Aizen, tu as dis énormément de choses
Si bien que j'ai la cruelle impression que mes propos ne seront qu'une simple répétition...
Tant pis
No Country For Old men marque le retour des
Coen sur le devant de la scène cinématographique. Après deux longs métrages cherchant vainement leur place dans l'œuvre
Coenniene,
No Country For Old Men, lui, se pose en figure maitresse; véritable clé de voute d'une filmographie atypique. Les frères livrent ici un film d'une grande noirceur, d'une beauté exceptionnelle et surtout, d'une complexité rare, laquelle résulte de la richesse débordante du métrage.
Film noir développant une vision métaphorique extrêmement sombre du devenir de l'humanité,
No Country For Old Men dénote une maturité nouvelle des
Coen, amère et désabusée. Véritable cosmogonie d'un Ouest moderne incontrôlable supplantant le précédent et anéantissant les codes qui le régissent, le long métrage des frères
Coen s'attache à dépeindre également l'évolution moral des comportements et les angoisses métaphysiques de l'espèce humaine. Le personnage porteur de ces thématiques est
le shérif Bell. Il est l'élément maintenant constamment en équilibre la structure du film. Personnage omniscient, il pose un regard d'une grande maturité sur l'évolution constante de cet Ouest dont il se sent de moins en moins familier. Les codes le régissant se perdent et les mentalité changent. Les actions de
Bell sont emblématiques de sa conduite morale. Fidèle à ses idées et conscient du retard le séparant de cette nouvelle ère complexe, il se résigne, indiquant donc la fin d'une époque. Il est le "
vieil homme" et c'est principalement à travers lui que notre regard se place.
Narrant la cavale implacable entre un cowboy possédant une mallette chargée de dollars, un tueur à gage n'obéissant qu'à son propre code moral et un shérif,
No Country For Old Men joue sur plusieurs registres et s'approprie à la fois les codes du Western et du polar. Film multiples brillamment orquestré et saupoudré d'un humour
Coennien corrosif,
No Country... nous interroge, tout comme
Fargo : "
Aurez-vous le courage d'en rire ?". Les personnages, eux, apparaissent comme des pions sur un vaste échiquier mobile et sont chacun à leur façon, porteur d'un message représentatif d'une évolution sociale spécifique. Froid et éprouvant, le métrage laisse pourtant transparaitre de fuguasses éclats d'humanité, malheureusement nullement salvateurs. Tueur à gage,
Chigurh, lui, se révèle être un personnage extrêmement complexe. Véritable allégorie réelle de la mort, il répand le chaos et infeste chaque lieu d'une peur nocive, contagieuse. Le final, déroutant, laisse une profonde empreinte dans l'esprit. Inflexible aux aléas de la vie, il continue sa propagation et symbolise l'incertitude des années à venir. Par le biais de cette spirale destructrice produisant de multiples dommages collatéraux, les frères
Coen mettent ainsi en lumière, comme je l'ai déjà dis, une vision profondément pessimiste de la nature humaine et de sa déliquescence, insistant sur la vacuité de l'homme.
La mise en scène, elle, opère un retour aux sources. Epurée, elle dénote cependant une puissance filmique rare avec des cadrages bruts, dénués de tout artifice. Une sècheresse formelle donc. Sècheresse qui, comme l'a dis Aizen, se propage elle aussi. Elle est visuelle et sonore. Les étendues désertiques, magnifiés par la photographie du chef opérateur
Roger Deakins, ne sont donc pas sans évoquer (puisqu'il est d'actualité),
Into The Wild de
Sean Penn, nottamment sur le plan du rapport étroit qu'entretient l'homme avec la nature. Une nature encore brute, hostile, dans laquelle l'homme n'a plus sa place. S'en détache donc un aspect relativement contemplatif des espaces, évoquant là encore des cinéastes comme
Malick pour qui les paysages, leur devenir et leur influence sur l'homme font parti intégrante de leurs filmographie. Dans le désert, le temps se dilate, les repères disparaissent et l'homme, lui, s'éteint.
Il y aurait encore énormément à dire concernant ce film et, comme l'a dit
Dahan dans son excellente (mais trop courte) critique, il faudrait au moins 2h30 pour pouvoir pleinement en parler.
Profondément nihiliste,
No Country For Old Men s'inscrit clairement dans la lignée des chefs d'œuvre du septième Art, tant la richesse filmique et thématique dont il fait preuve est impressionnante. Véritable œuvre d'art suffocante et éprouvante, il est l'exemple même que le cinéma est loin d'avoir tout dit et qu'il est encore possible de vivre de réelles expériences viscérales et psychologiques dans les salles obscures.
Aizen a écrit :Tout simplement, LE film à voir en ce début d'année et sans doute pour les années à venir.
Un chef d'oeuvre !!!
+10
C'est un chef d'œuvre, alors allez-y.