New chapitre! Pas le temps de faire un commentaire mais je vous souhaites une trés bonne lecture!
CH12 : L’appel de la chasse.
La chasse…
Depuis combien de temps n’avait-il pas eu l’occasion de chasser ? Un désir caché, refoulé mais qui réapparaissait à nouveau, rouge et flamboyant, embrasant son esprit, tendant ses muscles, hérissant sa fourrure.
Traquer. Avancer l’œil et l’odorat aux aguets, tendre l’oreille, sentir un frémissement de plaisir et d’excitation lui traverser la nuque quand une odeur douce, âcre, enivrante lui effleurerait les narines : l’odeur de la peur. Savoir la proie toute proche, si proche mais laisser durer le plaisir, lui laisser le temps de trembler, le temps d’espérer car sans l’espoir du salut, la traque n’est rien, à peine un vulgaire jeu de massacre. Puis, bondir.
Chasser. Courir après une proie terrifié, le vents sifflant à ses oreilles, le sol dansant sous ses pattes. Entendre ses halètements, ses cris, ses geignements, ses appels. Ne pas la rattraper tout de suite. Profiter pleinement du plaisir si rare de la course, de la montée du désir, retarder encore un peu la mise à mort qui n’en sera que plus délirante. Les proies savent très bien comment se finira la chasse, elles savent que le prédateur se révélera toujours plus rapide, plus fort, plus rusé qu’elles, elles savent qu’elles ne font que retarder l’échéance. Mais malgré tout, malgré la conscience de leur propre fin, les proies fuient toujours. Et cela pour le plus grand plaisir du prédateur, car que serait la chasse sans la fuite ?
Tuer. Déchirer à coups de crocs la nuque offerte, entendre s’élever les derniers hurlements, les derniers râles d’agonie. Sentir le sang chaud lui couler dans la gorge, prendre le temps de savourer ses premières lampées avant d’achever la proie, d’extirper de ses griffes la vie vacillante.
Dévorer. Le vrai prédateur ne chasse pas pour se nourrir, il chasse pour le plaisir mais c’est aussi un plaisir divin d’arracher à pleines dents la chair fraîche, vivante, gorgée de sang et d’adrénaline.
C’est dans l’ordre des choses, tout ce qu’il y a de plus naturel : le plus fort gagne, le plus faible périt.
Rien de plus naturel.
Si on leur demandait leur avis les proies ne seraient peut-être pas tout à fait d’accord, mais justement on ne le leur demande pas. La chasse n’appartient qu’au prédateur. Rien ne peut l’égaler, ni le simple carnage, ni même sentir une femelle féroce entre ses cuisses.
Et en ce moment même le désir de la chasse vibre dans chaque fibre de son corps, il en tremble presque. Il sent l’odeur des proies, elle l’entoure de toutes parts. Elles sont au nombre de trois, toutes proches, presque à le frôler et la tentation d’entamer la course le ronge, l’enfièvre. A l’odeur et sans même un regard, il peut savoir leur position, leur force et leurs sentiments.
C’est justement ce qui le trouble, le contrarie un peu : nulle trace de peur dans l’air, un peu de fatigue, de l’inquiétude, de la nervosité, mais pas vraiment de peur.
Il n’aime pas cela, ce n’est pas une réaction normale.
Les proies doivent ressentir de la terreur, le contraire est contre-nature, inquiétant.
Autre chose le trouble un peu : il n’est pas seul. Se promenant entre les proies, se détachant parmi elles comme un éclair rouge sur un ciel de nuages, se dresse un autre prédateur. Il peut sentir chez l’autre la même soif de sang qui le ronge lui-même, mieux contrôlée mais identique. Il se sent à la fois intrigué et méfiant. Dans son esprit le monde s’est toujours divisé en deux : d’un côté les proies, de l’autres les chasseurs, mais il n’a eu que rarement l’occasion d’être confronté à un autre chasseur de cette envergure.
Une main se pose sur son bras.
Il fait volte-face, crocs découverts dans un grondement féroce. Qui a osé… ? Une des proie a tendu la main vers lui, c’est la femelle. Ses griffes fendent l’air et se referment sur le poignet fragile, le serrant à le broyer.
Elle pousse un cri de douleur étouffé.
Mais pas de peur. Pourquoi n’a-t-elle pas peur ?
Elle dit quelque chose dont il ne saisit pas le sens :
- Naruto ! Mais qu’est ce que tu f… ?
Les yeux fixés sur la gorge délicate, sur la veine jugulaire qu’il peut voir se gonfler doucement charriant du bon sang chaud et épais, il n’entend rien. Il ne peut plus se contrôler, l’odeur affole ses sens, d’ailleurs pourquoi a-t-il tenté de se contrôler ? Il prend un peu de recul pour pouvoir attaquer plus commodément, se penche en avant…
Une gifle magistrale l’envoie tituber en arrière.
- NARUTO ! BAKA ! Qu’est ce qui te prend ?
Il bat des paupières, la regarde, la reconnaît.
- Sa… Sakura-chan…
- Quoi « Sakura-chan » ?! rugit-elle, tu as manqué de me tordre le bras !
Elle se tait brusquement et tend de nouveau la main dans un geste hésitant cette fois pour la poser sur son épaule.
- Naruto ? Ca ne va pas ? Tu est livide… il y a un problème ? Tes yeux, il y a un instant…
Il doit lutter pour ne pas se dérober, pour ne pas fuir cette étreinte. Pas par hostilité cette fois, mais parce que la terreur est apparue, le mordant au ventre, un terreur et une horreur épouvantables.
A quoi ai-je pensé… ? Ce n’était pas moi ! Cela ne pouvait être moi ! Comment ai-je pu envisagé de…
Elle a peur maintenant, peur pour lui.
Il se force à sourire, lève le bras et repousse gentiment mais fermement la main posée sur son épaule. Il espère de toutes ses forces qu’elle n’a pas senti ses doigts trembler.
- Ce n’est rien. Je vais bien. C’est juste que tu m’as fait peur, c’est vrai ! Depuis que la vieille cinglée t’a prise pour élève, j’ai toujours la trouille que tu me casses un bras à la moindre connerie ! C’est que tu deviens de plus en plus violente…
Il rit, d’un rire qui sonne grinçant et faux. Il n’a jamais été un bon dissimulateur.
Elle ne le croit pas, ouvre la bouche pour lui parler mais il ne la laisse pas continuer :
- Ca va, je t’assure. Ne… N’en parles pas à Kakashi-sensei. Ce n’est pas la peine qu’il s’inquiète pour moi. Ce n’est rien. Vraiment. Ca va passer.
- Qu’est…
- Promet ! Promet que tu ne lui diras rien.
Elle fronce les sourcils, elle est furieuse mais pour l’instant c’est bien le dernier de ses soucis.
- C’est bon, c’est promis, répond-elle pourtant. Mais tu dois me donner des explications.
- Plus tard. Plus tard, je t’en donnerai, mais s’il te plait, maintenant…
Et il l’a plantée là, sans ajouter un mot, pour ne pas qu’elle le voit trembler, pour ne pas qu’elle voit la peur dans ses yeux.
Car il a peur, atrocement peur. Un sentiment qu’il n’avait jamais connu jusqu’à là. Peur car pendant quelques minutes, le démon s’est réveillé en lui. Pire que cela : à penser à sa place. Pendant quelques minutes, Kyubi a contrôlé son corps et son esprit.
Jamais ce n’était arrivé. Jamais. Et la terreur le submerge, une terreur qui était restée cachée au fond de lui durant toutes ces années, depuis le jour où Mizuki lui a craché la vérité à la face.
Démon.
Mes amis… Je ne veux pas… Je ne veux pas vous faire de mal.
Mais Kyubi s’est éveillé et s’est mis à gronder tout au fond de lui, plus présent qu’il ne l’avait jamais été, depuis maintenant six jours, depuis le moment où des yeux gris et glacés se sont posés sur son dos dans le bureau de l’hokage.
* * * * * * * * * * * * * * *
Depuis sa toute petite enfance, depuis en fait qu’il avait compris que pour quelques obscures raisons les trois quarts de ses connaissances le considéraient comme un aimable crétin certes très sympathique mais d’une incompétence crasse, Hijo conservait une unique et sinistre certitude : cela ne pouvait aller que de pire en pire.
Il était fermement persuadé qu’un de ces jours, quelque puissant ninja poserait les yeux sur lui, se demanderait ce qu’un ahuri pareil pouvait bien faire dans les rangs de Konoha et le renverrait dédaigneusement jouer le garçon de ferme et cultiver des choux dans la maison familiale. Cette seule pensée le faisait frissonner. Personne ne méritait un sort pareil ! Et surtout pas un pauvre chuunin innocent, seulement coupable de s’être trouvé de garde un nuit glacial d’hiver quand un souriant étranger s’était présenté aux portes de Konoha.
S’il fallait être tout à fait franc, c’était peut-être un tout petit peu sa faute…
S’il n’avait pas accepté de se laisser distraire par Gemna et ses cartes, s’il avait été assez vif pour s’éclipser avant l’arrivée de la kage, s’il avait réagi un tout petit peu plus vite, s’il avait été capable de trouver une excuse moins pitoyable qu’un glapissant « Ce… Ce n’est pas du tout ce que vous croyez ! »… Il retint un gémissement : avec des « si », on mettrait Konoha en bouteille ! Avec des « si » Hinumara Hijo ne serait pas un misérable raté, forcé d’escorter un psychopathe en la compagnie du plus talentueux jounin du village, d’une jeune femme aussi autoritaire et violente que la kage elle-même et d’un démon sous forme humaine. Avec des « si », il serait, tant qu’on y était, l’hokage de Konoha, aurait son visage immortalisé dans la roche, un harem de jeunes filles à ses pieds et…
Il geignit à nouveau, mais pas trop fort tout de même. Aucune envie d’attirer l’attention : le bon côté de la médiocrité, c’est que la plupart du temps on n’exigeait pas grand-chose de vous. En temps normal en tout cas. Malheureusement, ces derniers jours avaient tout été sauf normaux et beaucoup trop de gens s’étaient intéressés de beaucoup trop prés à Hijo qui n’avait absolument rien demandé.
Tsunade avait de tout évidence complètement perdu la tête. En fait il se doutait depuis longtemps que la cinquième était une fêlée doublée d’un danger ambulant doté de tendances homicides, il en avait simplement acquis la certitude. Depuis six jours, six lamentables, épouvantables jours, il ne cessait de se poser et de se reposer la même question qui commençait à friser l’obsession :
Mais qu’est ce que je fais ici ?
Il ne s’était jamais senti aussi inutile. Le copy ninja, ainsi que leur client lui prêtaient tout deux à peu prés autant d’attention qu’à la boue qu’ils piétinaient. Ce qui lui convenait tout à fait. Qu’on le méprise pourvu qu’on lui foute la paix ! Il ne tenait absolument pas à attirer l’oeil noir et indéchiffrable du jounin sur sa pauvre personne, et encore moins le regard hilare et moqueur d’Ohira.
La seule à lui avoir accordé un peu d’attention et un minimum de gentillesse était la jeune chuunin, l’élève de la cinglée susmentionnée.
Luttant contre une déprime grandissante, il la chercha des yeux.
La main posée familièrement sur son épaule, elle parlait avec le démon.
Le démon…
Hijo détourna nerveusement les yeux. Encore une chose à laquelle il était incapable de s’adapter, comment les autres pouvaient-ils supporter avec tant de désinvolture la présence constante de ce garçon à moitié humain, à moitié…
monstre ? Hijo n’était pas quelqu’un de mauvais et il détestait penser du mal de qui que ce soit, mais il avait été là le jour maudit où Konoha avait presque été entièrement détruit. Il avait fêté ses sept ans, cette année là, il était rentré à l’académie des ninjas.
Et il avait vu se déchaîner l’enfer.
Les flammes plus hautes que des murailles, les hurlements dans les rues, les cris d’agonie, ses propres pleurs de bambin terrifié. Et trônant au dessus de ce carnage, une forme monstrueuse dégageant une puissance et une rage défiants l’imagination, neuf queues gigantesques brassant l’air brûlant et fauchant bâtiments et vies humaines. Et deux yeux rouges, monstrueux qui semblaient à eux seuls remplir le monde.
Il n’oublierait jamais. Nul à Konoha n’oublierait jamais.
Comment pouvait-on mettre en rapport ce jour cauchemardesque et l’adolescent blond et braillard qui égayait les rues de Konoha par ses rires et ses cris ? Il n’en savait rien, mais à chaque fois que ses yeux se posaient sur le jeune homme, le souvenir du regard rouge et bestial lui revenait en mémoire. Comment pouvait-on se montrer aussi familier avec un tel être ?
Le démon était toujours là. Et il serait à jamais présent.
Le jeune ninja venait de se dégager de l’étreinte de son amie et s’éloignait pressant le pas pour la distancer. Hijo s’approcha et esquissa un sourire nerveux en direction de la chuunin qui ne le remarqua pas.
- Hum… Sakura-san ?
Elle tourna la tête et lui rendit faiblement son sourire. Hijo aurait été le premier à reconnaître qu’il n’était pas quelqu’un de particulièrement observateur si tant de gens n’avaient pas été déjà prés à le reconnaître pour lui, mais même lui remarqua la tension naissante qui marquait les traits de la shinobi. Les yeux verts semblaient voilés par quelque sombre pensée et l’effort de la jeune fille pour paraître de bonne humeur se solda par un magnifique échec.
- Franchement Hijo-kun, murmura-t-elle en secouant la tête. Nous sommes partenaires.
- Euh… Oui ! Tout à fait, Sakura-s… chan ! Est-ce que… Vous n’avez pas l’air très bien, quelque chose vous dérange ?
Question idiote. Bien entendu qu’il y a un problème, bougre de crétin ! Tout le monde est d’une humeur de chien dans cette foutue mission. Et toi tu es incapable d’ouvrir la bouche sans sortir une stupidité .
Mais elle ne se moqua pas de sa question étourdie et haussa les épaules avec un soupir.
- Rien de grave, j’imagine. C’est juste… Juste qu’il m’inquiète un peu. Il est si froid, si renfermé, cela ne lui ressemble absolument pas. Et il y a une minute, il…
Elle s’interrompit. Il sourit, ou tenta de sourire avant de répondre sans trop réfléchir :
- Oh ! Vous ne devriez pas vous inquiéter ainsi pour lui.
Elle pivota vers lui, le regard soudain étréci.
- Je ne devrais pas ?
Hijo continua avec une inconscience joyeusement suicidaire et l’aveuglement le plus parfait :
- Au fond, il n’est pas tout à fait comme nous. C’est peut-être quelque chose de normal, un truc mensuel comme pour les bonnes femmes, ah… euh… Excusez-moi, ce n’est pas ce que je voulais dire. Enfin ce n’est pas vraiment important, hein ?
Un silence pesant lui répondit qui aurait du logiquement lui mettre la puce à l’oreille, mais Hijo appartenait à cette classe particulière d’individus qui, une fois engagés dans les sables mouvants, continuent à marcher droit devant eux jusqu’à que la boue leur soit arrivée jusqu’aux genoux…
- C’est vrai chacun sait qu’ils sont un peu instables !
Jusqu’au nombril…
- Pas qu’un peu même, hahaha.
Jusqu’au cou…
- Au fond, il n’a peut-être que ce qu’il mérite, ce n’est qu’un…
Le poing de Sakura entra violemment en contact avec son visage et il manqua de s’écrouler en arrière, les oreilles sonnantes. Une main le saisit au collet et la jeune femme se mit à lui hurler au visage :
- Qu’un orphelin, c’est ça ??? Un orphelin, un cancre dont personne n’a rien à faire ? Que tout le monde méprise car il n’a jamais eu droit à une vraie famille ! C’est ce que vous voulez dire ???
Sonné, il ouvrit machinalement la bouche pour souligner que ce n’était pas tout à fait un orphelin comme les autres, mais son cerveau rattrapa enfin ses paroles : elle ne savait pas, elle n’était pas censée savoir, ni pour le démon, ni pour son réceptacle. Comment avait-il pu oublié ?
Hijo baka ! BAKA ! Il resta donc la bouche béante et faillit se trancher la langue d’un coup de dent quand elle se mit à le secouer comme un prunier :
- Dire que je vous prenez pour quelqu’un de bien !!! Espèce de… de… de salopard ! Comment peut-on être aussi obtus ?!
- Je peux savoir à quoi vous jouez ?
Bras croisés, regard un peu lasse, le copy ninja les observait.
Sakura encore tremblante de fureur, tourna les yeux vers lui.
- Sensei ! C’est lui, il a parlé de Naruto d’une façon tellement… ignoble ! Comme s’il n’était pas un être humain, une sorte de bête de cirque…
- Aaaah… le jounin dévisagea tour à tour Hijo et la jeune fille mais son expression reflétait plus de fatigue et un peu de tristesse que de colère. Certaines personnes semblent incapables de se débarrasser de certains préjugés stupides. Je crains bien que ni toi, ni moi n’y puissions grand chose, Sakura.
Il déplia les bras et ajouta calmement :
- Ceci dit, étrangler un coéquipier est toujours contre-indiqué lors d’une mission en équipe. Les supérieurs apprécient rarement, ça fait désordre dans les rapports…
Le jounin fit mine de se retourner, se ravisa.
- Oh… Et lâche le gorge d’Hijo, tu veux ? Il commence à virer au violet, là.
Les doigts se décrispèrent enfin et Hijo recula en chancelant, les poumons au bord de l’explosion, rouge de gêne et de manque d’oxygène. Ils n’osait lever le regard vers aucun de ses deux partenaires.
- Alalala… Il semblerait que vous ayez un peu de mal à tenir vos coéquipiers, hein ? Hatake-san ?
Deux regards irrités, comprenant celui de Kakashi lui-même, pivotèrent dans le direction de Meiyamoto Ohira. Une lueur sombre, qui n’existait pas quelques secondes auparavant, s’était allumé dans l’œil de jounin. Depuis le début du voyage, Hijo avait à peine osé lever une ou deux fois le regard sur les deux hommes, mais il put sentir distinctement l’antipathie vibrer dans l’air. Kakashi ne se donnait même plus la peine de dissimuler sa mauvaise humeur.
- Tout se passe à merveille. Merci. Maintenant, si vous pouviez avoir l’obligeance de vous mêler de vos …
Il s’interrompit, écarquilla soudain son œil visible.
Ohira leva les yeux, sourit.
Un sifflement aigu retentit. Un éclair argenté à la limite du champ de vision d’Hijo.
Sakura laissa échapper un bruit étranglé.
Le copy ninja bondit en avant.
Qu’est …
Un kunai au poing.
ce que c’est…
Droit sur Ohira.
que ce…
Qui ne cessa pas de sourire.
BORDEL ?!!!
Le kunai s’immobilisa à quelques centimètres de la gorge de leur client, déviant au dernier moment l’arme destinée à la perforer. Le shuriken, jailli des fourrés, s’envola dans les airs, scintilla dans la lumière sous le regard ébahi du chuunin avant d’atterrir avec sur la neige vierge creusant un petit cratère sombre. La scène n’avait du durer qu’une ou deux secondes.
Hijo déglutit, détacha avec difficulté son regard de la petite tache sombre et du bout de métal à présent inoffensif. Ses partenaires avaient déjà réagis, encadrants de part et d’autre leur client, prêts à l’action.
Et voilà ! Encore une fois à la traîne, espèce de crétin, même dans un pareil moment tu n’arrives qu’à te ridiculiser…
Le démon Renard n’était visible nul part.
Absolument pas perturbé pour quelqu’un qu’on avait tenté d’assassiner quelques secondes auparavant, Meiyamoto lâcha un de ses petits rires et adressa un clin d’œil à la nuque de Kakashi, immobile devant lui.
- Hééé, Hatake-san, je vous avais bien que l’on finirait par nous attaquer.
* * * * * * * * * * * * *
Pour la première fois depuis qu’elle avait débuté sa carrière de ninja, Sakura éprouva un certain soulagement à l’arrivée du combat. Elle n’avait jamais pensé qu’attendre le début des hostilités pouvait être aussi éprouvant pour les nerfs : rien ne justifiait cette maudite mission ! Pas une seule agression, pas même une petite embuscade ! Ce voyage prenait des allures de farce, une farce étrangement amère et assez sordide. A croire que leur client se payait leur tête depuis le début, une hypothèse qui en fait ne paraissait pas invraisemblable.
L’humeur de ses coéquipiers reflétait à peu prés la sienne : Kakashi muet comme une tombe, ce
sale petit crétin d’Hijo et Naruto… Naruto devenu si étrangement silencieux, Naruto dont elle avait cru entendre trembler la voix alors qu’il s’adressait à elle d’un ton presque suppliant qui ne lui ressemblait pas, Naruto dont les yeux avaient brillé d’une lueur rouge quand il avait posé son regard sur elle. Des yeux rouges et fendus, à la manière de ceux d’un fauve. Elle aurait voulu croire à une illusion d’optique, un étrange reflet de lumière mais savait bien qu’il n’en était rien.
Il y avait quelque chose. Il y avait toujours eu quelque chose. Elle se demanda furtivement si Sasuke l’avait su, mais repoussa aussitôt cette pensée.
Trop douloureux… N’y penses pas… Vraiment pas le moment… Kakashi-sensei savait lui et elle arriverait bien à lui tirer les vers du nez, quitte à que ce soit à coups de menaces ou de diverses tortures physiques et morales. Elle saurait, mais plus tard. Quand cette fichue mission serait terminé. Quand les kunais et autres projectiles auraient cessé de fendre les airs.
Le jounin s’était précipité en direction des bois, après avoir lancé quelques ordres par-dessus son épaule. Obéissant ou trop ébahi pour agir, ce
minable enfoiré d’Hijo était resté planté sur place et elle s’était placée aux côtés de leur client.
Une suite d’explosions et des ninjas étaient apparus de toutes parts et sans une menace, sans un cri mais emplis d’une froide résolution s’étaient élancés à l’attaque.
Ils ne s’intéressaient pas le moins de monde aux ninjas de Konoha, ils se trouvaient entre eux et leur cible rien de plus. La cible en question arborait une expression de franche jubilation, comme si tout un groupe de assassins assoiffés de sang ne tentaient pas de l’écorcher vif.
Est-ce que ce type est complètement cinglé ? Il ne fit en tout cas pas le moindre mouvement pour fuir ou se défendre.
Il était temps de mettre en pratique la force fabuleuse qu’elle avait acquise durant ses années d’entraînement.
Les premiers agresseurs, croyant naïvement s’attaquer à une frêle débutante, eurent droit à une des plus belles surprises de leur vie. Des éclats de terre, de boue et de roche volèrent en tous sens, ainsi qu’une demi-douzaine de ninjas ahuris qui allèrent s’écraser au sol ou contre les arbres les plus proches.
Mais les autres n’eurent pas un moment d’hésitation devant cette première démonstration.
Ils attaquaient avec une obstination fanatique presque suicidaire, entièrement centrés sur leur but : atteindre par tous les moyens l’homme au kimono blanc et au large sourire, toujours planté derrière la chuunin, le dos droit, les bras croisés sur la poitrine, comme s’il invitait les agresseurs à venir tenter leur chance.
Sakura avait entendu quelques glapissements du côté de ce
misérable avorton apathique et geignard d’Hijo, mais n’y avait guère prêté d’attention. Qu’il s’arrange tout seul, il était censé être chuunin, non ?
Elle devait protéger leur client. Une certitude rassurante, dans certaines circonstances le devoir avait son bon côté.
La chuunin s’immobilisa devant Ohira, posa un genoux à terre et frappa le sol du poing, dosant son coup du mieux qu’elle le put. La terre se fendit avec un craquement sinistre, et les douze ou treize ninjas adverses encore debouts bondirent en arrière dans un tonnerre de jurons quand tout un pan de roche et de terre bascula, créant un mur de quatre à cinq mètres de haut entre elle et leurs assaillants. Elle sourit dans un petit moment d’autosatisfaction : un peu brutal certes, mais leur client serait à l’abri des projectiles.
C’était sans compter les intentions de ledit client.
- Restez ici, je me charge de…
Un bond, l’homme prit appui des deux mains sur le sommet du mur improvisé et se projeta avec une élégance désinvolte de l’autre côté, sans un regard pour la jeune fille pétrifiée.
Un silence.
Puis le premier hurlement s’éleva.
* * * * * * * * * * * * *
Tsss, tsss… Des amateurs…
Cela avait été sa première pensée quelques minutes après le début du combat.
Des amateurs.
Un second groupe d’assaut se dissimulait entres les arbres enneigés, prés à rejoindre leurs compagnons si le combat s’averrait trop difficile. Kakashi n’avait éprouvé aucune difficulté à les surprendre. Leur manque de discrétion frôlait le scandaleux pour des ninjas aguerris et il en aurait ricané s’il avait eu du temps à perdre à ce genre de puérilités. Ils parlaient fort, vite, juraient beaucoup.
Et ils puaient littéralement la peur.
Peur de qui ? Peur de quoi ? Une bande de brigands n’auraient pas montré un telle terreur, ni une telle haine… Ils étaient nombreux, mais mal entraînés, pour la plupart sous-alimentés, fatigués, voire déjà blessés, mais aucun n’avait fui, aucun n’avait reculé.
Quand le copy ninja s’était laissé tomber parmi eux, pareil à un tigre atterrissant au milieu d’un troupeau de moutons désorganisée et terrorisés, deux hommes gisaient déjà au sol l’un la gorge tranchée, l’autre le cœur transpercé. Morts tout deux. Il n’avait pas vraiment le temps de faire dans la dentelle, les agresseurs étaient bien trop nombreux et en vérité, ils ne lui laissaient guère le choix. Dominés par une rage et une haine aveugles, les assaillants le pressaient de tous côtés dans le chaos le plus total, manquant de s’éborgner eux-mêmes à coups de sabre dans leur hâte d’atteindre le jounin.
C’était facile, d’une facilité presque déconcertante.
Un jeu d’enfant.
Kakashi bondissait, virevoltait, tournoyait, dansait… Tuait.
Il sentait les os craquer sous ses pieds, le sang éclabousser ses mains et d’une certaine façon ce n’était pas… désagréable. Une idée dérangeante, un peu malsaine venue d’une partie de lui-même qu’il n’appréciait pas vraiment mais qu’il ne pouvait totalement renier pour autant. Il n’aimait pas tuer. Mais quel ninja, quel guerrier aurait pu nié en toute franchise qu’il n’y avait pas un certain
plaisir au combat, au sang versé, voire à certains moments au meurtre ? Non, il n’aimait vraiment pas cette part de lui-même qui avait une désagréable tendance à se réveiller quand il était sous pression.
Arraché de ses pensées par une brève douleur à l’avant-bras, il remarqua avec un peu de surprise que ses assaillants n’étaient plus que deux dont l’un assez agile pour lui avoir fait une assez jolie coupure au bras droit.
« WHAHAHA !!! Et ça se dit un génie ! Incapable de surveiller ses propres fesses ! Qu’est ce que tu ferais si je n’étais pas là, HEIN ? Je… »
Kakashi intima mentalement à Gai de la fermer, s’efforçant de ne pas paraître trop perturbé. Il ne tournait vraiment pas rond, ces temps-ci. D’un autre côté, la voix tonitruante de son « meilleur rival » avait eu comme effet positif de chasser de son esprit la petite pensée pernicieuse et dérangeante qui regrettait un peu que le combat ait duré si peu de temps.
Il jaugea plus froidement ses deux derniers adversaires. Ils s’élancèrent simultanément à l’attaque, l’un se jetant sur son flanc gauche, l’autre sur le droit.
Pas idiot… Le mouvement était bon, le timing acceptable, il ne leur manquait juste qu’un peu de rapidité.
Son pied rentra en contact avec la poitrine d’un des ninja, il sentit les côtes se broyer sous le choc alors que l’homme décollait du sol et s’écrasait sur le dos quelques mètres plus loin. Dans le même mouvement, il agrippa le poignet de l’assaillant de droite, le tordit, banda ses muscles. L’homme hurla quand son bras se cassa dans un bruit sec.
Une seconde plus tard, Kakashi était accroupi devant lui et lui appliquait une lame sur la gorge.
- Bon, assez plaisanté. Qui vous envoie ? Et quel était votre but ?
L’homme grogna de douleur mais leva un regard débordant de haine sur le visage du jounin :
- Personne ne nous envoie, espèce de foutu fils de pute ! gronda-t-il. Et nous voulons tuer cet enfoiré et tous les salopards qui l’aideront ! Il ne s’en tirera pas cette fois !
Le jounin battit des paupières, un doute désagréable s’infiltrant dans son esprit.
- Meiyamoto Ohira ? Que vous a-t-il fait pour que… ?
Un regard incrédule, puis l’autre laissa échapper un ricanement rauque :
- Quoi ? Vous ne savez même pas qui vous escortez ? Qui vous protégez ?
Kakashi le fixa en silence, attendant qu’il continue.
- Ce n’est pas seulement un bâtard d’assassin, marmonna l’homme, ce n’est même pas un homme, c’est un démon, un véritable démon. Et vous êtes tous foutus, si vous lui apportez votre aide parce que lui, il n’en a absolument rien à foutre. Il vous tuera dés qu’il n’aura plus besoin de vous. Vous ne savez pas ce qu’il a déjà fait ! Il s’est présenté un jour aux portes du villages et il…
Quelque chose frôla la joue du jounin, entaillant légèrement son masque.
Une gerbe de sang.
Une seule détente, à peine le temps d’un souffle et Meiyamoto fut projeté en arrière, percuté de plein fouet à la vitesse d’un boulet de canon. Il heurta violemment du dos le tronc d’un arbre, la poitrine écrasée par le bras gauche du copy ninja, l’autre bras lui appuyant un kunai sur la gorge. A quelques centimètres de son visage, l’œil noir et unique étincelait de fureur.
- Un peu excessive comme réaction, vous ne trouvez pas ? commenta-il calmement, haussant le sourcil. Je ne…
- Fermez la, Ohira. Pourquoi avez-vous tué cet homme ? Il était inoffensif !
- J’ai pensé qu’il s’apprêtait à vous attaquer. Vous êtes le chef d’équipe, cela aurait été plutôt embarrassant pour moi que vous mourriez maintenant. Je ne voulez que vous aid…
- Et arrêtez de vous foutre de moi, gronda le jounin.
La lame du kunai s’avança et un mince filet de sans coule le long de sa pointe aiguisée. Les yeux gris ne montraient qu’un amusement poli et un certain intérêt.
- Si j’étais vous, j’écarterais cette arme, Hatake-san. Vos supérieurs risquent de ne pas beaucoup apprécier que vous égorgiez un client. Cela ferait de la mauvaise publicité à Konoha.
- Vous jouez avec nous et je n’arrive pas à deviner à quel jeu mais je compte sur vous pour me renseigner, et maintenant !
- Aaaah… Cela, ça ne va pas être possible, répondit l’autre d’un ton faussement navré. Vous m’en voyez désolé.
La pression s’accentua et le filet de sang grossit sans amener de réaction notable.
- Nous n’irons nulle part, ni à Hashika, ni nulle part ailleurs, tant que je n’aurais pas eu d’explications.
Pour la première fois, Ohira fronça légèrement les sourcils.
- Mauvaise idée, Hatake-san. Je dois être à Hashika demain…
Le sourire railleur avait disparu.
Kakashi serra les dents.
- Vous auriez tort de me sous-estimer, Ohira.
Un silence puis Meiyamoto laissa échapper un ricanement étouffé :
- Vraiment ? J’apprécie le soucis que vous vous faites pour moi. En remerciement, veuillez également accepter un conseil…
Le jounin se raidit et sa gorge se dessécha, le regard soudain plongé dans deux yeux rouges dépourvus de pupilles.
- Vous auriez tort de vous
surestimer.
Son cœur se déchaîna, ses tripes se nouèrent et il dut lutter pour maîtriser un tremblement incontrôlable, absurde qui menaçait de l’envahir tout entier. La main, qui tenait le kunai rendu soudain glissant et traître par la sueur, eut un frémissement. Une chaleur brûlante semblait émaner par vagues de l’autre homme, s’il s’agissait réellement d’un homme… Il ne détourna pas le regard, se refusa à le faire, conscient de commettre peut-être une erreur mais persuadé que l’alternative serait pire.
« Mais reprend toi, imbécile ! C’est toi qui tiens le kunai, cet enfoiré n’a même pas d’armes ! » mais même Gai s’époumonant à tue-tête ne put faire disparaître l’idée qui emplissait son esprit, le paralysant temporairement.
Il va me tuer.
Ohira leva soudain les yeux, avec un feulement étouffé mi-homme, mi-animal.
Kakashi en fit autant une demie seconde plus tard.
Six ninjas se laissèrent tomber des arbres les plus proches et atterrir en souplesse, se redressant d’un bond une fois touchés le sol, lançant à peine un regard aux cadavres entassés sur le sol.
Celui qui semblait les diriger carra les épaules et s’approcha de quelques pas, le visage dissimulé sous un masque de lièvre :
- Sixième unité des anbus de Konoha. Je peux savoir ce que vous êtes en train de faire, là ?
Kakashi tourna la tête, le regard de son vis-à-vis était redevenu gris, froid, parfaitement impassible.
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Et pensez à mettre des reviews pour une pauvre petite (auteuse? autrice?
) sans défense...