était remis à maugréer des phrases sans queue ni tête. L’homme à la fenêtre avait reporté son attention sur l’intérieur de la pièce, l’air vaguement intéressé.
« Vous m’écoutez ? Vous
comprenez ce que je vous dis ? Pour ces crimes, vous méritez la mort. Mais bien que cela me donne la nausée, je pourrais envisager de vous éviter l’exécution. Parce que je désire des informations sur Ohira et que vous seul êtes en mesure de me les donner. »
Bien entendu. Il s’en était douté.
Mais ce n’était pas si facile, même si elle l’ignorait, même si tous l’ignoraient. Car révéler ce qu’était Ohira, c’était révéler ce qu’il était lui-même, montrer au grand jour l’effroyable secret. Il s’était cru libre, avait voulu y croire mais savait au fond de lui que cette liberté-là lui était à jamais interdite. Car il était ce qu’il était et ne pourrait jamais rien y changer.
Oh, comme Ohira avait eu raison. Tellement raison.
« Où les a-t-il amenés ? questionnait sans trêve la kage. Que recherche-t-il ? Que peuvent-ils lui apporter ? Vous le savez, je sais que vous le savez. JE VOUS AI DIT DE ME REGARDER ! »
Le fer se tordit sous les mains qui agrippaient le bas du lit, celui-ci crissa sous la pression. Les jounins se mirent brusquement à parler tous en même temps, se coupant mutuellement la parole. La petit chambre sombra en quelques secondes dans un chaos bruyant et braillard.
« Cela ne sert à rien, hokage-sama, tentait de raisonner la jeune médic.
- Je vais m’en occuper, Godaime-sama ! gueulait le jounin surexcité. Laissez-moi seulement…
- Livrez cette ordure à Ibiki ! asséna un autre. Dans deux heures minimum…
- Z’êtes tous cinglés ?! s’indigna l’anbu adossé à la fenêtre, oubliant pour le coup de feindre l’indifférence. Livrez ce type à Ibiki et il lui crèvera entre les bras ! Je ne me suis pas cassé le cul à le sauver pour… »
Et les autres de donner leur propre opinion. Tout ceci en produisant le plus grand vacarme possible.
Un rugissement de lion enragé réussit à rétablir le silence, faisant rentrer quelques têtes prudentes entre deux épaules.
« VOS GUEULES ! TOUS !
- Mais…
- VOUS AUSSI, MUSACHI !
- Oh bon… »
Les yeux flamboyants pivotèrent vers lui:
« Je ne peux vous forcer à parler, grinca-t-elle. Pas plus que je ne peux vous faire torturer. Mais je vous jure que vous parlerez, même si je dois m’y atteler nuits et jours... Des hommes sous ma responsabilité sont en danger par votre faute. Et probablement plus encore… »
Teshiro ne répondit pas.
Que lui importait ? Il désirait simplement un peu de silence, un peu de repos, le temps de calmer le mal de tête tenace qui lui vrillait les tempes, réunir ses idées éparpillées aux quatre vents. Quelques heures de tranquillité, rien de plus mais c’était probablement demander beaucoup trop.
Il ferma les yeux, fuyant les regard accusateurs et lourds de haine qui le cernaient.
Un visage se dessina dans les ténèbres.
Pas celui de Kisura, ni celui de Shonzo.
Pas même celui glacé et railleur d’Ohira.
Un visage d’adolescent aux traits pâles et fatigués, strié de mèches noires désordonnées, aux yeux sombres brûlant de haine et de rage impuissante. Et tout au fond de ces prunelles durcies : une tristesse insondable.
Un gouffre s’ouvrit sous ses pieds, un tourbillon sombre et glacé qui menaçait de l’engloutir, de l’attirer vers ce regard sans fond, de l’y noyer. Son cœur se tordit dans sa poitrine, réveillant une souffrance ancienne et aiguée. Un autre enfant allait mourir dans peu de temps.
Mais cette fois, ce serait lui qui tiendrait le couteau de l’assassin.
Le précipice s’élargit, dévorant l’espace. Et il commença à glisser. Glisser lentement, inéluctablement vers les abîmes.
Tout cela ne servait à rien.
Musachi en avait eu la certitude dés la première seconde où les yeux morts du prisonnier s’étaient posés sur la kage. Autant tenter de démolir un mur à coups de crâne. On n’en récoltait que plaies et bosses, sans réussir à faire vaciller la moindre pierre. Ils ne disposaient d’aucun moyen de pression digne de ce nom, cette scène était donc totalement ridicule. Mais la Godaime l’avait décrétée et même lui n’était pas assez fou pour lui opposer une opinion contraire.
Il n’en pensait pas moins : une satanée perte de temps, voilà ce que c’était ! L’anbu commençait à sérieusement regretter d’avoir cédé aux prières de Kakashi. Le copy ninja n’avait plus les yeux en face des trous quand il l’avait ramassé sur le champ de bataille et il aurait du en prendre compte. Il ne l’avait pas fait, les dieux savaient pour quelle absurde raison, et tout l’état major de Konoha s’obstinait maintenant à interroger un muet dans une pièce qui puait la sueur et la pisse de chat.
« Lei » murmura une voix plate, dépourvue d’intonations.
Le bois lisse de la pipe lui glissa entre les doigts et il la rattrapa avec une malédiction marmonnée, juste avant qu’elle ne se brise sur le sol carrelé. Puis releva une paire d’yeux écarquillés vers le lit trônant au centre de la chambre.
Bordel de Dieu, ça parle !
Le regard bleu pâle fixait le vide sans ciller, tandis que l’homme ajoutait doucement :
« Il les a amenés au plateau de Lei. »
Surpris par ce brusque revirement, les jounins restèrent un instant silencieux. Tsunade se redressa, ouvrit la bouche mais fut interrompue avant d’avoir pu sortir un son.
« Y a rien à Lei, laissa tomber Musachi. Un putain de trou perdu aride. Rien que de la caillasse. Pas plus de brins d’herbe que de poils sur le cul du vieux Sandaïme. »
Un certain nombre de regards ulcérés lui firent comprendre que la métaphore était mal choisie. L’officier adressa un sourire aimable à la ronde. Il avait un faible pour ces regards-là mais savait également qu’il ne devait pas trop en abuser, sous peine de se réveiller un de ces jours avec un kunai planté entre les omoplates.
« Fermez-là Musachi, grogna la kage, trop préoccupée pour s’irriter vraiment de l’interruption. Où exactement ? »
L’homme ne la regardait toujours pas mais il haussa vaguement les épaules.
« Une… grotte quelque part… au centre du plateau.
- Quelque part, hein ? gronda Tsunade. Que va-t-il leur faire ?
- Je ne…
- Vous savez ! »
Les yeux délavés se fermèrent à nouveau, comme aveuglés par une lumière trop intense :
« Il va les tuer… Tous les trois. Mais seul Kyubi possède une réelle importance à ses yeux. Les autres ne sont que des outils. Il va les tuer puis il fera bien pire encore… Il libérera les exilés. Il rétablira leur règne. Et ensuite… Ensuite… »
Musachi perplexe vit le visage de l’hokage se décomposer. Les yeux marrons s’élargirent et brillaient un instant d’une terreur incompréhensible. Il fallut quelques secondes à Tsunade pour reprendre le contrôle de ses traits sous les regards consternés et anxieux de ses subordonnés.
« Comment ? demanda-t-elle. Comment Kyubi… ?
- Je ne sais pas. »
Un soupir à peine perceptible. Mensonge ou vérité, ils n’auraient pu en juger mais le prisonnier ne semblait pas disposé à lâcher quoi que ce soit d’autre. Il semblait s’être détaché de la réalité, plongé dans un obscur monde intérieur. Un lieu qui n’avait rien d’agréable si on en jugeait son expression.
L’espace d’un instant, Musachi éprouva une ombre de pitié pour lui.
La kage rompit brusquement la silence.
« Cet interrogatoire est terminé, lâcha-t-elle d’un ton métallique et sans appel. Retournez tous à vos tâches. Jiko. Orime. Shizune. Dans mon bureau. Une expédition doit partir dés cet après-midi. »
Les jounins congédiés se hâtèrent vers la porte, imités moins promptement par Musachi. Une voix sèche le retint alors qu’il s’apprêtait à tirer sa révérence :
« Pas vous, capitaine Usama. Vous nous accompagnez. »
Et merde…
« Et débarrassez vous de cette saloperie puante ou c’est moi qui vous balance par la fenêtre, compris ? »
Musachi abaissa un regard offensé sur sa pipe injustement incriminée, puis après quelques secondes d’intense réflexion, décida que sa sécurité personnelle méritait bien quelques sacrifices et engouffra l’objet de du délit dans sa poche. Ceci fait, il emboîta en soupirant la pas à la kage.
Ils s’étaient tous retirés le laissant seul dans la petite pièce aux murs trop blancs.
Teshiro considéra en silence la porte fermée, le regard fixe, la face plus figée que celle d’une statue. Puis lentement, sans un mot, il se redressa, enfouit son visage entre ses mains et se mit à sangloter.
* * * * * * * * * * * * * * * * *
Gai était inquiet.
Un sentiment qui ne lui était pas naturel, par conséquent légèrement déroutant. Peu de choses arrivaient à inquiéter Maito Gai.
Le leader de l’équipe six était avant tout un optimiste inébranlable persuadé que rien ne pouvait résister à qui possède enthousiasme, force, saine virilité et énergie inépuisable de la flamme de la jeunesse. Gai était également sincèrement convaincu que la jeunesse était une chose extensible que l’on pouvait conserver jusqu’à un âge avancé tant que l’ESPRIT était là. Il se considérait lui-même comme un éternel adolescent (certaines mauvaises langues, dont celle d’un meilleur rival à l’humour désabusé et sarcastique, laissaient également entendre qu’il n’avait toujours pas dépassé les six ans d’âge mental, mais Gai ne s’abaissait pas à répondre à d’aussi basses calomnies).
Des notions qu’il avait, durant toutes ces dernières années, tenté d’inculquer à un Kakashi assez réticent, puis à un trio d’adolescents en pleine crise prépubére. Ses efforts s’étaient soldés par une réussite éblouissante, preuve s’il en était encore besoin que rien ne pouvait faire obstacle au torrent tumultueux de l’enthousiasme juvénile.
Enfin : une quasi-réussite éblouissante.
Lee était le type même de l’adolescent épanoui, Tenten une charmante jeune fille en fleur et après cinq ans de travail d’équipe, Néji réussissait à adresser plus de dix mots d’affilé dans le même journée à ses coéquipiers. L’un dans l’autre, leur affectionné sensei trouvait qu’il n’avait pas mal réussi son coup.
Kakashi était un cas à part.
Kakashi avait toujours été un cas à part.
Il avait de quoi lasser l’optimisme d’à peu prés n’importe qui.
Quatre ans auparavant, le copy ninja avait enfin montré quelques changements positifs. Tancé d’une part par l’administration, de l’autre par Gai débordant d’affectueuse sympathie, il avait fini par accepter de prendre charge une équipe de trois genins. Après avoir rejeté impitoyablement les premiers candidats sous divers prétextes dont celui récurrent qu’ils n’étaient tous que « des petits cons égocentriques » (Gai en avait hurlé de rire. Kakashi était resté imperturbable), il avait fini par adopter trois gosses aussi dissemblables qu’il était possible de l’être. Et il s’y était attaché à ces gamins.
Il les avait aimé. Aimé comme un grand frère bourru et hésitant.
Konoha en avait été sans dessus dessous et tout le monde de s’ébahir, quoique assez discrètement de peur d’attirer l’attention de l’intéressé, sur ce brusque revirement si surprenant de la part d’un asocial confirmé. Musachi avait du en avaler tout net sa précieuse pipe. Gai avait dissimulé sa propre stupeur sous une avalanche de défis tapageurs et de félicitations tout aussi bruyantes.
Un an plus tard, Sasuke avait trahi.
Naruto était parti sur les routes.
Sakura avait été confiée aux bons soins de la kage.
Et Kakashi avait très calmement sombré dans la dépression.
A partir de cet instant, Gai lui-même avait commencé à nourrir certains doutes sur l’équilibre mental chancelant de son ami. Ces trois dernières années, le copy ninja était parti à la dérive, réduisant toute vie sociale au minimum, affichant en toutes circonstances une impassibilité désinvolte que son rival trouvait à peu prés aussi convaincante que les grimaces d’un comédien de fête foraine. Il s’était bien entendu empressé de le faire remarquer et s’était fait remettre à sa place avec une férocité surprenante. Certains sujets semblaient à présent tabous, s’ajoutant à une liste déjà assez imposante. Pas découragé pour un sou, la bête verte de Konoha avait continué à surveiller de son œil félin et vigilant les éventuelles défaillances de Kakashi.
Une semaine auparavant, ses pires inquiétudes s’étaient vu confirmées.
Une hokage vociférante avait convoqué toutes les équipes vacantes dans son bureau pour une mission de renforts d’urgence. L’équipe six était rentrée d’une mission routinière deux jours auparavant et ses membres n’avaient donc qu’une vague idée des récents événements. Une fois mis au courant, Gai avait si bien rugi et tempêté que la Godaime à bout de nerfs l’avait flanqué à la tête des secours, en leur recommandant d’aller tous au diable mais d’en revenir à peu prés intacts, avec si possible Kakashi et le reste de son équipe.
S’en était suivi une course à travers les bois gelés de Konoha, entrecoupée de brèves haltes. Guidés par un énergumène bredouillant, répondant au nom de Hijo qu’ils avaient croisé en cours de route, ils avaient fini par arriver sur les lieux pour y découvrir – première et unique bonne surprise de la journée – Musachi Usama, mains dans les poches et pipe au bec. L’officier anbu avait paru soulagé de leur arrivée et avait aussitôt arboré l’expression de satisfaction mauvaise de qui s’apprête à se décharger d’un poids particulièrement agaçant sur les épaules d’autrui.
« Yo Gai. Putain, on peut dire que vous avez pris votre temps ! Vous croyez vraiment qu’on a que ça à foutre de jouer les gardes-malade ? »
L’anbu avait accepté d’assez bonne grâce l’étreinte chaleureuse et musclée de son ancien équipier, lâchant à peine un grognement étouffé sous le choc.
« Moi aussi je suis content de te revoir, Gai. Mais tu pourrais pas me lâcher maintenant ? Ma médic commence à nous regarder bizarrement et j’aimerais pas qu’elle se fasse des idées… »
Le jounin l’avait libéré, puis le tenant à bout de bras, mains posées sur les épaules, lui avait demandé comment se portait la fougue de la jeunesse. Musachi avait souri puis ricané.
« Elle vient de se faire mettre en pièces sur la colline. Tu veux voir ça ? »
Et Gai avait vu
ça.
Et, une fois n’est pas coutume, il s’était trouvé à court de mots.
Le jounin arpentait à présent à vive allure les couloirs de l’hôpital militaire de Konoha, sourcils froncés et regard déterminé. Tourna brusquement à l’angle d’un mur, arrachant un cri de terreur à une jeune infirmière civile, remontant le couloir en sens inverse, les bras chargés d’une pile de draps en équilibre instable. Gai lui adressa un sourire rassurant. La jeune femme lâcha un glapissement horrifié et laissant choir son fardeau, s’enfuit à toutes jambes.
Le grand ninja ne s’en offensa pas, mettant l’incident sur le compte d’une de ces intrigantes et secrètes impulsions inhérentes à la gente féminine, trait de caractère qui rendait toute femme à la fois mystérieuse et si attirante.
Arrivé presque à destination, il ralentit le pas, s’immobilisa devant une porte d’un gris sale laissée entrouverte par une main distraite. Un bruit de bri de verre s’éleva aussitôt de l’intérieur de la chambre, suivi de quelques jurons murmurés avec conviction.
Gai laissa généreusement passer quelques secondes, le temps de laisser le convalescent reprendre une contenance. Il aurait également pu entrer en coup de vent dans la pièce surprenant son meilleur rival si arrogant en temps normal dans une position dégradante ou ridicule, mais s’en abstint. Profiter ainsi de la faiblesse de Kakashi lui semblait indigne de lui.
Ce délai écoulé, il ouvrit énergiquement la porte qui s’en alla rebondir contre le mur, avant de claquer durement contre son coude, gâchant un peu son entrée solennelle. Mais au diable les apparences ! Seul le cri du cœur importait :
« KAKASHI ! BONJOUR ! Très cher rival, mon cœur se réjouit de te voir si bonne mine. Ton prompt rétablissement fait plaisir à voir ! »
L’interpellé risqua un regard méfiant au dessus de la couverture du cinquième tome du « Paradis du batifolage », puis finit par s’arracher un maigre sourire :
« Gai… marmonna-t-il aigrement. Comme c’est… hum… gentil de venir me voir.
- N’est-ce pas ? rayonna l’autre, affectant une surdité parfaite au sarcasme à peine voilé. Franchement qui songerait à venir te voir si je ne le faisais pas, hein ? »
Son regard balaya la pièce, notant au passage plusieurs détails que dans un brusque élan de tact, il renonça à relever à voix haute. Entre autres, les éclats de verre gisant au pied de la table de chevet, vestiges du gobelet que son ami avait fracassé dans sa hâte d’agripper le livre à couverture orange, à l’approche d’un visiteur. Une belle flaque d’eau, où nageait un comprimé à moitié fondu, s’étendait à présent sur le carrelage et menaçait d’aller inonder la moquette du couloir.
L’homme alité suivit le regard du ninja. Toisa d’un air réprobateur la flaque, l’air de se demander ce que diable elle pouvait bien faire là, avant de relever un regard mauvais vers le visiteur, le mettant en défi d’oser le moindre commentaire.
Sans lui prêter attention, Gai traversa la salle et s’assit à son chevet.
« Je suis d’ailleurs le seul à se soucier de ta santé, continua-t-il gaiement. Qui se soucierait d’un atrabilaire nombriliste et agressif et… »
Kakashi grogna puis soupira en écartant son livre de prédilection, dévoilant un visage amaigri. Gai hésita, s’interrompant au milieu d’une tirade pourtant bien démarrée.
Non, il n’avait pas bonne mine.
Le jounin n’avait plus l’air non plus d’un cadavre ambulant, ce qui était sans contexte un net progrès. Son regard avait retrouvé sa clarté et il semblait à nouveau capable de suivre une conversation. Il était également beaucoup plus propre et sentait moins mauvais que lorsque Gai l’avait ramené à Konoha. Le sharingan avait été couvert d’une pièce de tissu sombre, lui évitant de se surmener inutilement. Mais ses traits restaient pâles et tendus, la mâchoire contractée et hérissée de poils gris clair (à son réveil le jour précédent, les infirmiers avaient refusé obstinément de le laisser manier un rasoir. Le shinobi excédé avait eu beau les assurer que s’il se mettait en tête de prendre du personnel en otage dans une hasardeuse tentative d’évasion, il pouvait très bien se passer de rasoir, ceux-ci étaient restés insensibles à ses arguments.)
Gai devait se rendre à l’évidence : son meilleur rival n’était pas sorti indemne de cette mission éprouvante, pas plus que des trois sombres années qui l’avait précédée.
Il avait l’air… vieux.
Vieux et fatigué.
Et cette prise de conscience concernant un homme qui n’avait pas dépassé la trentaine mit le jounin mal à l’aise, lui coupant un instant toute inspiration. Il se tu, frottant machinalement ses mains l’une contre l’autre, mais ne baissa pas les yeux pour autant.
« Alors ? demanda sèchement Kakashi.
- Alors quoi ?
- Alors cette opération, bon sang ! S’est-il éveillé ? Est-ce qu’il a dit où ils sont ?
- Ahaaaaaa… »
Gai fit durer le « aaaaa » jusqu’à la limite du supportable, avant de se sentir finalement obligé de donner une réponse un peu plus concrète. Il prit une inspiration circonspecte.
L’œil sombre de son ami se plissa.
Une voix désinvolte s’éleva à l’autre bout de la pièce :
« C’est quoi ce bordel ? Tu as tenté de prendre une douche dans cette chambre ? On se croirait dans un satané bain. Merde. Mes godasses sont trempées. »
Les deux jounins se tournèrent à l’unisson. Gai dédia un sourire éblouissant à l’intrus, Kakashi une vague grimace et un hochement de tête.
Le capitaine anbu se dirigea vers le mur le plus proche, contournant prudemment la flaque d’eau, puis s’y adossa et entreprit de bourrer sa pipe, ignorant royalement le panneau proclamant « Interdiction de fumer » fixé au dessus de sa tête. Cette opération requerrant toute son attention, ce ne fut qu’après l’avoir soigneusement allumée qu’il daigna répondre au salut des deux ninjas.
« Yo Kakashi. Gai. »
Il plissa les yeux à travers la fumée qui s’élevait déjà, abondante et nauséabonde, commenta :
« Tu as une tête de zombie. Ce n’est déjà pas brillant en temps normal mais là vraiment…
- Trop aimable, rétorqua le copy ninja avant d’ajouter à contrecœur : Je… Enfin je pense que je dois te remercier pour… Hum…
- Pas d’effusions, je t’en prie » le coupa Musachi.
Et souriant avec affabilité :
« En ce qui me concerne, je t’aurais bien démoli le crâne contre un tronc d’arbre, histoire de me passer les nerfs sur quelque chose. Mais ma médic m’a assuré que c’était médicalement contre-indiqué et comme je souhaite l’attirer dans mon lit, j’ai préféré ne pas la contrarier. »
Kakashi haussa les sourcils mais un demi-sourire amusé releva un instant le coin de ses lèvres, rappelant les jours de l’équipe sept avant la dissolution. Puis s’effaça aussitôt.
L’œil unique considéra avec intensité les deux hommes, glissant de l’un à l’autre, exigeant une réponse. Musachi adressa un bref regard à Gai, lui signifiant qu’étant le meilleur ami en titre, c’était à lui de se charger de la sale besogne.
Lâcheur, va…
Le jounin brun résuma en quelques mots l’interrogatoire de Teshiro et les révélations fournies par celui-ci. Le regard sombre de son vis-à-vis se mit à briller d’une flamme inquiétante. Dés que son ami fit silence, il commença à s’agiter impatiemment dans son lit.
« Qui dirige cette expédition ?
- Moi, annonça tranquillement Musachi. Elle comprendra les autres membres de mon équipe et peut-être quelques anbus supplémentaires. Et c’est : non. »
Un court silence suivit ses paroles. Gai grimaça et tenta à grands gestes frénétiques et bien peu discrets de persuader l’anbu de modérer son ton et ses paroles. Mais celui-ci, plongé dans l’examen attentif de son tuyau de pipe, ne parut pas les remarquer.
« Non quoi ?
- Non, tu ne nous accompagneras pas. Il y a plusieurs raisons à cela. »
Kakashi inspira bruyamment, une fois, deux fois, le regard luisant dangereusement. Sa voix était calme bien que glacée quand il réussit à émettre :
« Lesquelles ?
- Eh bien… commença Musachi, le regard toujours vissé sur sa pipe, évitant avec entêtement celui de l’autre homme. En premier lieu, Tsunade m’a formellement ordonné de rejeter toute requête de ta part sur ce sujet. Et je ne peux me permettre de désobéir à un ordre direct.
- Je me rappelle un temps où tu n’étais pas si respectueux du règlement, fit remarquer d’un ton neutre Gai, s’insinuant dans la conversation.
- Je partage son avis. »
Un filet froid, métallique s’était glissé dans la voix de l’anbu. L’ami s’était effacé devant l’officier. Mais il ne relevait toujours pas les yeux.
« Kakashi… Tu n’es pas en état de mener une mission. Tu as été très gravement blessé et tu es encore convalescent. Tu serais un fardeau pour l’équipe et je n’ai vraiment pas besoin d’ennuis supplémentaires. Tu as montré également certains… troubles psychologiques, lors de cette dernière mission, si j’en crois ce que m’a dit ce gosse, Hijo. Et je n’ai aucune raison d’en douter. Et enfin… »
Il hésita, fronça les sourcils d’un air contrarié.
Se gratta le menton avec le tuyau de sa pipe, le regard perdu dans le vide.
Gai devina avant même qu’il n’ouvre la bouche ce qu’il s’apprêtait à annoncer, il jeta un coup d’œil à son meilleur rival et su que celui-ci le savait également. Kakashi donnait l’impression de mâcher des pierres, mâchoires serrées à s’en faire éclater les molaires.
« Et enfin… La priorité de cette mission est le meurtre de Meiyamoto Ohira. S’il se trouvait que la vie de tes élèves fasse obstacle à cette priorité… nous nous verrions dans l’obligation de… enfin… de… »
Il l’avait su.
L’avait deviné au moment même où il avait pris conscience que depuis son entrée dans la chambre, Musachi n’avait pas une seule fois croisé franchement son regard. Une petite lâcheté qui ne ressemblait pas au capitaine anbu et qui avait immédiatement éveillé les soupçons de son ancien équipier. Kakashi encaissa donc le choc sans broncher. Il s’y était préparé. Mais cela n’excluait pas la boule de fureur qui lui comprimait à présent la gorge.
A ses côtés, Gai paraissait désemparé. La chose était rare et en toute autre circonstance, Kakashi s’en serait discrètement réjoui. Mais pas aujourd’hui.
Dans un effort presque violent, il réussit à grincer entre ses dents :
« En clair… Si les circonstances s’y prêtent, vous n’hésiterez pas à marcher sur les corps de
mes élèves pour atteindre Ohira ? C’est cela ? Causer la mort de trois adolescents qui n’ont pas encore atteint leur majorité ? Sans aucun remord ? Pour obéir aux ordres ? C’est cela, Usama ?»
L’officier releva brusquement les yeux.
Une étincelle de colère y brilla, alors qu’il portait sa pipe à sa bouche et refermait rageusement les mâchoires, faisant claquer le métal contre ses incisives.
« Mais je t’emmerde, Hatake, gronda-t-il.
Je t’emmerde. J’ai fait pire que ça. TU as fait pire que ça. Alors ne viens pas me faire la morale sous prétexte qu’il s’agit de tes putains d’élèves. Toutes les vies valent le même prix, à Konoha comme ailleurs. Il n’y a pas d’exception. »
Kakashi allait répliquer vertement mais une voix grave et étrangement posée le devança :
« C’est vrai : toutes les vies ont le même prix, commenta calmement Gai. Mais l’affection et le dévouement d’un maître envers ses élèves sont sacrés. Et ceci, tu auras du mal à le comprendre, Musachi, si tu n’en es pas tout simplement incapable. Tu as toujours refusé de quitter l’anbu pour prendre en charge une équipe de genins, n’est-ce-pas ? »
Oubliant un instant son indignation, le jounin aux cheveux gris battit des paupières, levant un regard un peu ahuri sur son ami. Il aurait pu compter sur les doigts de sa main les fois où il avait vu Gai s’exprimer avec calme et dignité.
Musachi les dévisagea tour à tour. Sa propre colère semblait s’être évaporée aussi vite qu’elle était apparue.
« Tu sais quoi ? Je t’emmerde aussi, Gai. » grogna-t-il.
Puis il leur tourna le dos et ouvrant brusquement la porte, sortit dans le couloir. Un pied sur le seuil, il sembla se raviser, pris peut-être d’un remord. Leur adressa une rictus un peu contrit, souffla un nuage de fumée odorante, ajouta maladroitement :
« Kakashi… Je… Hum… Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour préserver tes élèves. Je ne te promet rien mais je te jure que j’essaierai. »
Possible. Mais rien ne dit que cela suffira.
L’anbu disparut et la petite pièce empestant l’antibiotique, l’alcool et maintenant le tabac de mauvaise qualité, sombra dans le silence.
Au bout de quelques secondes, Gai reprit l’initiative et flanquant une grande claque fraternelle sur l’épaule blessée de son meilleur rival et ami, beugla avec un enthousiasme forcé :
« Courage, ami ! La situation n’est pas encore désespérée ! Reprend du cœur ! »
L’autre chancela et roula des yeux avant de grommeler:
« Bonne idée. A qui ? »
Un certain nombre de tentations se présentèrent aussitôt à lui.
Ohira et Musachi y figuraient en bonne place.
Un petit effort de volonté permit à Musachi de ne pas claquer la porte comme une brute en quittant la salle. Ce n’était pourtant pas l’envie qui lui en manquait. Un vigoureux coup de pied envoya valser une poubelle traînant dans la couloir, projetant généreusement son contenu au quatre coins de la pièce. Compresses usagées, bandages souillés et diverses ordures non identifiées allèrent s’écraser sur les murs, laissant ici et là de larges balafres jaunâtres.
Il se sentit un peu mieux.
Abruti buté de Kakashi. Satané ingrat ! AHA ! Sauvez les gens, vous verrez à quel point ils vous en seront reconnaissants !
Il se surprit à regretter de ne pas avoir succombé à la tentation de cogner une ou deux fois la crâne de Kakashi contre un tronc d’arbre. L’opération n’était peut-être pas médicalement recommandée et elle n’aurait pas forcément suffit à remettre les idées en place au copy ninja ; mais lui-même en aurait éprouvé un soulagement certain.
L’anbu remarqua un éclat de verre logé dans sa semelle, sautilla sur un pied en essayant de l’extraire, tout en jurant copieusement. Il reprit son équilibre, lâcha un soupir agacé.
La suite des événements s’annonçait gratinée.
Une mission où l’on se mettait à dos l’illuminé et le maniaco-dépressif les plus instables de Konoha était forcément une mission qui débutait foutrement mal.
Et pourtant ce n’est pas comme si on manquait de névrosés à Konoha…
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Les minutes avaient filé, les heures peut-être et ses sanglots s’étaient apaisés.
La gorge douloureuse de larmes qu’il ne pouvait verser, les épaules agitées de tremblements nerveux, il avait fini par réussir à réguler sa respiration affolée. Teshiro se sentait mal, affreusement mal. Mais les sanglots, la rage et la douleur ne servaient à rien. N’avaient jamais servi à rien.
Kisura et son fils étaient partis, l’avaient quitté, tout comme il l’avait craint durant toutes ces années.
Et rien ne les ramènerait jamais.
C’était avec une douleur étonnée qu’il avait du se rendre à l’évidence : malgré toutes ces années, malgré tout ce sang écoulé, versé par lui et par d’autres, il pouvait encore souffrir. Pouvait encore se conduire en être humain. Il ne savait s’il devait s’en réjouir ou voir en cela une malédiction supplémentaire, une dernière féroce ironie du sort, peut-être encore plus cruelle que les précédentes.
Teshiro ferma les yeux, se laissant aller en arrière sur le lit blanc. Sa respiration s’accéléra. Les poings posés de part et d’autre des draps humides se serrèrent convulsivement.
Une autre surprise.
Une autre évidence.
Un autre sentiment humain qui n’avait pu être détruit, lui qui avait cru pourtant en être complètement privé. Malgré toutes ces années, malgré tout ce sang, toute cette brume, il semblait bien qu’il puisse encore haïr.
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Ces chapitres deviennent de plus en plus longs, il serait temps que je modére un peu ma fougue de la jeunesse, c'est un peu chiant à corriger tout ça.
Je ne suis pas sûre du numéro de l'équipe de Gai, si quelqu'un a des précisions...?
L'avarice est un péché alors reviews...? ^ ^