There will be blood

Tu aimes les salles obscures, tu veux parler du dernier film qui t'a fait hurler, crier ou mourir de rire. Fais-nous partager ton plaisir.

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Rilakkuma
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There will be blood

Message par Rilakkuma »

There will be blood (USA, 2007)

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Réalisé par Paul Thomas Anderson
Adapté du roman "Pétrole!", écrit par Upton Sinclair
Avec Daniel Day-Lewis, Paul Dano, Dillon Freasier, ...
Genre : Drame
Durée : 2h 38min

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La sirène d'alarme retentit, comme un funeste signe annonciateur, sur le plan fixe du paysage en relief. Au fond d'une mine grise et profonde, Daniel Plainview est seul, à la recherche d'argent. Une explosion, un nuage de poussières et des jets de rocailles. Ca s'est passé comme ça, au tout début. Puis, au son d'une seconde sirène d'alarme, l'environnement s'est noirci. Le pétrole afflue et exhale une odeur forte, celle de la fortune et des conflits ultérieurs... Superbe introduction dotée d'une bande son inquiétante.
Quelques années plus tard, D. Plainview devient un magnat du pétrole, voyageant de ville en ville pour proposer ses services de forage pétrolier, il est accompagné de son jeune fils, H.W., qui est aussi son plus proche collaborateur. Un soir, quelqu'un demande à le voir. Il affirme qu'un "océan" de pétrole gît sous la terre stérile de Little Boston, une ville à l'Ouest de la Californie.
Daniel et H.W. décident de s'y rendre.

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Cette séquence où ils ne sont que tous les deux, le dos chargé de sacs, marchant et chassant à travers la vaste étendue desséchée de Little Boston, m'a fait sourire car c'est le premier moment de complicité du film entre le père et le fils, où l'on remarque que ce père est légèrement sévère, et ce fils très dévoué et obéissant. Ils parlent très peu, ils communiquent à travers le regard, je pense notamment à la première apparition d'Eli Sunday, quand celui-ci repart, Daniel P. jette un regard mi-amusé, mi-étonné à son fils. Exquis et drôle (enfin pour moi).

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Sans doute le seul moment de complicité qui respire un semblant de bonheur. Une fois entâchée par cet océan de pétrole, cette complicité sera perdue à jamais...

Little Boston sera le théâtre silloné par l'or noir, de confrontations récurrentes, menées par deux hommes: Daniel P. assoiffé de pétrole et Eli S. acapparé par l'église. Ils se confrontent mais l'un a besoin de l'autre pour étendre, agrandir chacun leur pouvoir (*). Quand quelques hommes s'attèlent au derrick (la tour de forage), d'autres en parallèle, sont en train de construire l'église de la troisième Révolution. Eli Sunday est un prêtre falot, impassible, qui s'exprime doucement et ne hausse sa voix qu'en état de transe, gesticulant pour dissiper le mal, acclamé par toute une communauté, et cette scène est captivante tant l'interprétation de Paul Dano est convaincante dans ce rôle de guérisseur. Mais aux yeux de Daniel P., considérant la croyance comme une mascarade, il n'est qu'un affabulateur s'adonnant aux spectacles grotesques. Et en fin de compte, ils ne sont pas si différents que ça, car le prospecteur lui-même est un affabulateur, à sa façon, pour arriver à ses fins.
Evidemment, il y a encore plein de choses à dire sur eux...

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Plainview contraint de se faire purifier (baptiser) pour pouvoir construire le big pipeline. Et Sunday a besoin d'argent pour rénover son église.



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Une magnifique scène d'explosion marque la décadence, les valeurs humaines sombrent dans le liquide noir.
Remarquable prestation que nous offre Daniel Day Lewis dont le rôle recèle mille facettes, il est tour à tour un père rigoureux, complice, tourmenté; un prospecteur ambitieux et fourbe, un homme seul, trahi, éblouissant de colère, de rage, de folie. J'ai littéralement peur de ce personnage imprévisible, peur de ses éclats de colère qui me ratatinent sur le siège...

(à suivre au prochain post :kamool: désolée pour ce topic décousu)
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shinzo
Gennin
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Re: There will be blood

Message par shinzo »

Je pense le voir dans la semaine, un film obligatoire, comme pas mal d'autres en ce moment dans les bons cinémas. Anderson réussit d'après le trailer à créer visuellement une œuvre puissante sur le forage du pétrole, scénario pas nouveau dans la profession. La touche Anderson va donc faire le reste, une photographie sublime, très poussée dans les ombres, clair obscure, silhouettes, plans larges sur les paysages, une scène d'incendie spectaculaire, des plans rapprochés explicite, tels que celui sur la séquence de Daniel Day Lewis qui répond, accroupi, à Paul Dano "je les ai abandonné!" (il me semble), une scène exceptionnel dans le jeu extraordinaire de Lewis, il donne tout dans la composition, une prestation rare que peut d'acteurs actuels sont capables encore de faire.
Daniel Day Lewis restera pour moi surtout l'exceptionnel Bill Cutting "the boucher" de Gang Of New York de Scorsese , dont il reprend la moustache dans cette œuvre ^^. Bref une œuvre à voir.
Je pense réellement que le fait d'être en compétition avec "No Country for old Men", fut radicale, malheureusement pour lui, même au niveau des salles, il ne peut pas rivaliser et pourtant, sortie à un autre moment (dure dure quand on a un Into the wild, ou un sweeney todd dans les salles à coté), je pense que ce film serait le buzz du moi (ce qu'il est, mais pas autant qu'il pourrait l'être ^^, jle défend beaucoup).

trailer : http://www.ecranlarge.com/movie_video-v ... 5-1283.php
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Heaven smile
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Re: There will be blood

Message par Heaven smile »

Rilakkuma a écrit : Image

Cette séquence où ils ne sont que tous les deux, le dos chargé de sacs, marchant et chassant à travers la vaste étendue desséchée de Little Boston, m'a fait sourire car c'est le premier moment de complicité du film entre le père et le fils, où l'on remarque que ce père est légèrement sévère, et ce fils très dévoué et obéissant. Ils parlent très peu, ils communiquent à travers le regard, je pense notamment à la première apparition d'Eli Sunday, quand celui-ci repart, Daniel P. jette un regard mi-amusé, mi-étonné à son fils. Exquis et drôle (enfin pour moi).

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Sans doute le seul moment de complicité qui respire un semblant de bonheur. Une fois entâchée par cet océan de pétrole, cette complicité sera perdue à jamais...

Très belle séquence en effet, qui souligne la complicité entre un père et un fils. Mais, lors du dernier plan dans lequel nos deux protagonistes avancent vers la ferme Sunday ,dans cet environnement hostile, PTA semble évoquer la funeste évolution de leur relation père/fils. Daniel poursuit son parcours tandis que H.W. se détâche de lui, et malgré le fait qu'ils se dirigent tous deux dans la même direction (et de fait, choisissent la même profession), j'ai ressenti une volonté d'affranchissement, même si très brève. Mais, au vu du final du métrage, elle semble très significative.
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NewKel
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Re: There will be blood

Message par NewKel »

J'ai adoré... magistral, le meilleur film que j'ai pu voir en 2008, derrière No country cependant mais qui, au travers de sa fresque dépasse Into The Wild et, largement, Sweeney Todd.

Day Lewis, on s'y attendait livre une énorme performance d'acteur, et c'est vrai qu'avec sa moustache il rappelle un peu "The Butcher" (même s'il 'na pas l'oeil de verre).
Les plans d'Anderson sont magnifiques.. les plans larges notamment. Des séquences d'anthologies, la d'ors et déjà classique scène de l'incendie, la marche du père avec son fils dans le domaine des "Sunday"...
C'est un film qui reste longtemps à l'esprit même après avoir quitté la salle..
Heaven smile
Agent Crockett
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Re: There will be blood

Message par Heaven smile »

Bon, essayons-nous à la critique de ce film. Le problème étant qu'il est tellement gros que je vais louper énormement de choses si bien qu'à la fin, ça ne ressemblera pas à grand chose. Mais j'aurais tenté (c'est déjà ça).


Qu'on se le dise, Paul Thomas Anderson est un cinéaste et un scénariste de talent. Avec There Will Be Blood, il livre une œuvre dantesque, d'une beauté troublante et d'une incommensurable profondeur. Condensé d'un siècle de cinéma, TWBB impressionne tant il s'avère maitrisé de bout en bout. Bien que portant indéniablement l'empreinte de son auteur, il laisse transparaitre également de multiples références tant cinématographiques que littéraires, perdant ainsi en atypisme. Hommage au cinéma de Cimino (Heaven's Gate), mais aussi au grand cinéma américain du milieu du siècle tel que celui de Ford, Welles ou Kazan, There Will Be Blood ne manque pas de conserver une sombre personnalité qui lui est propre. A travers cette fresque intimiste retraçant le parcours d'une self-made man, PTA se fait également l'écho d'une Amérique en pleine construction établissant ainsi l'une des problématiques centrales de son long métrage à savoir la question de l'identité. Qui suis-je ? De quoi suis-je fait ? Telles sont quelques unes des grandes questions sur lesquelles Daniel Plainview , et, dans l'absolu, la nation, s'interrogent.

A l'image de son titre, "There Will Be Blood", lancé tel avertissement et emplit d'une lourde signification religieuse, le film d'Anderson oppose deux éléments centraux, structurels, lesquels sont le capitalisme et la religion. Égéries de ces deux fondements, Daniel Day-Lewis et Paul Dano, se livrent, tels deux figures de proue, une lutte acharnée, à la fois tragique et absurde, dans laquelle le rationalisme l'emporte sur le mysticisme. Le sang coule à flot, mais il est à l'image de ces deux âmes - en définitive relativement similaires -, noir.

Anderson dépeint une vision sombre et oppressante de la condition humaine. L'homme est seul au milieu de ce désert aride, poussiéreux, d'où se dégage un étrange sentiment de confinement. En ce sens, l'opposition au cinéma Malickien semble ici évidente dans le sens où la nature ne sert pas l'homme car celui-ci ne sait l'utiliser à bon escient. Il l'épuise, et, tel un insecte, pompe interminablement son sang. Cet insecte, c'est Daniel Plainview, magnat du pétrole. Un tel parcours, une telle évolution n'est pas sans rappeler certains romans d'auteurs du XIXe dont Zola ou encore Hugo. Cocteau décrivait ce dernier de la façon suivant : "Hugo [...] était fou. D'abord mégalomane, ensuite devenu fou. (Ses meubles, ses méthodes de travail en témoignent)". Il y a donc, d'une certaine manière, une analogie évidente avec Plainview, bien que celui-ci semble conserver une lucidité nourrie par sa haine du genre humain. Le pouvoir est destructeur. Il corrompt le cœur des hommes et les brises. C'est un mal latent.

Miroir aux multiples reflets, There Will Be Blood alterne les genres cinématographiques avec aisance. Formellement, il plane sur TWBB l'ombre du fantastique (idée renforcé par ce chaos constant, ce malaise indéfinissable), voire un registre horrifique, du fait de la musique cinglante de Jonny Greenwood et de cette violence allant crescendo. Ce travail sonore accentuant le sentiment de malaise extrême évoque, lui, Kubrick. Il se dégage notamment d'Eyes Wide Shut les mêmes sensations d'oppression, de névrose et de perversion; ce du fait de la musique étouffante de György Ligeti. Cette même musique occupe donc un rôle prépondérant dans le métrage car elle rend compte des bouleversements intérieurs des personnages. Sans atteindre le perfectionnisme visuel de Kubrick, l'ambition formelle est là. PTA compose des cadres d'une grande beauté reflétant une réalité dépourvue de tout artifice mais néanmoins extrêmement symbolique. Il y développe une sorte de fascination pour les machines, véritable symbole de l'engrenage dans lequel les protagonistes sont enfermés.

Accusant parfois un certains classicisme compte tenu de son récit - schéma typique de la fresque historique avec l'ascension et le temps de la décadence -, There Will Be Blood évoque (malheureusement sans innover) le cinéma américain des seventies avec des réalisateurs comme Scorsese, De Palma ou encore Coppola. Le voile fantastique se dissipe un temps, laissant le champ libre à ce "classicisme". Il revient cependant en force dans un final d'anthologie, à la fois ironique, tragique et par conséquent, typiquement Kubrickien.

Les personnages d'Anderson sont sombres, torturés, mégalomanes. Ils vivent dans un univers typiquement masculin où la femme n'a pas sa place. Cet aspect renforce la symbolique christique de Mary, grâce à qui H.W. va pouvoir évoluer sainement. Elle est pour lui telle une torche brillante au milieu des ténèbres. On notera ainsi la complexité de la relation père/fils, peu à peu suffocante. Plainview détruit ce qui l'entoure au nom du profit (les plans séquences lors de l'explosion du derrick sont magnifiques et d'ores et déjà cultes). Il est la représentation vivante du mal sommeillant en chaque homme. Le profit détruit ce qu'il s'est efforcé de bâtir dotant ainsi le métrage d'une véritable ampleur dramaturgique. Il est obnubilé par le forage et l'or noir qui en découle. Il se détruit physiquement et mentalement jusqu'à perdre tout trace d'humanité afin de préserver l'essence même de son pouvoir : un trou. Là encore la symbolique en découlant est extrêmement complexe.

Relativement hermétique, There Will Be Blood est un métrage d'une grande complexité et nécessite plusieurs visionnages et beaucoup de réflexion afin d'être cerné. Formellement, c'est très beau. Idem en ce qui concerne la bande son, et la prestation des acteurs. Lewis est un monstre et Dano, malgré son jeune âge, en impose beaucoup.

Je ne sais plus trop où j'en suis donc je vais m'arrêter là. Il faut que je remette un peu d'ordre...c'est tellement noir, malsain, et d'une grande richesse thématique... limite pire que le dernier Coen :mrgreen:

Matter ces deux films à la suite te pousse à te flinguer. Obligé :mrgreen:
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Aizen
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Re: There will be blood

Message par Aizen »

Nous aurions pu sous-titrer cette critique « Paul Thomas Anderson, l’homme qui voulut à tout prix réaliser un chef d’œuvre. » Tous les thèmes développés tendent vers le classicisme et se rapportent aux grandes œuvres cinématographiques américaines des années 20-30-40. Les références puisées dans les grands films, dans les films matrices sont aussi évidentes que lisibles. La démarche de Paul Thomas Anderson intervient donc, alors que les frères Coen sortent, « No Country for old men », si les deux démarches peuvent paraître similaires, elles se distinguent radicalement dans leur composition et leur réalisation. Chez les frères Coen, la référence aux « origines » n’est jamais explicitement citée. Elle est appartient au film, ingère ce passé pour le réactualiser. La démarche du shérif est une réflexion sur l’évolution de la société et la place des hommes dans celle-ci. Les plans sur ces déserts arides, ces rues vides et silencieuses où s’affrontent Moss et Chigurh sont autant de points exacerbant la précarité, la solitude de la condition humaine.

Paul Thomas Anderson, « There will be blood », ne transcende jamais les références qui l’habitent. Il ne se les rapproprie jamais. D’un point de vue formel, l’abondance des plans absolument symétriques (l’entrée de la cavité au début du film, la rencontre avec le « frère » sous le porche, les plans dans les embrasures de porte) renforce la référence au classicisme et paradoxalement alourdit considérablement la mise en scène en la rendant d'une grande pesanteur symbolique. Cette symétrie n’existant pas uniquement dans la mise en scène mais dans dans un scénario où un certain nombre de scènes clés se voient répétées ou inversées (la plus flagrante étant celle de Plainview humilié par le prêtre puis humiliant à son tour le prêtre dans la séquence finale).

Mais qu’est ce qu’au fond « There Will be blood » ? C’est « Naissance d’une nation » de Griffith, actualisé. Lorsque Griffith, à travers deux familles, l’une du Nord et l’autre du Sud, montre l’évolution de la société américaine (de façon raciste mais là n’est pas le débat). Anderson place le débat sur les deux mamelles nourricières des Etats-Unis actuels, capitalisme et religion chrétienne (avec tous les courants fanatiques découlant d’elle). La naissance de cette nation découlerait ainsi de ces deux idéologies se combattant et se rejoignant sans cesse. Tout au long du film, les deux s’imbriquent, se rejettent mais l’un comme l’autre ont besoin de l’autre pour survivre ou exister. La séquence finale nous le montre, l’installation du puits ne peut se faire sans baptême, l’église ne peut se construire sans le financement du pétrole… C’est ainsi que l’on voit que la référence à un cinéma originel, inclassable et indatable, exploitant les destins individuels pour caractériser de grands mouvements idéologiques et dogmatiques. Si cette référence ne servait que de base au récit, il serait impossible de ne pas adhérer à cette démarche. Pourtant quelque chose cloche dans son cinéma.

N’ayons pas peur du mot, il est boursouflé. Craignant sans doute que ses références passent inaperçues, ils les assènent tout au long du film, multipliant les clins d’œil, priant pour que nous nous rappelons que le film que nous regardons est la grande œuvre classique que les cinéastes attendaient depuis 60 ans. L’utilisation de la musique classique à deux reprises (trois en comptant le générique) avec Brahms et Pärt, appui de manière outrancière le caractère grandiloquent de l’œuvre. Et c’est bien d’outrance dont il s’agit. L’œuvre de PTA manque de nuances.

Plainview, aussi riche et subtile que l’interprétation de Daniel Day Lewis soit, n’est qu’un homme d’affaire dévouant tout pour que fleurissent ses puits de pétrole. La richesse de la personnalité du personnage intervient dans la relation qui le lie avec son « fils »mais pas dans son business ou ses concurrents. Idem pour le prêtre, qui est une caricature de prédicateur portée par sa seule ambition et se nourrissant de la duperie pour avancer. Il faudrait, sans doute que nous nuancions ce constat mais ces personnages sont plus nourris par la thématique servant le film que par leur propre personnalité. Que sait-on de leur passé ? De la naissance de leur « passion » ? Pour un film se déroulant sur près de 30 ans, il est étonnant que la question de la naissance de leur ambition ne soit pas traitée, preuve que la caractérisation des personnages importent moins à Paul Thomas Anderson que leur place comme vecteur thématique.

SPOIL

Nous évoquions l’outrance, la dernière séquence nous apparaît particulièrement révélatrice de cet aspect bancal et exacerbé du film. Si les deux confrontations finales se révélaient nécessaire d'un point de vue thématique. Le fils « tue le père », coupant le cordon ombilical. La dernière partie, apparaît complètement démesurée par rapport à la réalité de la situation. En quoi cette « explication finale » se justifie-t-elle ? En rien, la mise à mort du prêtre est un élément dramatique parfaitement inutile dès lors que Plainview a déjà réussi à humilier son adversaire, à le ramener à sa condition de raté.

Alors pourquoi un meurtre pour clore ce film ? La référence au classicisme, sans doute. Le film venant immédiatement à l’esprit après le visionnage de cette séquence finale est « Les Rapaces » de Stroheim. Le meurtre final dans le désert, ultime explication entre deux êtres s’étant vouée une haine féroce tout au long de leur vie. Et ironie du destin, l’un d’eux en ayant tué l’autre se retrouve menotté au cadavre de son ennemi juré traînant ainsi ce cadavre dans le désert du Grand Canyon. La similitude des thèmes, la volonté de créer une explication finale dans un manoir que n’aurait pas renié le Welles de Citizen Kane, engendre dans cet acte ultime et finale une sur-dramatisation, se référant à un cinéma où la possible salvation passe par le meurtre, la destruction de l’adversaire. La phrase finale appuie ce propos, « J’en ai fini ». Effectivement Plainview en a fini avec ce prêtre, en a fini avec son fils… mais PTA lui, n’en a pas fini avec le cinéma classique. Il n’a pas tué le père, n’a pas coupé le cordon ombilical, ce qui créé une œuvre aussi superbe visuellement, que bancale en terme de scénario et dont les thématiques, certes intéressantes, se retrouvent surchargées par le poids des références.

Pourtant, il n’en reste pas moins que cet œuvre possède une grande force visuelle et un fort pouvoir d’attraction de part la présence magnétique de Daniel Day Lewis à l’écran. Et si PTA n’a pas encore totalement digéré un cinéma qu’il vénère et auquel il se réfère, la forte puissance évocatrice du film n’en demeure pas moins exceptionnelle. Et voir deux films comme No Country et TWBB en si peu de temps, s’interrogeant et se référant sur les origines d’un cinéma, sur les fondements d’une société, sur des thématiques particulièrement contemporaines ne peut que nous réjouir lorsque ces aspects paraissaient seulement intéresser les « papys cinéastes » que sont Scorcese (Gangs of NewYork) ou Eastwood (la Mémoire de nos pères). Alors que les cinéastes de la génération des Coen et d’Anderson (Taratino ou Soderbergh par exemple) semblent voués depuis plusieurs films à pasticher un cinéma bis des années 70 où la place de la référence et du clin d’œil empèse de plus en plus un cinéma souvent vain (Tarantino, Rodriguez) ou à recopier une esthétique sans l’interroger (Soderbergh ou Clooney (le noir et blanc années 50 de « Good Night & Good Luck »)).
Dernière modification par Rilakkuma le jeu. 13 mars 2008, 19:42, modifié 1 fois.
Raison : Attention au SPOIL...
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