La pluie continuait de tomber. Elle avait commencé dès l'aube, recouvrant le champ de bataille d'un rideau opaque. Le soleil se couchait maintenant, et la pluie continuait de ruisseler le long de mon visage, se mêlant à mes larmes. J'était resté là longtemps, assis dans un ravin, laissant le sang couler de ce qui restait de mon bras droit. C'est impressionant la quantité de sang qui peut sortir d'un être humain avant qu'il meurt, me disait-je à moi même, je suis toujours vivant. Toujours vivant, oui, cela ne faisait aucun doute. Je sentai encore la douleur parcourir mon corps, remontant du bout de mes orteils au sommet de mon crâne, envahissant mon corps, me rongeant, me dévorant. Pourtant, je ne bougeai plus. Pourquoi bougerai-je ? Le pourrai-je même ? Je me perdais dans mes pensées, dans mes doutes. Que faisai-je ici ? Mais où donc était passé mon bras droit, ce fidèle compagnon qui m'avait accompagné toutes ces années ? Et mes coéquipiers, qu'étaient ils devenus ? Ah, oui. C'est vrai. Ils étaient morts, tués devant mes yeux l'un après l'autre sur le champ de bataille.
Soudain, un bruit. Le silence qui m'entourait, m'enfermait, m'opressait, est brisé. Quelqu'un s'approche de moi. J'entend une voix, mais je ne comprend rien. Que me veux tu ? Que fais tu ici ? Rentre chez toi, je vais mourir ici. Mais je ne peux plus parler, et je vois une silhouette qui s'active à mes cotés. Je crois entendre "Reste avec moi." mais je ne suis pas sur, pourquoi donc le monde vacille-t-il comme ça ? Mais arrête, arrête de parler, je ne te comprends pas, je ne te comprends pas, tu me casses les oreilles, tu me casses les oreilles, tu me casses les oreilles, tu me casses les oreilles
- Tu me casses les oreilles, tu me casses les oreilles, tu me casses les oreilles...
Tiens, j'ai parlé. La silhouette s'accélère, mais elle ne parle plus, mes tympans arrêtent leur tango infernal, mon cerveau se repose... finalement. Je ne pense plus, je ne vois plus, les ténebres m'engloutissent, m'avalant d'une traite dans leur monde de paix.
Et je me réveille, ouvrant les yeux dans un lit d'hopital. Mon esprit s'est un peu éclairci. Je jette un oeil sur mon côté droit. Un moignon. Mon bras est bel et bien parti.
Je me lève légèrement, prenant une position assise. La bataille est elle terminée ? Qui de nous ou de l'ennemi a remporté la victoire ? La pluie continue de tomber, je peux le savoir sans même regarder par la fenêtre, les gouttes se brisant bruyamment sur la vitre. Je me lève doucement et m'approche de la fenêtre. Je l'ouvre et me penche vers l'extérieur. Le vent me fouette le visage, l'eau me recouvre rapidement. J'observe ce qui se passe à l'extérieur. Je suis de retour au village, je peux reconnaitre la maison du kage dont le toit dépasse tout les autres. De retour chez moi... Ou est-ce encore chez moi, pourquoi me sens-je donc aussi étranger à ce village ? Mes amis sont morts. Tous. Mon bras est parti. Que puis-je faire ? Je prend de l'élan et me lance dans un long saut vers le toit en face. Je l'atteint facilement et m'assied à nouveau. Je lève les yeux au ciel et reste là, immobile. Plus d'une heure passe où j'observe le ciel tout en laissant la pluie m'écraser sous son poid.
Mais pourquoi suis-je encore là? Je n'ai rien à faire ici ! Une vague de panique m'envahit. Si je reste, ils vont me renvoyer là bas ! Non, non, je refuse, c'est impossible, je ne peux pas y retourner ! Je bondis, je cours. Vite, la sortie, il ne faut pas qu'ils me voient ! Je cours vite, le plus vite possible. Je perds l'équilibre, mais c'est pas grave, je continue. Il faut que je m'en aille, que je disparaisse, vite !
Enfin, la sortie. Je continue de courir et le village s'éloigne derrière moi. J'ai déserté, je suis libre. Je défait mon bandeau et le jette par terre. Des montagnes se déssinent au loin alors que je continue de courir. Des montagnes ? Des grottes ? Oui, des grottes. Je vais pouvoir me cacher, oui. J'avance plus vite, j'y suis presque. J'escalade la montagne, je m'écorche la main et les genoux, je saisis les rochers du bout de mon seul bras. Et finalement, je trouve une caverne. Oui, ma caverne. Je vais pouvoir vivre, maintenant, vivre ici, loin des autres. Les autres sont fous, fous, ils veulent me tuer. Je suis parti, ils me veulent. Ils veulent me renvoyer là-bas, à la boucherie. La boucherie, c'est ça, c'est une boucherie. Ils nous abattent comme des chiens. Ils nous ont envoyé là bas pour nous tuer, mais ne vous inquiétez pas, Makeru, Kigafureru, ils ne m'auront pas. Je survivrai pour vous deux. Voilà ma grotte. Elle est grande, sombre, elle s'enfonce profondément dans la montagne. Une voix résonne dans ma tête:
-Rentre, rentre ! Tu seras en sécurité, rentre dans la grotte.
Je rentre, et l'obscurité m'enveloppe. Les ténebres se forment autour de moi, me protégeant de leur corps, je les remercie. J'entend la voix encore une fois dans ma tête:
-Plus loin,
dit elle
-Vas plus loin, ils ne viendront pas te chercher plus loin.
Oui, c'est vrai, la voix a raison, je dois aller plus loin. J'avance. Encore et encore. La grotte est profonde, mais je ne m'arrête pas. La voix ne s'arrête pas.
-Plus loin, plus loin.
Je vais plus loin, plus loin. Et plus je m'enfonce, plus la peur se forme nettement en moi. La claustrophobie me monte à la gorge pour me la mordiller cruellement. Je veux m'arrêter, j'ai peur. Qu'y a t'il dans la grotte ? Pourquoi est elle aussi profonde ?
- POURQUOI ?
Je hurle. Ma voix rebondit contre les murs de la caverne et me revient. Elle me perce, me vrille les tympans, je jette ma seul main sur meon oreille. D'accord, d'accord j'arrête de parler, j'arrête de parler et je marche, je continue. J'avance à tatons, mes mains moites touchant le mur du bout des doigts. Ma respiration s'accélère, s'amplifie. Je n'en peux plus, je veux m'arrêter, je pleure. Mais la voix continue de me parler.
-Plus loin, plus loin.
Alors je continue. La voix devient triomphante. Je suis arrivé. Une grande salle, une porte. Une porte ?
-Oui, maintenant, ouvre la porte ! Ouvre la porte !
La voix me dit d'ouvrir. Je ne sais pas comment faire, je donne un coup de pied.
-Le sceau, retire le sceau.
Ma main trouve le parchemin accroché à la porte. Je tire. La porte s'ouvre. Un vent chaud me recouvre. C'est agréable, agréable, agréable, chaud, chaud, trop chaud. La chaleur augmente. Je brule, je brule. Ça brule dans ma tête mon esprit brule j'ai mal, mal, mal, mal...
Il fait froid. Très froid. Où suis-je ?
-Hum, Yuku. Tu t'appelles Yuku... Yuku, tu es à moi. Tu m'appartiens. J'ai pris possession de toi, tu vas me servir maintenant Yuku !
Je tremble. Je ne comprend pas. Mais j'ai mal. J'ai très mal. Je veux que la voix s'arrête.
-Arrête, arrête, arrête de parler. Je ferai ce que tu veux, mais arrête de parler.
-Oui Yuku, je vais arrêter, mais fais ce que je te dis Yuku. Fais ce que je te dis et j'arrêterai, d'accord Yuku ?
-Oui, oui, arrête, arrête.
-Bien Yuku. Sors maintenant. Sors de la grotte. On va trouver quelqu'un qui pourra me sortir de ton esprit.
-Si tu en sors, tu arrêteras de parler ?
-Oui Yuku.
-Mais dehors, ils vont me trouver, ils vont m'envoyer à l'abattoir ! Ils veulent me tuer !
-Je suis là Yuku, je te protège Yuku, maintenant sors Yuku, fais ce que je te dit Yuku !
-D'accord, d'accord je sors maintenant, je fait ce que tu dis, je fait ce que tu dis.
-Bien Yuku, je crois qu'on va bien s'entendre.
[Bon encore une autre fic, j'espère que je la finirai celle là
