Shinfei a écrit :
Donc en fait, en suivant ton raisonnement, on devrait faire des films DTD, pour les films "d'auteurs" (notion qui m'as toujours agacé mais passons) et les films merdiques/explosifs/sans scénario, on les laisse pour les grandes salles ?
Je te cite un exemple, pour moi Inglorious Bastards ou Django que j'ai adoré, c'est des films de salon que je me mate tranquille dans mon canap et que je kiff. C'est pour ça que je vais quasi voir que de la SF, de la Fantasy ou des films justifiant la salle de cinéma à de rare exception près. C'est ma vision et je peux comprendre que tout le monde ne la partage pas.
Honnêtement, j'ai un peu de mal avec ça. Pas que je ne respecte pas ou je ne sais pas quoi, mais fondamentalement je n'aime pas l'idée de catégorisation à outrance entre ce qui est potentiellement destiné à la salle de cinéma et ce qui ne l'est potentiellement pas - et donc destiné à une autre forme de consommation comme le salon. Je trouve ça abstrus et c'est clairement pas une vision que je partage. Très schématiquement, c'est dire en quelque sorte (?) que
The Hobbit de
Jackson ou
Transformers III de
Bay sont des films parfaitement adaptés pour une salle de cinéma. Donc quitte à les voir, autant passer par la case cinéma pour
en prendre plein la tête. À l'inverse, des films comme
Lovely Bones, toujours de
Jackson, ou
Pain and Gain de
Bay, seraient plus des films de salon. Donc des films où visuellement, techniquement et j'en passe, ce serait moins
jouissifs et ce quand bien même ce sont les mêmes réalisateurs. Seulement le genre éventuel ne s'y prête pas. Je le redis, c'est schématique mais mine de rien, ça me fait un peu flipper parce que c'est en partie ce qui contribue à tuer les films du milieu - au sens anglo-saxon, non français. C'est pas un jugement, attention, juste un regard posé sur une certaine façon de consommer les films de cinéma.
Pour étoffer un peu, au-delà du
film de merde.
En relisant une interview de
McTiernan, y a une phrase qui a fait
tilt. "
Le cinéma est une expérience de synthèse : il faut donner à quelqu'un l'impression d'être là à tel moment. Être là, ce n'est pas la même chose que voir." Outre le fait que ça me semble très juste, ça convient très bien à
Man of Steel. J'ai
vu, mais j'ai jamais été
là. Pour moi, le film ne me raconte pas une histoire mais me déroule
un programme. Un programme - programmé donc - à peine dissimulé sous les oripeaux d'une histoire loqueteuse. Parce qu'il n'y a aucune liberté, aucun interstice où jaillit la vie, le petit dérèglement aléatoire qui rend incertains l'avenir du ou des personnages. Le film est une construction imposée et mécanique révélant au grand jour
Superman aux terriens (c'est torché dès la vingtième minute avec le premier
flashback, mais répété encore et encore) et
Superman à
Kal-El lui-même. C'est d'autant plus voyant par le biais d'une narration fragmentée.
Et s'il est question de choix - genre révéler son identité, sauver la population et tout le tintouin - le script réussi l'exploit absolument
super-génial de s'auto-détruire. Par exemple,
Jor-Gladiator, scientifique
open-minded qui se la raconte face à
Zod façon "
non mais qui es-tu pour dire qu'untel doit faire ci ou ça ? Chacun est libre de devenir qui il veut et c'est mal de se placer au dessus des autres, blablabla" et qui, quelques minutes après, sort un putain de monologue style "
mon fils, tu es l'avenir et sur Terre tu seras un ouf, un dieu et tu guidera el populo. Et pis c'est tout!" Non mais sérieux... Je parle même pas de
Jonathan Kent et son discours à base de "
tu n'aurais pas dû intervenir, tu aurais dû laisser mourir machin et machin." C'est assez hard-core d'entendre une telle chose.
Après, on peut parler de tous les choix débiles qui servent à rien, sinon donner dans l'
image sensation sans intérêt qui débutent dès l'introduction sur Krypton. Ce sont les créatures sur la planète, la scène de vol de
Jor-El ou le combat génialement super-illisible en
Jor-El et
Zod. Sinon montrer qu'il y a du budget et donner un truc qui bouge au spectateur, où est l'intérêt ? Ah ouais, on sait pas quoi raconter avec des dialogues de toute façon perrav' donc on balance un plan d'ankylosaure (parce que c'est joli et qu'en plus il meugle), on met une scène de vol (parce que c'est naze de marcher en plus d'être chant à filmer... ah ouais et en plus on va tout convertir en 3D) et genre un p'tit combat (parce qu'il faut souligner que
Jor-El et
Zod ne sont pas d'accord et parce que quand tu sais pas quoi dire avec des mots, tu le dis avec tes poings !
Yeah !) Faire de
Clark un globe-trotter moustachu pour souligner que le personnage est carrément paumé - mais sombre et torturé d'une façon réaliste - c'est la même chose. C'est vachement pertinent et intéressant pour l'histoire de savoir qu'il va pêcher le thon en haute-mer ou qui fait du service dans un bar pourri du Minnesota.
On parlait il y a quelques mois des facilités et incohérences d'
Olivion qui paraissaient pour certains ruiner complètement le récit mais celles de
Man of Steel qui sont juste dix fois pires semblent ne poser aucun problème. Film de super-slip ou pas, c'est quand même bourré d'horreurs à tous les niveaux, outre les dialogues qui s'auto-flinguent à différents moments du film. Et puis je sais pas, mais
Superman, c'est pas un mec supposé tout faire pour protéger les êtres humains ? Parce que là, balancer des super-punchs dans des mecs qui traversent quinze bâtiments en faisant tout péter, ça a pas l'air de le chagriner plus que ça.
Et la réal... bah c'est pas glorieux. Je crois que je préférais le
Snyder à l'époque de
300. Entre des combats souvent illisibles - oui, oui, genre
Jor-El et
Zod, histoire de bien commencer), un découpage à la ramasse, de la super-shaky, des zooms à en faire une
OD et des gros plans à foison. D'ailleurs, ces foutus plans irrespirables où une gueule d'acteur qui cabotine sans rien véhiculer - coucou
Michael Shannon - bouffe constamment les trois quarts du cadre, faut croire que c'est une nouvelle norme super-classe.
Man of Steel, ça se la raconte à un point... Ça se veut super-sérieux (donc tout est gris et bleu), bourrin mais attention,
bourrin-intelligent-et-sophistiqué alors que ça l'est pas. C'est juste bourrin. Vive le
reboot tendance, réaliste et sombre avec des acteurs qui semblent déclamer du
Shakespeare. À la fin du film, y a une des plus belles scènes qui montre clairement le niveau général. Forcément, elle est à la toute fin parce que c'est bon, le spectateur a raqué et doit être, à ce moment là, complètement bourré et déconnecté de tout. T'as une meuf, attention, super-militaire et tout qui balance "
waaaah général, comment je le trouve trop canon Superman !"
Pokerface.